Josué

Ce texte est un document de travail produit dans le cadre de la préparation d'une "introduction à l'Ancien Testament" à paraître. 


@ Philippe Guillaume.

 Le livre de José (Jos) raconte líinvasion, la conquête et le partage de Canaan par Israël unifié sous la direction de l'Ephraïmite Josué. Ce récit constitue l'étape intermédiaire  entre les 40 années de traversée du désert et la période des Juges, prélude à la royauté.
 

1. Josué et líHistoriographie Deutéronomiste

 Selon la théorie qui a dominé la recherche pendant les cinquante dernières années, Jos est un des chapitres de l'Historiographie Deutéronomiste (HD) rédigée pendant líexil babylonien (cf. l'article précédent sur HD). Pour Jos il síagit des passages suivants: 1,1-12,24; 21,43-22,6; 23,1-16; 24,28-31. Mais cette théorie est de plus en plus contestée (cf. E.A. Knauf, "Lí«Historiographie Deutéronomiste» existe-t-elle?" Pour cette raison, cette présentation de Jos ainsi que celle de Jg qui suit sont basées sur une forme modifiée de cette hypothèse. Au lieu de considérer HD comme la première étape rédactionnelle, l'intégration de Jos dans HD est situé à la fin du processus rédactionnel, cíest-à-dire autour du III-IIème siècle av. J.-C. Par conséquent, HD organise les livres de Josué-Juges-Samuel-Rois qui avaient pratiquement atteint leur forme définitive. HD ne représente alors que quelques versets de transition qui ordonnent les différents livres selon une trame chronologique.
 

2. Structure littéraire

Chaque partie du récit est introduite par une note biographique concernant Josué et se termine sur une remarque plus ou moins triomphale sur l'état d'avancement de la conquête:
*Josué successeur de Moïse 1.
 CONQUETE DE JERICHO, AÏ, GABAON ET DEFAITE DES 2 COALITIONS.
  Conclusion: "Josué prit tout le pays,... qui fut en repos sans guerre" 11,23.

*Josué vieux 13,1.
 PATRIMOINE DE JUDA, MANASSE ET EPHRAÏM.
  "Le pays était soumis" 18,1.

*Josué amer: "Jusqu'à quand allez-vous continuer de vous amollir au lieu de prendre possession du pays...?" 18,2-4.
 LOTS DES TRIBUS RESTANTES.
  Partage achevé 19,51.

*"Yhwh dit à Josué"  20,1.
 ATTRIBUTION DES VILLES REFUGES.
  "Telles furent les villes ..." 20,9

*Josué dépassé: ìles lévites se présentèrent au prêtre Eléazar, à Josué et aux chefs de familles...î 21,1.
 ATTRIBUTION DES VILLES LEVITIQUES.
  Le Seigneur leur accorda le repos de tous côtés... il leur livra tous leur ennemis... aucune des bonnes paroles de Yhwh ne resta sans effetî 21,43-45.

*Josué bénit la Diaspora 22,1-8 mais Pinhas se fâche 22,13.
 L'AFFAIRE DE L'AUTEL HERETIQUE
 Ils nommèrent líautel ì car il est témoin î 22,34.

*Josué mourant devant tout Israël 23,1.
 TESTAMENT DE JOSUE
  "Gardez la Loi de Moïse" (23,6).

*Josué à Sichem 24,1
 CONDAMNATION DES SAMARITAINS
  Mort de Josué et díEléazar, fin de la période des patriarches (ossements de Joseph).

 3. Tableau analytique du contenu

 
Chapitres
Josias
P
système 12
perse
HD
maccabéen
1 Introduction            
Transition Dt         1-9  
Préparation traversée     10-18      
2 Roman de Rahab       1-24    
3-4 Traversée soldats prêtres, date Gad Ruben 12 pierres 1  
5 Guigal            
Circoncision, 1ère Pâque, fin de la manne   1-12        
Apparition du chef de líarmée de Yhwh 13-15          
6 Prise de Jéricho récit militaire +26-27 Démilitarisation +22-25        
7 Infidélité díAkân 1-26          
8 Aï et Sichem            
Destruction díAï 1-29          
Lecture sur líEbal           30ss
9 Gabaon            
Intégration des Gabaonites 1-20          
Rôle des Gabaonites   21-27        
10 Conquête de Juda 1-43          
11 Conquête de Haçor            
Reprise de Jg 5 1-15          
Grand Israël de Josias 16          
Très Grand Israël maccabéen           17-20
Anaqites battus par Josué plutôt que par Caleb(Jg 1) 21-23          
12 Listes 9-24 sauf Dor et Galilée   1-8      
13 Reste à conquérir            
Philistie, Phénicie, Galaad, Golan 1-6          
Transjordanie     7-33      
14 Eléazar, Caleb   1* 2-15      
15 Territoire de Juda 1-63          
16 Territoire díEphraïm 1-10          
17 Territoire de Manassé     1-18 4 Eléazar    
18 Loterie            
Conclusion pacifiste   1        
Description du reste     3-10      
Lot de Benjamin     11-28      
19 Derniers lots     1-50      
Eléazar et conclusion   51        
20 Villes de refuge       1-9    
21 Villes lévitiques       1-45    
22 Autel hérétique       1-34    
23 Testament         1-16  
24 Condamnation de Sichem         29-33 1-28

4. Formation et contextes historiques

 Au titre de sources, un "livre du Juste" est cité par le cantique de 10,1-15. Les différentes listes de villes et de frontières sont probablement basés sur des documents cadastraux de l'époque royale. Le repérage d'autres sources reste très hypothétique, mais de nombreux parallèles apparaissent avec le livre des Juges. Jos et Jg se s'étant constitués à proximité l'un de l'autre, les emprunts entre les deux livres ont été multiples et ont donné lieu à de nombreuses harmonisations au point de constituer un réseau si complexe d'interactions quíil níest plus possible de déterminer avec un degré suffisant de certitude le sens des emprunts: listes de villes Jg 1/Jos 13-19, traditions d'Hébron Jg 1,13-15/Jos 10,21ss; 15,13-19, conquête de Jérusalem et du pays judéen Jg 1,5-7/Jos 10,1, Jg1,8-9/Jos 10,28-40, migration des Danites Jg 1,34; 18/Jos 19,40ss, Jabin Jg 4-5/Jos 11,1... 

Le document josianique (6-16) constitue la première forme littéraire repérable en Jos. Il s'agit d'un récit de propagande en faveur de l'annexion de la province assyrienne de Samarie par le roi Josias entre 640 et 609 avant notre ère. La chute de Samarie en 720 marquait l'achèvement de l'intégration du royaume d'Israël dans l'Empire assyrien. Pourtant, dès 630, le pouvoir central à Ninive agonise avant de s'effondrer sous les coups des Néo-babyloniens qui détruisent la capitale en 612 et réorganisèrent l'Empire à partir de Babylone. Les Etats vassaux profitèrent de cette période de transition pour secouer le joug assyrien. Josias tenta d'agrandir son royaume en direction du nord. Les seuls récits de conquête détaillés de Jos (6-10) se situent dans la zone limitrophe au nord de Juda, à savoir le territoire traditionnel de Benjamin: Jéricho, Aï, Gabaon (première base de l'armée régulière de Saül, fondateur de l'Etat d'Israël cf. 1 Sa 13,1-2), Béthel détruite dans le cadre de la centralisation du culte à Jérusalem cf. 2 R 23,15ss. Nous ignorons l'étendue exacte du territoire israélite que Josias annexa. Mais le fait que le lot d'Ephraïm soit mentionné parallèlement à celui de Juda (territoire déjà pris, alors que les 7 tribus restantes ne sont mentionnées qu'après coup pour recevoir un lot à conquérir), indique que l'objectif de Juda était la totalité de la province assyrienne de Samarie. Le territoire attribué à Manassé est également secondaire car le chapitre 17 a besoin d'expliquer la subdivision díEphraïm en Ephraïm et Manassé. Ce programme ne fut probablement pas achevé comme líindiquent les indications de 11,16 et 16,1-3 qui se contentent de la zone benjaminite comme les récits des chapitres 6-9. En effet, le Pharaon Néko mit fin aux velléités expansionnistes de Jérusalem en exécutant Josias en 609 cf. 2R 23,29.
 Il est donc possible de rattacher au document josianique les chapitres qui relatent la conquête du pays judéen (10,28ss), la défaite de la grande coalition de Haçor (11), le palmarès des conquêtes (12). En effet les récits de propagande assyriens ont révélé une structure semblable: récit détaillé de quelques batailles suivit de l'énumération d'immenses coalitions de rois vaincus en quelques phrases cf. Th. Römer, "Le livre de Josué", pp. 7-14).
 De même, les descriptions des territoires de Juda et díEphraïm (15-16) peuvent être considérées comme appartenant au document josianique en représentant ainsi le Grand Israël de Josias (GI) composé du royaume de Juda et de la montagne d'Ephraïm.

 Le document josianique fut intégré dans l'histoire sacerdotale du monde (Hexateuque = Tora + Jos). En effet, Jos est le seul recueil des prophètes a contenir des traces (Jos 4,19a, 5,10-12, 18,1) de la chronologie sacerdotale (P) qui structure la Tora. Jos 18,1 conclut ce grand ensemble en formant une inclusion avec Gn 1,28, grâce au verbe rare kabash soumettre. Pour P, la création prend fin avec l'installation d'Israël dans son pays qui permet à Yhwh de prendre possession de son fief. Les récits bellicistes de Jos sont ainsi encadrés par la conception P d'installation pacifiste dans un pays vide, car ce pays est "un pays qui mange ses habitants" (Nb 13,33; Ez 36,13-15 cf. E.A. Knauf, "Die Priesterschrift und die Geschichten der Deuteronomisten"). Cette inclusion ne semble pas avoir été jugée suffisante par l'administration perse qui avait demandé la rédaction de la Tora comme constitution des provinces de Juda et de Samarie. Les appels répétés de Josué à la guerre sainte ne pouvaient être agréés par le pouvoir central qui cherchait avant tout la paix dans ses provinces. Jos fut donc rejeté de la Tora et devint le premier livre deutérocanonique, ce qui permit díy ranger des éléments très divers.

 Le système des 12 tribus. Elaboré à partir de la période perse, il a complété les données de Jos en ajoutant les descriptions des territoires de Manassé (17) de Ruben et Gad (13) et des 7 tribus manquantes (Jos 18,2-19,50). Ces descriptions reprennent certaines informations de Jg 1,27-35 et les présentent selon le modèle des lots de Juda et díEphraïm (Jos 15-16). Ce système à 12 est clairement secondaire par rapport au document josianique et sacerdotal car il contredit Jos 13,1-6. Cette liste josianique des territoires restant à conquérir comprend la périphérie d'Israël (Philistie, Phénicie, Gueshour) mais pas la Galilée. Cet intérêt renouvelé pour le système tribal est la conséquence directe de la disparition de líEtat. Líextension des aspirations judéennes sur la Galilée et la Transjordanie signale la lente ascension des Néo-deutéronomistes à Jérusalem pendant la période hellénistique. Le programme josianique redevenait d'actualité au fur et à mesure de la perte díinfluence des milieux sacerdotaux et de la détérioration des relations entre Juifs et Samaritains. On se met à souhaiter étendre la domination de Jérusalem jusqu'à Dan et líon dessine la carte du Très Grand Israël (TGI). On établit alors les listes de villes refuges (Jos 20) et de villes lévitiques (Jos 21) qui appliquent par avance líorganisation juridique et religieuse judéenne au très grand Israël à venir. Une nouvelle conclusion (21,43-45) réaffirmait que Yhwh avait bel et bien donné tout le pays qu'il avait promis à Israël. Puisqu'aucune de ses paroles n'était restée sans accomplissement, l'espoir d'un rétablissement proche d'Israël n'était pas vain.

 Littérairement, cette espérance fut nourrie par la constitution polémique díun second recueil canonique. La collection des livres prophétiques (Prophètes antérieurs = de Jos à 2 R et Prophètes postérieurs = Es, Jr, Ez + 12 petits prophètes) fut close autour de 200 av. J.-C. Elle devint le second volet du canon juif, constitué principalement comme front polémique contre les voisins de Juda, en particulier les Samaritains qui rejetaient les prétentions centralisatrices de Jérusalem et se considéraient comme gardiens de la véritable religion díIsraël et donc de la Tora. En canonisant les Nebiim, Jérusalem élevait au rang de livres saints líensemble de la littérature judéenne qui plaçait Sion au centre du monde (cf. traditions davidiques, Esaïe, Ezékiel). Jos níétait plus seulement le sixième livre de la Tora, mais le premier recueil de líHistoriographie Deutéronomiste (HD à distinguer soigneusement de líHD nothienne, cf. article précédent) qui ordonnait les différents recueils sur une trame chronologique destinée à offrir une suite aux récits de la Tora.

 Les Samaritains n'acceptèrent pas plus HD que Jos dans leur canon. Pourtant, même intégré dans HD, Jos restait un document díintégration judéo-samaritain. Le lieu où Yhwh ferait reposer son nom reste soigneusement indéterminé (9,27). Mais des événements dramatiques allaient transformer Jos en recueil anti-samaritain.
Mettant à profit la désorganisation du domaine séleucide, les Maccabées, soutenus par les Romains, rétablirent un Etat juif à partir de 165 avant notre ère. Ils ne se contentèrent pas des frontières exiguës de Juda mais en profitèrent pour réaliser le rêve de Josias. Jos 24 est très proche de ces événements. A Sichem, Jean Hyrkan, revêtu des hardes de Josué, vient de détruire la ville et le temple du mont Garizim. Il résume l'histoire patriarcale, la sortie d'Egypte, l'Exode et la conquête afin de lier les récits de Jos à la Tora. Il impose ainsi aux Samaritains sa nouvelle version de la Tora de Moïse: la Tora de Dieu (26) qui ajoute à la Tora de Moïse (23,6) le livre de Jos agrémenté du chapitre 24 (cf. E. Blum, "Der kompositionelle Knoten am Übergang von Jos zu Ri", pp. 201-204). Celui-ci justifiait la conquête de la montagne d'Ephraïm, de la Galilée et d'une partie de la Transjordanie par les Hasmonéens. Jean Hyrkan se montra digne de Josué. Cette conquête fut agrémentée de massacres, de conversions et circoncisions forcées qui aggravèrent les relations entre Samarie et Jérusalem (cf. Jean-Daniel Macchi, Les Samaritains, histoire díune légende, p. 42). Les traumatismes qui s'ensuivirent se ressentent encore dans le Nouveau Testament (haines des Samaritains, des Galiléens et des Iduméens envers les Juifs).
 

5. Visées théologiques et idéologiques

 Jos pose la question de líorigine díIsraël. Les progrès de líarchéologie biblique ont conduit à rejeter l'historicité de líinstallation díIsraël en Canaan suite à une conquête unifiée qui aurait conduit à líextermination des anciens habitants. En effet, Jéricho, Aï et Heshbôn n'étaient pas fortifiées entre la fin du Bronze récent et le début du Fer, période de l'émergence d'Israël dans la montagne d'Ephraïm. De plus, ces peuplements «israélites» ne révèlent pas une culture différente de celle des cités cananéennes. Ils représentent plutôt l'installation de la partie la plus défavorisée de la population de Canaan qui a fuit la crise économique qui sévit à la fin du Bronze récent en s'installant dans les zones montagneuses, jusqu'alors inoccupées.
 Si la version de líapparition des Israélites en Canaan que propose Jos níest pas historique, cíest le statut du texte biblique qui est remis en cause. La Bible níest plus une source primaire pour reconstituer líhistoire díIsraël. En particulier avec Jos, il síagit díun ensemble de textes idéologiques qui ne prétend pas raconter les événements tels quíils se sont déroulés. Jos est un manifeste divulguant un programme politique. Le fait que le texte josianique ait été repris par les Maccabées puis par les Sionistes de notre siècle atteste líefficacité du texte biblique. Alors que Jos sert encore à justifier des prétentions territoriales en Palestine, il appartient au théologien de lire le texte à la lumière de l'histoire pour couper court à ses récupérations illégitimes (cf. Françoise Smyth-Florentin, Les mythes illégitimes.
 

6. Bref commentaire

1 transition HD avec Dt: Josué successeur de Moïse.

2 roman de Rahab, récit typique de la période perse (// Ruth) mettant en scène une héroïne étrangère à la foi et aux actes exemplaires.

3-4 Traversée du Jourdain. Texte composite surlequel se sont greffés de nouveaux acteurs à chaque époque: soldats de Josias, prêtres de la Jérusalem perse, tribus transjordaniennes du système des 12, 12 porteurs de pierres qui apportent les contributions finacières de la diaspora et catéchètes des synagogues.
 4,19a indication chronologique P

5,1-9 circoncision de la seconde génération de l'Exode reflétant peut-être les circoncisions forcées de Jean Hyrkan.
 10-12 indications chronologiques P
 13-15 Josias investit comme chef de la guerre sainte: début du document josianique.

6,1-21 le récit josianique de la prise de Jéricho est démilitarisé et transformé en liturgie.
 22-25 fin du roman de Rahab.
 26-27 conclusion josianique.

7-8 l'infidélité d'Akân interrompt le récit de la suite de la conquête. Le document josianique relatait probablement la destruction de Béthel (mentionné en 8,9.12.17). Ce récit a un parallèle très proche en Jg 20 qui relate également la destruction de Benjamin par Juda. Il y a donc un lien étroit entre ces deux textes. Il est impossible de démêler ces liens, mais on peut admettre que le récit de la conquête de Benjamin et en particulier de Béthel est conservé dans ces deux textes. Des préoccupations étiologiques ont été ajoutées en Jos 8 pour expliquer Aï et en Jos 7 pour la vallée d'Akor et offrir une exhortation aux combattants pendant la campagne. Le récit josianique fut pourtant conservé et s'est retrouvé comme appendice à la fin de Jg. Il devait relater la suite de la campagne, depuis Jéricho en montant la vallée d'Akor en direction de Béthel.
 8,30ss: tardif (place différente dans le TM et la LXX) à situer en même temps que Jos 24. Josué lit la Loi de Moïse sur le mont Ebal pour préparer la destruction du sanctuaire du mont Garizim et la lecture de la Loi de Dieu par Hyrkan (cf. chapitre 24).

9: le statut particulier des Samaritains (même religion et même Tora que les Judéens) est expliqué par la fiction littéraire du pacte avec les Gabaonites. Du même coup, leur caractère faux et leur statut inférieur est légitimé (díautres explications sont offertes en Gn 34; 2 R 17).

10: les Gabaonites (Samaritains) appellent Juda au secours contre les Amorites (Assyriens). Mais il en résulte la conquête du pays judéen pour asseoir la légitimité de Josias. Les traditions judéennes de Jg 1,5-7 sont reprises. Mais Josias nie le statut particulier de Jérusalem et des Jérusalémites en plaçant Adoni-Sédeq à la tête de la coalition du sud. Trois récits de victoire síenchaînent (8-15; 16-27; 28-43) en mélangeant noms de villes et noms de rois (Eglôn/Devir on ne se lasse pas de raconter les victoires!
 36-37 : 1ère mention de la prise díHébron (attribuée à Josué).

11: suite de la ì délivrance î de la Samarie: défaite de la coalition du nord composée des voisins de la province de Samarie: Dor (province assyrienne de Duru), Haçor (province assyrienne de Magiddu). Mais seule la montagne est effectivement colonisée (13-14). 
Ajouts:
 16 : décrit líétendue du Grand Israël de Josias (Juda et la montagne díEphraïm).
 17 : est une harmonisation secondaire qui étend ce GI jusquíau Liban selon le TGI postexilique.
 18-20 : durcissement des relations Juda-Samarie avant les Maccabées.
 21-23 : 2nde mention de la prise díHébron (ce níest ni Juda comme en Jg 1,10, ni Caleb comme en Jos 15,14, mais Josué qui a éliminé les Anaqites). La mention de Gaza, Gath et Ashdod (au lieu de la liste stéréotypée à 5 villes) peut encore avoir un lien avec líannexion de certaines cités philistines par Josias (cf. R. Reich, "Mesad Hashavyahu" et 15,45-47 = Eqrôn, Ashdod, Gaza).

12: liste récapitulative très fantaisiste, surtout à partir du verset 18: Afeq et les autres villes du nord ont probablement été ajoutées sous influence du TGI.

13,1a repris en 23,1b.
1-6 Josias est vieux : à la mort prématurée de Josias, la Philistie, la Phénicie et la Galilée restent encore à conquérir. 
7ss le système des 12 attribue la Cisjordanie aux 9 tribus et demi la Transjordanie aux 2 tribus et demi et rien à Lévi.

14,1 insertion díEléazar.
 2-5 présentation du système des 12 = 9 1/2 de Cisjordanie + 2 1/2 de Transjordanie + Lévi = 13 ? Joseph = 12.
 6ss 3ème mention de la prise díHébron : les données de Jos 10,36-37 ; 11,21-22 sont harmonisées avec Jg 1,10 : Josué donne Hébron à Caleb pour que celui-ci dépossède peut-être (12) les Anaqites que Josué aurait déjà dépossédé au chapitre 11.

15 : 1ère partie de la description du GI de Josias: le pays judéen intégrant le territoire danite (33 : Eshtaol et Çoréa cf. 19,41). La liste des villes benjaminites de 18,21-28 faisait originellement partie de la liste des villes de Juda et en constituait le 11ème district. 
 13-14 : 4ème mention de la prise díHébron : intégration de Jg 1,12-15, Caleb et Aksa. 

16 :2 ème partie de la description du GI de Josias : la montagne d'Ephraïm.
Ajouts:
 1.4.9 mentions de la maison de Joseph et de Manassé (système des 12).
 10 harmonisation avec Jg 1,29.

17 : 1-7 invention de la tribu de Manassé: 5 villes d'Ephraïm à terminaison féminines deviennent des filles de Manassé. Cette histoire est reprise en Nb 36 comme cas d'espèce pour la législation sur le mariage des héritières.
 4 insertion d'Eléazar.
 8-10 territoire du nord de la montagne d'Ephraïm.
 11-13 villes de la plaine // Jg 1,27 au lieu de frontière nord.
 14-18 nouvelle explication de la bipartition d'Ephraïm

18 : 1 conclusion P à la fin du document josianique.
 2-10 invention du TGI: comme pour la première conquête, il faut renvoyer des espions.
 11-20: description des frontières de Benjamin. 
 21-28 : liste de ville détachée de la liste de Juda lors de la construction du système des 12.

19, 1-39: description des frontières de Siméon, Zabulon, Issakar, Asher, Nephtali.
 40ss Lot de Dan énuméré en dernier, bien quíil se situe dans la zone sud ì prémigratoire î.

20 les sanctuaires locaux servaient traditionnellement d'asile aux fugitifs, poursuivis, entre autres, par le vengeur du sang de leur victime. L'élimination de ces sanctuaires à partir de Josias a conduit à la sécularisation des certaines des fonctions accomplies par ces sanctuaires (abattoir Dt 12,15-17, dîmes Dt 14,22-26 et asile Dt 19,1-13). Les 3 premières villes de refuge pour l'auteur d'un homicide involontaire définissent le programme de Dt 19,1-13. Dt 19,8-9 stipule que si Yhwh venait à agrandir le territoire d'Israël il faudrait rajouter trois autres villes de refuge. Ce texte conserve le souvenir de la progression du GI de Josias, limité à la Cisjordanie. Le TGI a ensuite intégré la Transjordanie. Mais cet ordre contredisait le schéma de l'Exode et de la Conquête qui racontait la prise de la Transjordanie avant celle de la Cisjordanie. Cette incohérence a été corrigée par l'appendice de Dt 4,41-43 qui attribue à Moïse et non à Josué le choix des trois villes refuge de Transjordanie. Les versets 4-6, absents de Ì, portent les marques de l'évolution des pratiques judiciaires après l'exil.

21,1-3 les lévites réclament des villes de résidence en contradiction avec líaffirmation répétée que les Lévites ne possèdent pas díhéritage en Israël (13,33 et //). Les villes qu'ils vont recevoir semblent être d'anciennes villes de refuge (versets 13.21.27.36.38).
 4-19 le sort favorise les prêtres aaronites qui obtiennent 13 villes de Juda-Siméon-Benjamin (9-19). Ceci reflète la situation historique de la période perse.
 20-42 description idéalisée. Chaque tribu recevant normalement 4 villes, on a en a retiré une à Nephtali plutôt qu'à Juda pour maintenir le chiffre de 48 (4 ¥ 12) //Nb 35,2-8; 1 Chr 6.
 43-45 5 ème conclusion: toutes les paroles de Yhwh sont accomplies.

22 peut-être lu à la lumière de la correspondance échangée entre les Israélites de la colonie militaire d'Eléphantine en Haute-Egypte et les préfets de Jérusalem et de Samarie vers 410. En effet, le message adressé aux Transjordaniens est le même que celui de Jérusalem et Samarie à Eléphantine: pas de sacrifices sanglants ailleurs qu'à Jérusalem! (cf. P. Grelot,Documents araméens díEgypte, pp. 416-418). La centralisation du culte commençait à être mis en oeuvre. Nous pouvons donc considérer que Jos 22 a été écrit à partir du IVème siècle avant notre ère. Dans ce texte, les tribus transjordaniennes représentent de fait toutes les colonies juives de la diaspora.

23 Testament de Josué // Dt 29-30 HD. Ce chapitre résume tout Jos et prépare la transition avec Jg en rappelant que la désobéissance à la Tora de Moïse conduira à la perte du pays. 

24 passage maccabéen ajouté après la constitution d'HD. 
 1-13 A Sichem, Josué résume l'histoire patriarcale, la sortie d'Egypte, l'Exode et la conquête afin de lier les récits de Jos à la Tora.
 14-15 Josué exhorte les Samaritains à décider quel dieu ils veulent servir.
 16-18 réponse offusquée des Samaritains qui reprennent à leur compte la conquête de Josué (destruction des Amorites 18).
 19-28 Josué prononce un sermon enflammé affirmant l'incapacité des Samaritains à servir Yhwh (19). Leurs protestations de fidélité à Yhwh (16.21.23.24) les rend témoins de leur propre condamnation (22.27). Cette condamnation est symbolisée par la Loi de Dieu (26).
 29-33 conclusion HD séparé du chapitre 23 par l'insertion de 24.
 

7. Indications bibliographiques

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KNAUF, E.A., "Lí«Historiographie Deutéronomiste» existe-t-elle?", in A. de Pury, T.   Römer, J.-D. Macchi, Israël construit son histoire, Labor et Fides, Genève,    1996, 409-418.
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MACCHI, J.-D., Les Samaritains, histoire díune légende, Labor et Fides, Genève, 1994.
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