Les glaciers himalayens moins malades que prévu
Plusieurs centaines de millions de personnes de l’Asie méridionale dépendent des eaux douces stockées dans les glaciers de l‘Himalaya. Etablir scientifiquement comment ceux-ci vont se comporter face au réchauffement climatique s’avère primordial. Des chercheurs des universités de Genève (UNIGE) et Zurich (UNIZH) viennent de démontrer que la réduction des glaciers de l’Himalaya se fait moins rapidement que préalablement supposé. Ce motif éventuel de soulagement est pourtant assombri par la constatation du danger grandissant que représentent la formation et la rupture éventuelle de lacs périglaciaires.
Depuis la publication de certaines évaluations contestées du Groupement intergouvernemental des experts sur les changements climatiques (GIEC), les glaciers de l’Himalaya constituent plus que jamais un sujet d’inquiétude pour le public et les chercheurs. Les connaissances lacunaires dont on disposait jusqu’ici sur ces glaciers himalayens empêchaient toute affirmation à leurs propos. Pour remédier à cela, une équipe internationale de chercheurs sous la direction de l’UNIGE et de l’UNIZH vient de réaliser une importante compilation des connaissances dans ce domaine, laquelle fait l’objet d’une publication dans la dernière édition de la revue Science. Grâce à ce travail, les scientifiques démontrent que les scénarios de régression marquée des glaciers dans l’Himalaya, comme publié dans le dernier rapport du GIEC, étaient erronés et exagérés.
20% de moins
Une cartographie actuelle des glaciers de l’Himalaya et du Karakoram sur la base de photographies satellitaires prouve en effet que ceux-ci couvrent une surface globale d’environs 40800 km². Cette surface est vingt fois plus importante que celle des glaciers alpins, mais de 20% inférieure aux estimations données jusqu’ici. Le chercheur en charge de cette étude, Tobias Bolch de l’UNIZH attribue cet écart d’estimation aux différences entre les approches retenues par les études antérieures et celle dont il est question ici pour cartographier les masses glaciaires.
Dans le cadre de la présente étude, les chercheurs ont considéré toutes les données existantes concernant les changements de longueur, de surface et de volume de ces glaciers ainsi que des données sur les bilans de masse. Tandis que les séries de mesure pour les changements de longueurs remontent jusqu’à 1840 dans certains cas, les données sur les bilans de masse, qui donnent, elles, des indications précieuses sur l’évolution en temps réels des glaciers, restent rares. Les seules séries continues de mesures n’ont en effet pas plus de dix ans.
Les chercheurs helvétiques ont calculé des diminutions moyennes en longueur de glaciers de l’ordre de quinze à vingt mètres par an pour les dernières décennies et des réductions annuelles de superficie de l’ordre de 0,1% à 0,6%. En outre, le niveau de la surface des glaciers a baissé de 30 à 40 cm par an. «Les changements en longueur ainsi que les diminutions des superficies et des volumes correspondent à la moyenne globale», résume Markus Stoffel de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE. Une majorité des glaciers de l’Himalaya est en diminution, mais beaucoup moins rapidement que pronostiqué jusqu’à présent.»
Fin d’une alerte, début d’une autre
Pour les régions du nord-ouest de l’Himalaya et en particulier pour les montagnes du Karakorum, les chercheurs ont pu démontrer un comportement hétérogène des glaciers. Une grande partie de ces glaciers sont instables d’un point de vue dynamique et tendent donc à bouger rapidement, ce qui se produit largement indépendamment des conditions climatiques. Pendant la dernière décennie, une légère augmentation moyenne des volumes a pu être constatée. Sur la base des résultats obtenus, les chercheurs concluent que la diminution des glaciers n’aura pas de conséquences significatives sur les débits des grands fleuves comme l’Indus, le Gange ou encore le Brahmapoutre dans les décennies à venir.
Malgré cette relative bonne nouvelle, les auteurs de l’étude recommandent la prudence. En toute logique, et en fonction de l’évolution future du climat, la diminution attendue des glaciers finira par se traduire par une diminution du débit saisonnier des grands fleuves avec comme conséquence, l’assèchement de certaines vallées en fonction des saisons.
D’autre part, les lacs qui se forment invariablement lors du recul des glaciers et qui croissent très rapidement, représentent une menace à prendre très au sérieux pour la sécurité des populations locales. Les flux d’eau et de débris qui se créent lors de la rupture de lacs périglaciaires peuvent engendrer des catastrophes aux conséquences dramatiques pour les zones situées en aval des glaciers. Selon les chercheurs, il est impératif d’intensifier de manière immédiate la surveillance de ces lacs périglaciaires, des glaciers et du climat de l’Himalaya.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet européen «High Noon» et du projet de l’Agence spatiale européenne (ESA) «Glaciers_cci».
Contact
Markus Stoffel, tél. 079 340 39 89
20 avr. 2012