Une équipe internationale dirigée par l’Université de Genève (UNIGE) a identifié trois galaxies ultra-massives – presqu’aussi massives que la Voie lactée – déjà en place dans le premier milliard d’années après le Big Bang. Cette découverte surprenante a été rendue possible par le programme FRESCO du télescope spatial James Webb, qui utilise le spectrographe NIRCam/grism pour mesurer avec précision les distances et les masses stellaires des galaxies. Les résultats indiquent que la formation des étoiles dans l’Univers primitif était beaucoup plus efficace qu’on ne le pensait. Ils remettent en question les modèles existants de formation des galaxies. L’étude est publiée dans Nature.
Photomontage d’images prises par le télescope spatial James Webb. Les trois «monstres rouges» représentent des galaxies extrêmement massives et poussiéreuses dans le premier milliard d’années après le Big Bang, ce qui indique que l’Univers forme des étoiles plus efficacement que prévu. © NASA/CSA/ESA, M. Xiao & P. A. Oesch (University of Geneva), G. Brammer (Niels Bohr Institute), Dawn JWST Archive
Selon le modèle théorique privilégié par les scientifiques, les galaxies se forment progressivement au sein de vastes halos de matière noire. Les halos de matière noire capturent le gaz (atomes et molécules) pour en faire des structures liées par la gravitation. En règle générale, seuls 20 % de ce gaz sont convertis en étoiles dans les galaxies. Cependant, les nouvelles découvertes d’une équipe internationale dirigée par l’UNIGE et utilisant le télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA remettent en question cette théorie. Elles révèlent que les galaxies massives de l’Univers primitif pourraient avoir été beaucoup plus efficaces dans la construction d’étoiles que leurs homologues plus tardives, et qu’elles se sont développées beaucoup plus rapidement qu’on ne le pensait jusqu’à présent.
Découverte des «monstres rouges»
Les possibilités inégalées du JWST ont permis aux astronomes d’étudier les galaxies de l’Univers très lointain et donc jeune, et d’obtenir des informations sur les galaxies massives et les galaxies obscurcies par la poussière. En analysant les galaxies de l’étude FRESCO, les scientifiques ont constaté que la plupart des sources sont compatibles avec les modèles théoriques existants. Cependant, ils et elles ont également découvert trois galaxies étonnamment massives, dont la masse stellaire est comparable à celle de la Voie lactée actuelle. Ces galaxies forment des étoiles presque deux fois plus efficacement que leurs homologues de masse plus faible et que les galaxies plus anciennes. En raison de leur forte teneur en poussière, qui leur confère un aspect rouge distinct sur les images du JWST, elles ont été baptisées les trois «monstres rouges».
«Nos résultats redéfinissent notre compréhension de la formation des galaxies dans l’Univers jeune», déclare Mengyuan Xiao, autrice principale de la nouvelle étude et post-doctorante au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. David Elbaz, directeur de recherche au CEA Paris-Saclay ajoute: «Les propriétés massives de ces “monstres rouges” n’avaient guère été déterminées avant le JWST, car elles sont optiquement invisibles en raison de l’atténuation due à la poussière.»
Une étape importante dans l’observation des galaxies
L’équipe internationale a développé un nouveau programme avec le JWST pour analyser de façon systématique un échantillon complet de galaxies à raies d’émission dans le premier milliard d’années de l’histoire cosmique. Cette approche a permis à l’équipe d’obtenir des estimations précises de la distance et des mesures fiables de la masse stellaire pour l’ensemble de l’échantillon de galaxies.
«Nos résultats mettent en évidence la puissance remarquable de la spectroscopie NIRCam/grism», explique Pascal Oesch, professeur associé au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, investigateur principal de ce programme d’observation. «L’instrument embarqué à bord du télescope spatial nous permet d’identifier et d’étudier la croissance des galaxies au cours du temps, et d’obtenir une image plus claire de la manière dont la masse stellaire s’accumule au cours de l’histoire cosmique.»
Des galaxies trop nombreuses et trop massives dans l’Univers primitif
Bien que ces résultats ne soient pas en contradiction avec le modèle cosmologique standard, ils soulèvent de nouvelles questions pour les théories sur la formation des galaxies, en particulier le problème des galaxies «trop nombreuses et trop massives» au début de l’Univers. Les modèles actuels pourraient devoir prendre en compte les processus uniques qui ont permis à certaines galaxies massives précoces de parvenir à une formation d’étoiles aussi efficace et donc de se former très rapidement, très tôt dans l’Univers. Les futures observations du JWST et de l’Atacama Large Millimeter Array (ALMA) permettront d’en savoir plus sur ces «monstres rouges» ultra-massifs et de révéler des échantillons plus importants de ces sources.
«Ces résultats indiquent que les galaxies de l’Univers primitif ont pu former des étoiles avec une efficacité inattendue. Lorsque nous étudierons ces galaxies plus en profondeur, elles offriront de nouvelles perspectives sur les conditions qui ont façonné les premières époques de l’Univers. Les ‘‘monstres rouges’’ ne sont que le début d’une nouvelle ère dans notre exploration de l’Univers primitif», conclut le Dr Mengyuan Xiao.
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