La santé : une question de timing
3 avril 2017
Membre de l’Institut de démographie et socioéconomie de l’UNIGE et chercheur pour le pôle de recherche national LIVEs, Stéphane Cullati est venu présenter lors du Forum une approche particulière pour comprendre les inégalités de santé : le parcours de vie.
L’invité de ce mercredi 29 mars a commencé par confirmer l’existence des inégalités sociales face à la santé. Que l’on observe la mortalité, l’espérance de vie, l’obésité ou encore l’hypertension, l’influence de la position sociale des individus sur leur santé est indéniable, et ce, partout dans le monde. Cette relation est bien connue, mais les explications avancées en sciences sociales sont parfois différentes, d’où la présence de Stéphane Cullati.
Il existe, dans la littérature, trois grands types d’explications aux inégalités de santé. L’explication matérialiste estime que le manque de ressources est à l’origine de la moins bonne santé des classes sociales défavorisées. L’explication comportementale, elle, justifie les différences de santé entre individus par leur manière d’agir. Enfin, une explication se basant sur des facteurs psycho-sociaux voit la santé d’un individu évoluer en fonction de son exposition environnementale. Stéphane Cullati propose un autre point de vue : le parcours de vie.
Il s’agit d’une approche interdisciplinaire façonnée dans les années 1980 et qui stipule que la succession d’événements durant la vie d’un individu influence son état de santé. Avant d’aller plus loin dans la réflexion, il nous faut relever trois aspects importants de cette théorie. Premièrement, le timing, c’est-à-dire, la période de la vie pendant laquelle un individu est touché par un événement, ainsi que la durée de cet événement. Pour mieux comprendre, il suffit de penser qu’une maladie n’aura pas les mêmes conséquences si elle touche un nouveau né ou une personne adulte ; par ailleurs, cette maladie aura un impact différent si elle est passagère ou durable. Deuxièmement, il faut comprendre ce timing dans une dimension historique, et prendre en compte le contexte, notamment culturel, dans lequel évoluent les individus. Troisièmement, le lien et l’influence réciproque entre la vie privée et la vie professionnelle sont observés. Ces trois points permettent de comprendre la santé comme quelque chose de dynamique, qui évolue sans cesse et peut prendre des trajectoires différentes selon les individus et leur position sociale.
A travers la présentation de résultats de recherches, Stéphane Cullati a confirmé la moins bonne santé des classes sociales défavorisées. Il a cependant approfondi la problématique du parcours de vie en se demandant comment est-ce que les inégalités de santé changent au cours de la vie, autrement dit, comment un événement de la vie peut ensuite en amener d’autres, et donc, causer une trajectoire de vie particulière. Ce questionnement fait directement référence à la théorie des avantages/désavantages cumulatifs, à savoir que les situations positives ou négatives tendent à se cumuler et s’accentuer. Au niveau de la santé, cette théorie voudrait alors que les différences entre les classes sociales grandissent au cours du temps, mais il s’avère que les résultats de Stéphane Cullati ne sont pas aussi significatifs.
Le chercheur a conclu en mentionnant un des intérêts de l’approche parcours de vie : elle permet de mieux adapter les interventions de santé publique en ciblant les bonnes personnes, et surtout les phases de la vie (les « périodes sensibles » ) sur lesquelles il faut agir en priorité.
La suite de la conférence a été animée par Rainer Gabriel, du Centre Interfacultaire de Gérontologie et d’Etudes des Vulnérabilités. Des questions d’ordre théorique ont été posées : l’approche présentée est-elle vraiment nouvelle, ou ne fait-elle que rajouter l’idée du timing aux autres explications classiques ? Ou encore : la théorie des avantages/désavantages cumulatifs est-elle toujours d’actualité dans une société déstandardisée comme la nôtre ? La discussion s’est alors terminée sur le fait que le contexte social de chaque individu peut influencer sa santé, et pour savoir si c’est en bien ou en mal, il faudra continuer d’étudier les trajectoires de vie !
César Humerose, étudiant du Master en sociologie, 3.04.2017
Blog du forum de recherche sociologique