1941-06-02, Georges de Rougemont à Denis de Rougemont
Le lundi 2 juin 1941
Nous rentrons de la seconde représentation de Nicolas, toutes les places étaient prises. Les 3e et 4e représentations sont prévues pour samedi et dimanche prochain ; on parle d’en organiser une 5e. Cet après-midi forte participation fribourgeoise, sans M. [Besson], qui s’était fait annoncer, bien que, par ailleurs, on le sût à Rome. Auditoire plus populaire que celui de samedi soir, plus prompt aussi à réagir. Les gens cultivés et le populo ne font que peu ou point de réserves ; les bourgeois satisfaits vibrent moins au spectacle d’une œuvre d’une inspiration si authentiquement chrétienne et biblique, en même temps aussi artistique ; ça les déconcerte et les dépasse. Tous les parents, amis et connaissances nous félicitent et disent leur regret de ton absence ; Anne-Marie leur répond que tu mets en pratique la devise de la famille Rt : « Plus être que paraître ».
Rencontré plusieurs de mes collègues, tous émus, enthousiastes de ton œuvre, et reconnaissants. Mais aussi, [Illisible] de [Colombier] se propose d’assister à une 3e représentation ; il est touchant de l’expression qu’il donne à ses sentiments de gratitude. Les journaux neuchâtelois n’ont pas paru un lundi de Pentecôte ; donc le premier compte rendu sera celui de la Feuille d’Avis de demain. En attendant ci-joint celui de la Gazette de ce matin. Je vais lancer un mot de remerciement à Grellet. Ta [p. 2] lettre a fait un très grand plaisir à Kiehl ; il le méritait. Claude DuPasquier a, par la plume et par la parole, magnifiquement servi ta cause. Max et Antoinette se sont dépensés sans compter, chacun dans sa sphère. Nous t’enverrons toutes les « coupures » que nous pouvons. [Illisible] Berthoud a beaucoup aimé l’oratorio ; la musique d’Honegger l’a saisie ; mais elle dit que la presse de New York, elle, n’a, généralement, pas saisi la valeur de cette composition. Et te voilà occupé à la rédaction de ton livre sur la Suisse. Je comprends que la vie que tu mènes te laisse peu de temps libre ; je veux croire que tu n’abuses pas de tes forces ; que tu dors mieux, mange bien et bois modérément.
Maman t’a écrit hier, au lendemain de la 1re audition ; elle espère que sa lettre te sera arrivée, bien qu’elle ait oublié d’indiquer le numéro de la rue.