Institut de recherches sociologiques

Journée d'étude : 5 mai 2023

 

Les enjeux de l’accès aux lieux de soins dans les enquêtes en sciences sociales

Vendredi 5 mai 2023 de 9h à 17h30- Uni Mail salle 6220

 

Pour les sociologues et anthropologues de la santé, les hôpitaux et institutions de soins offrent des terrains d'enquête importants pour mieux comprendre de multiples aspects de la complexité de nos systèmes de santé contemporains : l’organisation des soins, les relations interprofessionnelles, la transformation des savoirs et pratiques cliniques, les expériences, trajectoires et attentes des malades et de leurs proches ou encore les relations concrètes entre le personnel soignant et les personnes soignées. Du dialogue impossible à l’interdisciplinarité en passant par une collaboration « pragmatique », les formes de partenariat entre les milieux de soins et les scientifiques en sciences sociales sont multiples. Riche d’une longue tradition, la sociologie du monde hospitalier en particulier implique des négociations avec les personnes concernées et le souci des précautions éthiques afin de respecter les standards d'intégrité de la recherche scientifique autant que le respect des personnes participant à la recherche. Les enjeux d'accès à des terrains hospitaliers révèlent néanmoins les tensions entre différentes cultures scientifiques et la diversité des objectifs de recherche des disciplines.

Alors que la contribution des sciences sociales est de plus en plus reconnue dans les professions médico-soignantes, l'autonomie des projets en sociologie et en anthropologie de la santé ne va pas toujours de soi. En effet, lors des négociations d'accès, les demandes voire exigences des structures de soins mettent en cause la possibilité même de réalisation de ces projets dans un cadre garantissant leur indépendance scientifique, et par conséquent leur potentiel critique. Parmi les conditions posées, on peut évoquer les restrictions d'accès à certaines personnes ou lieux de soins, la reformulation des objectifs de la recherche, la redéfinition des procédés méthodologiques ou encore les demandes relatives au statut de co-investigation de la recherche ou de co-signature sur les publications. Les évolutions récentes doivent être lues dans le contexte d’une montée en puissance des exigences relatives aux principes éthiques de la recherche (et de leur formalisation), d’une circulation accrue des résultats de recherche entre monde académique et société civile, de la prolifération mais aussi monétarisation des données de recherche médicales.

Afin de documenter et mieux cerner les enjeux actuels de l'accès aux lieux de soins, en Suisse notamment, cette journée d'études vise à rassembler des expériences de recherches récentes en sciences sociales, en recensant les échecs et les succès vécus à différentes étapes de la recherche. Quelles sont les demandes formulées par les structures de soins pour accéder aux personnes concernées et au personnel soignant, qu’il s’agisse de mener des entretiens ou des observations ? Sont-elles le reflet de méfiance, de malentendus, d’incompréhensions, de jeux de pouvoir ? Quelles politiques institutionnelles encadrent ces négociations et la conduite de terrain dans les lieux de soins ? Quels moyens et ressources sont à disposition des sociologues et des anthropologues pour faire valoir leur contribution propre ? Comment concilier les négociations et demandes du terrain avec la temporalité parfois courte de certains projets ? Un état des lieux à partir d'études de cas permettra de réfléchir collectivement aux effets de ces négociations sur la conduite de la recherche, mais aussi aux réponses pouvant être apportées et aux relais institutionnels à mobiliser.

 

L'inscription à la journée d'étude n'est plus possible. Le nombre maximum d'inscriptions a été atteint.

Nous vous remercions de votre vif intérêt !

Contact

 

  • 9h00-9h10 : Introduction et mot d’accueil du comité d’organisation par le Pr Raphaël Hammer.
  • 9h10-9h40 : Entre activités mandatées par des services de soins et production de recherche en sciences sociales : retour sur quelques modalités d’entrée sur le terrain et implications pour les professionnel.le.s de santé. Pre Rose-Anna Foley, Professeure associée, HESAV, HES-SO, et Coresponsable de la Plateforme de Recherche Qualitative, secteur sciences sociales (DESS), Unisanté, Lausanne.
  • 9h40-10h10 : La recherche sociale dans les lieux de soins : une activité prudentielle. Pre Maria Caiata-Zufferey, University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland: Manno, Ticino.
  • 10h10-10h40: Entrer en prison: quelle éthique pour la recherche en santé dans une institution carcérale. Dre Nolwenn Buhler, Unisanté, centre universitaire de médecine générale et santé publique et Institut des sciences sociales Unil.
  • 10h40-11h00 : Pause
  • 11h00-11h30 : Faire de l’ethnographie à l’hôpital en Suisse : Entre bureaucratie de l’éthique, pouvoirs institutionnels et relations personnelles. Pre Irene Maffi, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne.
  • 11h30-12h00: De « nos portes vous sont ouvertes » à « on n’a pas besoin de vous » : accueil, freinages et blocage dans l’accès au terrain hospitalier. Pre Patricia Perrenoud, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale, Clara Blanc, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale et Institut des études genre, Université de Genève, et Dre Solène Gouilhers, Institut des études genre, Université de Genève.
  • 12h00-12h30: Les enjeux éthiques et politiques du non-accès à un terrain ethnographique sur les avortements « tardifs ». Dre Marlyse Debergh, Fonds national suisse de la recherche scientifique, Department of Anthropology, University of Amsterdam et chercheuse associée à Institut de recherches sociologiques, Université de Genève.
  • 12h30-13h30 : Pause de midi
  • 13h30-14h30 : Conférence: Quelle autonomie pour les sciences sociales sur les terrains  hospitaliers ? Réflexions à partir d’expériences de recherche en France. Dr. Benjamin Derbez, Maître de conférence, Université de Paris 8, Chercheur au Centre de recherche sociologiques et politiques de Paris.
  • 14h30-16h00 : Table-ronde : Négociations des terrains dans les lieux de soin : politique de la recherche et enjeux institutionnels.
    • Dr. Benjamin Derbez, Université de Paris 8, Centre de recherche sociologiques et politiques de Paris.
    • Pre Veronika Schoeb, professeure et Directrice de la recherche et des relations internationales à la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV, HES-SO).
    • Arthur Zinn, secrétaire général de la Commission cantonale d’éthique de la recherche sur l’être humain (CER-VD).
    • Pre Irene Maffi, faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne.
    • Modération : Pre Claudine Burton-Jeangros, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève.
  • 16h00-16h30 : Pause
  • 16h30-17h30 : Actions à développer pour soutenir les terrains de sciences sociales en milieux de soins et conclusions de la journée d’étude.

Dre Nolwenn Buhler, Unisanté, centre universitaire de médecine générale et santé publique et Institut des sciences sociales Unil

Entrer en prison: quelle éthique pour la recherche en santé dans une institution carcérale.

Cette présentation se penche sur l’accès à un terrain considéré comme sensible - les prisons - dans le cadre d’un projet interdisciplinaire – épidémiologie et anthropologie médicale – qui a pour objectif d’évaluer la séroprévalence de la population incarcérée et d’explorer les implications et difficultés soulevées par la gestion de la pandémie en prisons en partant des expériences des détenus et professionnel.le.s de santé et sécurité y travaillant. Revenant sur l’expérience d’entrée sur le terrain et l’élaboration du protocole de recherche pour la commission d'éthique, cette présentation permettra d’éclairer certains enjeux soulevés par l’éthique de la recherche, notamment entre éthique procédurale et relationnelle, dans le cadre de projet interdisciplinaires - sciences sociales et sciences médicales. Elle montrera comment au travers de l’élaboration du protocole éthique et des discussions autour d’une convention de recherche, c’est la légitimité de la recherche sur le terrain, les réalités professionnelles qui s’y jouent et les rapports entre les différents acteurs impliqués qui sont négociés. Elle permettra ainsi de réfléchir de façon plus large au rôle que joue l’éthique dans l’accès au terrain et la production de connaissances pour des sciences sociales embarquées en santé publique. 

 

Pre Maria Caiata-Zufferey, University of Applied Sciences and Arts of Southern Switzerland: Manno, Ticino

La recherche sociale dans les lieux de soins : une activité prudentielle.

Les études en sciences sociales dans les lieux de soins s’accompagnent souvent de blocages, voire d’ajustements méthodologiques forcés, faute de mener à terme le travail de recherche initié. Derrière ces blocages se cachent des logiques d’action différentes et parfois contradictoires de la part des acteurs impliqués - d’une manière ou de l’autre - dans le processus de recherche. A partir d’expériences personnelles de blocages lors de projets de recherche dans les lieux de soins, je mettrai en évidence certaines des logiques des acteurs en jeu, ainsi que les stratégies utilisées pour les gérer. Je vais ainsi soutenir la thèse selon laquelle la recherche sociale dans les lieux de soins est une activité prudentielle au sens aristotélicien du terme : évoluant dans une situation d’incertitude, le chercheur doit faire preuve de sagesse pratique, de manière à répondre aux exigences de la situation particulière tout en inscrivant son action dans un cadre de validité reconnue.

 

Dre Marlyse Debergh, Fonds national suisse de la recherche scientifique, Department of Anthropology, University of Amsterdam et chercheuse associée à Institut de recherches sociologiques, Université de Genève

Les enjeux éthiques et politiques du non-accès à un terrain ethnographique sur les avortements « tardifs ». 

Cette communication a pour but d’établir une réflexion sur les enjeux éthiques et politiques du non-accès à un terrain ethnographique portant sur le vécu des femmes ayant un avortement « tardif » en Suisse romande. Dans une perspective sociologique et féministe, j’analyse les (non-)négociations avec le terrain afin de mieux comprendre les problématiques actuelles des enquêtes menées en milieux hospitaliers et de trouver des solutions collectives.

 

Dr. Benjamin Derbez, Maître de conférence, Université de Paris 8, Chercheur au Centre de recherche sociologiques et politiques de Paris.

Titre : Quelle autonomie pour les sciences sociales sur les terrains hospitaliers ? Réflexions à partir d’expériences de recherche en France.

En sciences sociales, l’intérêt porté aux questions de santé semble poser inévitablement la question l’autonomie de nos disciplines. Si l’on a longtemps pu faire fond, par exemple, sur le caractère heuristique de la distinction entre une sociologie « sur » la médecine et une sociologie « dans » la médecine, force est de constater que ce dualisme ne résiste guère à l’épreuve de l’accès aux lieux de soins. Les dispositifs d’enquête et les configurations de recherche négociées avec les acteurs de terrain constituent en effet autant de manières de situer notre travail par rapport à des représentations qui tendent à l’assigner soit à une fonction « critique », soit à un rôle d’« auxiliaire ». Ces négociations, nécessaires pour accéder aux terrains hospitaliers, signent-elles cependant une perte d’autonomie pour les sciences sociales ? En m’appuyant sur les travaux de terrain que j’ai menés en France ces dernières années, je montrerai comment l’éthique de la recherche constitue l’un des lieux privilégiés où se joue aujourd’hui la réponse à cette question en santé.

 

Pre Rose-Anna Foley, Professeure associée, HESAV, HES-SO, et Coresponsable de la Plateforme de Recherche Qualitative, secteur sciences sociales (DESS), Unisanté, Lausanne.

Entre activités mandatées par des services de soins et production de recherche en sciences sociales : retour sur quelques modalités d’entrée sur le terrain et implications pour les professionnel.le.s de santé.

Cette communication revient sur différentes modalités d’entrée sur le terrain dans le cadre de recherches ethnographiques et d’activités mandatées par des services de soins pour aborder les opportunités et limites d’une posture anthropologique « impliquée » prenant compte des questions et de savoirs des professionnel.le.s sur leur propre pratique. Une telle approche requiert, d’une part, de mettre au jour les implicites quant aux retombées cliniques et, d’autre part, de mettre en dialogue des résultats envisageant les pratiques soignantes et expériences subjectives dans une perspective sociétale plus large, souvent à l’aune de théories de transformation et de justice sociale.

 

Pre Irène Maffi, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne

Faire de l’ethnographie à l’hôpital en Suisse : Entre bureaucratie de l’éthique, pouvoirs institutionnels et relations personnelles.  

Dans cette communication, j’entends réfléchir sur mes expériences ethnographiques au sein de deux hôpitaux suisses au cours de dix dernières années afin de mettre en avant tant les obstacles que les éléments qui ont facilité mon travail de recherche. Bien que je n’aie jamais été confrontée à un refus de terrain, j’ai rencontré plusieurs difficultés liées moins à des barrières institutionnelles qu’à des logiques de fonctionnement internes aux institutions qui parfois ont créé de la méfiance ou de l’hostilité auprès des professionnel.le.s de santé. Les relations personnelles avec les soignant.e.s jouent un rôle central dans la possibilité de mener à bien une recherche dans la mesure où elles permettent d’accéder à des espaces et à des interactions autrement fermées à l’anthropologue ou sociologue. Dans mon expérience, la réussite de la collaboration avec les soignant.e.s passe par la construction d’un véritable projet commun incluant des retours aux équipes et des échanges qui peuvent donner lieu à des publications communes ou à des réunions scientifiques.  

 

Pre Patricia Perrenoud, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale, Clara Blanc, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale et Institut des études genre, Université de Genève, Dre Solène Gouilhers, Institut des études genre, Université de Genève.

De « nos portes vous sont ouvertes » à « on n’a pas besoin de vous » : accueil, freinages et blocage dans l’accès au terrain hospitalier

Sur la base d’expériences de négociation d’enquête dans différents lieux de soin, cette présentation vise à interroger les tensions entre les enjeux de la recherche en sciences sociales et ceux de la formalisation des terrains d’enquête. Il s’agit de saisir les rapports de pouvoir, y compris entre les professionnel.le.s de l’hôpital, ainsi que les conceptions de la recherche qui se jouent dans les négociations d’accès au terrain. La multiplication des acteurs et les contraintes temporelles seront également discutées.

  • Comité d’organisation

Pre Claudine Burton-Jeangros, Institut de recherches sociologiques, Université de Genève

Dre Marlyse Debergh, Fonds national suisse, Department of Anthropology, University of Amsterdam et Institut de recherches sociologiques, Université de Genève

Dre Solène Gouilhers, Institut des études genre et Institut de recherches sociologiques, Université de Genève

Pr Raphaël Hammer, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale et comité de recherche « sociologie de la santé et de la médecine », société suisse de sociologie.

  • Soutiens institutionnels

Institut de recherches sociologiques (Université de Genève) et comité de recherche « sociologie de la santé et de la médecine » (société suisse de sociologie), HES-SO, Société académique de Genève.