2016

Bloquer la migration des cellules cancéreuses pour les détruire

Blocage de la protéine JAM-C
Bloquer la protéine JAM-C sur les lymphocytes empêche leur passage à travers la paroi des vaisseaux sanguins.

Le lymphome est un cancer qui affecte les lymphocytes, un type de globules blancs. Prenant naissance dans un organe lymphoïde (ganglion, rate, moelle osseuse), la maladie se propage par le sang pour infiltrer d’autres organes lymphoïdes, mais également d’autres tissus. Chaque année, la maladie se déclare chez près de 2000 personnes en Suisse et peut se montrer très agressive face à des traitements qui s’avèrent alors peu efficaces. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) offrent aujourd’hui un nouvel espoir: en utilisant un anticorps capable de neutraliser une protéine spécifique, ils sont parvenus à bloquer la migration de ces cellules néfastes et empêcher le développement de la maladie. Encore au stade expérimental, cette stratégie immunothérapeutique novatrice ouvre la voie à de nouveaux traitements contre le lymphome. Des résultats à lire dans le Journal of Leukocyte Biology.

Présents dans le sang, les lymphocytes sont des éléments essentiels du système immunitaire. A l’instar des autres cellules du corps, ils ne sont pas à l’abri d’une mutation cancérigène. Ils peuvent alors se multiplier anormalement, circuler dans le sang et envahir les organes du système lymphatique, formant ainsi une tumeur nommée lymphome.

Le passage des cellules cancéreuses hors des vaisseaux sanguins constitue l’une des étapes clés du développement de la maladie. En effet, c’est lorsqu’elles quittent la circulation sanguine pour se loger dans le système lymphatique que les cellules tumorales deviennent réellement dangereuses. « Comme elles ne peuvent pas survivre très longtemps dans le sang, ces cellules malignes doivent impérativement trouver refuge dans un milieu plus accueillant – les organes du système lymphatique – où elles pourront proliférer. C’est à ce talon d’Achille que nous avons décidé de nous attaquer; l’objectif étant de trouver le moyen de les piéger dans le sang pour bloquer leur action néfaste», explique Thomas Matthes, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et médecin aux HUG, qui a dirigé ces travaux en collaboration avec Beat Imhof, professeur à la Faculté de médecine l’UNIGE.

Empêcher la circulation des cellules malignes

La paroi des vaisseaux sanguins est couverte de cellules – les cellules endothéliales –, dont l’agencement serré empêche normalement les cellules sanguines de passer. Mais certains lymphocytes, ayant muté pour devenir cancéreux, sont équipés en surface d’un marqueur spécifique, la protéine JAM-C, également présent à la surface des cellules endothéliales. Comme un laissez-passer, la présence de cette protéine sur la surface des cellules tumorales facilite leur passage à travers la paroi des vaisseaux. Pour contrer l’action de JAM-C, les scientifiques genevois se sont basés sur le système immunitaire de l’organisme et ont développé un anticorps visant spécifiquement cette protéine. Baptisée «H225», cette molécule a la capacité de se fixer uniquement sur JAM-C. L’objectif des chercheurs? Bloquer le marqueur JAM-C et ainsi empêcher la cellule de traverser la paroi des vaisseaux sanguins.

Un anticorps à deux effets

L’anticorps H225 s’est révélé très efficace en diminuant de plus de moitié le passage des cellules cancéreuses dans le système lymphatique. « Mais ce n’est pas son seul effet, ajoute Thomas Matthes. H225 a aussi fortement limité la prolifération cellulaire, même après l’arrivée des lymphocytes tumoraux dans le système lymphatique. Nous avons ainsi observé, chez nos souris, la disparition de la quasi-totalité des cellules tumorales déjà installées dans les organes. »

Cette découverte s’inscrit dans la lignée des récents travaux dans le domaine de l’immunothérapie des cancers, qui consistent à concevoir des traitements en se basant sur le système immunitaire humain. En s’attaquant directement au marqueur JAM-C, l’équipe genevoise pose ainsi la première pierre d’une nouvelle stratégie thérapeutique contre le lymphome. Les recherches se poursuivent à présent dans le but de proposer aux patients, d’ici à quelques années, un traitement ayant fait la preuve de son efficacité.

Contact

Thomas Matthes, tél. 022 372 39 30

4 août 2016

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