Des chercheurs de l'Université de
Genève lèvent le secret du petit doigt
Pourquoi y a-t-il en anatomie un haut plutôt qu'un bas, un avant plutôt qu'un arrière, un antérieur plutôt qu'un postérieur? Et plus particulièrement pourquoi n'a-t-on pas un auriculaire à la place du pouce? Voilà le secret qu'ont réussi à élucider trois biologistes, Jozsef Zàkàny, Marie Kmita et Denis Duboule, du Département de zoologie et biologie animale de l'Université de Genève. Une recherche importante, menée dans le cadre du Pôle National de Recherche Frontiers in Genetics et publiée dans le prochain numéro de la revue Science. Voilà des années que ce laboratoire étudie les rapports qui existent entre l'anatomie des mammifères, les étapes de leur développement et les gènes qui commandent cette construction si fine. Il cherche notamment à comprendre comment les gènes procèdent pour ne pas mettre la charrue avant les bufs, pour que les éléments postérieurs ne soient pas développés avant les éléments antérieurs et nous éviter par exemple de naître avec un petit doigt à la place du pouce. La question n'est pas banale si l'on pense que le développement du pouce a donné à l'être humain et à ses ancêtres, l'extraordinaire capacité de saisir les objets et de manier des outils. La vie a commencé par la symétrie, c'était plus simple. Une cellule primordiale ronde, unique, se divisant de temps à autre, les générations suivantes faisant de même. Puis, la vie s'est complexifiée. D'unicellulaire, elle s'est faite pluricellulaire avant que certaines cellules ne commencent à se spécialiser. Aujourd'hui, les chercheurs en embryologie moléculaire et morphogenèse tentent de comprendre quelles stratégies la nature, au gré de l'évolution, a mis en place pour réussir à construire correctement des êtres entiers à partir d'un simple uf fécondé. Dans le prochain numéro de la prestigieuse revue Science (11 juin 2004), les trois chercheurs de la Faculté des sciences de l'Université de Genève et du PNR Frontiers in Genetics lèvent un coin du voile sur ce mystère. Parce que les souris sont extrêmement proches de l'homme en ce qui concerne le développement des doigts, celles-ci constituent un outil d'étude très puissant. Pour comprendre pourquoi nos mains ont un côté antérieur, le pouce, et un côté postérieur, l'auriculaire, et comment durant le développement de l'embryon, cette morphologie se met en place, l'équipe genevoise a élevé et croisé des centaines de souris pour sélectionner celles qui étaient atteintes de malformations à l'extrémité de leurs membres et ainsi pouvoir identifier et analyser les causes génétiques de ces erreurs.
Gènes architectes Cette dernière question était jusqu'ici restée sans réponse. Mais grâce à cette étude sur le développement des doigts, on sait maintenant que les gènes Hox donnent bien de tels ordres. Sonic Hedgehog est le gène responsable du développement de l'auriculaire. Parce que la logique de la mise en place anatomique l'exige, il doit s'exprimer en phase postérieure de notre main ou de la patte des souris. Les auteurs de l'article ont remarqué que deux mutations pourtant fort différentes aboutissaient à la même déformation : une main où le pouce est remplacé par l'auriculaire. Grâce à cet indice, ils ont réussi à mettre en lumière une partie de la cascade génétique qui montre la relation directe entre les gènes architectes et ce gène particulier. Mais ce n'est pas la seule découverte qu'ils ont faite. Les chercheurs genevois ont également mis en évidence l'existence d'une zone de régulation située en amont de l'endroit où se concentrent les gènes architectes, alors que jusqu'ici on ne connaît que celle qui se trouve en aval. Même si elle est faite d'ADN, celle-ci n'est pas constituée de gènes, mais elle jouerait un peu le rôle de voie de chemin de fer permettant à des wagons de molécules de glisser jusqu'aux gènes Hox pour les contraindre à s'exprimer ou à faire silence. Ces résultats constituent une découverte de grande importance dans le sens où, si le développement de la main et des doigts est compris, cela permettra d'éclairer de nombreux points sur le développement des organismes dans leur totalité. Pour découvrir les activités de "Frontier in Genetics", veuillez cliquer surle logo Pour obtenir de plus amples informations, n'hésitez pas
à contacter Genève, le 8 juin 2004 |
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