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1947-04-26, Alice de Rougemont à Denis de Rougemont

Mon cher Denis,

Toinette nous a donné de tes nouvelles ; vous voilà sur le point de revenir en Europe ! Heureusement que vous avez des places en avion. Oncle Louis qui comptait venir le 24 mai avec le consul Frossard, s’est vu refuser la place sur le bateau. Il devra attendre de prendre le même bateau que les Tony en juillet, ce qui contrarie M. Frossard dont il devait piloter l’auto du Havre jusqu’ici. J’espère que vous serez enfin en règle avec tous vos papiers à remplir. — Maintenant nous vous offrons de venir à Areuse en juillet, il y aura les 4 chambres à coucher du haut et comme Wohnstube, bureau, le salon que vous arrangerez à votre guise. — Nous pourrions à ce moment-là prendre, mettons 15 jours de vacances, Papa et moi et vous laisser la maison. Si vous venez plus tard, nous prendrons [p. 2] nos vacances plus tard. Nous vous laisserons la bonne (italienne) que nous attendons sous peu. —

Je viens de lire un article de toi, apporté par Oncle Edmond. Quant à Papa, il trouve que ce serait déjà bien beau d’avoir les États-Unis d’Europe. Ledit article s’intitule « Fédération ou dictature mondiale », découpé de je ne sais quel journal. — En tous cas c’est beau que tant d’Américains se rallient à ce Federalist Movement, et puisse en effet l’utopie devenir réalité. — Anne-Marie nous a emmenés hier dans sa petite auto faire un tour jusqu’à Payerne, passant par Yverdon, Champittet, Yvonand. Le lac était de toute beauté, les arbres en fleurs. On jouit comme rarement de ce printemps tardif, mais d’autant plus beau.

Dimanche. Je viens d’entendre à la radio une causerie agricole sur la traite mécanique des vaches, chose que tu as vue récemment paraît-il.

Les Max vont aujourd’hui à une Landsgemeinde en Appenzell. Toinette a chez elle une jeune Anglaise, pour parler anglais avec les enfants. Ces derniers pourront s’exercer plus tard avec leurs cousins d’Amérique !

En attendant, j’espère que votre situation en Europe s’éclaircira peu à peu et que tu trouveras ce qu’il te faut. De toute manière, nous comptons bien cependant que vous nous arriverez ici.

Je vous embrasse tous les quatre.
Votre mère aff.
A. de R.