2024

Les cellules à insuline n’ont pas besoin de faire équipe

Îlots pancréatiques de souris adultes. À gauche, îlot composé de différents types de cellules endocrines. À droite, Îlot pancréatique composé uniquement de cellules bêta © Laboratoire Pedro Herrera – UNIGE

Notre équilibre glycémique repose sur la capacité des cellules bêta du pancréas à détecter le glucose et à sécréter de l’insuline afin de maintenir notre niveau de sucre à un taux adéquat. En cas de dysfonctionnement de ces cellules, l’équilibre se rompt et le diabète apparaît. Jusqu’à aujourd’hui, la communauté scientifique s’accordait sur le fait que les cellules bêta avaient besoin des autres cellules productrices d’hormones présentes dans le pancréas pour fonctionner correctement. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) démontre le contraire: chez des souris adultes dont le pancréas ne dispose que de cellules bêta, la régulation de la glycémie et la sensibilité à l’insuline sont même meilleures que chez des animaux standards. Ces résultats ouvrent d’importantes perspectives cliniques. Ils sont à lire dans la revue Nature Metabolism.

En 2010, l’équipe de Pedro Herrera, professeur au Département de médecine génétique et développement et au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, avait découvert l’étonnante capacité des cellules du pancréas à changer de fonction. En cas de mort prématurée des cellules bêta, les cellules endocrines habituellement chargées de produire d’autres hormones, comme le glucagon ou la somatostatine, peuvent se mettre à produire de l’insuline.


«Jusqu’à présent, on pensait que les cellules adultes différenciées d’un organisme ne pouvaient pas se régénérer et se réorienter fonctionnellement. Déclencher pharmacologiquement cette plasticité cellulaire pourrait ainsi être à la base d’une thérapie entièrement nouvelle contre le diabète. Mais que se passe-t-il si toutes les cellules du pancréas endocrine abandonnent leur fonction initiale pour produire de l’insuline? C’est ce que nous avons voulu savoir dans notre nouvelle étude», explique Pedro Herrera.


Les cellules non-bêta ne sont pas essentielles

Il était couramment admis que les cellules bêta ne pouvaient fonctionner correctement qu’en présence des autres cellules productrices d’hormones, les cellules alpha, delta et gamma, réunies en îlots dans le pancréas. «Pour le vérifier, nous avons utilisé des souris chez qui, arrivées à l’âge adulte, il est possible d’éliminer sélectivement toutes les cellules non-bêta du pancréas afin d’observer comment les cellules bêta parviennent à réguler la glycémie», détaille Marta Perez Frances, chercheuse dans le laboratoire de Pedro Herrera et première auteure de ces travaux. «Or, surprise, non seulement nos souris étaient tout à fait capables de gérer leur glycémie de manière efficace, mais elles étaient même en meilleure santé que les souris du groupe contrôle!»

 

Même nourries avec un régime très gras ou lors de tests de résistance à l’insuline, l’un des marqueurs principaux du diabète, ces souris présentaient une meilleure sensibilité à l’insuline dans tous les tissus cibles, et notamment le tissu adipeux. Pourquoi? «Il existe un processus d’adaptation lors duquel l’organisme recrute d’autres cellules hormonales hors du pancréas pour faire face à la brusque diminution de glucagon et des autres hormones du pancréas», note Pedro Herrera. «Mais cela montre bien que les cellules non-bêta des îlots du pancréas ne sont pas essentielles pour maintenir l’équilibre glycémique». Ces résultats sont surprenants et vont à l’encontre de la conception qui prédominait jusqu’à maintenant.


De nouvelles thérapies se profilent

Naturellement, environ 2% des cellules pancréatiques changent de métier en cas de carence en insuline. Tout le défi consiste à identifier une molécule capable de forcer et d’amplifier cette conversion. Une autre stratégie consiste aussi à différencier in vitro des cellules souches pour produire de nouvelles cellules bêta avant de les transplanter chez les personnes diabétiques. «Nos résultats apportent la preuve que les stratégies se concentrant sur les cellules à insuline pourraient réellement s’avérer payantes», se réjouit Pedro Herrera. «La suite de nos travaux va donc consister à établir le profil moléculaire et épigénétique des cellules non-bêta de personnes diabétiques et non diabétiques, dans l’espoir d’identifier les éléments qui pourraient permettre d’induire la conversion de ces cellules dans le contexte pathologique du diabète».

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