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1955-05-23, Alice de Rougemont à Denis de Rougemont

Mon cher Denis,

Toutes mes félicitations pour ta magnifique réussite. Tu as en effet de la patience pour arriver à ton but. Tu as travaillé avec la ténacité de ton père. Et maintenant Dieu veuille y mettre Sa bénédiction. Ce rapprochement européen est une chose qui nous dépasse tous. — Le prince Bernhard est plein de sympathie pour toi, comme tu me l’avais déjà dit ! Je comprends que tu rêves encore de comités, après cette mise au point qu’il t’a fallu faire. Naturellement cette fondation ne fait que commencera.

Dois-je te renvoyer ces coupures de journaux ? Je suis contente [p. 2] que Visser ’t Hooft fût parmi les invités, ainsi que Michelin. Tu me diras une fois, comment l’Unesco accepte cette organisation nouvelle, qui lui ressemble beaucoup me semble-t-il ? Je pense à toi aujourd’hui, jour de départ de Nanik. Pourvu que cette cure lui fasse du bien après cet hiver et ces dernières fatigues. Que font les enfants pendant son absence ? Ce sera une préoccupation pour toi. Ils ont leur tante R. et leur grand-mère à portée, il est vrai ! J’espère ardemment que Nicolas travaille assez, et que sa mère l’encouragera. Bien content que tu voies souvent Nanette qui est vraiment une riche nature, quoique assez difficile à déchiffrer. Embrasse-la de ma part. — Avec tout cela, tu n’as guère le temps de t’occuper de l’auto d’Oncle Louis, dont l’arrivée approche bien heureusement.

[p. 3] Avec Tante Beth, cela ne va pas mal, quoiqu’elle ait bien vieilli évidemment depuis la dernière atteinte de sa maladie, il y a 3 ans. Elle se fait du bien à la campagne. (Je lui ai donné ta lettre à lire et les coupures de journaux.) Peut-être ira-t-elle ensuite chez Tante Marthe Monvert. Peut-être iras-tu voir Anne-Marie pendant son « veuvage ». Elle mène une vie assez cloîtrée, et ce sera comme ça jusqu’au 1er juillet. — Toinette écrit une carte enthousiaste de Madrid, où elle passe du Prado, le matin, à une corrida le soir. — Max me dit par téléphone qu’elle n’est pas sûre de rentrer pour le dimanche de la Pentecôte. — J’aimerais bien voir Max pour lui parler de la Fondation, mais ne l’ai pas aperçu depuis le départ de Toinette. Bien intéressant ce que tu dis des rapports culturels [p. 4] avec l’Asie. — Merci encore de m’avoir envoyé toutes ces coupures. Je les ai lues et relues.

J’espère que toi ou tes enfants pourrez aller entendre Billy Graham, ou du moins l’entendre à la radio. – Il me tarde beaucoup de vous voir, les uns ou les autres, mais je n’en vois pas la possibilité pour le moment.

En attendant je t’embrasse de tout cœur, avec encore mes félicitations.
Maman

 

Pierre Rougemont marie son fils Yves dans 15 jours. — Le dernier a en même temps, sa femme, sa licence d’avocat, une place et un appartement. — Je pense que tu auras reçu le faire-part. [p. 4] Je me représente le jardin de Ferney avec le massif de tulipes.