Policy Brief

Policy Brief août 2024

Vers une nouvelle épidémie de Mpox dans le monde, donc sur le Grand Genève ? Contribution pour une coopération transfrontalière en matière de santé


L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché, mercredi 14 août 2024, son plus haut degré d'alerte face à l’épidémie de Mpox (variole du singe), en cours sur le continent africain, et le risque d’extension de ce nouveau variant dans le monde. En Europe, la Suède a depuis signalé le premier cas lié à ce variant.

À la suite de la précédente épidémie de Mpox qui s’est développée à l’échelle mondiale en 2022, dont en France et en Suisse, l’Observatoire transfrontalier des inégalités sociales de santé avait élaboré un retour d’expérience afin de tirer des leçons de la gestion de cette crise sanitaire à l’échelle transfrontalière.

Une nouvelle épidémie étant à craindre, les membres de l’Observatoire souhaitent rappeler, par la présente communication, les conclusions de ses travaux qui peuvent être autant d’éléments à prendre en considération à l’occasion d’une nouvelle gestion de crise afin de réduire les inégalités qui peuvent apparaitre ou être générées lors d’un tel événement. La capacité à coordonner les réponses à l’échelle transfrontalière est ainsi un critère de la gestion de crise.

 

Les conclusions du retour d’expérience de la crise de 2022

  1. Tout d’abord, les restrictions dans l’accès à la vaccination par l’instauration d’une logique de tri entre personnes résidant en France et en Suisse n’empêchent pas les stratégies de contournement pour obtenir la vaccination. La logique de tri ne fait que renforcer les inégalités sociales et impacte les personnes les plus vulnérables qui ne bénéficient pas des mêmes ressources que celles qui en ont le plus (au niveau économique, relationnel, mobilité, etc.).
  2. La pratique de tri entre personnes résidant en France et en Suisse, lorsqu’une prestation est inconditionnelle ailleurs que sur le territoire transfrontalier, constitue pour les acteur-trices de terrain des injonctions contradictoires : une incitation « nationale » à agir de manière inconditionnelle selon les groupes cibles (informer, prévenir, vacciner, prendre en charge) et une injonction à ne pas entrer en matière localement auprès de ces mêmes groupes (trier selon le lieu de résidence).
  3. Pour les acteur-trices de terrain, il apparait nécessaire de pouvoir se référer à des recommandations de prise en charge convergentes entre la France et la Suisse (par exemple en matière d’indication de vaccination selon les groupes cibles) au risque sinon de créer des disparités de prises en charge sur le bassin de vie transfrontalier avec comme corollaire la production d’inégalités d’accès et l’externalisation de fait des soins, autrement dit l’incitation à la mobilité transfrontalière pour accéder à l’offre de santé en question.
  4. Nous rappelons également que des propositions innovantes en matière d’organisation des soins, comme la constitution de ressources humaines transfrontalières, peuvent apporter des réponses lorsque la tension en matière de démographie en santé et de mobilité des personnels soignants produit un système inégalitaire dans l’accès à la santé sur le bassin transfrontalier.
  5. Enfin, la production de données communes à cette échelle transfrontalière apparait nécessaire afin d’apprécier tant la situation épidémiologique (évolution des cas) que le suivi des actions mises en œuvre (par exemple le taux de couverture vaccinale de la population grand genevoise).

 

Recommandations

  1. L’instauration d’une logique de tri entre personnes résidant en France ou en Suisse dans l’accès à une prise en charge serait à proscrire car elle produit et renforce un accès inégal à la santé qui impacte prioritairement les personnes les plus vulnérables, et génère une situation intenable pour les acteurs-trices de terrain.

  2. La coopération transfrontalière en matière de gestion de crise sanitaire devrait intégrer :
  • une réflexion permanente sur la lutte conjointe contre l’épidémie en question et les inégalités sociales de santé sur l’ensemble du territoire transfrontalier,
  • un dialogue visant à harmoniser les recommandations de prise en charge,
  • l’élaboration d’un plan de ressources humaines partagées pour lutter contre les inégalités territoriales de santé,
  • la production de données épidémiologiques communes pour le territoire transfrontalier.