L’évolution des étoiles primordiales
(G. Meynet & S. Ekström)
Les contraintes sur la modélisation des premières générations d’étoiles peuvent venir de différents types d’observations : tout d’abord, l’étude des étoiles du halo extrêmement déficientes en métaux donne d’importantes indications quant à la composition des ejecta des premières générations stellaires. Deuxièmement, des contraintes très indirectes quant à la nature de ces premières étoiles peuvent être obtenues à partir de la quantité de rayonnement UV nécessaire à reioniser l’Univers à grand redshift. Troisièmement, à l’avenir, la possibilité d’observer des galaxies à grand redshift, galaxies dont les populations sont dominées par ces premières générations stellaires, va probablement apporter de nouvelles réponses sur ces populations stellaires. Pour l’instant, l’étude des abondances chimiques des étoiles extrêmement déficientes en métaux semble la manière la plus prometteuse de contraindre les modèles d’étoiles primordiales.
Les effets de la rotation sont nombreux et, à basse métallicité, peuvent conduire à une révision fondamentale de l’image classique. Par exemple, nous avons montré que les premières générations d’étoiles massives contenaient probablement une grande proportion de rotateurs rapides. C’est ce qui semble requis pour expliquer le rapport N/O élevé observé à la surface des étoiles très déficientes en métaux (voir Chiappini & al. 2006). La rotation rapide peut conduire, dans le cas des étoiles les plus massives, à une forte perte de masse : 1) par le fait que l’étoile atteint la vitesse critique et que ses couches les plus externes ne sont plus liées gravitationnellement, et 2) par l’enrichissement de la surface en éléments CNO, dû au mélange rotationnel. Cet enrichissement permet d’augmenter l’opacité en surface et entraîne une forte perte de masse par vents radiatifs. La masse perdue de cette manière est enrichie en éléments fraîchement synthétisés, en particulier l’hélium et les éléments CNO. La modification de la composition chimique du milieu interstellaire par ces étoiles est très particulière. L’effet est d’autant plus marqué si l’étoile s’effondre directement en trou noir à la fin de son évolution. Dans ce cas, seuls les vents contribuent à l’enrichissement chimique du milieu. Il est intéressant de noter que la composition chimique des ejecta du vent présente de grandes similitudes avec les rapports d’abondances observées à la surface des étoiles extrêmement déficientes en metaux mais riches en carbone, ce qui soutient le point de vue qu’au moins une partie de ces étoiles pourraient être formées à partir de ces ejecta.
Une petite grille de modèles stellaires à métallicité nulle est en train d’être établie par Sylvia Ekström, qui a commencé sa thèse de doctorat en septembre 2004. En plus de cette grille, d’autres calculs seront faits pour répondre aux questions suivantes :
- Quelle serait la contribution d’étoiles de Population III massives en rotation très rapide au flux ionisant ? Ces étoiles auraient une évolution homogène, resteraient dans la partie bleue du diagramme HR, verraient leur temps de vie augmenter et deviendraient des étoiles de Wolf-Rayet. Ces effets seraient-ils suffisamment marqués pour qu’elles soient une source importante de photons ionisants ?
- Quel serait le destin de ces étoiles de Population III en rotation extrême ? Pourraient-elles devenir des collapsars, les progeniteurs de sursauts gamma ?
- Pourquoi ne trouve-t-on pas la signature nucleosynthétique des supernovae par création de paires dasn la composition chimique des étoiles extrêmement déficientes en métaux ? Une très forte perte de masse due à la rotation pourrait-elle permettre aux objets très massifs d’éviter le régime d’instabilité de paires ?
- Est-ce que le mécanisme de la dynamo de Tayler-Spruit marche dans le cas des étoiles de Population III ? Ce mécanisme nécessite un petit champ magnétique originel qui sera amplifié aux dépends de l’énergie de la rotation différentielle, mais ce champ magnétique originel existe-t-il dans l’Univers primordial ? Au cas où le mécanisme de Tayler-Spruit marche, comment est-il affecté par la métallicité ?