Protéger les populations à risque
du SIDA - Un nouvel espoir naît à l'Université de
Genève
Des scientifiques de la Faculté de médecine
de l'Université de Genève viennent de mettre au point une
nouvelle molécule, appelée PSC-RANTES, qui pourrait protéger
contre l'infection par le virus du SIDA. L'annonce de cette découverte
passionnante, fruit de plusieurs années de recherches, paraîtra
le 15 octobre prochain dans la revue scientifique américaine Science.
Elle a notamment été rendue possible grâce aux moyens
techniques dont dispose le laboratoire genevois pour le développement
de telles substances et qui sont parmi les plus sophistiqués au
monde. Ces résultats pourraient, sur le long terme, permettre de
freiner la propagation du virus au sein des populations les plus exposées.
Avec environ cinq millions de nouvelles infections d'adultes
et d'enfants en 2003, dont les 95% vivent dans les pays parmi les plus
défavorisés, le SIDA reste une des épidémies
les plus alarmantes de la planète. Face à ce fléau,
l'équipe du Dr Oliver Hartley et du prof. Robin Offord, au laboratoire
de génie macromoléculaire du Département de biologie
structurale et bioinformatique de la Faculté de médecine,
vient de concevoir une protéine synthétique, appelée
PSC-RANTES, à même de protéger contre l'infection
par le virus du SIDA. Le Dr Oliver Hartley et le prof. Offord travaillent
sur ce projet depuis 1997 avec le concours du Dr Hubert Gaertner, ancien
associé du Département, ainsi que toute une équipe
de technicien-ne-s hautement qualifié-e-s. La spécificité
de la molécule PSC-RANTES est qu'elle peut être utilisée
comme " microbicide ". Ce terme désigne des substances
qui, sous forme de mousse ou de crème, sont appliquées sur
les muqueuses des organes génitaux et préviennent, par leur
action, l'entrée du virus dans le corps lors de rapports sexuels.
De plus en plus de spécialistes du domaine s'accordent à
dire que les microbicides peuvent grandement contribuer à la diminution
de la propagation de la maladie, principalement dans les populations fragiles
des pays en voie de développement.
Une collaboration internationale
Travaillant en étroite collaboration avec un groupe de chercheurs
aux Etats-Unis, l'équipe genevoise a envoyé son produit
à un laboratoire de Louisiane pour des tests chez les singes. "
Suite à ces examens, nous avons été tout d'abord
très heureux de constater que, pour la première fois, un
agent biologique a pu protéger tous les individus du groupe exposé
à l'infection " explique le prof. Offord, " nous
avons ainsi pu valider certaines de nos hypothèses, ce qui va non
seulement nous aider à améliorer le produit, mais aussi,
vu l'intérêt croissant du monde scientifique pour les microbicides,
encourager l'émulation d'autres équipes. " "
L'objectif est que les microbicides efficaces puissent être mis
à la disposition des populations à risque dans les plus
brefs délais " ajoute le Dr Hartley.
Un travail de longue haleine
Toutefois, les scientifiques genevois préfèrent rester prudents
quant à l'avenir de leur invention. En effet, " même
si le produit continue de passer avec succès la longue série
de tests d'efficacité et d'absence de toxicité comme il
l'a fait jusqu'ici, il faudra attendre encore quelques années avant
qu'il puisse être distribué à grande échelle
" prévient le prof. Offord. De plus, les problèmes
de coût de production et de dosage restent à surmonter. "
Nous avons élaboré un produit assez puissant pour qu'une
quantité infime puisse déjà agir, rendant de cette
façon le coût par dose accessible à tous, même
aux plus pauvres. En principe, ce but a été atteint, car
si vous jetiez quatre poignées de notre produit dans le volume
d'eau d'un bassin olympique, la solution qui en résulterait empêcherait
la transmission du virus dans une éprouvette. " Cependant,
les tests effectués dans le laboratoire de Louisiane démontrent
que des quantités bien plus importantes sont nécessaires
pour être efficace in vivo. " Nous n'en sommes pas complètement
surpris et disposons de pistes permettant de contourner ce problème
ainsi que d'améliorer le produit en même temps "
affirment les chercheurs.
Des pays dans l'urgence
Avec des régions d'Afrique où la proportion des femmes enceintes
et séropositives frôle les 50%, la situation des pays en
voie de développement est critique et la mise au point d'un produit,
urgente. " Nous sommes concernés par le sort des jeunes
femmes qui, dans certaines régions du monde, n'ont pas voix au
chapitre quant à l'utilisation de leur corps. La sociologue de
notre groupe de recherche confirme que le gros avantage des microbicides
réside dans le fait que, contrairement à l'emploi du préservatif,
c'est la femme qui pourrait en contrôler l'utilisation. "
Ainsi, les scientifiques de l'Université de Genève font
aujourd'hui naître un nouvel espoir dans la recherche d'agents protecteurs
contre le SIDA, un espoir dont les chances d'aboutissement à un
produit thérapeutique sont sans doute intimement liées à
l'intérêt que l'industrie pourra porter à une molécule
comme le PSC-RANTES, destinée en premier lieu aux désavantagés.
De récentes études montrent que l'annonce de nouvelles
possibilités thérapeutiques relatives au virus du
SIDA s'accompagnent le plus souvent d'un certain laxisme à
l'égard du risque d'infection. L'Université de Genève
insiste sur le fait que, en dépit de la qualité de
ces résultats scientifiques, un traitement actif ne verra
pas le jour avant plusieurs années et qu'il est aujourd'hui
indispensable de continuer à se protéger efficacement
contre le virus du SIDA.
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Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez
pas à contacter:
le Dr. Oliver Hartley
: 078 827 05 57 (mobile), 022 379 54 75 (bureau)
ou
le Prof. Robin Offord
: 079 293 57 81 (mobile), 022 379 54 70 (bureau)
Genève, le 15 octobre 2004
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