Tumeurs neuroendocrines: choisir le meilleur traitement
Quel(s) traitement(s) pour quel patient? Des chercheurs des universités de Genève, Berne et Bâle et des HUG ont réalisé des comparaisons systématiques entre les thérapies disponibles contre les tumeurs neuroendocrines pour proposer à chaque patient la plus appropriée.
«Le dilemme quotidien en médecine». Onze thérapies sont disponibles pour une maladie donnée. Sur les 55 comparaisons directes possibles entre ces thérapies, seulement 11 ont été effectuées. Pour un patient spécifique, les traitements A et B apparaissent comme les plus appropriés, mais aucune comparaison directe entre ces deux traitements n’est disponible. Lequel choisir, A ou B? (Martin A. Walter , UNIGE)
Chaque année, de nouveaux médicaments anticancéreux sont mis sur le marché. Au cours du processus d’autorisation, ils sont habituellement comparés à un médicament établi, mais rarement à plusieurs. D’où le manque de points de comparaison entre les différentes thérapies qui rend, pour les médecins, le choix du meilleur traitement de plus en plus difficile. Pour y remédier, des chercheurs des universités de Genève (UNIGE), Bâle et Berne ainsi que des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et de l’Inselspital de Berne ont établi une comparaison étendue de tous les médicaments utilisés dans le traitement des tumeurs neuroendocrines. Leur étude, à découvrir dans le journal JAMA Oncology, vise à guider les médecins dans le processus de sélection entre toutes les options thérapeutiques disponibles.
Les tumeurs neuroendocrines peuvent se développer n’importe où dans le corps à partir des cellules produisant des hormones. Leur prévalence est en augmentation et des thérapies nouvelles font régulièrement leur apparition dans l’arsenal thérapeutique disponible. «Le développement constant de nouvelles thérapies constitue une chance, bien sûr. Cependant, le fait que peu d’études comparatives soient menées entre les différents médicaments engendre, pour les médecins, un dilemme lorsqu’il s’agit de trouver la meilleure option pour chaque patient», indique Martin A. Walter, professeur à la Faculté de médecine de l’UNIGE et médecin-chef du Service de médecine nucléaire et imagerie moléculaire des HUG, qui a lancé et coordonné cette étude. «De fait, il suffit d’établir la supériorité d’une nouvelle molécule par rapport à un seul médicament établi, ou même par rapport à un placebo, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché.»
«Dans une telle situation, une méta-analyse en réseau peut être précieuse pour générer des comparaisons indirectes entre des thérapies qui n’ont pas encore été comparées directement. Cette solution permet en outre d’utiliser toutes les données existantes pour identifier les thérapies les plus efficaces», ajoute le Dr Reto Kaderli, médecin-chef de chirurgie endocrinienne, Département de chirurgie viscérale, Hôpital universitaire de Berne et Université de Berne, et premier auteur de l’étude.
La recherche indépendante moins prise en compte
Les chercheurs suisses se sont associés à Cochrane, une organisation mondiale qui vise à faciliter la prise de décisions cliniques grâce à des revues systématiques des interventions sanitaires, et à des chercheurs de l’Université McMaster de Hamilton, au Canada, qui ont développé des méthodologies pointues d’analyse de la médecine fondée sur les preuves.
«L’un des résultats les plus frappants de notre étude concerne l’efficacité importante, et souvent mésestimée, des thérapies combinées. Nous avons aussi été très étonnés par le fait que ces thérapies ne sont que peu mentionnées dans les directives internationales», souligne le Dr Kaderli. De fait, les études combinant des médicaments produits par des compagnies pharmaceutiques différentes sont souvent menées par des chercheurs indépendants, dont les résultats sont moins pris en compte dans les recommandations de traitement que les études menées par l’industrie pharmaceutique.
Succès de la médecine nucléaire
«En tant que spécialiste de la médecine nucléaire, je me réjouis cependant des résultats prometteurs de nos traitements radioactifs», déclare le professeur Walter. Une étape qui reste encore à franchir pour les options chirurgicales, pour lesquelles les études randomisées contrôlées en combinaison avec les autres thérapies manquent encore. Et les auteurs de conclure: «Nos travaux marquent ainsi une étape importante dans la recherche de la meilleure option thérapeutique pour les patients atteints de tumeurs neuroendocrines, et mettent en lumière la nécessité d’une médecine basée sur les preuves, indépendante».
14 févr. 2019