Quand la nature fait mal - Un salutaire vade-mecum signé Kurt Hostettmann
Dans son nouveau livre, Tout savoir sur les poisons naturels, le prof. Kurt Hostettmann, de la Section des sciences pharmaceutiques de l’Université de Genève (UNIGE), dresse un passionnant inventaire des toxines naturelles présentes dans certains végétaux et animaux. Le sous-titre de l’ouvrage, Reconnaître et se protéger des toxines de la nature, annonce sa partie pratique, où les conseils pour les premiers réflexes de soin ou d’assistance sont systématiquement fournis. Des plantes d’ornement aux champignons de nos régions, des batraciens aux créatures marines en passant par les insectes, ce catalogue, qui ne néglige pas l’étymologie des substances examinées ni l’histoire de leurs usages, rappelle que tout n’est pas bon à prendre chez «Mère Nature».
Si les enfants sont certainement les premiers concernés par les diverses causes naturelles d’empoisonnement, parce que la nature, même «mise en pots», les tente par d’alléchantes baies ou de goûteuses fleurs colorées, on observe, ces dernières années, une recrudescence des cas d’hospitalisation d’adultes intoxiqués. Car la mode est à l’herborisation et les méprises sur les variétés ramassées au gré des promenades vont croissant.
Fleurs du mal
Alors que le «bio» et la médecine chinoise ont le vent en poupe, que les gastronomes s’entichent d’herbes folles pour élaborer de nouvelles recettes, le prof. Kurt Hostettmann, du Laboratoire de pharmacognosie et phytochimie de l’UNIGE, met en garde contre les risques d’intoxication et signale les confusions les plus fréquentes: ail des ours, colchique d’automne et muguet, dont les feuilles se ressemblent, mais les deux derniers sont toxiques; myrtille et belladone, à cause de leurs fruits à la teinte foncée, mais ceux de la seconde peuvent tuer; inoffensive consoude et terrible digitale à grandes fleurs...
Tout savoir sur les poisons naturels livre aussi la fiche signalétique de plantes qui sont sources de phyto-photo-sensibilisation, c’est-à-dire de dommages cutanés survenant via le contact dermique avec la plante directement suivi d’une exposition au soleil. La berce du Caucase est l’une de ces plantes «brûleuses» dont l’on entend parler de plus en plus, car sa présence accrue dans nos prairies rend ses méfaits exponentiels.
Champignons hallucinogènes
Les espèces toxiques les plus connues demeurent les champignons, alors que, annuellement, ils causent bien moins de dégâts que les plantes. Parmi eux, Kurt Hostettmann aborde les plus fameux – les amanites – et fait un crochet par ceux qui, considérés comme sacrés dans certaines civilisations passées, ont des effets hallucinatoires: le peyotl des Aztèques, mais aussi les psilocybes, variétés moins exotiques, dont la cueillette semble rencontrer un certain succès populaire en dépit de la loi suisse, qui les tient pour des stupéfiants depuis 2002.
Piques et tiques
Pour traiter des dangers d’origine animale, en plus des insectes présents sous nos latitudes, le scientifique a utilisé son vécu comme critère de sélection. C’est, par exemple, en marchant sur une plage sétoise qu’il fait douloureusement connaissance avec la vive: camouflé dans le sable, ce poisson, muni d’épines qui affleurent, provoque une sensation de brûlure allant du pied au mollet.
Ciguë socratique
Le livre de Kurt Hostettmann regorge d’anecdotes animées par toute une galerie de figures historiques: on y croise notamment Cléopâtre, Alexandre le Grand, Alfred Hitchcock ou Socrate. Condamné à mort par les autorités athéniennes qui lui reprochaient son impiété et de corrompre la jeunesse par la teneur subversive de ses propos, le sage dut boire de la ciguë. La mauvaise réputation de cette ombellifère trouve certainement son origine dans cet épisode emblématique de l’histoire de la pensée. Pourtant, le professeur signale que seuls des dosages élevés de coniine et de conicéine, ces alcaloïdes très toxiques contenus dans la plante, conduisent au décès. Les décideurs de l’antique Athènes réservaient donc sans doute un jus de ciguë extrêmement concentré à leurs indésirables.
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le prof. Kurt Hostettmann ou en téléphonant au 022 379 34 00
Genève, le 16 août 2006
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