L'après Big Bang se dévoile
Suite au Big Bang, l’Univers se dilate et la matière, en se refroidissant, se structure progressivement. Les premières étoiles et galaxies se forment quelque cent mille ans après. Environ un milliard d’années plus tard, on observe que l’Univers s’est réchauffé et que l’élément le plus abondant, l’hydrogène, est à nouveau ionisé, comme juste après le Big Bang. Comment cette importante transformation, la réionisation cosmique, a-t-elle été possible ? Les astronomes soupçonnaient que les galaxies étaient le moteur principal de ce phénomène. Une équipe internationale et des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont aujourd’hui largement validé cette hypothèse. Ils ont en effet découvert une galaxie compacte expulsant des photons ionisants, responsables de cette transformation de l’Univers. Leur article, publié dans Nature, ouvre une voie de recherche capitale dans la compréhension de l’Univers primordial.
La matière «normale» de l’Univers primordial, c’est-à-dire vieux de 14 milliards d’années, se trouve majoritairement sous forme de gaz. Les étoiles naissent de la concentration de ce gaz et s’agrègent pour constituer les premières galaxies. Le rayonnement UV émis par les étoiles contient de nombreux photons ionisants. C’est pourquoi les scientifiques soupçonnaient que les galaxies étaient responsables de la réionisation de l’Univers. Toutefois, pour pouvoir avoir un impact sur la réionisation cosmique, elles devaient «expulser» ces photons qui sont facilement absorbés. Mais en vingt ans de recherche, les chercheurs n’avaient encore jamais trouvé de galaxie capable de le faire.
Professeur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences, Daniel Schaerer et une équipe internationale ont dès lors posé comme hypothèse qu’il fallait observer des galaxies «petits pois». Découvertes en 2007, elles constituent une classe spéciale et rare dans l’Univers proche. Très compactes, elles produiraient des explosions ou vents suffisamment puissants pour «expulser» des photons ionisants. Yuri Izotov, de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine et premier auteur de l’étude, a consulté le Sloan Survey –un catalogue de plus d’un million de galaxies. De ce million, les chercheurs ont réussi à identifier cinq mille galaxies correspondant aux critères théorisés, à savoir suffisamment concentrées et émettant des flux de rayonnements UV très puissants. Cinq d’entre elles ont été choisies pour l’expérience.
En utilisant le télescope spatial Hubble, qui détecte les rayonnements UV, les chercheurs de l’UNIGE ont pu observer qu’effectivement la galaxie petit pois J0925, située à trois milliards d’années-lumière, expulse bel et bien des photons ionisants et ce, avec une force sans précédent. Cette découverte capitale permettrait dès lors d’expliquer la réionisation de l’Univers et confirmerait l’hypothèse des astronomes contemporains. Elle sera étoffée par d’autres observations avec Hubble, afin de mieux comprendre la mécanisme «d’expulsion» des photons et de catégoriser quel type spécifique de galaxies permet cette réionisation.
Anne Verhamme, chercheuse à l’UNIGE, a également relevé que cette galaxie petits pois dévoile une signature spectrale très particulière. Son spectre Lyman-alpha, c’est-à-dire l’une des raies d’hydrogène qu’elle produit, est beaucoup plus étroit et puissant que chez les autres galaxies, confirmant ses prédictions théoriques. Cette observation permet dès lors de mettre en place une méthode plus efficace dans la recherche de galaxies responsables de la réionisation cosmique il y a 13 à 14 milliards d’années.
Ces découvertes constituent une avancée considérable dans l’étude de l’Univers primordial. Toutefois, la technologie actuelle ne donne actuellement qu’un premier aperçu des galaxies situées dans le premier milliard d’années de l’Univers. Le nouveau télescope spatial James Webb, dont le lancement est prévu en 2018, doit révolutionner le domaine. Il permettra de découvrir et de caractériser en détail les premières galaxies et les sources de la réionisation. Inconnu jusqu’alors, l’Univers primitif se dévoile peu à peu.
Contact :
Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter la Dr Anne Verhamme (Tél. +41 22 379 23 68).
13 janvier 20162016