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Un système de six planètes (presque) en rythme

Observée par le spectrographe SOPHIE, situé à l’Observatoire de Haute-Provence en France, HD 158259 est une étoile de la constellation du dragon à la limite de la détection à l’œil nu. En analysant trois cent mesures prises au cours de ces sept dernières années, une équipe internationale, dont des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), a découvert que l’étoile HD 158259 est entourée de six planètes, une «super-Terre» et cinq «mini-Neptunes», dans une configuration orbitale exceptionnellement régulière. Ces résultats, à lire dans la revue Astronomy & Astrophysics, donnent des indices importants sur la formation de ce système planétaire singulier.

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Dans le système de HD 158259, toutes les planètes sont proches de la résonance selon un rapport de 3:2. Une résonance entre plusieurs planètes est comparable à plusieurs musiciens qui battent chacun un rythme distinct, mais tombent systématiquement ensemble au début de chaque mesure. © UNIGE/NASA

HD 158259 est observée depuis sept ans avec le spectrographe SO­PHIE. Cet instrument permet de mesurer la vitesse radiale de l’étoile, c’est-à-dire sa vitesse dans la direction de l’observateur. C’est le même type de mesure qui a permis la découverte de la première exoplanète autour d’une étoile de type solaire, 51 Peg b, par Michel Mayor et Didier Queloz en 1995. La découverte du système de HD 158259 a par ailleurs été faite avec le même télescope que celle de 51 Peg b, mais elle n’aurait pas été possible en 1995, ni même avec les performances initiales de l’instrument SOPHIE à son installation en 2006. «C’est l’accumulation d’un très grand nombre de mesures et l’amé­lioration considérable de l’instrument et de nos techniques d’analyse de données qui ont permis de détecter ce système exceptionnel», s’enthousiasme Francois Bouchy, professeur au Département d’astro­nomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et coordinateur du pro­gramme d’observation.

La planète la plus proche de HD 158259 et les cinq planètes plus éloignées présentent respectivement des masses de deux et six fois celle de la Terre. De plus, ce système est compact: la planète la plus éloignée de son étoile en est près de trois fois plus proche que Mercure ne l’est du Soleil. Le transit de la planète la plus proche a été observé, quant à lui, par le télescope spatial TESS de la NASA, qui a mesuré une baisse de luminosité lorsque la planète est passée devant son étoile. «Les mesures TESS permettent d’estimer le rayon de la planète et apportent des renseignements précieux sur sa structure interne», explique Nathan Hara, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, membre de PlanetS et premier auteur de l’étude.

Un système de six planètes particulièrement régulier

Déjà remarquable par la présence de six planètes, ce système est exceptionnel puisque les périodes de révolution des planètes sont toutes proches du rapport de 3:2. Cela signifie que lorsque la première planète – celle qui est le plus proche de l’étoile – complète trois orbites, la deuxième en fait environ deux, lorsque cette deuxième planète fait trois orbites, la troisième en fait environ deux, et ainsi de suite.

Cette situation s’inscrit dans un cadre plus général qui joue un rôle clé dans l’architecture des systèmes planétaires, celui des résonances. Plusieurs planètes sont dites en résonance lorsqu’elles se retrouvent périodiquement dans la même configuration, après avoir fait un nombre d’orbites potentiellement différents. «Ceci est comparable à plusieurs musiciens qui battent chacun un rythme distinct, mais tombent systématiquement ensemble au début de chaque mesure», poursuit Nathan Hara. Des planètes peuvent aussi être proches de la résonance, c’est-à-dire qu’elles se retrouvent presque dans la même configuration de manière périodique. Dans le système de HD 158259, toutes les planètes sont proches de la résonance.

Retracer l’histoire de ce système planétaire

En quoi ce système est-il intéressant? L’un des buts de l’étude des systèmes planétaires est de comprendre leur formation. À ce sujet, certaines questions sont encore débattues, en particulier la suivante: la formation des planètes se déroule-t-elle à proximité de leur position finale dans le système ou, au contraire, les planètes se déplacent-elles après leur formation? Ce dernier scénario, appelé migration planétaire, semble expliquer la formation du système de HD 158259. «On connaît plusieurs systèmes planétaires compacts présentant plus de trois planètes à l’intérieur ou proches de la résonance, comme celui que nous avons découvert. Il est souvent avancé que les planètes de ces systèmes compacts et résonants se forment loin de leur étoile, avant de migrer simultanément dans sa direction. Dans ce scénario, les résonances jouent un rôle crucial», précise Stéphane Udry, professeur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences l’UNIGE.

Dans ce système, lorsqu’une planète fait trois orbites, sa plus proche voisine extérieure en fait environ deux. «Ici, le “environ” est important et, outre l’omniprésence du rapport de période 3:2, constitue l’originalité de ce système», souligne Nathan Hara. Les planètes de HD 158259 sont proches de la résonance, mais pas exactement à l’intérieur de celle-ci. Cela laisse à penser que les planètes ont été piégées en résonance dans le passé, puis en sont sorties. «De plus, la valeur des écarts des rapports de période de deux planètes successives à 3:2 est riche en information. À travers ces valeurs d’une part, et des modèles d’effets de marées d’autre part, nous pourrons obtenir des contraintes sur la structure interne des planètes dans une étude ultérieure. En résumé, l’état actuel du système donne une fenêtre sur sa formation», conclut le chercheur genevois.

 

Lien vers l'article A&A (2020) 636, L6

Lien vers l'article en accès libre arXiv:1911.13296

 

16 avril 2020
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