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1934-07-13, Denis de Rougemont à Henry Corbin

Très cher,

Je suis bien en retard pour te remercier de m’avoir envoyé ton article des Recherches. Je l’ai lu longuement, copieusement annoté, et j’espère, assimilé. C’est le premier exposé important et approfondi que nous ayons, en français, de quelques points de fondamentaux de « nos » idées. Et tu l’as entrepris avec une poigne que j’aime. Je t’en reparlerai en détail, quand j’aurai récupéré mon exemplaire, prêté à Maury. J’ai une ou deux questions à te poser. Et je te proposerai aussi quelques développements, pour H. & N. par exemple. La distinction que tu établis entre Histoire et Évolution me paraît capitale pour critiquer les pires hérésies politico-économiques de notre temps, marxisme, etc. Il y a encore beaucoup de choses à en tirer, et pour ma part, j’en fais mon profit dans ce que j’écris actuellement.

Serais-tu assez gentil pour faire cadeau à Jézéquel d’un tirage à part ? Il est très emballé par les premières pages qu’il a lues, et trouve que c’est la meilleure chose qu’il ait lue de toi.

Je viens de corriger les épreuves du numéro 7 de H. & N. Il contient, outre un [p. 2] éditorial de ton serviteur et des thèses sur les sacrements, un bon article de Quervain sur le Baptême, une « Note sur la dignité du communiant » de Pury, et « Le mystère des Trois Nuits » de Schmidt, sur le sens de la Cène. J’y ai ajouté un vocabulaire en collaboration avec Jezequel, et des citations catholiques exhilarantes. L’emploi du mot « papiste » toutes les 2 pages indiquera je l’espère notre changement de front, et satisfera Barth.

Nous sommes ici en plein désordre de départ, et je t’écris au milieu de piles de livres et de manuscrits à emballer. Nous venons de passer 10 jours à Courlay, et serons dès dimanche à Moncoutant. J’espère vivement qu’on pourra se voir vers le 28 juillet-1er août à Paris, nous y passerons 3 jours. Quand prends-tu tes vacances ?

Excuse-moi de ne pas t’en écrire plus long aujourd’hui, je n’ai plus mes esprits dans cette bagarre d’emballage compliquée d’une belle-famille qui bouleverse notre chère solitude. T’ai-je dit que nous passerons l’hiver prochain à Anduze ? La belle-mère de Maury nous prête sa maison. Nous aurons chaud, et je traduirai la Dogmatik.

Toutes nos amitiés affectueuses à vous deux, et donnez-nous de vos nouvelles à Moncoutant. Il faut absolument qu’on se revoie cet été.

Denis de Rgt.

 

P.-S. Pourriez-vous envoyer un n° 6 à

(contre remboursement)

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Il faudra envoyer le n° 7 à tous les anciens, et on mettra une formule de paiement dans le 8.