2025

Les éruptions explosives de ce volcan déjouent les pronostics

En Italie, le Colli Albani a connu des éruptions majeures, il y a des milliers d’années, que les modèles actuels ne prévoyaient pas. Grâce à l’imagerie 3D, une équipe de l’UNIGE explique ce phénomène et ouvre la voie à une meilleure prévention des risques.

Le Colli Albani, situé sous ce lac à 20km de Rome, a connu des éruptions majeures. La dernière il y a 355 000 ans. © Alessandro Musu

Plus de 800 millions de personnes vivent près d’un volcan actif. Certains d’entre eux défient encore les modèles existants, rendant impossible de prévoir leur éruption à 100%. C’est le cas du Colli Albani en Italie, qui a produit des explosions majeures dans le passé, bien que son magma soit normalement associé à de légères éruptions effusives. Une équipe internationale pilotée par l’Université de Genève (UNIGE) lève le voile sur ce mystère, grâce à une approche novatrice d’analyse de cristaux contenant des traces de la dernière éruption. Publiée dans le Journal of Petrology, cette étude ouvre la voie à de nouvelles méthodes d’analyse en volcanologie et renforce la prévention des risques.

Surveiller les volcans pour anticiper leurs effets potentiellement dévastateurs exige une compréhension fine des signaux précurseurs d’une éruption. Mais la tâche se complique lorsqu’un volcan défie les modèles prédictifs, comme le Colli Albani, situé à seulement 20 kilomètres de Rome. Sa composition magmatique devrait en théorie engendrer des éruptions de faible intensité. Ses éruptions passées démontrent cependant le contraire.

Cette approche est novatrice en volcanologie et en particulier pour l’étude des inclusions magmatiques.

Le magma contient des substances volatiles (principalement de l’eau et du dioxyde de carbone). À l’image d’une bouteille de soda que l’on ouvre, lorsque le magma remonte vers la surface, il libère ces substances. Plus le magma est visqueux, plus il est difficile pour ce gaz de s’échapper. Cette rétention entraîne une augmentation progressive de la pression qui conduit finalement à de violentes éruptions explosives. En théorie, le Colli Albani ne présente pas ce risque: son magma est peu visqueux. Pourtant, il a déjà produit de violentes éruptions explosives, dont la dernière, il y a 355 000 ans, a projeté jusqu’à 30 km³ de cendres brûlantes et de roches en fusion dans l’atmosphère.


Pour en savoir plus, une équipe de l’UNIGE a analysé des «inclusions magmatiques» emprisonnées dans les dépôts de magma de la dernière éruption. Ces minuscules gouttelettes d’un centième de millimètre, piégées dans des cristaux avant l’explosion, contiennent de précieux indices sur la chimie du magma, sa teneur en eau et en dioxyde de carbone – des éléments clés de son explosivité – ainsi que sur sa température et sa pression. Au total, 35 cristaux contenant 2 000 inclusions ont été étudiés.
 

Photomicrographie d’un cristal de clinopyroxène. Ce minéral s’est formé dans une chambre magmatique. Des inclusions magmatiques (en noir) sont présentes dans ces cristaux. © Corin Jorgenson


Une approche novatrice pour sonder le magma

Les scientifiques de l’UNIGE ont collaboré avec plusieurs institutions, dont le Deutsches Elektronen-Synchrotron (DESY), les universités Roma Tre et de Bristol, ainsi que le Helmholtz-Zentrum. En utilisant l’anneau accélérateur de particules PETRA III au DESY à Hambourg, l’équipe a pu obtenir des images 3D haute résolution d’inclusions magmatiques. PETRA III génère des rayons X intenses pour étudier la matière à l’échelle nanométrique dans diverses stations expérimentales, dont celle où l’expérience de l'UNIGE a eu lieu.


«Cette approche est novatrice en volcanologie et en particulier pour l’étude des inclusions magmatiques. Elle ouvre de nouvelles perspectives dans ce domaine», explique Corin Jorgenson, première auteure de l’étude et doctorante au Département des sciences de la Terre de la Faculté des sciences de l’UNIGE au moment de ces travaux, actuellement post-doctorante au Département d’ingénierie civile et environnementale de l’Université de Strathclyde en Écosse.


Précieux résultats pour la prévention des risques

L’une des principales découvertes a été la présence de nombreuses bulles d’eau et de dioxyde de carbone de grand volume à l’intérieur des inclusions. Cela indique que, lorsqu’elles ont été piégées, le réservoir du Colli Albani contenait déjà d’importantes quantités de gaz. «L’excès de gaz a rendu le magma semblable à une éponge, comprimée lorsque du magma supplémentaire s’est accumulé dans le réservoir, et se dilatant rapidement au début de l’éruption, deux ingrédients essentiels pour l’éruption inattendue et hautement explosive du Colli Albani», explique Luca Caricchi, professeur ordinaire de pétrologie et de volcanologie au Département des sciences de la Terre de la Faculté des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé la recherche.


Ces résultats éclairent le mécanisme des éruptions du Colli Albani et soulignent l’importance des techniques d’imagerie 3D de pointe en volcanologie. Cette approche, applicable à d’autres volcans, permettra de mieux comprendre le stockage du magma et son dégazage, tout en renforçant la prévention des risques. La classification des inclusions magmatiques en six types distincts, réalisée dans le cadre de l’étude, constituera également une référence précieuse pour de futures recherches.

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