2020

Détection d’une galaxie ultraviolette «extrême»

La découverte de la première galaxie émettant un rayonnement ultraviolet «extrême» pourrait aider à mieux comprendre comment a pris fin l’ère cosmique dite des «âges sombres», il y a plus de 13 milliards d’années.

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Image prise par le satellite indien AstroSat dans le domaine de l’ultraviolet. Le zoom montre la galaxie AUDFs01 vue par le télescope spatial Hubble (à gauche) et par AstroSat (à droite).

 

Une équipe internationale, dont font partie des astronomes de l’UNIGE, a détecté grâce au satellite indien AstroSat la première galaxie, baptisée AUDFs01, émettant un rayonnement ultraviolet «extrême», c’est-à-dire très énergétique (d’une longueur d’onde d’environ 60 nanomètres, ou milliardièmes de mètre). Les galaxies «ultraviolettes» sont rares (on n’en connaît que quelques dizaines, émettant toutes des photons moins énergétiques qu’AUDFs01) mais elles permettent d’apporter un éclairage sur une période très précoce et méconnue de l’histoire du cosmos: la fin des «âges sombres». Il y a plus de 13 milliards d’années sont en effet apparues les premières étoiles et galaxies dont le rayonnement ultraviolet est justement responsable de l’ionisation des gaz intergalactiques et donc du fait que l’Univers est devenu transparent et l’est encore aujourd’hui. Les photons ionisants des galaxies primordiales étant hors de portée, les astronomes doivent se tourner vers des galaxies ultraviolettes analogues plus proches, comme AUDFs01, pour échafauder leurs modèles de simulation de cet épisode de la réionisation. Cette découverte est à lire dans la revue Nature Astronomy.

«Quelques temps après le Big bang, l’Univers est passé par une ère très obscure, appelée les «âges sombres», explique Anne Verhamme, professeure au Département d’Astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Au cours de cette période de quelques centaines de milliers ou centaines de millions d’années, l’Univers est noir, rempli de gaz neutre, essentiellement de l’hydrogène, l’élément le plus simple et les plus abondant dans la nature. Puis, il y a environ 13 milliards d’années, a lieu une transition radicale. Les premières étoiles et galaxies apparaissent et, petit à petit, leur rayonnement ionise tous les atomes de gaz de l’espace intergalactique, c’est-à-dire qu’il leur arrache leur électron. L’Univers devient lumineux et transparent. Cette phase s’appelle la ré-ionisation. Et notre étude devrait contribuer à comprendre, en apportant de nouvelles données à des modèles de simulation, comment cet épisode s’est déroulé, combien de temps il a duré, etc.»

Un rayonnement stellaire presque impossible à détecter
Seules les étoiles les plus massives émettent un rayonnement assez énergétique pour casser les atomes d’hydrogène. Le problème, c’est que ce rayonnement est presque toujours absorbé par l’hydrogène environnant et donc difficile à observer directement. Du coup, pour connaître la distribution d’énergie des photons ionisants émis par de telles étoiles, les astronomes sont contraints de se reposer sur des prédictions théoriques. Malheureusement, ces dernières divergent grandement entre elles dans le domaine des ultraviolets dits extrêmes, spécialement aux longueurs d’ondes plus courtes que 80 nanomètres (ou milliardièmes de mètre).

Des galaxies primordiales muettes
«On suppose que les premières étoiles massives apparues à la fin des âges sombres ont dû émettre suffisamment de rayonnement ionisant pour qu’une partie s’échappe des galaxies primordiales et ionise le milieu intergalactique, avance Daniel Schaerer, professeur au Département d’Astronomie. Mais on ne pourra jamais vérifier ce scénario par des observations directes. En effet, la probabilité qu’un de ces photons ionisants, émis par une galaxie aussi lointaine, arrive jusqu’à nos télescopes sans rencontrer d’atome d’hydrogène en chemin est nulle.»
Pour tenter d’en savoir plus, les scientifiques doivent donc se tourner vers des galaxies proches, analogues des galaxies primordiales, qui émettraient suffisamment de photons ionisants pour que certains s’échappent et arrivent jusqu’à la Terre. Le problème, c’est que la vaste majorité de ces galaxies proches sont opaques aux photons ionisants.

Quelques dizaines de galaxies
Après des décennies de recherches, seulement quelques dizaines de galaxies ultraviolettes ont été découvertes très récemment (toutes après 2016). Elles sont soit très proches, soit beaucoup plus loin, deux distances qui correspondent simplement aux limites de détection des appareils à disposition à la surface de la Terre et à bord de satellites actuels.
«Lancé en 2015, AstroSat, le premier observatoire spatial astronomique indien, a permis pour la première fois de chercher des galaxies ultraviolettes situées à des distances intermédiaires grâce à ses détecteurs sensibles à une large gamme d’ultraviolets», explique Kanak Saha, professeur à l’Inter-University Centre for Astronomy and Astrophysics en Inde et premier auteur de l’article.
«C’est ainsi que nous avons découvert la première galaxie émettant dans le domaine des ultraviolets extrêmes (d’une longueur d’onde de 60 nanomètres), souligne Charlotte Simmonds, chercheuse au Département d’Astronomie et co-auteure de l’article. AUDFs01 offre la première contrainte observationnelle dans un régime de longueurs d’onde où les modèles stellaires sont les plus divergents. Grâce à AstroSat, on en attend d’autres dans un futur proche. Elles nous permettront de raffiner le scénario décrivant l’épisode fascinant de la ré-ionisation de l’Univers.»

20 août 2020

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