Actualités

Nicolas Nova (1977-2024)

Le Département de sociologie et l’Institut de recherches sociologiques ont la douleur de vous faire part du décès de Nicolas Nova (1977-2024), disparu lors d’un trek à Oman, sur les traces de Sindbad le marin.

Nicolas était professeur à la Haute École d’Art et de Design de Genève, chercheur associé et professeur invité à l’Institut de recherches sociologiques. Nicolas était un grand ami, un véritable scholar, un érudit éclectique. Il représentait tout un monde bien à lui. Outre sa modestie, sa gentillesse, sa présence discrète, mais néanmoins toujours remarquée, de Nicolas nous allons nous souvenir de sa manière d’envisager les sciences sociales. Nous avons collectivement beaucoup à apprendre de sa manière de procéder : un vrai méthodique sans dogme, c’est rare ! Nicolas était baigné de culture à la Georges Perec. Il se nourrissait de micro-observations du quotidien, il classait et étiquetait sans pareil, attentif aux tours de main, aux gestes, aux postures, aux mots qui surgissaient, aux rebuts, aux inventions du peuple humain et de ses machines. Il photographiait, annotait, arpentait, toujours en mouvement. Il lisait en permanence, charriant dans son sac à dos ses dernières trouvailles, assorties de quelques plaques de délicieux chocolat. Quand on le lui demandait, il était d’un immense recours, prodiguant généreusement des conseils de lecture et des références pointues, dans les interstices de la culture Google Scholar.

Nicolas savait où il allait. Ou plutôt, il avait compris la force du déplacement. Il était déterminé, il avançait, il avait son langage. Il adorait réfléchir sous forme de lexique. Depuis ses premiers livres sur le design fiction (Near Future Laboratory), Les flops technologiques (FYP édition, 2011), ou le miracle Wikipedia et La culture Internet des mèmes (Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2016, avec Frédéric Kaplan qui lui rend d’ailleurs hommage dans Le Temps du 6 janvier 2025), il avait déployé une œuvre foisonnante et créative. Il nous emmenait des usages du Smartphone (MétisPresses, 2020), livre issu de son doctorat en socio-anthropologie, en passant par son élégant Bestiaire de l’anthropocène et l’exposition associée à la Cité internationale des arts (Disnovation.org, 2022), ses contributions au journal Techniques et Culture (notamment «En cas de panne», commenté dans un podcast de la Faculté des sciences de la société), ses remarquables Exercices d’observation (Premier parallèle, 2022), qui ont connu un véritable succès de librairie, ses Fragments d’une montagne (Le Pommier, 2023), hommage d’un montagnard averti, qui rendait justice à sa passion de la randonnée, à son amour des Alpes et à sa préoccupation de les voir se transformer à vitesse grand V.

Nicolas n’était pas catastrophiste, il n’était pas technophobe. Il se dédiait corps et âme à la compréhension de ce qui nous arrivait collectivement. Pour y parvenir, il entretenait des correspondances vivaces, il allait à la rencontre de nombreux publics, il tissait des liens entre des communautés qui n’ont pas l’habitude de se côtoyer. Il ne doutait pas un seul instant que c’était en sortant de soi, et de chez soi, et en prenant des chemins de traverse, notamment académiquement, inlassablement, que l’on pouvait commencer à comprendre quelque chose.

Tout récemment, Nicolas venait de faire paraître un nouveau livre, Persistance du merveilleux (Premier parallèle, 2024), déjà chroniqué sur de nombreux supports (notamment Le Monde et Le Temps, et via un hommage sur France culture). En repensant au titre, on se dit que l’ami avait plus d’un tour dans son sac. Nicolas connaissait le pouvoir des contes et légendes. Il va manquer à ses amis sociologues, qui viennent de perdre un incroyable compagnon de route, un guide, un phare, quelqu’un auprès duquel on pouvait cheminer en confiance. Nous avons eu une chance inouïe de le côtoyer, de le lire et de le regarder se forger la stature intellectuelle qu’il a acquise au fil de ces 10 dernières années. Et nous sommes convaincus que tous ses efforts n’ont pas été vains, car il a laissé les modes d’emploi. Ne t’inquiète pas Nicolas, nous aussi nous croyons au merveilleux ! Nous saurons garder vivante et vibrante cette flamme, la tienne. Adieu l’ami.

Nous présentons à la famille de Nicolas, à Bérénice sa compagne et à ses collègues et ami.es toute notre sympathie et nous les assurons de notre soutien, bien au-delà de ces mots.

 

Professeure Mathilde Bourrier