100ème anniversaire du Dies academicus -
Procès-Fictif : les enjeux au-delà du jeu
Afin de fêter l'événement dignement,
l'Université de Genève a décidé de célèbrer
le 100ème anniversaire de son Dies academicus sur deux jours, à
l'intérieur comme à l'extérieur de ses murs. En effet,
alors que la cérémonie du 4 juin verra la remise de onze
doctorats honoris causa à des personnalités marquantes comme
l'ancienne directrice de l'OMS Gro Harlem Brundtland et l'historien Jean-François
Bergier, l'alma mater propose le lendemain matin un procès-fictif
au Palais de justice. Elaboré en collaboration avec l'Ordre des
avocats et le Pouvoir judiciaire, cette manifestation publique ambitieuse
reconstitue une affaire judiciaire grandeur nature à partir du
cas inventé de Julien Nelson. Centré sur le thème
de " L'individu sous surveillance ", les objectifs de ce procès
sont d'intéresser le public à un débat de société
et de mettre les savoirs, expertises et compétences des institutions
partenaires en commun de façon à nourrir une réflexion
citoyenne sur ce thème. Enfin, pour clore les réjouissances
là où elles auront débuté, le procès-ficif
sera suivi l'après-midi d'une grande discussion à l'Université.
1904 - 2004 : 100 ans déjà !
Associer des noms - les docteurs honoris causa - aux faits marquants de
l'évolution des savoirs et des mentalités, tel est le principe
du Dies academicus de l'Université de Genève. Parmi les
noms qui ont marqué son histoire, citons Marie Curie, Albert Einstein,
Carl Vogt, Emile Jaques-Dalcroze, Woodrow Wilson, Carl-Gustav Jung, Charles-Edouard
Le Corbusier, Sadako Ogata ou encore Kofi Annan. Ainsi, le 4 juin prochain,
le monde politique et académique célébrera, à
l'auditoire Piaget d'Uni Dufour, le 100ème anniversaire du Dies
academicus. Les réjouissances débuteront par la présentation
d'un film retraçant l'histoire de l'Université à
l'aide d'images d'archives et de témoignages passés et contemporains.
Ponctuée d'intermèdes musicaux, dont une uvre de 1904
et une autre créée pour l'occasion, la cérémonie
verra onze doctorats honoris causa être remis à des personnalités
marquantes de la scène nationale et internationale.
Saluer l'imagination scientifique et la générosité
Ancienne directrice générale de l'Organisation mondiale
de la Santé (OMS), la Norvégienne Gro Harlem Brundtland
est la personne sous l'impulsion de laquelle, sécurité alimentaire,
croissance urbaine, biodiversité, équité, développement
soutenable et santé pour tous ont été à l'ordre
du jour de l'OMS et sont devenus des valeurs essentielles pour la gestion
de la planète.
Adonis, nom de plume de Ali Ahmad Saïd Esber est sans conteste le
plus grand poète arabe vivant. Il a mis son autorité au
service de prises de position courageuses en faveur de l'établissement
de relations pacifiques entre les pays arabes et Israël et contre
les dérives rétrogrades et violentes de certains mouvements
islamiques. Natan Zach est reconnu comme le poète le plus important
d'Israël et un des plus novateurs de la poésie du monde contemporain.
Il y a quelques années, Zach et Adonis ont fait l'objet de spéculations
concernant une double nomination au Prix Nobel de littérature,
vu qu'ils représentaient, par l'importance de leur oeuvre, leur
amitié et par leur position en faveur de la paix dans les territoires
d'Israël, un symbole d'un monde sans guerre et d'un humanisme militant.
Paolo Portoghesi mélange le talent de l'historien à celui
du critique et de l'architecte créateur. Ses uvres architectoniques
principales sont : la maison Baldi de 1959 ; l'Église de la Sainte
Famille à Salerne ; l'Académie des Beaux-Arts de L'Aquila
; etc. Son uvre la plus renommée est sans doute la mosquée
de Rome et son centre islamique.
La remise de Médaille de l'Université à l'historien
hors-pair qu'est Jean-François Bergier constitue évidemment
un témoignage de reconnaissance à l'égard de son
engagement personnel important dans la commission qui a pris son nom et
qui a abouti à une très importante clarification de l'histoire
de notre pays pendant la Seconde Guerre mondiale.
Enfin, le Prix Nessim Habif 2004 a été attribué au
CICR en tant qu'organisation, alors que le Prix Latsis 2004 est allé
à Patrick Roth pour sa thèse sur la " Représentation
multimodale d'images digitales dans des systèmes informatiques
multimédias pour utilisateurs non-voyants ". Un travail remarquable
qui démontre magnifiquement que les préoccupations sociales
et généreuses ne sont pas absentes chez les chercheurs de
l'Université de Genève et que ceux-ci savent mettre leurs
hautes compétences au service de la société.
Dans la continuité des festivités de la veille, l'Université
de Genève, l'Ordre des avocats et le Pouvoir judiciaire invitent
le public au Palais de justice pour assister, samedi matin, au procès-fictif
" une affaire de gènes qui gêne ". Le plaignant,
un certain Julien Nelson, 33 ans, marié et père de trois
enfants, a vu sa vie basculer suite à un test génétique
de dépistage du syndrome de Lynch, une forme rare du cancer du
côlon qui se transmet de manière héréditaire.
Le jeune homme a, en effet, fortuitement découvert que son père
biologique n'était pas celui qu'il croyait. En s'occupant de ce
patient, le Dr Charles, médecin de la famille Nelson, n'imaginait
pas qu'il agissait en détonateur d'un drame familial. Pas plus
qu'il ne pensait se retrouver sur le banc des accusés quelques
mois plus tard
Dans cette affaire, juges, partie civile, défense ainsi que tous
les intervenants habituels d'un procès seront représentés
par des professionnels de la justice. Les équipes de l'accusation
et de la défense sont composées d'étudiants, issus
principalement de la Faculté de droit, encadrés par des
avocats du Jeune barreau.
A vous de juger
Au-delà du procès qui permettra de comprendre le fonctionnement
de la justice, l'enjeu de cette affaire est de débattre à
travers un cas réaliste d'un thème de société
: " L'individu sous surveillance ". Aussi, l'enjeu du procès-fictif
se situe à la croisée entre protection de la sphère
privée et promotion de l'intérêt collectif. Le domaine
des analyses génétiques illustre de manière exemplaire
les contradictions de ces pôles antagonistes. Dans le cas de Julien,
les tensions naissent du fait que tout acte médical comporte nécessairement
des risques, comme ceux que les tests génétiques font peser
sur la sphère privée. Pour que ces dangers vaillent la peine
d'être courus, il faut que les bénéfices soient importants.
En écoutant les différents arguments de l'accusation et
de la défense, les citoyens pourront ainsi évaluer le poids
des risques et des gains, afin de définir ce qui acceptable et
ce qui ne l'est pas.
En outre, en suivant de près le cas " Julien Nelson ",
le public pourra se familiariser avec le domaine des tests génétiques.
A qui s'adressent-ils, dans quels buts, dans quel cadre juridique s'appliquent-ils,
quels espoirs mais aussi quelles craintes la recherche en génétique
suscitent-elle ? Telles sont les questions qui seront abordées
autour de cette " affaire de gènes qui gêne ".
Du débat principal, quantités de thèmes secondaires
vont également découler ; la paternité, la fidélité,
la famille, le secret, la démocratie, l'éthique, etc. L'argumentation
sera jalonnée de bornes incontournables, mais les participants
du procès auront la liberté d'emprunter quelques chemins
de traverse afin de donner un éclairage inattendu sur certaines
questions.
Enfin, le procès sera suivi d'un débat public, intitulé
" analyses génétiques : pourquoi, pour qui? ",
dès 14h30, à la salle U600 de l'Université de Genève.
Animé par Bertrand Kiefer, il permettra notamment au public de
poser ses questions à de personnalités comme le prof. Stylianos
Antonarakis, de la Faculté de médecine, Me Philippe Ducor,
avocat et médecin, ou le prof. Alex Mauron, bioéthicien
à la Faculté de médecine.
Un projet collectif et pluridisciplinaire
Initié par la Passerelle Science-Cité de l'Université
à l'occasion des 100 ans du Dies academicus, ce projet interdisciplinaire
est produit par plusieurs partenaires de la Cité de Calvin : les
Facultés de médecine et de droit de l'Université
de Genève, l'Ordre des avocats, le Pouvoir judiciaire, les HUGs,
le Centre de production audio-visuel du DIP, et Léman Bleu. Ainsi,
de par les compétences, les connaissances de pointe et les expertises
qu'elles pourvoient, les institutions partenaires contribuent au tissu
culturel et intellectuel du canton. Enfin, avec le procès-ficif
et les possibilités de débat informé qui en résultent,
l'Université de Genève montre qu'elle est en phase avec
les grands enjeux de son époque et que l'exploration du savoir
qu'elle mène assure une adaptabilité à notre environnement
en constante transformation.
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