L’Univers serait plus chaud que prévu
Des chercheurs de l’UNIGE sont parvenus à réconcilier la théorie cosmologique et les observations faites de l’Univers en considérant que celui-ci est plus chaud que ce l’on croyait jusqu’à présent.
La galaxie d'Andromède, notre plus proche voisine à 2,5 millions d'années-lumière. Cette galaxie, ainsi que la nôtre et des centaines d'autres, forment le superamas de la Vierge, qui s'étend sur environ 100 millions d'années-lumière. © DR
Les astrophysicien-nes se heurtent encore aujourd’hui à diverses contradictions entre les théories cosmologiques et les mesures prises grâce aux différents outils de recherche. Quatre valeurs posent principalement problèmes: la vitesse de l’expansion de l’Univers aujourd’hui, l’ampleur des variations de densité de la matière au sein de l’Univers, et les variations de température et de trajectoire de la lumière primordiale de l’Univers. En ne considérant plus dans leurs calculs la température de la lumière et la courbure de l’Univers, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) sont parvenus à réconcilier la théorie avec les données d’analyse. La raison? Nous vivrions dans une région de sous-densité de l’Univers qui fausserait légèrement les calculs et aboutirait à ces incohérences. Ces résultats, à lire dans la revue Physical Review D, ouvrent de nouvelles perspectives pour les théories cosmologiques, qui permettraient de répondre à de nombreuses questions encore en suspens.
Les théoriciens et théoriciennes en cosmologie sont confronté-es à différentes incohérences entre leurs résultats de calcul et les mesures prises grâce aux satellites. La première incohérence concerne la vitesse de l’expansion de l’Univers. «Nous pouvons mesurer cette vitesse soit grâce aux supernovas – des étoiles en fin de vie qui implosent –, soit grâce à la lumière du fond diffus cosmologique (FDC) – le rayonnement électromagnétique que l’on observe dans tout l’Univers», explique Benjamin Bose, chercheur au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Mais ces deux mesures donnent un résultat qui diffère de plus de 10% et qui ne peut être expliqué par des erreurs d’observations. La deuxième incohérence concerne l’ampleur de la variation de la densité de la matière dans l’Univers, qui à nouveau diffère de 8% si on la calcule à partir du FDC ou à partir des galaxies de l’Univers local. Enfin, les deux dernières incohérences sont des caractéristiques statistiques des variations de la température et de la trajectoire de la lumière du FDC. Dans ce cas, les théories ne parviennent pas à s’accorder aux mesures observées techniquement par les scientifiques.
Une théorie simple pour aligner les résultats
La recherche tente encore aujourd’hui de résoudre ces contradictions, en mettant toutefois l’accent sur l’une ou l’autre problématique. Benjamin Bose et Lucas Lombriser, professeur au Département de physique théorique de l’UNIGE, ont cherché à réconcilier ces quatre incohérences grâce à une seule et même théorie, qui elle-même n’introduirait pas de nombreuses autres hypothèses à vérifier. Pour ce faire, ils ont choisi d’analyser les données observationnelles de ces contradictions en ne prenant pas en compte une température particulière de la lumière du FDC – que l’on considère comme fixe –, et la courbure de l’Univers. «En ôtant ces deux données, non seulement les incohérences de la température de la lumière et de sa trajectoire diminuent, mais celles liées à la vitesse de l’expansion de l’Univers aujourd’hui et de la différence de densité maximale de la matière disparaissent, avec des mesures statistiques qui s’accordent !», s’enthousiasme Benjamin Bose. Mais comment expliquer cela?
La Terre serait située dans une région de sous-densité de l’Univers
Lucas Lombriser a posé l’hypothèse suivante : la Terre serait située dans une région de sous-densité de l’Univers par rapport à la moyenne. «C’est pourquoi les mesures observationnelles que nous prenons sont légèrement décalées, avec une température du fond diffus cosmologique un peu plus élevée que la température que nous observons localement», explique le professeur genevois. Cette hypothèse est notamment corroborée par les comparaisons effectuées dans les galaxies voisines, qui appuieraient que la Terre est bel est bien dans une région moins dense de l’Univers que la moyenne.
Selon cette théorie cosmologique, la température de la lumière du FDC serait donc plus élevée que celle que l’on mesure avec nos appareils et que l’on utilise dans les recherches. Et cette différence tronquerait les calculs et aboutirait à ces incohérences.
A présent, il s’agit pour les chercheurs de l’UNIGE de refaire leur analyse de données en partant du principe que l’on vit dans une région de sous-densité de l’Univers. «Nous montrons ici que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle physique pour résoudre les problèmes scientifiques qui se posent à nous. Il s’agit peut-être simplement d’adopter un nouveau point de vue», conclut Benjamin Bose.