Beekee Box : Du réseau sans Internet ni électricité
Des chercheurs de l’UNIGE ont mis au point un boîtier permettant d’interagir sur une plateforme d’apprentissage sans Internet et sans dépendre du réseau électrique. Un atout indéniable pour la formation en contexte humanitaire comme pour la protection des données dans l’enseignement.
La Beekee Box, développée par les chercheurs en technologie de formation et apprentissage (TECFA) de la FPSE de l’UNIGE. © UNIGE
Comment transmettre des documents, regarder des vidéos pédagogiques ou collaborer dans des zones sans connexion Internet ni électricité ? C’est le défi relevé par des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), qui ont mis au point un boîtier, la Beekee Box, capable de générer un réseau sans-fil permettant d’accéder à une plateforme d’apprentissage sans utiliser Internet ni dépendre du réseau électrique. Toute personne peut alors se connecter au réseau sans-fil de la Beekee Box avec un smartphone, un ordinateur ou une tablette, et accéder à des contenus pédagogiques, échanger avec les autres utilisateurs ou encore prendre part à des évaluations. Ce boîtier permet aux formateurs d’emporter avec eux leur matériel pédagogique lorsqu’ils se déplacent en extérieur, à l’étranger, dans des camps de réfugiés ou encore dans des zones de guerre, et de l’utiliser comme plateforme d’apprentissage avec les apprenants sur place.
Les outils numériques sont massivement utilisés dans l’enseignement et permettent de valoriser les pédagogies actives, mais ils nécessitent une connexion à Internet. Des chercheurs en technologie de formation et apprentissage (TECFA) de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE ont donc mis au point la Beekee Box. Ce boîtier génère un réseau sans-fil local permettant à tout un chacun de s’y connecter et d’avoir accès aux informations contenues sur la plateforme qui y est hébergée. «C’est comme si l’utilisateur naviguait sur la plateforme pédagogique en étant sur le web, tout en ne dépendant ni d’Internet ni du réseau électrique, s’enthousiasme Vincent Widmer, chercheur à TECFA et concepteur de la Beekee Box. Toute personne connectée peut alors suivre des parcours de formations complets, effectuer des évaluations, interagir avec ses pairs en direct ou encore accéder à des documents.»
Un environnement sécurisé et contrôlé par l’enseignant
L’usage est simple: l’enseignant dépose dans la Beekee Box tout le matériel pédagogique dont il a besoin depuis son ordinateur, puis emporte le boîtier avec lui partout dans le monde. Les utilisateurs n’ont ensuite qu’à connecter leur appareil mobile au réseau local généré par la Beekee Box pour accéder à du contenu et en diffuser. «Ceci permet aux enseignants de restreindre les échanges des étudiants au seul réseau du boîtier, sans que les données ne soient diffusées sur Internet. Tout reste confidentiel et cloisonné à la Beekee Box, un atout indéniable dans la protection des données personnelles !», précise Stéphane Morand, ingénieur système à TECFA de la FPSE de l’UNIGE.
Un plus pour l’humanitaire
En zone de guerre ou dans les camps de réfugiés, l’accès à Internet est fortement compromis. La Beekee Box contourne ce problème en permettant aux apprenants d’accéder malgré tout aux contenus pédagogiques et à des formations complètes. Un test est actuellement en cours au camp de réfugiés de Kakuma au Kenya, dans le cadre d’une collaboration avec le projet de l’UNIGE InZone, qui développe et valide des solutions innovantes permettant aux réfugiés de suivre des cours universitaires et d’obtenir des crédits ECTS. «A Kakuma, InZone a installé une salle de formation contenant 12 ordinateurs, alors que le camp héberge environ 190’000 personnes, explique Sergio Estupiñan, chercheur à TECFA de la FPSE de l’UNIGE, qui s’est rendu au Kenya en février 2019. De plus, le camp est immense et les déplacements difficiles, voire dangereux. La majorité des réfugiés possèdent un smartphone et pourraient donc se servir de la Beekee Box pour suivre des formations à différents endroits du camp.»
Mais la Beekee Box ne se limite pas aux camps de réfugiés. Elle peut être utilisée dans d’autres contextes, notamment pour aider lors de situations de crises, comme l’épidémie d’Ebola au Congo par exemple. «Nous travaillons actuellement avec Médecins Sans Frontières, afin d’aider les médecins à dispenser des formations sur la gestion de la crise et à transmettre des guides médicaux récents, se réjouit Vincent Widmer. Notre objectif est de mettre à disposition nos compétences en pédagogie, en technologies et en recherche pour analyser le contexte et faire du sur-mesure.»
Constituée d’une coque en plastique résistante et recyclable, d’un micro-ordinateur et d’un module de batterie, la Beekee Box mesure 10 cm de haut et 6,5 cm de large. Elle peut contenir jusqu’à 256 Go de données pour une autonomie d’environ 3 heures, ou plus de 10 heures avec une batterie externe, rechargeable notamment grâce à l’énergie solaire. «Il faut prévoir environ 9h pour imprimer le boîtier avec nos imprimantes 3D et 20 minutes pour le montage, explique Julien Venni, chercheur à TECFA de la FPSE de l’UNIGE. En comptant la programmation, faite sur mesure en fonction des besoins des utilisateurs, une Beekee Box est prête en 10h environ pour un coût matériel avoisinant actuellement les 150 francs suisses.» L’équipe développe son propre logiciel et se base également sur des technologies Open source, telles que la MoodleBox du Fribourgeois Nicolas Martignoni, qu’elle modifie pour l’adapter à ses besoins. Chacun peut alors construire son boîtier et le programmer, ou avoir recours au service de l’équipe de la Beekee Box.