1984-08-05, Suzanne et Alexandre Marc à Denis et Nanik de Rougemont
Le 5 août 1984
Ai-je voulu reprendre trop rapidement l’ensemble de mes activités ? Je ne sais… En tout cas, après deux mois bien remplis (« enquête » à Paris, colloque dans le Tessin, trois colloques en Val d’Aoste, etc.), je me suis senti bien las. Nous ne nous sommes donc guère arrêtés à Vence. Mireille nous ayant renvoyés d’office au fin fond de la Bretagne (21h de voyage !). C’est ce qui vous explique notre coupable forfait !
Ici, nous ne sommes pas mal, mais pas tellement bien non plus ! La température est très fraîche et l’eau glacée. Pour m’humilier, Suz s’y plonge et s’y baigne courageusement mais, pour l’heure, je ne me sens pas du tout enclin à suivre son exemple. En outre, je me sens encore bien abruti et passe le plus clair de mon temps à somnoler. Dès que je me penche sur un texte sérieux, mes yeux se ferment. J’ose encore espérer qu’il s’agit d’un manque d’acclimatation — le climat, ici, étant « très fort » — et [p. 2] non d’un commencement de sénilité.
Il faut ajouter que la situation du CIFE m’inquiète de plus en plus. Loin de se dissiper, les difficultés financières ne cessent de s’aggraver, en même temps que se décompose progressivement ce qui restait encore de l’équipe civique qui a fait notre force pendant tant d’années. Qu’y puis-je ? Peut-être par lâcheté, je ne me vois pas entreprendre aujourd’hui le sauvetage et la « réhabilitation » (pour parler français) du CIFE : je me sens trop vieux, surtout depuis mon accident de l’année dernière.
En outre — c’est le troisième « outre » si je ne m’abuse — , les incroyables histoires de la Vallée d’Aoste ne font que tout compliquer. En plein accord avec MA, je voulais reprendre — avec d’autres modalités — nos réunions à Saint-Vincent, mais pour le moment (et pour combien de temps ?) tout est paralysé.
[p. 3]Tout cela n’est pas gai, mais à quoi bon se leurrer…? Je souhaite vivement retrouver bientôt suffisamment d’énergie pour repartir à l’attaque. Ainsi soit-il.
Nous souhaitons aussi avoir de vos nouvelles. Écrivez à Vence où nous pensons retourner dès que nous nous sentirons mieux.
Quel bilan de faillite ! Il est vrai que je n’ai pas encore pu persuader Alex de se jeter à l’eau… c’est ainsi que je m’explique une telle propension au pessimisme !
Quant à moi je trouve cette fraicheur de l’air et de l’eau fort agréables, après la chaleur du mois de juillet.
La situation du CIFE est certainement désastreuse ! mais je ne souhaite nullement voir Alex se jeter dans l’arène, pour tuer le taureau (?)
J’espère que nous vous verrons encore à Opio, si vous y restez assez longtemps, pour nous permettre de vous y rejoindre.