2024

Comment nos cellules résistent à la pression physique

Des scientifiques de l’UNIGE ont découvert comment les cellules de levure détectent les contraintes physiques exercées sur les membranes qui les protègent.



Structure à trois hélices de l'eisosome, un microdomaine membranaire sensible à l'étirement de la levure de boulanger, résolue par cryo-microscopie électronique à haute résolution. © Jennifer Kefauver, Ambroise Desfosses, Luoming Zou, Robbie Loewith
 

Les membranes cellulaires jouent un rôle crucial dans le maintien de l’intégrité et de la fonctionnalité des cellules. Les mécanismes par lesquels elles assurent ces fonctions ne sont cependant pas tous compris. Des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Institut de biologie structurale de Grenoble (IBS) et l’Université de Fribourg (UNIFR), ont utilisé la cryomicroscopie électronique pour observer comment les lipides et les protéines de la membrane plasmique interagissent et réagissent aux stress mécaniques. Ces travaux montrent que, selon les conditions, des petites régions membranaires peuvent stabiliser différents lipides pour déclencher des réponses cellulaires spécifiques. Ces découvertes, publiées dans la revue Nature, confirment l’existence de domaines lipidiques bien organisés et commencent à révéler leur rôle dans la survie des cellules.


Les cellules sont entourées d’une membrane – la membrane plasmique – qui sert de barrière physique, mais doit être malléable.  Ces propriétés sont conférées par les éléments constitutifs des membranes - lipides et protéines - dont l’organisation moléculaire varie en fonction de l’environnement extérieur. Ce dynamisme est essentiel à la fonction de la membrane, mais il doit être finement ajusté pour que celle-ci ne devienne ni trop tendue ni trop souple. La façon dont les cellules perçoivent les changements dans les propriétés biophysiques de la membrane plasmique impliquerait des microrégions de la membrane - connues sous le nom de microdomaines - qui présentent un contenu et une organisation spécifiques en lipides et en protéines.


Cryomicroscopie électronique à haute résolution

L’équipe de Robbie Loewith, professeur ordinaire au Département de biologie moléculaire et cellulaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE, s’intéresse à la manière dont les composants de la membrane plasmique interagissent entre eux pour que les propriétés biophysiques de la membrane restent optimales pour la croissance et la survie des cellules.


«Jusqu’à présent, les techniques disponibles ne nous permettaient pas d’étudier les lipides dans leur environnement naturel à l’intérieur des membranes. Grâce au Dubochet Center for Imaging (DCI) des universités de Genève, Lausanne, Berne et de l’EPFL, nous avons pu relever ce défi en utilisant la cryomicroscopie électronique», explique Robbie Loewith. Cette technique permet de congeler des échantillons à -200°C pour piéger les membranes dans leur état natif, qui peuvent ensuite être
observées au microscope électronique.


C'est une réelle avancée pour comprendre le fonctionnement
de la membrane plasmique.


Les scientifiques ont utilisé la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisiae), un organisme modèle dans de nombreux laboratoires de recherche puisqu’elle est très simple à cultiver et à manipuler génétiquement. Qui plus est, la plupart de ses processus cellulaires fondamentaux sont similaires à ceux des organismes supérieurs. Cette étude s’est concentrée sur les eisosomes qui sont des microdomaines membranaires spécifiques organisés autour d’un réseau de protéines. Ces eisosomes seraient capables de séquestrer ou libérer des protéines et des lipides pour aider les cellules à résister aux dommages subis par la membrane et/ou les signaler, selon des processus jusqu’alors inconnus.


«Pour la première fois, nous avons réussi à purifier et observer des eisosomes contenant des lipides de la membrane plasmique dans leur état natif. C’est une réelle avancée pour mieux comprendre leur fonctionnement», explique Markku Hakala, post-doctorant au Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et co-auteur de l’étude.


Convertir un signal mécanique en un signal chimique

Grâce à la cryomicroscopie électronique, les scientifiques ont observé que l’organisation lipidique de ces microdomaines est modifiée en réponse à des stress mécaniques. «Nous avons découvert que lorsque le réseau de protéines de l’eisosome est étiré – par exemple sous l’effet d’une pression mécanique – l’arrangement complexe des lipides dans les microdomaines est modifié. Cette réorganisation des lipides permet probablement la libération de molécules de signalisation séquestrées pour déclencher des mécanismes d’adaptation au stress. Notre étude révèle un mécanisme moléculaire par lequel le stress mécanique peut être converti en signalisation biochimique via des interactions protéines-lipides avec une précision inédite», s’enthousiasme Jennifer Kefauver, post-doctorante au Département de biologie moléculaire et cellulaire et première auteure de l’étude.


Ces travaux ouvrent de nombreuses pistes pour étudier le rôle primordial de la compartimentation des membranes – c’est à dire du déplacement au sein des membranes de protéines et de lipides pour former des sous-compartiments, les microdomaines. Ce mécanisme permet en effet aux cellules de remplir des fonctions biochimiques spécialisées, en particulier l’activation des voies de communication cellulaire en réponse aux différents stress que les cellules peuvent subir.

24 juil. 2024

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