Nouvelles Solidarités Alimentaires
Dre Lucia Bordone, Prof. Nicolas Duvoux
L’aide alimentaire fait l’objet de critiques et de propositions d’action publique très nourries depuis plusieurs années. Elle reste une réponse d’urgence face aux situations de dénuement et de non-droit, mais aussi un moyen d'ajuster les budgets des foyers les plus modestes. Ces raisons expliquent le recours croissant à l'aide alimentaire, marqué par l’enchaînement des crises (sanitaire, puis inflationniste). L’ampleur de ces crises a donné lieu à la mise à l’agenda d’un droit à l’alimentation, et Genève est devenu le premier canton Suisse à l'adopter, suite à une votation en 2023.
Malgré son rôle irremplaçable et la nécessité, au moins à moyen terme, de maintenir des systèmes de distribution, l’aide alimentaire pose des problèmes de manque d’efficience dans l’allocation des ressources mobilisées, de liberté de choix et de dignité pour les bénéficiaires. Des circuits de distribution complexes, placés en bout de chaîne de la grande distribution ont été progressivement élaborés et se sont structurés. Par ailleurs, initialement développés autour de la lutte contre le gaspillage, ils recourent de plus en plus à l’achat de denrées pour répondre aux besoins qu’ils rencontrent et pour assurer une offre homogène et de qualité suffisante. Néanmoins, ces systèmes de distribution ont l’avantage de pouvoir constituer une porte d’entrée vers l’accompagnement social et de donner accès à des interlocuteurs (associatifs) physiquement présents dans les lieux dédiés à la distribution. Comment faire en sorte que la refondation de l’aide alimentaire permette de penser les voies d’une véritable autonomisation des personnes en situation de vulnérabilité sociale ? Comment les fondations investissent-elles cette question et y trouvent-elles des moyens d’apporter dignité et respect des personnes et de leur capacité d’initiative et de choix ? Quelle circulation entre des exemples étrangers, notamment du Sud (Amérique du Sud, Afrique Australe[1]) et les initiatives et innovations sociales locales ?
La recherche conduite par Dre Lucia Bordone de la Haute Ecole en Travail Social (HETS) se consacre à l’étude des « Nouvelles Solidarités Alimentaires » par la mise en œuvre d’un dispositif d’étude participatif, pluridisciplinaire et comportant une expérimentation de « cartes » alimentaires offrant plus de souplesse et de liberté aux bénéficiaires, sur l’exemple du projet « Passerelle » développé par Action Contre la Faim à Montreuil en banlieue parisienne.
Le Centre en philanthropie de Genève contribue à la mise en œuvre de cette démarche dans le cadre d’un partenariat à plusieurs dimensions avec Dre Lucia Bordone : mise en œuvre d’une démarche évaluative rigoureuse et application d’un protocole mesuré scientifiquement ; réflexion sur le rôle d’orientation, d’initiative, d’expérimentation et de « droit à l’échec » des fondations philanthropiques[2] ; contribution à l’espace public et à la délibération civique par la mise sur pied et l’animation d’un Comité des parties rassemblant les acteurs académiques, associatifs et politiques concernés.
[1] Ferguson, J. (2021), Presence and social obligation. An Essay on the Share, Prickly Paradigm Press.
[2] Reich, R. (2018) Just Giving : Why Philanthropy is Failing Democracy and How It Can Do Better, Princeton University Press.