Dans la Bible hébraïque, le nom propre du Dieu d'Israël se présente sous la forme יְהוָה. La vocalisation est étrange puisqu'il manque une voyelle associée au premier heʾ. Cette particularité s'explique par le fait qu'en hébreu biblique, il arrive que les voyelles indiquent une prononciation qui ne correspond pas aux consonnes écrites dans le texte.
En effet, dans toute une série de cas, les savants juifs du Moyen-âge (les massorètes) qui ont ajouté les voyelles au texte biblique consonantique ont considéré (conformément à la tradition de leur temps) qu'il fallait lire autre chose que ce qu'indiquaient les consonnes. Les massorètes ont laissé les consonnes écrites (ketiv) telles quelles puisque pour eux il n'était pas question de modifier le texte sacré canonique. Par contre, ils ont indiqué les voyelles du mot qu'il fallait lire (le qeré) sous les consonnes du mot considéré comme fautif. Ils ont également indiqué dans la marge du manuscrit ce qu'il s'agissait de lire. C'est ainsi que dans le cas des ketiv-qeré, les consonnes écrivent un mot qui ne correspond pas à celui indiqué par les voyelles.
Exemple
Genèse 14,2 parle d'un peuple dont le nom, Tseboiim, est orthographié :
Dans le corps du texte
Dans la marge
צְב֯יֹיִם
צבוים
קׄ
La vocalisation de צְב֯יֹיִם est impossible puisque le premier yôd fonctionne comme mater lectionis pour un "o". Le cercle massorétique indique qu'il y a un renvoi à la marge. Dans la marge, on trouve les consonnes supposées correctes à savoir : צבוים, situées au-dessus de l'abréviation du mot qeré (קׄ).
Le texte hébreu doit donc être prononcé צְבוֹיִם même si les consonnes semblent indiquer plutôt un nom différent (peut-être Tsebiim).
Les qeré perpétuels, Yhwh
Il y a certains mots dans la Bible hébraïque qui présentent toujours le qeré. On parle de qeré perpétuel. Dans ce cas rien n'est indiqué dans la marge.
Le qeré perpétuel le plus connu est le nom propre du dieu d'Israël יְהוָה.
Au moment de la mise par écrit des voyelles (Moyen-âge), il était considéré comme trop sacré pour être prononcé. On prononçait donc à la place le mot אֲדֹנָי "le Seigneur" ou parfois aussi le mot araméen shema "le nom".
On a donc mis les voyelles du mot אֲדֹנָי sous les consonnes יהוה :
le ḥaṭeph pataḥ est remplacé par un šewaʾ puisque contrairement au א le י n'est pas une gutturale ;
le ḥôlæm n'est pas indiqué, peut-être afin que le nom ainsi écrit soit vraiment imprononçable.
On pense généralement, notamment grâce à certaines transcriptions grecques, que la prononciation originelle du tétragramme Yhwh (יהוה) était Yahwé.
Lorsqu'il rencontre le nom propre du Dieu d'Israël, le lecteur de la Bible hébraïque peut :
soit lire le ketiv, donc la prononciation originelle de ce nom : "Yahwé" ;
soit lire – comme c'est le cas lors de la lecture liturgique synagogale – le qeré, donc ʾadonāy "le Seigneur" ;
soit encore se conformer à l'usage juif qui veut que lors des lectures non-liturgiques, on lit haššem "le nom" ou encore ʾadošem (mélange d'ʾadonāy et de haššem).
L'important est de rester cohérent.
Dans ce cours de langue, la lecture "Yahwé" est adoptée.