Première lumière pour eROSITA
Le 22 octobre 2019, les spectaculaires premières images en rayons X captées par le nouveau télescope eROSITA ont été présentées au public à l’Institut Max Planck de Physique Extraterrestre (MPE) à Garching près de Munich. eROSITA est embarqué sur le satellite SRG, qui a été lancé avec succès le 13 juillet 2019 depuis Baïkonour (Kazakhstan). Après une intensive phase de test, les 7 caméras à rayons X de l’instrument observent le ciel simultanément depuis le 13 octobre. Les premières images combinées de notre galaxie voisine, le grand nuage de Magellan, et d’une paire d’amas de galaxies en interaction à une distance d’environ 800 million d’années lumières montrent des détails remarquables et démontrent les capacités ambitieuses du nouveau télescope spatial.
Image des deux amas de galaxies en interaction : A3391, en haut,
et l'amas double A3395, en bas (plus d'explications ci-dessous).
© T. Reiprich (Univ. Bonn), M. Ramos-Ceja (MPE), F. Pacaud (Univ. Bonn), D. Eckert (Univ. Geneva),
J. Sanders (MPE), N. Ota (Univ. Bonn), E. Bulbul (MPE), V. Ghirardini (MPE), MPE/IKI
« Maintenant nous pouvons commencer à récolter les fruits de plus de 10 ans de travail. Nous sommes tous impressionnés par la qualité des images de notre télescope », s’enthousiasme Peter Predehl, chef de projet d’eROSITA. « Pour atteindre nos objectifs scientifiques, nous avons besoin d’images suffisamment sensibles pour détecter les amas de galaxies les plus distants de l’Univers à travers le ciel entier. Les images de notre première lumière montrent que nous serons en mesure d’atteindre ce but, et encore bien plus. Le potentiel de découverte est immense. » La première lumière d’eROSITA a été effectuée lors d’une série d’observations d’environ une journée en direction du grand nuage de Magellan, la galaxie la plus proche de la nôtre, et du système d’amas de galaxies en interaction A3391/95 à une distance d’environ 800 million d’années lumière.
image montre notre galaxie voisine, le grand nuage de Magellan, observé avec les 7 télescopes d’eROSITA du 18 au 19 octobre 2019 (plus d'explications ci-dessous).
© TF.Haberl, M. Freyberg and C. Maitra, MPE/IKI
« Les rayons X nous offrent une vision unique de notre Univers », explique Kirpal Nandra, directeur du groupe d’astrophysique des hautes énergies au MPE. « En observant une étoile apparemment normale, nous pouvons parfois voir un astre compact en train de dévorer son compagnon. La lumière visible montre la structure des galaxies via leurs étoiles, alors qu’en rayons X nous observons des trous noirs supermassifs en leurs centres. Et là où l’on observe des concentrations de galaxies en lumière visible, les rayons X nous révèlent d’énormes réservoirs de gaz extrêmement chaud qui remplissent l’espace entre les galaxies et suivent le tracé de l’énigmatique matière noire. Grâce à ces premières images, nous savons maintenant qu’eROSITA permettra des avancées gigantesques dans notre compréhension de l’évolution de l’Univers. »
En plongeant toujours plus loin dans l’Univers lointain, l’image acquise par eROSITA en direction du système A3391/95 révèle l’interaction entre deux amas de galaxies, qui mène à la formation de structures gigantesques dans l’Univers. Les amas de galaxies, qui apparaissent comme de grandes nébuleuses elliptiques dans les images d’eROSITA, ont une taille de plusieurs dizaines de millions d’années lumière. Chacun d’entre eux contient des milliers de galaxies. La détection d’amas de galaxies constitue l’objectif premier d’eROSITA ; les astronomes s’attendent à en trouver plus de 100,000, ce qui leur permettra de mieux comprendre l’évolution de notre Univers et de ses composants principaux (matière et énergie sombre), dont la nature nous échappe toujours. eROSITA devrait également découvrir plusieurs millions de trous noirs supermassifs lors de son sondage du ciel, qui durera au total 4 ans.
Lancé le 13 juillet 2019 à bord de la mission spatiale russo-allemande Spektrum-Roentgen-Gamma (SRG), eROSITA est maintenant arrivé à sa destination finale, le point de Lagrange L2 à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Depuis fin septembre (soit 100 jours après le lancement), la mission spatiale est en orbite autour de L2. La phase de validation du télescope a été complétée avec succès le 13 octobre. La mission est maintenant entrée dans la phase de calibration et vérification, durant laquelle des observations astronomiques sont mises en place afin de mieux comprendre l’instrument et permettre une exploitation complète de son potentiel scientifique. A la fin de la phase de calibration, après une vérification finale, SRG et eROSITA entreront dans leur mission principale, un sondage du ciel entier en rayons X.
Le développement et la construction de télescope eROSITA ont été dirigés par l’Institut Max Planck de Physique Extraterrestre avec des contributions de l’Institut d’Astronomie et Astrophysique de l’Université de Tübingen, l’Institut Leibniz d’Astrophysique de Potsdam (AIP), l’Observatoire de Hambourg et l’Observatoire Karl Remeis de Bamberg, avec le soutien de l’agence spatiale allemande DLR. Dominique Eckert du Département d'astronomie de l'Université de Genève est membre de l’équipe eROSITA et est en charge du traitement des données de l’observation du double amas A3391/95. L’Université Ludwig-Maximilian de Munich et l’Institut Argelander d’Astronomie de Bonn participent également aux activités scientifiques d’eROSITA. L’institut partenaire en Russie est l’Institut de Recherche Spatiale IKI à Moscou. NPOL, Lavochkin Association, à Khimky près de Moscou, est responsable de l’implémentation technique de la mission SRG, qui est un projet joint entre les agences spatiales Russes et Allemandes, Roscosmos et DLR.
Amas de galaxies A3391/95
Cette image d‘eROSITA montre les deux amas de galaxies en interaction A3391, en haut de l‘image, et l‘amas double A3395, vers le bas. Cette image met en évidence les capacités d‘eROSITA à observer l‘Univers lointain. Elle a été obtenue grâce à une série d‘observations de cette région du ciel par les 7 télescopes d‘eROSITA entre le 17 et le 18 octobre 2019. Les images individuelles ont été traitées avec diverses techniques d‘analyse et colorisées pour mettre en évidence le « pont » ou « filament » de matière qui relie les deux amas, ce qui confirme la suspicion que ces deux structures gigantesques sont en interaction. Les observations d’eROSITA montrent également des centaines de sources compactes, qui permettent d’identifier la position de trous noirs supermassifs distants.
© T. Reiprich (Univ. Bonn), M. Ramos-Ceja (MPE), F. Pacaud (Univ. Bonn), D. Eckert (Univ. Geneva), J. Sanders (MPE), N. Ota (Univ. Bonn), E. Bulbul (MPE), V. Ghirardini (MPE), MPE/IKI
LMC
Cette image montre notre galaxie voisine, le grand nuage de Magellan, observé avec les 7 télescopes d’eROSITA du 18 au 19 octobre 2019. L’émission diffuse provient de gaz chaud entourant les étoiles. Les structures nébuleuses sont principalement des restes de supernova, c’est-à-dire l’atmosphère d’anciennes étoiles éjectée lors d’explosions puissantes à la fin de la vie des étoiles massives. La plus brillante d’entre elles, SN 1987A, peut être observée proche du centre de l’image comme un nuage circulaire de couleur bleue. Un grand nombre d’autres sources de rayons X peuvent être observées, notamment des systèmes binaires et des amas d’étoiles contenant de jeunes étoiles massives (jusqu’à 100 fois plus massives que le Soleil). On peut également observer un grand nombre de sources compactes, qui sont soit des étoiles d’avant-plan soit des trous noirs supermassifs distants.
© F.Haberl, MPE/IKI
22 octobre 2019Actualités