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Des flux cytoplasmiques guident les chromosomes pendant l'embryogenèse

Au cours des premiers stades du développement de l'embryon animal, la cellule oeuf subit de multiples divisions sans croître, ce qui donne des cellules de plus en plus petites. À mesure que les cellules deviennent plus petites, comment les chromosomes, qui portent le matériel génétique, savent-ils où aller et se retrouver dans la bonne position pour former les noyaux ? Cette question est particulièrement intrigante car, dans la plupart des cellules, les chromosomes sont généralement ancrés à des microtubules, eux-mêmes ancrés aux parois cellulaires, qui tirent les chromosomes lors de la division. Cependant, au cours de l'embryogenèse, les microtubules ne touchent pas les parois cellulaires parce que les cellules sont trop grandes. De plus, les chromosomes ne sont pas étroitement ancrés aux microtubules. Alors, comment les chromosomes se déplacent-ils au bon endroit sans système de contrôle ? Dr. Olga Afonso et Prof. Marcos Gonzalez-Gaitan, de la Section de chimie et de biochimie de la Faculté des Sciences de l'Université de Genève, se sont penchés sur ce mystère. Dans leur nouvelle étude publiée dans Nature Cell Biology, ils ont découvert que des courants, appelés flux cytoplasmiques, sont générés dans le cytoplasme pendant la division. Ces flux agissent comme un capteur de taille cellulaire, garantissant que la reformation de l'enveloppe nucléaire (NER) se produit à la bonne position au fur et à mesure que les cellules se divisent et rétrécissent.

 

Vidéos de microscopie à fluorescence des divisions cellulaires de l'embryon : 1 - Vue d'ensemble de la division cellulaire dans un embryon de poisson zèbre : les chromosomes sont colorés en jaune, tandis que les microtubules apparaissent en blanc. 2 - Flux cytoplasmiques révélés : la fluorescence des mitochondries en blanc démontre la présence de flux cytoplasmiques. 3- Transport des chromosomes par les flux : la fluorescence des mitochondries en bleu met en évidence les flux cytoplasmiques, les chromosomes en jaune étant transportés par ces flux. (c) Afonso, Gonzalez-Gaitan - UNIGE

 

Au cours des cycles de mitose du début de l'embryogenèse, les cellules doivent maintenir une proportionnalité entre leur taille et leurs structures internes. Dans la plupart des cellules animales, le mécanisme consiste à tirer sur le chromosome, mais cela ne peut pas être efficace dans les grandes cellules de l'embryon animal. Dans un nouvel article, publié dans Nature Cell Biology, le professeur Gonzalez-Gaitan de la Section de chimie et biochimie de la Faculté des sciences de l'UNIGE et son équipe ont étudié la mobilité des chromosomes dans les embryons du poisson zèbre. L'étude a révélé que la reformation de l'enveloppe nucléaire (NER) s'adapte à la taille de la cellule grâce à des changements dans la mobilité des chromosomes, médiés par les flux cytoplasmiques. En termes simples, les chercheur-es révèlent l'existence de flux dans le cytoplasme de la cellule au cours de la division. Les chromosomes, flottant dans le cytoplasme, sont ainsi transportés par le flux jusqu'à l'endroit approprié dans la cellule avant que la nouvelle enveloppe ne soit produite.

 

Nos résultats révèlent un mécanisme fascinant par lequel les cellules détectent leur taille et ajustent leurs structures internes en conséquence. Ce mécanisme de mise à l'échelle est crucial pour le bon développement de l'embryon et pourrait avoir des implications pour comprendre comment les cellules maintiennent la proportionnalité dans d'autres contextes également.

-- Dr. Olga Afonso, première autrice de l'article.

 

Les microtubules ne touchent pas les parois cellulaires, ce qui rend inefficace le mécanisme classique qui fonctionne dans d'autres types de cellules où la division cellulaire a été étudiée jusqu'à présent. Dans les cellules embryonnaires précoces, la viscosité du cytoplasme implique que la vitesse des flux dans le fluide reste nulle sur les parois cellulaires. L'annulation de la vitesse sur le bord façonne et dimensionne automatiquement les flux cytoplasmiques et permet ainsi, dans une certaine mesure, aux cellules de percevoir leur taille. Au fur et à mesure que les cellules deviennent plus petites, les flux s'adaptent en conséquence, garantissant que la NER se produit à la bonne position.

Comment ces flux cytoplasmiques apparaissent?

À cette échelle, le cytoplasme apparaît comme un liquide extrêmement visqueux, ce qui complique le déplacement des organites, à l'instar d'une personne essayant de marcher dans des sables mouvants. Les microtubules, qui sont de longs filaments présents dans les cellules, servent de pistes pour le transport de vésicules "cargo". Ces "cargos" sont déplacés le long des microtubules par la dynéine, une protéine motrice qui marche sur les microtubules. Les flux observés sont en fait générés par la friction entre le cytoplasme visqueux et les "cargos" volumineux transportés par la dynéine sur les microtubules.

L'étude a utilisé des techniques d'imagerie avancées et une modélisation théorique, en collaboration avec le groupe du professeur Karsten Kruse, de la Section chimie et de biochimie, pour démontrer que les flux cytoplasmiques sont indépendants du mouvement des chromosomes et fonctionnent comme un capteur de la géométrie cellulaire. Les chercheur-es ont également montré que les microtubules sont essentiels pour générer ces flux et que les flux augmentent avec la taille de la cellule en raison du confinement physique de la cellule.

Ce travail ne fait pas seulement progresser notre compréhension de l'embryogenèse précoce, mais souligne également l'importance des mécanismes physiques dans les processus cellulaires. Nous espérons que nos résultats inspireront d'autres recherches sur le rôle des flux cytoplasmiques dans d'autres contextes cellulaires et processus de développement.

-- Prof. Marcos Gonzalez-Gaitan, Section chimie et de biochimie. 

 

24 février 2025
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