1984-12-10, Alexandre Marc à Denis de Rougemont
Le 10 décembre 1984
Comme suite à ta lettre du 30 novembre, interrompue le 3 décembre, je me permets de te signaler très respectueusement que, cette fois-ci, tu commences à exagérer.
Je connaissais déjà ta sympathie pour Adolf, mais je ne savais pas que tu étais arrivé à la doubler (si j’ose dire) par une adhésion à la profonde philosophie humaniste de Iossif Vissarionovitch Djougachvili. C’est là une de ces puissantes synthèses que même Hegel ne manquerait pas de t’envier.
Quant aux documents que tu m’adresses, ils dépassent l’imagination. Je suis comme cet Arménien (que Nanik me pardonne) qui visite un zoo et tombant en arrêt devant la cage de la girafe, s’écrie après cinq minutes de contemplation : « Ce n’est pas vrai ! ».
J’attends en tout cas la suite promise dans le prochain numéro.
En attendant, si je ne l’ai déjà fait, je t’envoie ci-joint un articlea qui — malgré ses défauts — ne manquera pas de t’intéresser.
J’ajoute que je viens de relire certains textes de l’ON et que, une fois de plus, je ne décolère plus : il faut que nous soyons des incapables pour ne pas réussir à republier notre revue ou, tout au moins, en tirer une anthologie fracassante. Oui, j’ai bien dit : des incapables.
[p. 2]P. S. Au dernier moment, j’ajoute ce P. S. pour te dire que Dieudonné et moi, nous nous connaissons depuis fort longtemps. S’il ne m’a rien demandé sur Claude Chevalley, c’est que c’est toi qu’il veut. C’est ton témoignage qui l’intéresse. Sans quoi il m’aurait déjà téléphoné.
Monsieur Alexandre Marc, interrompu au moment d’ajouter à ses considérations critiques, une dizaine de pages véhémentes, et obligé de rester chez lui pour des raisons diverses, sans avoir pu signer son courrier, me prie de vous envoyer sa réponse sans plus attendre.