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1946-09-03, Henry Corbin à Denis de Rougemont

Très Cher,

Ce simple petit mot pour tâcher de savoir où tu es, et comment on pourrait arriver à se joindre. Nous sommes arrivés il y a environ un mois, et nous repartons le 31 octobre pour Téhéran, où je deviens directeur des publications de l’Institut franco-iranien qui va s’y ouvrir. Il y a en effet un an que je n’ai plus rien à faire, Dieu merci ! avec la Turquie, et que j’ai pu me consacrer totalement à l’Iran et à mes chers Iraniens.

Et toi ? J’ai entendu dire que tu repartais pour l’Amérique ? Bravo ! Nous avons bien entendu des masses de choses à nous dire, que je n’essaie même pas d’amorcer dans ce court billet (sinon, il risquerait de ne jamais être envoyé !) Ce que j’ai pu lire de toi ces temps-ci me suggère que nous avons « évolué » parallèlement et que nous continuerons de nous comprendre parfaitement, même si on n’est pas d’accord sur tout.

Écoute, mon vieux Denis : Si ce petit mot réussit à t’atteindre, dis-moi vite si et quand [p. 2] il est possible que vous passiez par Paris. Nous, nous ne bougeons vraisemblablement pas d’ici le départ. En tout cas, dis-moi où l’on peut t’atteindre, afin de préparer la rencontre entre le grand écrivain du Nouveau Monde et le vieux gnostique oriental !

Comment va Cigogne ? Stella, de son côté, va très bien, et fait un tas de choses. Très chers Amis, nous vous envoyons nos plus affectueuses amitiés. Vite un petit mot. À toi, mon cher vieux, très fidèlement.
Henry Corbin