Inégalités de santé: à la croisée du social et du biologique
6 mars 2017
Le 1er mars s’ouvrait à Uni mail, le forum de recherche en sociologie du semestre de printemps 2017. Le thème retenu cette année par l’institut de recherches sociologiques (IRS) de Genève est « Les inégalités sociales face à la santé: constats, explications et politiques ». Le sujet de cette séance est « l'incorporation biologique des différences socioéconomiques dans la santé ».
Silvia Stringhini est titulaire d’un doctorat en épidemiologie et santé publique ainsi qu’un Master en santé globale et en économie. Elle a présenté diverses recherches concernant les conséquences biologiques des inégalités sociales. La chercheuse a débuté la séance en précisant que les inégalités de santé sont observables aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur des pays, y compris en Suisse par exemple. L’objet de sa présentation a été de démontrer comment les inégalités sociales sont incorporées, c’est-à-dire comment elles passent dans les corps des individus.
Silvia Stringhini a continué sa présentation en expliquant les facteurs d’exposition qui peuvent influencer la santé d’un individu. Le premier facteur est l’exposition environnementale (conditions de travail et de logement par exemple). Le deuxième est un facteur psychosocial : les personnes ayant un statut socio-économique bas sont plus soumises au stress par exemple. Le troisième concerne les comportements individuels qui sont influencés par le milieu social: les personnes ayant un revenu plus bas se nourrissent moins bien par exemple. Le quatrième concerne l’accès aux services de santé.
La chercheuse a poursuivi sa démonstration en montrant que le niveau socio-économique des individus a une influence directe sur les marqueurs biologiques. Silvia Stringhini a pris l’exemple du cortisol, biomarqueur du stress présent dans la salive. Dans l’étude Whitehall 2 effectuée en 2013, il est ressortit que les personnes avec un statut socio-économique bas présentent un taux de cortisol plus élevé que les personnes avec un socio-économique plus élevé.
Silvia Stringhini a présenté ensuite une étude effectuée en 2012 sur des groupes de singes. Celle-ci a démontré l’existence d’un lien entre rang hiérarchique du singe dans le groupe et l’expression des gènes de stress. Plus la place du singe est basse dans la hiérarchie, plus les gènes expriment du stress. L’étude a aussi montré que ce phénomène peut être réversible : lorsque les groupes de singes sont réorganisés et qu’une nouvelle hiérarchie se met en place, l’expression du stress dans les gènes suit le déplacement du singe dans la hiérarchie.
L’épidémiologue a conclu sa présentation en exposant les défis qui se posent dans ce domaine de recherche. Premièrement, elle a insisté sur l’importance de produire des données longitudinales (tout au long de la vie) mais a déploré le manque de ces données. Deuxièmement, l’engagement politique reste réduit pour se saisir des inégalités sociales face à la santé et soutenir ces recherches.
Le discutant, Boris Cheval, chercheur en psychologue à l’institut démographique et socioéconomique, a rappelé les principaux résultats et enjeux suscités par la présentation de Silvia Stringhini. Les réponses aux questions de Boris Cheval ainsi que celles posées par l’assistance, ont permis de mettre en avant le fait que le social et le biologique sont complètement imbriqués et qu’ils doivent être étudiés ensemble pour mieux comprendre les inégalités sociales face à la santé. La séance s’est finalement conclue sur cette question : quelle est la liberté des invidividus face à ces contraintes sociales qui pèsent sur leur santé ?
Marine Fontaine
Blog du forum de recherche sociologique