Observer les cellules malignes produire de l'énergie en direct
Dans la cellule, pour pouvoir fonctionner, les mitochondries importent du «carburant» à l’aide d’un transporteur, le Mitochondrial Pyruvate Carrier (MPC). Afin de déterminer si ce MPC est toujours fonctionnel dans les cellules malignes, l’équipe du professeur Jean-Claude Martinou vient de développer, à l’Université de Genève (UNIGE), un biosenseur pour mesurer l’activité en temps réel du transporteur mitochondrial. Les biologistes ont pu constater que le MPC a une très faible activité dans les lignées tumorales, par comparaison avec les cellules saines. Ils ont ensuite utilisé un nouveau type de composé antitumoral, dont l’application a permis de rétablir une activité normale du MPC. Des résultats à lire dans la revue Molecular Cell.
Les cellules malignes consomment une quantité anormalement élevée de glucose pour assurer leur croissance rapide. Contrairement aux cellules saines, pour convertir ce nutriment en énergie, elles ne recourent pratiquement pas à leurs mitochondries, ces éléments du cytoplasme dont le rôle essentiel est de produire et stocker de l’énergie grâce à la respiration cellulaire. Et ceci malgré le bon rendement énergétique qu’elles pourraient en tirer. Elles compensent toutefois ce manque à gagner en surexploitant d’autres voies métaboliques.
L’une des approches thérapeutiques actuelles vise à contraindre les cellules cancéreuses à faire usage de leurs mitochondries. «Pour pouvoir fonctionner, ces organites importent du «carburant», le pyruvate, à l’aide d’un transporteur que nous avons découvert en 2012 et baptisé Mitochondrial Pyruvate Carrier (MPC)», relève Jean-Claude Martinou, professeur au Département de biologie cellulaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE.
Un transporteur atone dans les cellules tumorales Les chercheurs ont scruté l’activité du MPC dans les cellules cancéreuses. Ils ont transformé le MPC en un biosenseur sophistiqué, capable de signaler sa propre activité en temps réel: «nous avons génétiquement modifié le MPC de façon à ce qu’il émette des signaux fluorescents d’intensité différente selon son degré d’activité», explique Vincent Compan, premier auteur de l’article.
En collaboration avec l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) et l’Université Nice Sophia Antipolis (UNICE), les chercheurs ont ensuite généré différentes lignées cellulaires humaines exprimant le biosenseur. «Nous avons mesuré une activité très basse du MPC dans toutes les lignées tumorales, contrairement à celle observée dans les cellules saines. C’est notamment déjà au niveau du transporteur que le carburant pyruvate peine à accéder aux mitochondries», note Jean-Claude Martinou.
Un effet cependant réversible
Pour pouvoir forcer les cellules cancéreuses à recourir à leurs mitochondries, il a fallu vérifier que le MPC était encore fonctionnel dans ces cellules. Les chercheurs ont donc soumis les cellules à un traitement provoquant une augmentation du pyruvate dans le cytoplasme. «C’est alors seulement que l’activité du MPC a retrouvé une valeur normale dans les cellules malignes, nous indiquant que c’est un manque de carburant, plutôt qu’une dysfonction du transporteur, qui affecte le processus», détaille Vincent Compan.
Le traitement choisi par les scientifiques appartient à un groupe de petites molécules chimiques ayant pour cible un autre transporteur, celui du lactate. L’une de ces molécules est du reste actuellement évaluée en essai clinique, comme thérapie-candidate. «Le biosenseur que nous avons développé constitue par ailleurs un outil pour identifier des composés capables de moduler l’activité du MPC et, ainsi, de nouveaux traitements potentiels», conclut Jean-Claude Martinou.
Contact :
Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Jean-Claude Martinou (Tél. +41 22 379 64 42).
8 août 20152015