Supraconductivité: après le scénario, la mise en scène
La supraconductivité à haute température critique (haute Tc) reste pour l’heure un mystère théorique. Si ce phénomène est observé expérimentalement, aucun scientifique n’est encore parvenu à expliquer son mécanisme. Dans les années 90, le Britannique Anthony Leggett a proposé un scénario reposant sur l’énergie de Coulomb. Aujourd’hui, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec Leggett et son équipe, se sont appliqués à mettre à l’épreuve ce scénario. Leurs résultats remettent en question la conjecture de Leggett, ouvrant ainsi de nouvelles pistes d’explication de la supraconductivité à haute Tc. Des résultats à lire dans la revue Physical Review X.
La supraconductivité est au cœur d’intensives recherches en physique, en raison notamment de ses remarquables caractéristiques électroniques, comme l’absence de résistance électrique. Ses propriétés font d’elle un élément indispensable pour les milieux hospitaliers, ainsi que pour le transport et le stockage d’énergie.
A la fin des années 90, le professeur Leggett de l’Université d’Illinois a présenté un scénario suggérant un mécanisme contrôlant la supraconductivité à haute Tc des cuprates, des matériaux à base de cuivre et d’oxygène. Dans son scénario, la transition du matériau dans l’état supraconducteur est une conséquence directe d’une diminution de cette partie de l’énergie de Coulomb qui est associée à de longues longueurs d’ondes et des fréquences « moyen infrarouge ». Il restait à vérifier expérimentalement cette hypothèse ; la spectroscopie optique se révèle être une technique adéquate pour sonder cette énergie.
L’équipe de Dirk van der Marel, professeur au Département de physique de la matière quantique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, s’est donc penchée sur la question et les nombreux défis y afférents. « Nous avons mis en place un dispositif expérimental et un protocole permettant de mesurer l’énergie de Coulomb. En variant la température et la fréquence de la lumière appliquée à plusieurs échantillons supraconducteurs, nous avons pu observer la manière subtile dont l’énergie de Coulomb est influencée par la supraconductivité », explique Dirk van der Marel.
L’importance du dopage chimique
En se basant sur des cuprates supraconducteurs, les physiciens de l’UNIGE ont observé qu’en fonction de leur dopage – soit le défaut (ou excès) d’électrons –, l’énergie de Coulomb diminue, mais que dans d’autres cas, celle-ci stagne, voire même augmente lors du passage à l’état supraconducteur. L’évolution en température de l’énergie de Coulomb se révèle liée au dopage de l’échantillon : « il existe un dopage critique en dessous duquel le comportement est contraire au scénario de Leggett », ajoute le physicien.
Si ces avancées expérimentales n’expliquent toujours pas la supraconductivité à haute Tc, elles permettent toutefois de progresser dans sa compréhension et d’adapter des théories déjà existantes ayant des fondements communs au scénario de Leggett. Elles permettront vraisemblablement d’étendre la mesure de l’énergie de Coulomb à d’autres matériaux supraconducteurs, à d’autres phénomènes comme le magnétisme, ainsi qu’à d’autres techniques, et donnent des pistes sur le type d’expériences à développer pour avancer dans la compréhension de la supraconductivité et des autres phénomènes quantiques.
Contact: Dirk Van der Marel 022 379 62 34
16 août 2016