De la vie dans le sable de Darwin - Une équipe de l'UNIGE montre que les microbes voyagent du Tchad à Genève par le vent
Une équipe conduite par le prof. William Broughton de l’Université de Genève (UNIGE) a mené l’enquête sur des poussières minérales collectées par Charles Darwin. Les chercheurs ont identifié leur provenance géographique, soit le désert tchadien, d’où vient aussi ce sable que le vent dépose régulièrement sur les balcons de la région lémanique. L’analyse génétique des micro-organismes qui s’y trouvaient encore a permis d’identifier des champignons et des bactéries d’une longévité et d’une résistance exceptionnelles. Les résultats de ces analyses paraissent ce jour dans le dernier numéro de la revue Environmental microbiology. Ils ouvrent à la recherche de nouvelles voies d’investigation quant à l’impact des micro-organismes voyageurs sur l’équilibre microbien de leur pays d’arrivée.
Aux enfants, on dit d’elles qu'elles entrent dans la recette des biscuits de Noël. Sous nos latitudes, on les découvre parfois sur le pare-brise des voitures. Venues d’on ne sait où, ces poignées de sable intriguaient les scientifiques depuis longtemps. Mais ils ne disposaient ni d’une quantité suffisante ni d’un ensemble cohérent pour une étude approfondie.
Or, Darwin, comme d’autres naturalistes du XIXe siècle, préleva de ces poussières exotiques. Elles furent collectées par le professeur Ehrenberg, savant allemand pionnier de l’aérobiologie, qui en prit grand soin. Connus sous le nom de «collection Ehrenberg», ces échantillons viennent d’être mis à la disposition des microbiologistes de l’UNIGE.
Du rififi dans les sablés
Contre toute attente, du vivant a été repéré sur les grains de sable du temps de Darwin. Pour savoir s’il témoignait de contaminations survenues au fil de l’histoire, très mouvementée, de la collection, il était nécessaire d’opérer la distinction entre les «anciens et les modernes». Les chercheurs ont donc comparé les poussières aux particules en suspension dans l’air actuel du Deutsches historisches Museum de Berlin, où elles se trouvent aujourd’hui. Après avoir fait la part des choses, ils sont parvenus à définir l’origine géographique des particules minérales, qui proviennent de la dépression tchadienne de Bodélé. Tout comme… leurs hôtes.
Le microbe, une valeur sûre
Exactement comme celles qui saupoudrent de temps à autre le bord des fenêtres au nord des Alpes, les poussières de Darwin furent des voyageuses au long cours. Soufflées par les courants aériens, elles ont franchi les barrières montagneuses et traversé les océans. Dans leur périple, elles ont véhiculé des bactéries et des champignons très résistants, que les équipes de biologistes ont identifiés génétiquement. Ininterrompu depuis le XIXe siècle, le phénomène suscite la question de l’influence des micro-organismes pérégrins sur l’équilibre des milieux où ils atterrissent.
Pourtant, en dépit de l’industrialisation massive et de l’intensification des moyens de transport humains, l’équilibre microbien des pays observés ne témoigne d’aucune perturbation depuis un siècle et demi.
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William J. Broughton au 022 379 31 08