L’inactivité physique menace déjà les préadolescents
Des chercheurs de l’UNIGE démontrent que dès l’âge de neuf ans, les enfants perdent leur motivation à pratiquer des activités physiques lors des cours d’éducation physique à l’école.
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En vingt ans, les capacités cardio-respiratoires des enfants ont diminué de 25%, selon une étude de l’Université d’Adelaïde en Australie. En cause : l’environnement social, la perte d’espaces de jeux, une approche plus académique de l’enseignement de l’éducation physique ou encore le développement des technologies. Mais à partir de quel âge les enfants perdent-ils l’envie de se dépenser ? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont suivi pendant deux ans 1200 élèves genevois, âgés de 8 à 12 ans. Ils ont constaté que dès l’âge de 9 ans, les bonnes raisons de se dépenser – le plaisir lié à l’activité ou la santé – reculaient au profit de motivations plus néfastes : avoir une bonne note ou améliorer son image auprès des autres. Ces résultats, à lire dans la revue Psychology of Sport and Exercise, plaident pour une réflexion sur l’enseignement de l’éducation physique, afin de lutter contre l’inactivité physique et la sédentarité dès le plus jeune âge.
Notre société actuelle est marquée par une augmentation de la sédentarité et de l’inactivité physique, qui se traduit par un nombre croissant d’enfants en surpoids (16% des enfants entre 6 et 12 ans en Suisse). Dans une étude précédente, les chercheurs de l’UNIGE constataient que dès l’école, les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en terme de quantité de pratique n’étaient pas atteintes: les enfants devraient être actifs au moins 50% du temps consacré à l’éducation physique en école primaire, mais dans les faits, ils ne bougent en moyenne que 38% du temps. Et plus l’enfant grandit, plus ce pourcentage diminue. Mais pourquoi ?
Les bonnes motivations s’envolent-elles avec l’âge ?
Durant deux ans, les chercheurs de l’UNIGE ont suivi 1200 élèves genevois, âgés de 8 à 12 ans. Ceux-ci ont dû remplir chaque six mois un questionnaire mesurant leur quantité de motivation sur une échelle en 7 points, selon différentes régulations motivationnelles associées ou non à la pratique de l’activité elle-même : le plaisir, l’apprentissage, la santé, ou la note, la satisfaction d’autres personnes, l’intégration, l’évitement de la culpabilité ou de la honte, etc. «Pour la première fois, nos résultats démontrent une forte baisse des motivations positives pour l’activité physique (avec de bonnes qualités motivationnelles), comme le plaisir ou la santé, sur la période de l’école primaire et ce, dès l’âge de 9 ans, commente Julien Chanal, chercheur à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de l’UNIGE. Ce déclin n’avait jamais été constaté si jeune!» Au contraire, les motivations considérées comme néfastes (avec de mauvaises qualités motivationnelles), comme pratiquer l’activité pour avoir une bonne note ou pour renvoyer une image positive à ses camarades, augmentent avec les années. «Certes, les motivations néfastes font aussi que l’enfant pratique une activité physique, mais ces qualités motivationnelles ne valent qu’à court terme, ce qui est contre-productif pour le développement physique de l’enfant. En effet, on sait que les bonnes raisons de pratiquer jeunes font que les enfants restent des pratiquants à l’âge adulte», continue Julien Chanal. Mais comment lutter contre la baisse si précoce des bonnes motivations ?
Réformer l’enseignement pour augmenter l’activité physique
Puisque neuf ans est un âge charnière pour l’attractivité de l’éducation physique, il faut analyser l’enseignement dispensé dans les classes primaires, l’école obligatoire est en effet le seul lieu qui permette de toucher tous les enfants. «Ces dernières décennies, l’enseignement de cette discipline a beaucoup changé, rendant les périodes de cours plus académiques, avec l’apprentissage des règles, du fonctionnement moteur, de l’entre-aide, etc. Mais ceci a un coût direct pour l’enfant, en réduisant les temps de pratique effectifs en activité modéré à vigoureuse déjà rares en dehors de l’école», constate Julien Chanal.
Les chercheurs de l’UNIGE travaillent aujourd’hui avec la Haute école pédagogique du Canton de Vaud (HEP Vaud) sur l’enseignement de l’éducation physique dans les classes du primaire. L’objectif ? Développer l’autonomie et la coopération entre les élèves, et travailler sur le programme, la structure du cours et l’implication des enseignants afin de permettre aux élèves de conserver ou développer une bonne motivation envers l’éducation physique. «Maintenant que les enfants ne bougent plus autant qu’avant en-dehors de l’école, il est primordial que les périodes de cours dédiées à l’éducation physique valorisent au maximum le mouvement, appuie Julien Chanal. D’autant plus qu’encore une fois, nous sommes en-dessous des normes prescrites par l’OMS, qui conseille 150 minutes d’éducation physique par semaine, alors que les élèves genevois n’ont à disposition que 135 minutes, soit trois périodes de 45 minutes.» L’enseignement de l’éducation physique a donc un rôle important à jouer sur ce nouveau problème de santé globale, qui touche des enfants toujours plus jeunes.