1980-11, Alexandre Marc à Denis de Rougemont
N’ayant jamais cessé d’observer et d’analyser l’évolution historique de notre temps, je suis arrivé, dès 1978, à la conclusion que l’humanité s’oriente vers une aggravation, peut-être mortelle, de la crise qu’elle subit depuis longtemps. Il semble bien que, seul, le surgissement de l’Europe fédérale — et si faire se peut, fédéraliste — puisse briser encore l’enchaînement fatal qui nous entraîne vers la catastrophe. Mais à une condition : que soit élaborée et mise en application une nouvelle stratégie, car il faut reconnaître que les actions que nous avons conduites, les uns et les autres, se sont révélées inefficaces.
C’est du reste la thèse que j’ai résumée dans deux articles : « La dernière chance » et « L’heure de l’Europe », que je crois utile de joindre à cette lettre. Mais nous ne devons pas en rester là ; s’il est vrai que l’heure de l’Europe sonne, peut-être pour une dernière fois, à l’horloge de l’histoire, notre devoir est de saisir cette ultime chance.
Après mûre réflexion, j’ai décidé d’adresser à quelques fédéralistes que je connais de longue date un questionnaire auquel je les invite à répondre aussi rapidement que possible. De leurs réactions, dépendra le développement de cette initiative. En effet, je compte adresser ensuite, ce questionnaire — au besoin revu, corrigé et complété, selon vos suggestions — à quelques dizaines d’amis, voire à quelques centaines de militants et sympathisants. Toutefois, avant d’entreprendre cette action, j’ai tenu à consulter un groupe très restreint, à savoir, dans l’ordre alphabétique :
— Mario Andrione ;
— Henri Brugmans ;
— Henri Cartan ;
— Guy Héraud ;
— Étienne Hirsch ;
— Ferdinand Kinsky ;
— Denis de Rougemont ;
— Altiero Spinelli ;
— Raymond Rifflet ;
[p. 2]Cette liste n’implique évidemment aucune exclusive, elle doit simplement permettre d’amorcer une première démarche, de faire, si possible, un premier pas.
À vous de me faire savoir ce que vous en pensez. J’ajoute une dernière question : ceux d’entre vous qui auront réagi positivement à mon initiative envisageront-ils de participer à une rencontre informelle et discrète que l’on pourrait essayer de mettre sur pied, dans les semaines qui viennent ?