2024

L’hippocampe, chef d’orchestre cérébral de nos priorités quotidiennes

Une équipe de l’UNIGE et de l’Icahn School of Medicine montre comment une région spécifique de notre cerveau s’active pour hiérarchiser nos priorités.

 

Dans notre cerveau, l’hippocampe régit l’encodage, la consolidation et la récupération des informations vécues en intégrant leur contexte émotionnel, spatial et temporel. © Thomas Grand/Atelier XL


Comment notre cerveau fait-il le tri entre les objectifs urgents et ceux qui le sont moins? Des chercheuses et chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Icahn School of Medicine à New York ont exploré la façon dont notre cerveau mémorise et ajuste les buts que nous nous fixons au quotidien. Leur étude révèle des différences dans le traitement des objectifs immédiats ou lointains, au niveau comportemental mais aussi cérébral. Ces découvertes, décrites dans la revue Nature Communications, pourraient avoir des implications significatives pour la compréhension des troubles psychiatriques, notamment la dépression qui peut entraver la formulation d’objectifs clairs.


Tout au long de la journée, nous nous fixons des objectifs à atteindre: aller chercher les enfants à l’école dans une heure, préparer le repas dans trois heures, prendre rendez-vous chez le médecin dans cinq jours ou tondre la pelouse dans une semaine. Ces buts, urgents et moins urgents, sont sans cesse redéfinis en fonction des évènements qui surviennent au fil de la journée.


Des chercheuses et chercheurs de l’UNIGE et de l’Icahn School of Medicine au Mont Sinai Hospital à New York ont étudié comment le cerveau mémorise et actualise les objectifs à atteindre. Plus spécifiquement, comment celui-ci fait le tri entre les objectifs qui exigent ou non une attention immédiate. Leur étude se focalise sur une région particulière du cerveau, l’hippocampe, en raison de son rôle établi dans la mémoire épisodique. Celle-ci est chargée de l’encodage, de la consolidation et de la récupération d’informations personnellement vécues en intégrant leur contexte émotionnel, spatial et temporel.


Une mission imaginaire sur Mars, le temps d’une IRM

Les neuroscientifiques ont demandé à 31 personnes de se projeter dans une mission spatiale imaginaire de 4 ans sur Mars, nécessitant la réalisation d’une série d’objectifs cruciaux pour leur survie (prendre soin de leur casque spatial, faire de l’exercice, manger certains aliments, etc.). Les objectifs de la mission variaient selon le moment où ils devaient être atteints, avec des tâches différentes à réaliser pour chacune des quatre années du voyage.
 

"Les objectifs à atteindre immédiatement sont plus rapidement reconnus que ceux à réaliser dans un temps plus lointain."
 

À mesure que les participants et participantes progressaient dans la mission, les mêmes objectifs leur étaient présentés. Ils et elles devaient alors indiquer s’il s’agissait d’objectifs passés, présents ou futurs. Étant donné qu’ils et elles avançaient dans le temps, la pertinence de ces objectifs changeait: les objectifs initialement prévus pour le futur devenaient des besoins actuels, tandis que les besoins actuels devenaient des objectifs passés. Ainsi, les participantes et participants devaient gérer plusieurs objectifs selon leur distance dans le temps et mettre à jour leurs priorités au fur et à mesure de la progression de leur mission.


La priorité aux objectifs immédiats

L’équipe a observé les temps de réaction de chacune et chacun pour déterminer si la tâche était à réaliser dans le présent, le passé ou le futur. «Les objectifs à atteindre immédiatement sont plus rapidement reconnus que ceux à réaliser dans un temps plus lointain. Ce traitement différent de l’information stockée révèle la priorité accordée aux besoins actuels par rapport à ceux qui sont éloignés. Un délai supplémentaire est nécessaire pour voyager mentalement dans le temps afin de retrouver les objectifs passés et futurs», explique Alison Montagrin, maître assistante au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE, ancienne post-doctorante à l’Icahn School of Medicine, et première auteure de l’étude.


Les scientifiques ont par ailleurs cherché à savoir si des différences se manifestaient également au niveau cérébral. Des images obtenues grâces à une IRM à très haute résolution ont permis de révéler que, lors de la récupération d’informations concernant des objectifs à atteindre dans le présent, l’hippocampe est activé dans sa région postérieure. En revanche, lors de la remémoration d’objectifs passés ou à atteindre dans le futur, la région antérieure est activée.

 

Ces résultats pourraient ouvrir une voie thérapeutique pour les personnes souffrant de dépression, qui présentent
des difficultés à former des objectifs.

 

«Ces résultats sont particulièrement intéressants puisque des études précédentes ont montré que lorsque l’on fait appel à notre mémoire épisodique ou à notre mémoire spatiale, la région antérieure de l’hippocampe est impliquée dans la récupération d’informations d’ordre général alors que la partie postérieure gère les détails. Il sera donc intéressant d’explorer si – contrairement aux objectifs immédiats – la projection dans le futur ou le rappel d’un objectif passé ne nécessitent pas de disposer de détails spécifiques, mais qu’une représentation générale suffit», conclut la chercheuse.


Cette recherche montre que l’échelle du temps joue un rôle crucial dans la façon dont les gens se fixent des objectifs personnels. Cela pourrait avoir des implications importantes pour la compréhension des troubles psychiatriques, tels que la dépression. En effet, les personnes qui en souffrent peuvent présenter des difficultés à former des objectifs spécifiques et envisager davantage d’obstacles pour les atteindre. Investiguer si ces personnes perçoivent différemment la distance pour atteindre leurs objectifs – ce qui pourrait les rendre pessimistes sur leurs chances de réussite – pourrait ouvrir une voie thérapeutique.

24 juin 2024

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