En savoir plus sur les diodes lumineuses d'Uni Dufour
222 compteurs pour une symphonie cosmique
A l'occasion du bicentenaire en 1997 de la banque Darier Hentsch & Cie, un concours artistique a été lancé, permettant de débattre sur la place publique la question du bâtiment tant décrié qu'était Uni Dufour. Deux projets ont été récompensés parmi les 249 présentés.
Le "Projet végétal" s'est axé sur des transformations et plantations dans le contexte immédiat du bâtiment, alors que la "Forteresse des droits de l'homme" a orné les façades du bâtiment de 222 compteurs numériques rouges et verts. Chacun, allumé par un individu différent, tourne depuis lors à une vitesse qui lui est propre. "Le bâtiment universitaire avec ces compteurs compose un ensemble harmonieux, un peu comme une symphonie cosmique, un hymne à la victoire du principe des droits de l'homme", selon Tatsuo Miyajima, lauréat du projet.
Forteresse des Droits de l'Homme
Genève est célèbre en tant que siège de conférences internationales, avec l'ONU pour noyau principal. Les conférences internationales et la communication sont essentielles à la sauvegarde des Droits de l'Homme dans le monde.
En outre, les discussions préliminaires à l'établissement de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, adoptée à Paris en 1948, eurent lieu à Genève. Genève est ainsi, à mon sens, une ville profondément liée à la question des Droits de l'Homme et de la communication.
Par ailleurs, le collège fondé par Calvin est à l'origine de l'actuelle Université de Genève. Or, Calvin a critiqué les "Indulgences" qui n'étaient pour l'Eglise qu'un moyen de s'enrichir et a clairement indiqué que la religion était faite pour l'homme et non l'inverse. Il a fondé l'Université de Genève dans le but d'y enseigner sa pensée et, depuis sa fondation, cette institution est l'un des bastions voués à la protection des Droits de l'Homme. L'Université est aussi un lieu d'enseignement. A mon avis, le but de l'éducation est d'expliquer les droits de l'être humain afin de le protéger. C'est également un lieu où l'on doit apprendre l'harmonie et la communication entre les hommes car la connaissance n'a pas d'autre finalité. Il devrait en être de même pour l'éducation.
Voilà pourquoi j'ai choisi les Droits de l'Homme dans le monde comme thème de ce projet. Mon souhait est qu'à travers cette œuvre d'art, tout le monde puisse repenser l'idée des Droits de l'Homme, aussi bien les professeurs et les étudiants venus du monde entier et rassemblés ici que les citoyens genevois.
Les compteurs que j'ai installés sur Uni Dufour sont constitués d'une surface réfléchissante qui renvoie l'image des environs de l'Université pendant la journée. Dès que la nuit tombe, les chiffres s'allument et commencent à défiler.
222 personnes que j'ai moi-même tirées au sort ont déterminé librement, le 24 juillet 1997, la vitesse de défilement de ces compteurs. Il y a ainsi 222 rythmes individuels qui sont inscrits pour toujours sur le bâtiment Uni Dufour.
Les compteurs sont de deux couleurs: rouge et vert. Le rouge et le vert sont des couleurs complémentaires symbolisant l'opposition et la différence. Ces deux couleurs représentent l'harmonie de cette opposition et fonctionnent comme une critique de la discrimination qui peut exister entre les êtres humains.
Chacun des 222 compteurs incarne de façon moderne l'éclat de la vie humaine présent dans chaque individu ainsi que la beauté d'êtres humains dont les droits sont garantis. Le bâtiment universitaire avec ces 222 compteurs compose un ensemble harmonieux, un peu comme une symphonie cosmique, un hymne à la victoire du principe des Droits de l'Homme.
J'ai intitulé cette œuvre "Forteresse des Droits de l'Homme", dans l'espoir que l'Université de Genève ainsi que chacune des personnes qui s'y trouvent rassemblées continuent à être garantes du principe des Droits de l'Homme, de l'harmonie et de la communication.
Tatsuo Miyajima - septembre 1997
Projet végétal
Nous avons été convaincus d'emblée par la qualité architecturale de l'édifice, par la richesse des espaces et l'attention prêtée au choix des matériaux. Le Projet Végétal prend la direction d'une mise en valeur de l'édifice par des transformations sur son contexte immédiat et notre intervention se décline, essentiellement, sur deux approches:
- établir un dialogue avec l'édifice et son environnement au moyen du matériau végétal;
- donner les conditions d'une meilleure perception du bâtiment.
Nous avons voulu les plantes pour leur capacité de dialogue avec l'architecture et les alentours. Trois cyprès plantés devant la façade d'entrée, dont la verticalité souligne en contrepoint la forte horizontalité de l'édifice, en signalant de loin leur présence. Les graminées entre le socle et le corps du bâtiment, dont le mouvement permanent relie le volume minéral à l'espace atmosphérique.
Chaque espèce végétale a été choisie pour sa spécificité botanique et morphologique, et implantée dans le site où elle prendra son sens.
C'est le temps qui rythmera l'aspect visuel du "Projet Végétal": le temps nécessaire pour la croissance et l'épanouissement des végétaux et le temps cyclique des saisons.
Donner les conditions de perception du bâtiment, c'est avant tout "faire de la place". Au sens propre du dégagement de certains objets (bacs obstruant l'entrée, plantes inappropriées), et au sens figuré de la création d'espaces-seuils manquants autour de l'édifice.
Nous avons dessiné une place prolongeant en avant l'entrée d'Uni Dufour jusqu'à la limite de la rue du Conseil-Général. Au-dessus du sol, aplani et revêtu d'un nouveau dallage, s'élève la façade d'entrée et les trois cyprès. La place se termine en léger contrebas de la chaussée de la rue du Conseil-Général, avec un mur massif formant une "table" du côté du trottoir et un dossier pour un banc de 36 mètres de longueur face au bâtiment universitaire.
La place est un échange entre la concentration des études et le mouvement de la rue, un vide entre le plein végétal du Parc des Bastions et le plein minéral du bâtiment Uni Dufour. C'est le pouvoir d'un seuil: donner une sorte de respiration à un édifice.
Les deux-roues, aujourd'hui épars, compléteront la composition du périmètre quand ils seront organisés sur deux lignes de supports métalliques, au long des rues de Saussure et Jacques-Balmat.
La suppression des plantes d'intérieur qui s'élèvent contre le vitrage et leur remplacement par des plantes couvre-sol, font partie de la même logique de développement des seuils. Il s'agit ici de mieux percevoir l'extérieur depuis l'intérieur et de faire entrer la lumière de la rue dans le bâtiment.
Maria Carmen Perlingeiro
Marc Junod
Christophe Beusch