Des neurones qui baissent le son... Avec un certain «panache»
C’est par l’intermédiaire de nos cinq sens que nous percevons le monde qui nous entoure et que nous pouvons en construire une représentation interne. Les informations sensorielles qui nous parviennent sont constamment triées par notre cerveau, qui se charge d’y mettre de l’ordre. En effet, tous les stimuli sensoriels -sons, odeurs, images ou sensations- n’ont pas constamment la même importance: un processus de filtrage est essentiel pour que le cerveau ne retienne que les informations qui nous permettent d’appréhender notre environnement de manière cohérente. C’est dans ce champ que s’est déroulée une recherche, dont les résultats paraissent aujourd’hui dans la revue Nature Communications et qu’a menée à terme l’équipe d’Alan Carleton, à la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE). Les cellules à panache, des neurones d’un nouveau genre, font leur entrée sur la scène des sens.
Dans certaines maladies psychiques, dont la schizophrénie et les troubles bipolaires, la capacité du cerveau à filtrer les informations sensorielles est diminuée et le cerveau, sur-stimulé, ne parvient plus à bien distinguer ce qui importe. Les personnes qui souffrent de ces troubles n’interpréteraient pas correctement le monde qui les entoure et leurs troubles prennent des dimensions cognitives, sociales et comportementales plus ou moins graves. De là l’hypothèse qu’une transmission trop spontanée, c’est-à-dire sans filtrage préalable, des informations sensorielles mène à une surcharge délétère au bon fonctionnement du cerveau. Or, s’intéressant précisément au filtrage, des chercheurs du Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE sont parvenus à observer le phénomène dans le système olfactif des souris. Notons que si, chez l’homme, le système visuel est souvent considéré comme le sens le plus important, c’est l’odorat qui tient ce premier rôle chez le murin.
Suivre une odeur du nez au cerveau
Dans le système olfactif, les odeurs provoquent des chablons spécifiques d’activités électriques dans les neurones sensoriels se trouvant dans le nez. Ces activités électriques sont ensuite transmises au bulbe olfactif, premier centre cérébral de traitement des informations, avant d’être retransmises vers le cortex cérébral. En combinant différentes techniques génétiques et électrophysiologiques, les chercheurs ont pu identifier une nouvelle population de neurones dans le bulbe olfactif, à l’intérieur du cerveau des souris. Très peu nombreux (moins de 1% des neurones de la structure seulement) ces neurones, les «cellules à panache», sont situés à un endroit critique du bulbe olfactif et semblent avoir un rôle clé dans le processus de filtrage, si important pour notre équilibre mental. Les neuroscientifiques ont ensuite recouru à la lumière, pour activer les neurones et moduler leur activité électrique. Soumettant les souris à différentes odeurs afin d’étudier comment leur cerveau y répondait, ils ont découvert que, lorsque les cellules à panache sont activées, la transmission de l’information sensorielle est fortement inhibée, parce qu’un filtrage a lieu. Ce dernier peut se produire très en avant dans le parcours sensoriel -ici, au niveau du bulbe olfactif. Bien que les odeurs soient détectées de la même manière dans le nez, les informations électriques qu’elles génèrent sont filtrées par les cellules panaches sitôt effectuée leur transmission dans le bulbe olfactif.
Distinguer, trier: les cellules panaches veillent
Ces cellules ont donc le pouvoir de contrôler le transfert des informations olfactives entre les neurones sensoriels et le cortex. Elles permettraient également de discriminer des odeurs quand il s’en présente plusieurs. Ce mécanisme modulerait la perception des odeurs en augmentant le contraste entre deux stimuli pour distinguer, par exemple, l’odeur d’un prédateur dans l’odeur environnante. «Le cerveau agit un peu de la même manière que quelqu’un qui baisse le son du téléviseur quand retentit la sonnerie du téléphone», explique Alan Carleton, qui veut désormais poursuivre l’investigation en s
Contact: Alan Carleton, tél.: +41 22 379 54 26
6 mai 2014