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1928-03-18, Denis de Rougemont à Alice et Georges de Rougemont

Mes chers,

Je me suis décidé hier à précipiter mon départ, pour plusieurs raisons : j’ai reçu une lettre de Toinette me demandant de rentrer pour le 26 ; les cours se sont terminés jeudi ; Grandchamp des Raux part ce soir pour Vienne où il doit aller retrouver ses parents ; et enfin, le froid terrible qu’il fait ici me décide à fuir.

Je pars ce soir à 10h22 pour l’Italie. (Il me reste une fin de mois et l’argent gagné à Pan-Europa.) Je m’arrêterai peut-être à Graz ou Villach, suivant l’aspect du pays. Puis à Venise, 1 ou 2 jours, à Vérone ou à Padoue, ou à Bagliaco (lac de Garde) où les Ott ont loué une villa depuis peu, et m’invitent. J’essaierai de faire tout cela en 5 jours, de façon à être à Neuchâtel vendredi 23. Peut-être vous télégraphierai-je en route l’heure exacte de mon arrivée à N.

[p. 2] J’ai attendu quelque chose de vous ces jours, en vain. Je crains que cela ne me parvienne justement demain. J’attendais cela pour vous écrire, d’ailleurs ç’a été une bousculade que ces derniers jours. Je suis sorti tous les soirs (opéra, théâtres, etc.). Je vous écris à toute vitesse, parce que Monod et Grandchamp m’attendent pour aller au Prater — et mes valises ne sont qu’à peine commencées. Le « Diener » voudrait que je le prenne comme valet de chambre particulier !

Au revoir mes chers, à bientôt et en grande hâte. Je me réjouis très fort de vous revoir, de retrouver Areuse.
Top.