2023

Des cœlacanthes ont prospéré en Suisse après une extinction de masse

Des fossiles de cœlacanthes découverts au Tessin révèlent l’existence d’une diversification inattendue après la plus grande extinction de masse de l’histoire de la vie.

 

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Reconstitution d’un cœlacanthe de l’espèce Rieppelia heinzfurreri, découverte au Tessin. ©Philippe-Wagneur-MHNG

 

L’étude d’une nouvelle espèce de cœlacanthes du Trias moyen, présentant une morphologie étrange pour ces poissons qualifiés de «fossiles vivants», montre que plusieurs espèces se sont formées dans un temps court, après une extinction de masse qui a vu disparaître 80% des espèces marines, il y a 252 millions d’années. Une équipe de chercheurs du Muséum d’histoire naturelle de Genève et de l’Université de Genève (UNIGE) a comparé des fossiles retrouvés dans les Grisons et au Tessin. Leurs travaux sont à découvrir dans la revue Scientific Reports

 

Les cœlacanthes sont d’étranges poissons qui ne sont connus actuellement que par deux espèces présentes le long de la côte Est-Africaine et en Indonésie. Leurs nageoires, parmi d’autres caractéristiques, démontrent que ces animaux sont évolutivement plus proches des vertébrés terrestres, dont les humains, que des autres poissons. Ils donnent donc une idée de l’apparence de l’ancêtre poisson de notre espèce. Durant les 420 millions d’années d’existence de la lignée des cœlacanthes les diverses espèces ont évolué plutôt lentement, ce qui leur a valu le qualificatif de «fossiles vivants».

Il y a quelques années, deux fossiles de cœlacanthes découverts dans des roches du Trias des Grisons, dans l’est de la Suisse, se sont révélés appartenir à une troisième espèce à l’aspect très étrange, avec un corps très court et un crâne formant un dôme, nommée Foreyia maxkuhni. Cette première découverte a incité des chercheurs du Muséum et de l’UNIGE à s’intéresser à d’autres fossiles de cœlacanthes découverts dans le site paléontologique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO du Monte San Giorgio au Tessin (Suisse italienne) et du même âge que les fossiles des Grisons. Ces spécimens, découverts au milieu du 20e siècle et conservés au Musée Paléontologique de Zurich, n’ont jamais été étudiés en détail en raison de la difficulté de leur interprétation.

 

Une nouvelle espèce

Lors de sa thèse de doctorat, Christophe Ferrante, chercheur à la Faculté des sciences de l’UNIGE, a démontré qu’il s’agit d’une nouvelle espèce de cœlacanthe, évolutivement très proche de l’espèce des Grisons, nommée Rieppelia heinzfurreri. Certaines caractéristiques de cette espèce sont semblables à celles de Foreyia alors que d’autres sont bizarrement inversées: l’un a de petites nageoires antérieures et l’autre en possède des énormes, l’un a de petits opercules et l’autre en a de gigantesques, etc. Cette étude démontre que ces deux espèces (ainsi que deux autres à la morphologie plus classique pour ces poissons) font parties d’une petite radiation évolutive, c’est-à-dire la formation de plusieurs espèces dans un temps court et dans un espace réduit. Ce phénomène est observé dans certains groupes d’organismes mais il est identifié pour la première fois chez les cœlacanthes.

Il y a 252 millions d’années s’est produite la plus grande extinction de masse de ces 500 derniers millions d’années, avec plus de 80% des espèces marines qui disparaissent en raison d’énormes éruptions volcaniques en Sibérie. Les étranges cœlacanthes suisses, qui vivaient environ 10 millions d’années après cette catastrophe, démontrent qu’ils ont encore profité des conditions particulières de l’environnement terrestre post-extinction pour évoluer vers des formes et des niches adaptatives uniques dans toute leur histoire. Ces niches seront ensuite réinvesties par d’autres groupes, dont tous les grands groupes de poissons osseux à nageoires rayonnantes qui les occupent encore aujourd’hui.

L’équipe de Lionel Cavin au Muséum d’histoire naturelle de Genève poursuit l’étude de ces étranges cœlacanthes postapocalyptiques du Trias en décrivant de nouveaux fossiles découverts en divers lieu du monde et en s’intéressant aux caractéristiques génétiques potentielles à l’origine de ces formes bizarres sur la base de la comparaison des génomes des vertébrés actuels.

20 juil. 2023

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