Educational health inequalities: an institutional approach
27 mars 2017
Mercredi 22 mars, nous avons eu le plaisir d’entendre Piet Bracke (Département de sociologie, Université de Ghent) au sujet de ses travaux sur les inégalités de santé en lien avec l’éducation.
Une de ses recherches a plus particulièrement permis de construire une théorie institutionnelle des inégalités de santé en lien avec l’éducation. En effet, l’accent est mis sur la dimension institutionnelle des systèmes éducatifs, qui varient entre les différents pays d’Europe. Dans cette étude macrosociologique, l’éducation est entendue comme un mécanisme de stratification qui gagne en importance dans les économies avancées occidentales du fait de l’expansion de l’enseignement tertiaire et secondaires.
Si nous partons du principe que la santé est fortement influencée par les comportements de consommation durant notre existence, nous pouvons déduire que nos compétences individuelles doivent être prises en considération au même titre que notre niveau d’instruction dans l’évaluation de notre état de santé. La question est de comprendre comment le système éducatif, en tant qu'institution, est organisé dans chaque pays, et de quelle manière il est impliqué dans l’apparition de symptômes dépressifs ou de maladies mentales. Pouvons-nous supposer qu’au sein des pays où le niveau d’instruction est élevé, le niveau de santé sera meilleur ? La recherche de Bracke nous invite à reconsidérer cette hypothèse.
Lorsque le système éducatif se développe plus rapidement que le marché du travail et que ce dernier n’est plus en mesure d’incorporer cette expansion, apparaît alors un phénomène que Piet Bracke appelle la «surqualification». La « surqualification » survient lorsque le niveau de connaissances nécessaires à l’exécution d’un travail est inférieur au niveau d’instruction formellement acquis durant les études. La « surqualification » devient une inadéquation entre le niveau d’instruction et l’emploi. Les macro économistes vont encore plus loin dans la définition de la « surqualification », qu’ils définissent comme une caractéristique d’un marché du travail où les plus instruits ne sont pas en mesure de réaliser des bénéfices financiers en adéquation avec leur niveau d’instruction. Ce manque de rendement tend à augmenter les risques de développer des symptômes dépressifs ou des maladies mentales.
P. Bracke nous rappelle que la construction d’une théorie institutionnelle des inégalités de santé en lien avec l’éducation doit prendre en compte les écoles et leur système de « tracking » ou suivi scolaire : mesure avec laquelle les enfants sont « triés », par groupe de compétences, à un certain âge, afin d’incorporer telle ou telle école qui définira leur futur parcours scolaire (par exemple formation professionnelle vs. enseignement général de type universitaire). Il ressort de la recherche que plus le « tracking » est effectué tôt dans la scolarité, plus les inégalités de santé en lien avec l’éducation seront grandes.
Pour terminer, Bracke souligne l’importance des données transversales (pays, cohortes) pour identifier les changements sociaux (macrosociologie). L’effet de cohorte est une clé de lecture que le chercheur ne peut ignorer.
Dario Spini, psychologue social (UNIL) et discutant, souligne l’intérêt d’une vision macro et les questions qu’elle peut susciter. Toutefois il met en garde contre la compression de l’individu et l’effacement des ses caractéristiques personnelles dans son parcours. L’individu n’évolue que rarement dans un marché du travail stable et des variations peuvent intervenir durant sa trajectoire. Une étude longitudinale, comparant plusieurs populations de travailleur-euse-s, serait très utile pour aller plus loin dans la réflexion des effets de l’éducation sur la santé.
Laurence Dufour, étudiante en master de sociologie, 23.03.2017
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