Un pansement moléculaire pour réparer l’ADN
Toutes les cellules sont confrontées aux dégâts occasionnés à leur ADN par leurs activités, qu’il s’agisse d’une cellule de la peau exposée aux rayons UV, d’une cellule immunitaire détruisant une bactérie ou d’une cellule nerveuse consommant du sucre. Si ces lésions ne sont pas – ou mal – réparées, elles peuvent être à l’origine d’un processus tumoral. C’est pourquoi un système de contrôle complexe a été mis en place au cours de l’évolution pour corriger ces anomalies. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et du Friedrich Miescher Institute (FMI) à Bâle ont découvert le rôle clé d’une protéine nommée Rif1 dans la protection, la stabilisation et la réparation de l’ADN endommagé. Cette étude, publiée dans la revue Nature Structural & Molecular Biology, met au jour une fonction de maintenance de l’ADN vraisemblablement présente chez tous les eucaryotes – les espèces dotées de cellules à noyau –, car la région de Rif1 qui permet de former une gaine protectrice autour des lésions d’ADN est similaire chez l’humain et la levure.
Afin de réparer les cassures que subissent chaque jour les brins d’ADN, les cellules ont mis au point un système de contrôle complexe. Il comprend notamment des protéines qui patrouillent, des molécules qui donnent l’alarme et des enzymes qui réparent les lésions. Le groupe de David Shore, professeur au Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE, s’intéresse de près à une protéine nommée Rif1, dont il a découvert plusieurs activités. «Rif1 participe à de nombreux processus, dont certains sont liés à la réplication de l’ADN et à sa réparation. Certaines activités de Rif1, cette protéine présente aussi bien chez l’homme que dans la levure, varient d’un type d’organisme à l’autre, tandis que d’autres restent semblables, et nous avons voulu comprendre pourquoi», explique le biologiste.
En collaboration avec les équipes de Nicolas Thomä et d’Ulrich Rass du FMI, les chercheurs ont examiné la structure moléculaire de Rif1. «Cette protéine possède des parties divergentes selon les espèces étudiées, ce qui peut expliquer la diversité de ses activités. Or, il existe également une partie commune dont la fonction était jusqu’alors inconnue», précise Stefano Mattarocci, co-premier auteur de l’étude et membre du groupe genevois.
Un module de réparation ubiquitaire
En étudiant la structure en 3D de cette région commune, les biologistes ont découvert qu’elle est indispensable à la protection, la consolidation et la remise en état de l’ADN détérioré. «Cette région de Rif1 se lie au niveau des brins endommagés, puis recrute d’autres protéines Rif1 qui s’assemblent entre elles pour former une gaine protectrice autour du segment fragilisé», indique Julia Reinert, co-première auteure et membre de l’équipe bâloise.
Ce pansement moléculaire favorise l’accès des enzymes réparateurs aux brins protégés, tout en bloquant le passage des enzymes chargés de sectionner les extrémités d’ADN lésé. Ces derniers, en effet, sont censés intervenir dans un processus différent de réparation de l’ADN devant être limité à des cas particuliers. Tous les eucaryotes, c’est-à-dire les organismes formés de cellules possédant un noyau, semblent bénéficier de la gaine formée par Rif1, car la région protectrice de cette protéine est similaire chez l’humain et la levure.
Cette étude contribue à mieux saisir les mécanismes qui préservent l’intégrité du génome. En effet, les cellules ayant accumulé beaucoup de lésions ou devenues incapables d’effectuer efficacement leurs réparations deviennent soit sénescentes, cancéreuses ou subissent une forme de suicide cellulaire.
Contact: David Shore +41 22 379 61 83
9 juin 2017