2023

Des tumeurs «avatars» pour combattre le cancer colorectal

Une équipe de l’UNIGE a développé une approche innovante pour personnaliser les traitements, en les testant sur des tumeurs artificielles.
 

Représentation artistique de tumeur colorectale. L’équipe de recherche a travaillé avec des organoïdes dérivés de tissus cancéreux non-traités prélevés chez des patient-es. © Sofia Rodriguez Soares (illustration réalisée dans le cadre d'une collaboration entre l'option Image/Récit de la HEAD et la Faculté des Sciences, UNIGE) 


Comment définir le traitement le plus efficace pour combattre le cancer du côlon? La réponse aux chimiothérapies varie en effet fortement d’un-e patient-e à l’autre. Une équipe de l’UNIGE a développé une méthode inédite permettant de tester en amont différents médicaments, sans passer par l’organisme de la personne touchée et sans faire appel à l’expérimentation animale. Les chercheurs/euses ont utilisé des organoïdes - des reproductions d’organes et de tissus miniatures – dérivés de patient-es qu’ils/elles ont exposés aux traitements. Les résultats de ces tests ont ensuite été modélisés. Cette approche ouvre la voie à des thérapies optimisées et personnalisées pour lutter contre diverses formes de cancer mais aussi d’autres maladies. Elle est à découvrir dans le Journal of Experimental & Clinical Cancer Research.


Avec plus d’1,4 million de personnes touchées chaque année, dont 700 000 mortellement, le cancer colorectal est le troisième cancer le plus diagnostiqué dans le monde et le second en termes de mortalité, juste après celui du poumon. Son traitement repose essentiellement sur une combinaison de chimiothérapies appelée FOLFOXIRI. Son efficacité varie cependant selon les patient-es et ses effets secondaires sont importants. Il entraîne par ailleurs une résistance progressive aux médicaments chez une majorité de personnes.


Dès lors, comment tester et optimiser les combinaisons chimiothérapiques pour chaque patient-e, sans provoquer de nombreux effets indésirables? Une équipe de l’UNIGE dirigée par Patrycja Nowak-Sliwinska, professeure associée à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie (CRTOH), a trouvé la solution en utilisant des organoïdes. Ces structures cellulaires en trois dimensions, créées en laboratoire, reproduisent en miniature la structure et les fonctions de certains tissus et organes.


Comme des organes ou presque

«Ces micro-tissus ne sont pas des organes à proprement parler», explique George M. Ramzy, post-doctorant à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur de l’étude. «Ils présentent certaines différences physiologiques importantes, comment le fait d’être dépourvus de systèmes vasculaire ou nerveux. Cependant, il s’agit de modèles très efficaces sur lesquels tester les traitements.»


Les chercheurs/euses sont parti-es de tissus cancéreux prélevés chez des patient-es des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) encore non-traité-es. En cultivant des cellules souches provenant de ces tissus - qui se sont petit à petit divisées et organisées pour former des structures en trois dimensions - les scientifiques sont parvenu-es à produire des organoïdes, ou tumoroïdes, de la tumeur de chaque patient-e.


«Nous avons ensuite testé différents médicaments sur ces modèles, sans connaître au préalable leur bagage génétique», détaille Patrycja Nowak-Sliwinska. C’est ce bagage propre à chacun-e, qui définit en grande partie l’efficacité, ou non, des traitements. Les chercheurs/euses sont donc parti-es d’une feuille blanche, basant l’entier de leur étude sur l’observation de la réponse des cellules en temps réel.


Rapide, efficace et personnalisée

Ces avatars de tumeurs ont été exposés à une panoplie de sept traitements actuellement utilisés en clinique. En fonction de la réponse de chaque organoïde de patient-e, la combinaison et les dosages de ces traitements ont été adaptés. L’ensemble des résultats a été mathématiquement modélisé afin de prédire l’efficacité et les doses optimales pour chaque organoïde, autrement dit pour chaque patient-e. Ces tests ont été réalisés sur deux semaines. «Il s’agit d’un délai cliniquement pertinent: c’est le délai actuellement nécessaire au corps médical pour choisir un traitement après le diagnostic», indique Patrycja Nowak-Sliwinska.


Grâce à une collaboration entre le laboratoire de recherche genevois et l’EPFL, les chercheurs/euses ont ensuite pu déterminer le stade de la tumeur de chaque patient-e et les principales mutations impliquées dans la progression de la maladie. Cette information est essentielle pour mieux comprendre le choix et le mécanisme d’action de chaque combinaison de médicaments. «Chaque patient-e est différent-e et nécessite un traitement spécifique», ajoute Patrycja Nowak-Sliwinska.


Cette approche innovante, sans modèles animaux, vient d’être brevetée. Elle offre une véritable personnalisation des traitements pour de nombreuses formes de cancer, mais aussi d’autres maladies comme les maladies cardiovasculaires ou virales. Des essais sont en cours pour le cancer rénal. Pour l’équipe de recherche, la prochaine étape consistera à travailler sur des organoïdes de tumeurs de cancer du côlon pré-traitées, montrant par conséquent des signes de résistance. L’objectif sera également de raccourcir la durée du processus d’optimisation.

4 avr. 2023

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