Voyage au cœur d’un doctorat avec le Dr Vincent Louvel
Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et de ce qui a éveillé votre intérêt pour la science ?
Je m'appelle Vincent Louvel, je suis français. Pour revenir à mes débuts, je viens de la région parisienne où j’ai toujours eu un intérêt pour l’expérimentation, même très jeune. Cet intérêt m'a naturellement orienté vers des études scientifiques, et plus particulièrement en biologie. Je me souviens d'avoir toujours été fasciné par l'observation, par le fait de regarder et d'analyser ce qui m'entourait.
La nature et la biologie faisaient partie intégrante de mon environnement, ce qui m’a conduit à suivre un parcours académique en France. J'ai commencé par un baccalauréat technologique, qui m’a permis de poser les bases de ma formation technique. Ensuite, j'ai intégré une classe préparatoire aux grandes écoles en biologie et biotechnologie. Après cela, j’ai rejoint une école d'ingénieurs française à Bordeaux, l’ENSTBB – Bordeaux INP, spécialisée en biotechnologies, et plus précisément dans la production et la caractérisation des biomolécules pour l'industrie pharmaceutique. Même si cela peut sembler éloigné de mon sujet actuel, les liens restent pertinents à bien des égards.
Je me suis tourné vers des études d'ingénieur car j'aimais expérimenter, développer des procédés et trouver des solutions pratiques. J'avais aussi une curiosité scientifique pour observer et comprendre le monde autour de moi. L'ingénierie en biologie et en biotechnologie semblait donc être un choix évident et naturel, presque le "match parfait" pour moi.
En fin d'études, je n'étais pas toujours sûr de vouloir continuer jusqu'au doctorat. Mais un projet m’a été présenté qui combinait parfaitement technologie et biologie, et je me suis dit : "Allez, on y va !"
Pouvez-vous nous parler de vos recherches de thèse et expliquer les grandes questions ou problématiques auxquelles vous cherchez à répondre ?
Le sujet de ma thèse porte sur le développement de protocoles de microscopie à expansion pour la microscopie à fluorescence qui souffre d’un manque de résolution comparé à la microscopie électronique. Cette technologie se développe très rapidement et repose sur le principe suivant : nous rendons les échantillons plus gros grâce à un polymère expansif, afin de mieux voir sous le même microscope.
La microscopie électronique utilise des machines extrêmement coûteuses, nécessitant un personnel hautement qualifié et un équipement spécialisé. En revanche, elle offre une précision exceptionnelle en termes de résolution, permettant de visualiser les structures du vivant à une échelle nanométrique, jusqu'aux confins des cellules. Cependant, un des principaux inconvénients de cette technique est qu’elle montre la structure sans révéler sa composition moléculaire.
La microscopie à fluorescence, quant à elle, permet d'identifier de quoi sont constituées les structures grâce à l'utilisation de la lumière.Mais cette méthode est limitée par la diffraction de la lumière, ce qui impose un "plafond de verre" en termes de résolution. Par conséquent, elle n'atteint pas la précision de la microscopie électronique. Cela laisse certaines questions cruciales sans réponse, notamment en ce qui concerne la localisation des protéines et des molécules dans des structures vivantes. Ces informations sont essentielles, tant pour la recherche fondamentale que pour des applications médicales.
Mon travail consiste donc à contourner ce plafond de verre en utilisant la microscopie par expansion.. La "ruse" que nous employons est de ne pas chercher à améliorer le microscope, mais plutôt d’agrandir artificiellement l’échantillon. En augmentant sa taille, nous réduisons proportionnellement la résolution nécessaire, permettant ainsi au microscope d’examiner des détails invisibles autrement.
Mon projet s’articule autour de l’amélioration de ces protocoles. L'objectif est de les rendre plus accessibles, plus efficaces, et capables de répondre à des questions scientifiques restées jusqu’ici irrésolues.
Comment votre travail combine-t-il les aspects technologiques et biologiques, et quels sont selon vous les éléments les plus passionnants de cette approche ?
Il y a deux aspects principaux dans mon travail : le développement technologique des protocoles et l’utilisation de la biologie comme outil d’étude. Dans mon cas, je ne travaille pas directement sur un sujet biologique, mais j’utilise la biologie comme un modèle d’observation et d’analyse.
J’ai eu la chance de travailler sur une grande variété d’échantillons : des cellules humaines, un parasite infectieux, une algue verte prélevée en mer, ou encore des tissus provenant d’organismes divers. Cette diversité m’a permis de nourrir ma curiosité scientifique en observant des systèmes biologiques très variés.
En parallèle, il y a la partie développement technologique, que j’ai toujours perçue comme une sorte de jeu au laboratoire. Cela consiste à explorer les bonnes conditions expérimentales pour faire fonctionner les protocoles, par exemple, en obtenant un échantillon agrandi qui réponde aux objectifs. L'idée est de créer une technologie plus performante et plus rapide.
Ce mélange entre l’observation des modèles biologiques et le développement pratique des outils expérimentaux a été particulièrement enrichissant pour moi.
Vous avez participé au concours "Ma thèse en 180 secondes". Comment décririez-vous cette expérience et qu’est-ce qui vous a marqué dans cet exercice de communication scientifique ?
Ma thèse en 180 secondes est un concours international francophone qui se déroule à différentes échelles : d'abord au niveau national dans les pays francophones, puis entre plusieurs pays. Il comporte une finale nationale et une finale internationale, où chaque participant doit présenter son travail de recherche en trois minutes. L'objectif est de rendre la recherche accessible au grand public, en expliquant clairement la problématique, les méthodes de travail, et les résultats obtenus. C’est un concours qui mêle science et performance, notamment parce que les présentations sont souvent diffusées lors de soirées retransmises.
Participer à ce concours a représenté un vrai défi pour moi, car cela m’a obligé à sortir de ma zone de confort. En laboratoire, nous avons tendance à utiliser un langage scientifique très précis, que ce soit entre collègues ou en présentant nos travaux à nos pairs. Nous ne prêtons pas toujours attention à la manière dont nous formulons nos idées, car nous partons du principe que l’interlocuteur maîtrise déjà le sujet.
Pour ma thèse en 180 secondes, j’ai dû m’adapter à un public complètement différent, composé de personnes n’ayant aucune connaissance préalable de mon domaine. De plus, le format imposait un temps extrêmement court. Cela m’a poussé à travailler sur plusieurs aspects : la vulgarisation scientifique, la synthèse des idées, l’expression orale, la posture, et le rythme de ma présentation. Il a fallu apprendre à parler clairement sans aller trop vite, à sourire, et à maîtriser ces modes d’expression, souvent inconscients, que je ne développe pas dans mon travail quotidien.
Le parcours d’un doctorat peut être exigeant. Quels ont été, pour vous, les éléments clés qui vous ont aidé à rester motivé et à surmonter les moments difficiles ?
Pour être très honnête, au cours d’un doctorat, il n’est pas toujours facile de maintenir sa motivation. Il y a des moments où, face aux exigences, on peut se sentir submergé, bloqué, voire perdu. Alors, qu’est-ce qui m’a permis de m’en sortir ?
L’environnement de travail joue un rôle crucial, et c’est un point sur lequel j’aimerais insister. Si je devais donner un conseil à ceux qui envisagent un doctorat, je dirais que la réussite d’un doctorat dépend à 80 % des personnes avec qui l’on travaille. Bien sûr, le sujet du doctorat est important, mais l’équipe avec laquelle on évolue est encore plus déterminante.
Dans mon cas, ce sont mes collègues et l’équipe avec qui j’ai travaillé qui m’ont permis de surmonter les moments difficiles. Ils m’ont aidé à garder le cap et à rester motivé malgré les obstacles. L’environnement de travail et le soutien des mentors jouent aussi un rôle clé. Les mentors, en particulier, ont une influence prédominante, surtout au début du doctorat.
Dans mon cas, Paul et Virginie, mes encadrant-es, ont été d’un soutien inestimable. Ils ont su reconnaître les moments où il fallait rediriger mon travail ou simplement me remotiver. C’est une chance que j’ai eue, et cela confirme l’importance de choisir avec soin l’équipe avec laquelle on s’engage dans cette aventure.
En résumé, dans les moments difficiles, c’est véritablement l’entourage – les collègues, l’environnement et les mentors – qui m’a permis de maintenir une certaine stabilité et de continuer à avancer.
Vous avez récemment présenté vos travaux lors de la cérémonie en l'honneur des diplômé-es de la Faculté. Si vous aviez un message à transmettre aux diplômé-es et au public ce jour-là, quel serait-il ? Quels enseignements clés de votre parcours aimeriez-vous partager ?
J'espère avoir réussi à transmettre un peu de mon énergie, de mon univers, et de ma curiosité pour ce que je fais. Par exemple, regarder un nouvel échantillon – un parasite, par exemple – est toujours une occasion passionnante pour moi. J’espère aussi avoir partagé une partie de ma passion pour la recherche et l’exploration scientifique.
Je souhaite également faire passer l’idée que le doctorat n’est pas uniquement du travail. Parfois, c’est aussi une aventure, une occasion de s’amuser en découvrant de nouvelles choses, un peu comme un processus continu d’apprentissage. Dans cette aventure, nous sommes les moteurs de notre propre apprentissage, et c’est un aspect que j’espère avoir bien communiqué.
Le doctorat demande une grande autonomie, et si cela peut être source de stress, c’est aussi ce qui le rend si excitant. Cette autonomie nous permet de réellement être à la barre de notre propre projet, ce qui est incroyablement motivant.
En ce qui concerne le message que j’aimerais transmettre pour une carrière professionnelle – que ce soit avec ou sans doctorat – je dirais qu’il est essentiel de bien choisir avec qui l’on travaille. J’insiste sur ce point : ce n’est pas seulement ce que l’on fait, mais aussi avec qui on le fait qui, selon moi, fait toute la différence.
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