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1927-12-17, Denis de Rougemont à Alice et Georges de Rougemont

Chère Mère,

Merci pour ta carte, la caissette, qui vient d’arriver, et l’argent reçu hier. Me voici en ordre.

Je change de domicile. Il se trouve qu’en suite du départ de deux membres sur cinq au Centre français de hautes études, il y a deux grandes chambres vides. J’irai donc m’établir dans l’une des deux, dès demain. Je serai logé gratuitement, chauffé au chauffage central, baigné, blanchi et diverti aux frais de la République française (officieusement bien entendu). Je jouirai d’un salon, d’une compagnie très agréable, de la musique qu’on fait tout le jour au Centre, etc., etc. Et je serai beaucoup mieux que dans ma chambre sombre de la Pestalozzigasse, pour travailler. C’est un grand progrès aux points de vue finances, confort et turbin : — Mes deux vieilles sont naturellement très tristes de me voir partir, mais enfin, c’est la vie. Je leur paye d’ailleurs le mois entier, bien entendu.

Gyergyai m’invite donc à Budapest, au Collège Eötvös, je crois l’avoir écrit déjà. J’ai écrit à Charly Clerc pour avoir une lettre d’introduction. Quant à Robert de Traz, il m’écrit de Paris une lettre assez triste et déprimée, me disant qu’il ne peut me recommander à [p. 2] personne à Vienne, sinon à Coudenhove, « un être exquis et pur qui forme avec sa femme un couple pathétique », dit-il.

Pierre part pour Paris lundi, passer les fêtes. Je crois que Pury et Zutter rentrent aussi en Suisse pour l’occasion. Je donne des leçons de français, c’est un peu rasoir.

Je suis un peu moins sorti, cette semaine, mais j’ai tout de même 2 choses ce soir, ce qui fait que je suis très pressé et t’embrasse en hâte.
Ton fils très affectionné
Topin.