'Faire attention' à quelque chose est un acte que l'on effectue fréquemment dans la vie quotidienne. Par exemple, lorsqu'on se situe dans une pièce où plusieurs conversations ont lieu en même temps, on est tout à fait capable d'isoler et de suivre une seule de ces conversations. Nous sommes également capables de sélectionner visuellement un objet parmi d'autres et de nous concentrer entièrement sur cet objet. La capacité de sélectionner une information pertinente parmi le flux d'informations qui nous parvient, est un exemple de l'implication de l'attention. Cette fonction permet au cerveau de ne traiter qu'une partie de toutes les stimulations qui nous parviennent simultanément. Une des raisons sous-jacentes à cette sélection réside peut-être tout simplement dans le fait que le cerveau ne peut pas traiter toutes les stimulations lui parvenant. Cette sélection peut être également considérée comme nécessaire pour pouvoir se concentrer sur une seule chose et obtenir ainsi de meilleures performances. L'attention joue donc un rôle prépondérant puisque cette fonction permet de sélectionner une information pertinente parmi toutes celles qui nous parviennent.
Plusieurs auteurs ont élaboré des modèles théoriques rendant compte du fonctionnement normal de l'attention, en se basant sur les résultats d'études comportementales et d'imagerie cérébrale chez le sujet normal. Cependant, une des façons de comprendre le fonctionnement du cerveau peut être d'étudier son dysfonctionnement. La neuropsychologie est une discipline portant sur l'étude des déficits cognitifs observés chez des patients cérébro-lésés en rapport avec le fonctionnement cérébral. La neuropsychologie s'appuie sur des bases théoriques et cliniques provenant de la psychologie, de la neurologie et des neurosciences. Cette approche part du principe que les fonctions cognitives proviennent de l'activation d'un réseau de modules localisés à différents endroits du cerveau. Chaque module serait responsable d'une fonction donnée. Lors de lésions cérébrales, un ou plusieurs modules pourraient être détruits ou pourraient présenter des difficultés de fonctionnement. Les modifications d'activité consécutives à la survenue de lésions dans les aires cérébrales sous-jacentes à certains modules seraient à même d'affecter, par exemple, certains processus attentionnels. Nous avons utilisé une telle approche dans le but d'étudier les processus attentionnels chez des sujets sains et chez des sujets présentant des troubles de l'attention.
Des difficultés d'attention, observées dans différentes pathologies entraînent, dans certains cas, des troubles très handicapants dans la vie quotidienne. Chez l'enfant par exemple, le trouble déficitaire de l'attention est un syndrome se caractérisant par une inattention, une hyperactivité ou une impulsivité pouvant conduire à un retard scolaire et développemental important. On observe également des difficultés qui seraient liées à l'attention chez des patients affectés de lésions cérébrales localisées principalement dans l'hémisphère droit, au niveau du lobe pariétal. Ces patients présentent un syndrome appelé héminégligence qui se caractérise par l'impossibilité de décrire verbalement et de s'orienter vers les stimulations situées du côté gauche (lorsque les lésions concernent l'hémisphère droit). Les difficultés apparaissent donc comme une inattention spécifique à la moitié de l'espace gauche. L'héminégligence n'est pas un syndrome unitaire, les patients peuvent présenter des comportements de négligence dans une seule ou dans plusieurs modalités. Ces comportements peuvent concerner l'espace proche (à portée de main) ou l'espace lointain (ou les deux). On peut également observer la présence d'une négligence corporelle chez certains patients. Ce trouble serait observé chez la plupart des patients présentant des lésions de l'hémisphère droit immédiatement après la survenue de la lésion cérébrale. Pour une partie de ces patients les troubles régressent assez rapidement, alors que d'autres patients présentent des déficits persistant qui entraînent des difficultés importantes dans la vie quotidienne.
Les études portant sur l'héminégligence se répartissent globalement selon deux points de vue différents, les troubles seraient consécutifs à un déficit d'ordre représentationnel ou attentionnel. Selon les théories représentationnelles de l'héminégligence, ce trouble proviendrait d'une altération des traits situés sur la gauche de la représentation intérieure de l'espace (voir par exemple Bisiach et Luzzati, 1978; De Renzi et al., 1970). En revanche, selon les théories attentionnelles, les déficits observés dans ce syndrome proviendraient d'un trouble qui toucherait les processus attentionnels concernant l'espace gauche (par exemple Heilman et Valenstein, 1978; Mesulam, 1981; Posner et al., 1984). Depuis longtemps l'idée que l'héminégligence peut provenir d'un trouble de l'attention a été proposée (par exemple Poppelreuter, 1917). Une des premières études utilisant les outils et les perspectives de la psychologie cognitive 'moderne' est celle de Posner et de ses collaborateurs en 1982 (Posner et al., 1982). Dans une tâche d'orientation visuo-spatiale de l'attention, les patients héminégligents ont présenté des difficultés de détection de cibles visuelles situées sur leur gauche. Selon ces auteurs, les difficultés observées proviendraient d'un déficit du système attentionnel spécifique au traitement visuo-spatial qui conduiraient à des difficultés d'orientation de l'attention dans l'espace gauche. Bien que ces deux types de théorie soient assez différents, elles ne sont pas forcément incompatibles. Cependant, la plupart des auteurs s'accordent actuellement sur la nature attentionnelle au minimum de l'héminégligence. Le point de vue que nous avons adopté dans ce travail est d'ailleurs celui-ci.
Les processus déficitaires qui seraient à l'origine des difficultés observées chez ces patients restent encore actuellement incertains. L'étude des processus attentionnels que nous avons effectuée se base sur la dissociation proposée par Schneider et Shiffrin (1977) entre des processus qui seraient d'ordre contrôlé et des processus qui seraient d'ordre automatique. Ils présentent des caractéristiques différentes que nous résumons ainsi: les processus automatiques seraient rapides, ils pourraient avoir lieu en parallèle les uns des autres, ils consommeraient peu de ressources attentionnelles et ne nécessiteraient pas de contrôle conscient. En revanche, les processus contrôlés seraient plus lents, ils seraient consécutifs les uns aux autres, ils exigeraient une certaine implication des ressources attentionnelles et un niveau de conscience assez élevé. L'intégrité ou le dysfonctionnement d'un ou de ces deux processus attentionnels chez des patients héminégligents est encore actuellement en question. Afin de répondre à cette question, nous avons étudié les dissociations éventuelles qui pourraient être observées entre ces deux types de processus à l'aide d'indices électrophysiologiques, les potentiels évoqués.
Ces indices reflètent l'activité électrique de l'encéphale et présentent l'avantage de rendre compte des différentes étapes successives du traitement de l'information effectuées lors de la perception d'un stimulus et lors de l'exécution d'une tâche particulière. De plus, les études des processus attentionnels effectuées à l'aide des potentiels évoqués ont mis en évidence la présence de composantes (pics d'amplitude sur les potentiels évoqués) reflétant des processus attentionnels automatiques d'une part et des processus attentionnels contrôlés d'autre part.
Les études sur l'héminégligence ont principalement porté sur la modalité visuelle. Les difficultés observées dans la modalité auditive restent encore mal connues bien qu'elles semblent présentes dans ce trouble (De Renzi et al., 1989a; Heilman et al., 1972). Nous avons cherché à préciser les éventuels déficits auditifs dans l'héminégligence dans des tâches de détection de stimuli auditifs latéralisés à droite ou à gauche. L'étude de deux modalités chez un même groupe de patients ou de sujets normaux nous a permis d'analyser les similitudes ou les différences des processus attentionnels dans chaque modalité. Nous avions également pour objectif de préciser les zones cérébrales sous-jacentes à ces processus qui pourraient être communes ou propres à chaque modalité. Nos travaux devaient donc permettre de préciser la nature automatique et/ou contrôlée des déficits attentionnels observés dans l'héminégligence et de préciser les bases neurales sous-jacentes à ces processus dans les modalités auditive et visuelle.
Nous présentons ci-dessous une revue des principales études portant sur les processus attentionnels que nous avons étudié. Ce premier chapitre a permis de préciser le type de processus que nous avons étudié et déterminer leurs zones cérébrales. Cette partie a permis de soulever des premières interrogations portant sur l'existence éventuelle de régions cérébrales sous-jacentes aux processus attentionnels qui pourraient être propres ou communes à différentes modalités. Un second chapitre a porté sur le syndrome de l'héminégligence. Les caractéristiques de ces troubles sont présentées ainsi que les principales théories explicatives de ce syndrome, dont la théorie attentionnelle sur laquelle nous nous sommes largement basés. Ce chapitre a mis en évidence les questions qui subsistent encore à propos des processus qui seraient déficitaires dans ce trouble. Nous avons ensuite abordé les rapports entre la psychologie cognitive et la technique que nous avons utilisée, l'électrophysiologie cérébrale chez l'homme (potentiels évoqués). Ce chapitre présente les techniques d'analyses des potentiels évoqués et leur apport à l'étude des processus cognitifs. Grâce à leur très bonne résolution temporelle, ces indices permettent de préciser le décours temporel des processus cognitifs qui seraient reflétés par les composantes successives des potentiels évoqués. Un quatrième chapitre a présenté la problématique de ce travail en mettant en rapport les connaissances actuelles sur les processus attentionnels et les déficits observés dans l'héminégligence. Les hypothèses sous-jacentes à l'existence de processus attentionnels concernant à la fois la modalité auditive et la modalité visuelle ont été exposées ainsi que celles portant sur la présence de déficits qui pourraient concerner les processus attentionnels automatiques et/ou contrôlés ont été développées.
Les quatre chapitres suivants portent principalement sur la présentation des résultats de plusieurs études. Une première étude des processus attentionnels automatiques dans les modalités auditive et visuelle a été effectuée chez le sujet normal. Les trois études suivantes portent sur les mécanismes d'orientation spatiale de l'attention chez des patients héminégligents présentant des lésions cérébrales dans les régions temporo-pariétales de l'hémisphère droit. Ces travaux avaient donc pour but de préciser les troubles auditifs dans l'héminégligence et de comparer les difficultés de détection de cibles dans la modalité visuelle que dans la modalité auditive. Les objectifs principaux portent cependant sur la présence de déficits concernant les processus attentionnels contrôlés ou attentionnels dans les deux modalités. Finalement, un dernier chapitre concerne la discussion générale de ces résultats et met en perspective les similitudes et les différences qui semblent exister d'une part entre les processus attentionnels automatiques et contrôlés, et d'autre part entre les modalités auditive et visuelle.
L'étude de l'attention s'est beaucoup développée depuis une cinquantaine d'années et a permis de mettre en évidence l'existence de différents processus, ou mécanismes, attentionnels. L'attention ne serait pas constituée d'un processus psychologique unique mais d'un ensemble de processus qui seraient en réseau les uns avec les autres. Cohen (1993) par exemple distingue quatre types de processus: la sélection de l'information, les ressources attentionnelles, le contrôle de la réponse et de l'activité, et l'attention soutenue. Les études effectuées dans le domaine de l'attention ont essentiellement cherché à préciser les caractéristiques de ces processus en spécifiant leur importance, leur rôle et leur influence sur les processus cognitifs en général (perception, langage, mémoire, etc.). Beaucoup d'études ont également porté sur les localisations cérébrales des zones sous-jacentes à ces processus. L'existence d'un processus attentionnel d'ordre spatial a été exploré dans de nombreuses études chez le sujet sain (par exemple Posner et al., 1980; Treisman, 1986). Un grand nombre d'indices confirment l'existence d'un tel processus attentionnel qui serait spécialisé dans la détection et la sélection de l'information (attention sélective) en fonction de la position spatiale des objets et des événements, il contrôlerait également le flux d'informations entre les systèmes perceptifs et les systèmes 'cognitifs de plus haut niveau'. Les travaux que nous présentons avaient pour but de spécifier les bases neurales de ce type de processus attentionnel spatial et de comparer ce processus dans la modalité auditive et la modalité visuelle. L'étude de patients héminégligents présentant des lésions cérébrales localisées dans l'hémisphère droit avaient pour objectif de déterminer l'importance de certaines régions cérébrales dans le fonctionnement des processus attentionnels. Nous présentons ci-dessous différents travaux ayant essentiellement étudié ces types de processus dans des études comportementales ou d'imagerie cérébrale fonctionnelle.
Les études comportementales portent généralement sur certains processus attentionnels tels que la détection d'un stimulus nouveau ou incongru, l'orientation spatiale de l'attention ou encore l'attention sélective. Ces travaux ont permis de mettre en évidence la présence de tels processus et de déterminer leur influence respective sur le comportement (amélioration ou détérioration des performances par exemple). Les études d'imagerie cérébrale ont permis de préciser les zones du cerveau sous-jacentes à certains de ces processus. Un grand nombre de travaux ayant été effectué dans ce domaine, nous avons sélectionné plusieurs études portant plus spécifiquement sur les processus attentionnels que nous avons étudié. Nous avons ensuite abordé le domaine de l'intermodalité dans l'attention afin de préciser les similitudes, les différences et les connexions qui pourraient exister entre les processus attentionnels auditifs et les processus attentionnels visuels. Finalement, quelques modèles portant sur l'organisation des processus attentionnels sont abordés. Nous n'avons pas présenté tous les modèles attentionnels existants dans la littérature, nous nous sommes concentrés sur les modèles qui nous ont semblé être les plus proches de notre problématique.
Les travaux ayant utilisé des techniques comportementales dans l'étude des processus attentionnels sont nombreux. Ces techniques portent essentiellement le temps de réaction et le nombre de réponses (réponses correctes ou fausses, et absences de réponses). Nous avons choisi de présenter trois groupes d'études ayant porté sur différents processus attentionnels correspondant à ceux que nous avons étudiés dans les travaux présentés dans les chapitres 6 à 9. Nous présentons ci-dessous les travaux portant sur l'étude des processus d'orientation visuo-spatiale de l'attention effectués par Posner et ses collaborateurs (pour une revue voir Posner et Raichle, 1994). Les études de Schneider et Shiffrin (1977) sont ensuite abordées. Elles ont permis de dissocier les processus automatiques des processus contrôlés. Après la description de ces recherches effectuées dans la modalité visuelle, nous décrivons des études dans la modalité auditive portant sur le paradigme d'écoute dichotique. Ces derniers travaux ont suggéré la présence d'effets facilitant (ou améliorant) le traitement de stimuli faisant l'objet d'une focalisation de l'attention.
Les travaux de Posner et de ses collaborateurs ont principalement porté sur l'attention visuo-spatiale chez les sujets normaux et chez des patients cérébro-lésés. Dans une expérience type, le sujet fixe un point central sur un écran et des stimuli (cibles) sont présentés à gauche ou à droite du point de fixation (Fig. 1). Les sujets doivent appuyer sur un bouton dès qu'ils perçoivent un stimulus quel que soit l'emplacement de ce stimulus (cible). Un stimulus précède l'apparition de ces cibles, il s'agit des stimuli 'indices'. Ces indices correspondent par exemple à l'apparition d'un carré jaune lumineux où la cible a le plus de chance d'apparaître (à droite ou à gauche). Dans certains cas, un signe '+' peut également apparaître, il indique que la cible a autant de chance d'apparaître à gauche qu'à droite.
Pour résumer les principaux résultats de ces études, ces expériences montrent essentiellement que les temps de réaction des sujets sont influencés par les informations déduites des indices. Ces auteurs ont observé globalement que lorsque l'indice était un signe '+' (condition 'neutre'), le temps de réaction était d'environ 250-300 ms. Lorsque l'indice indiquait correctement le côté d'apparition de la cible (condition 'valide'), les temps de réaction étaient environ 30 ms plus courts que dans la condition 'neutre' et lorsque l'indice n'indiquait pas le bon côté (condition 'non valide'), les temps de réaction étaient environ 30 ms plus longs que dans la condition 'neutre'. L'effet de l'indice peut donc être soit un bénéfice (diminution du temps de réaction), soit un coût (augmentation du temps de réaction) selon sa validité.
Posner et ses collaborateurs (Posner et Raichle, 1994) ont développé un modèle décrivant le décours des opérations mentales qui seraient impliquées dans leur tâche (Fig. 2). Ils ont proposé également des localisations cérébrales (Fig. 3) pour certaines de ces opérations. Elles se situeraient dans des zones considérées actuellement comme étant impliquées dans les processus attentionnels (voir les études en imagerie fonctionnelle ci-dessous).
*L'indice capte et interrompt l'attention du sujet ('alerte' et 'interruption') qui, après avoir localisé la cible ('localisation') désengage son attention de l'emplacement précédant ('désengagement') pour l'amener ('mouvement') vers le nouvel emplacement. L'attention s'engage alors sur ce nouvel emplacement ('engagement') et l'ancien emplacement est alors inhibé ('inhibition'), adapté de Posner et Raichle, 1994.
L'ensemble des études effectuées par ces auteurs a mis en évidence certaines propriétés des processus d'orientation visuo-spatiale de l'attention. Par exemple, lorsque l'attention quitte un endroit pour revenir sur le point de fixation, le temps de réaction est plus lent lorsque la cible apparaît effectivement sur cet emplacement que lorsqu'elle apparaît dans un autre emplacement. Cet effet est généralement appelé 'inhibition de retour', il correspond à une difficulté à réorienter son attention dans une direction qui vient d'être attendue. Selon les auteurs, deux processus d'orientation de l'attention existeraient: un processus attentionnel exogène qui serait activé par l'apparition des indices, ce processus serait spontané, réflexe. L'autre processus serait de nature endogène, il serait mis en jeu lors de la condition 'neutre' dans laquelle le sujet porte volontairement son attention d'un côté ou de l'autre. Ce processus donnerait donc lieu à une orientation volontaire et contrôlée de l'attention. Les études de Posner ont également montré que l'orientation de l'attention peut avoir lieu sans aucun mouvement du regard en direction de la zone sur laquelle l'attention se porte. Dans les tâches que nous avons utilisées, les sujets orientaient leur attention vers la droite ou la gauche selon la consigne, en gardant toujours le regard fixé devant eux. Nos travaux ont donc mis en jeu, notamment, une orientation endogène de l'attention selon la terminologie de Posner. Une telle dissociation entre deux processus est également proposée par Schneider et Shiffrin (1977): ces auteurs distinguent d'une part des processus automatiques et d'autre part des processus contrôlés (ou volontaires).
Dans leurs premières études portant sur les processus automatiques et contrôlés du traitement de l'information, Schneider et Shiffrin (Schneider et Shiffrin, 1977; Shiffrin et Schneider, 1977) ont développé un paradigme mettant en jeu des processus de recherche et de détection de cibles visuelles parmi des distracteurs. Ce paradigme était constitué de présentations successives de planches contenant aux quatre coins différents items: des chiffres, des lettres ou des configurations de points. Certaines planches pouvaient être complètement blanches. Une première planche indiquait au sujet la cible à détecter dans les planches suivantes. La cible pouvait être constituée d'un seul item (le chiffre '1' par exemple) ou de plusieurs items (les lettres 'A' et 'D' par exemple). Les planches présentées successivement pouvaient contenir ou non cette cible. Les cibles étaient déterminées pour chaque essai (un essai correspond à la présentation d'une planche). Le sujet devait simplement appuyer sur un 'bouton-réponse' dès qu'il percevait la cible de l'essai en question. Plusieurs variations expérimentales ont été étudiées: le nombre de cibles à détecter, le temps de présentation des planches, le nombre d'items sur une planche, la nature des règles déterminant si un item donné est une cible ou un distracteur. Cette dernière manipulation expérimentale s'est avérée être la plus importante. Dans certaines séquences d'essais, un item peut être considéré comme une cible à un essai et comme un distracteur à l'essai suivant. Les cibles sont différentes dans chaque essai. Dans d'autres séries d'essais, une cible n'apparaît jamais parmi les distracteurs et vice-versa, un ensemble de cibles est déterminé et ne change pas à travers les essais de ces séquences.
Plusieurs études ont été effectuées avec ce paradigme. Elles ont mis en évidence, principalement, que le type de séquences de stimulation (changement de cibles à chaque essai) et la construction des stimuli (nature des stimuli cibles similaire ou différente de celle des stimuli distracteurs entre les essais) sont les variables influençant le plus le temps de réaction et le nombre de détections correctes. Les effets observés témoignent de la participation de deux processus différents dans l'exécution de la tâche: un processus attentionnel automatique et un processus attentionnel contrôlé. Les principales caractéristiques de ces deux processus peuvent être résumées ainsi: les processus automatiques sont rapides, parallèles, ne demandent pas l'intervention de la conscience ni une grande charge attentionnelle. En revanche, les processus contrôlés sont lents, sériels, nécessitent la participation de la conscience et demandent une charge attentionnelle plus importante. Ces caractéristiques sont présentées plus en détail dans le chapitre 1.3. (Tabl. 1). Elles se rapprochent beaucoup de celles suggérées par Posner pour les processus exogènes et endogènes abordés ci-dessus (Posner et Raichle, 1994 notamment). Les études de Posner d'une part et de Schneider et Shiffrin d'autre part, mettent donc en évidence la présence de processus attentionnels distincts qui ont été à la base de modèles attentionnels développés par ces auteurs (présentés dans le chapitre 1.3.). Après avoir abordé deux groupes d'études portant sur l'attention visuelle, nous présentons ci-dessous des travaux étudiant l'attention auditive.
L'étude de l'attention sélective a souvent été effectuée à l'aide d'expériences mettant en jeu simultanément plusieurs sources d'informations. Dans le domaine de l'attention sélective auditive, beaucoup d'études ont porté sur le paradigme de l'écoute dichotique développé par Cherry (1953). Ce paradigme consiste en une présentation de messages auditifs différents délivrés simultanément à chaque oreille. L'utilisation d'un casque d'écouteurs permet de s'assurer que le message délivré dans l'oreille droite ne parvient pas à l'oreille gauche et vice-versa. Les tâches habituellement effectuées dans ce paradigme demandent généralement au sujet de focaliser son attention sur une oreille, il se trouve alors dans une situation appelée 'attention focalisée' ou 'attention sélective'. Dans un autre type de tâche, le sujet doit répartir son attention sur les deux oreilles, cette situation est généralement appelée 'attention divisée'. Ce paradigme a permis de mettre en évidence les principaux effets liés à la sélection d'information et à la focalisation de l'attention auditive.
Geffen et ses collaborateurs (Geffen et Sexton, 1978; Geffen et Traub, 1979; Geffen et Whale, 1979) ont comparé les performances des sujets dans une tâche d'attention divisée à celles observées dans une tâche d'attention sélective. Les sujets devaient détecter des cibles (certains mots) présentées soit dans l'oreille droite soit dans l'oreille gauche parmi un ensemble de mots présentés dichotiquement. Lorsque les sujets sont en situation d'attention focalisée, la détection des cibles dans l'oreille attentive est nettement meilleure que celle observée dans les situations d'attention divisée (environ 65% par rapport à 45%).De plus, les performances de détection de cibles dans l'oreille inattentive lors de la situation d'attention focalisée est très faible (environ 10% de cibles détectées). Les principales conséquences de la sélection de l'information et de la focalisation de l'attention sont donc:
L'ensemble des travaux présenté ci-dessus a permis de mettre en évidence la présence de plusieurs processus attentionnels et de préciser leurs influences respectives sur les processus cognitifs. D'une façon générale, les effets de l'attention sur le comportement pourraient se résumer ainsi: l'attention renforce la détection et optimise le temps de réaction:
Les mécanismes que nous avons étudiés dans ce travail correspondent aux processus attentionnels automatiques et contrôlés observés dans les deux premiers groupes d'études. Nous présentons ci-dessous les travaux effectués en imagerie cérébrale qui ont fourni des informations complémentaires sur ces processus d'une part et qui ont permis de préciser les zones cérébrales sous-jacentes à ces processus d'autre part.
La tomographie par émissions de positons est une technique qui se base sur la détection de signaux radioactifs (marqueurs) dans le sang (Raichle et al., 1983). La procédure de base consiste à injecter une solution radioactive dans la circulation sanguine. Une zone active dans le cerveau nécessite une consommation plus élevée d'oxygène qui est délivré par la microcirculation sanguine. L'isotope radioactif contenu dans la solution injectée est transporté dans les zones cérébrales activées qui présentent alors une grande quantité de cet isotope. Sa désintégration produit des positons qui aboutissent à l'émission de rayons gamma. Ces rayons sont détectales et quantifiables à l'extérieur du cerveau par l'intermédiaire d'une caméra à positons. A partir des variations de concentration de cet isotope en fonction de l'activité plus ou moins importante des zones cérébrales, cette technique permet de visualiser les zones du cerveau impliquées dans une tâche perceptive, sensori-motrice ou cognitive. Cette technique présente l'avantage d'avoir une résolution spatiale élevée, de l'ordre du millimètre, mais elle possède deux désavantages importants: une résolution temporelle faible et l'injection d'une solution radioactive (Dehaene, 1997).
La technique de l'IRMf permet également de visualiser les zones cérébrales actives lors d'une tâche mais elle se base sur des modulations du débit sanguin et de l'oxygénation du cerveau (Ogawa et al., 1992). Cependant, cette technique ne nécessite pas forcément l'injection d'un marqueur: elle utilise les effets magnétiques du sang dans un milieu présentant un champ magnétique spécifique. La méthode 'BOLD' (Blood Oxygen Level Dependent contrast) est actuellement beaucoup utilisée. Selon cette méthode, la déoxyhémoglobine (correspondant globalement à une molécule d'hémoglobine ne possédant plus de molécule d'oxygène) présente la propriété de pouvoir s'aimanter dans un champ magnétique contrairement aux molécules d'oxyhémoglobine. Lors d'une activation, il se produit une importante augmentation du débit sanguin local saturé en oxygène. Cette augmentation dépasse de beaucoup l'augmentation légère de la consommation en oxygène de la région activée. La différence entre ces deux augmentations conduit à une diminution nette de la quantité de déoxyhémoglobine dans la région activée. Cette diminution entraîne une petite remontée du signal magnétique captée par le système d'IRM (Dehaene, 1997).
Un des avantages de l'IRMf est sa grande précision spatiale (qui tend actuellement à être inférieure à un millimètre). De plus, sa résolution temporelle peu élevée au début de l'utilisation de cette technique, s'améliore de plus en plus (environ de l'ordre d'une seconde pour le moment). Cet avantage, additionné au fait de ne pas avoir à effectuer d'injection d'un traceur, a conduit beaucoup de chercheurs à utiliser principalement cette technique depuis quelques années. Cependant, ces deux techniques (TEP et IRMf) ne reflètent que des changements indirects d'activité. En effet, elles se basent sur le débit sanguin et les changements d'oxygénation qui restent lents comparés au fonctionnement des neurones. En revanche, deux autres techniques reflètent directement l'activité des neurones, il s'agit de l'électroencéphalographie et de la magnétoencéphalographie. A l'inverse des techniques TEP ou IRMf, l'électro- et la magnétoencéphalographie présentent l'avantage important d'avoir une très bonne résolution temporelle (de l'ordre de la milliseconde). Nous présentons ci-dessous certaines études ayant utilisé la TEP ou l'IRMf dans l'étude des processus attentionnels. Parmi le grand nombre d'études dans ce domaine, nous avons sélectionné celles qui nous ont paru les plus importantes dans le contexte de nos travaux.
Beaucoup d'études ont montré en TEP l'activation du lobe pariétal dans différentes tâches. Plusieurs régions au niveau du cortex pariétal supérieur seraient actives par exemple lors d'un traitement spatial (Haxby et al., 1991), lors d'une sélection spatiale (Corbetta et al., 1993), dans une tâche de vigilance visuelle (Pardo et al., 1991). Au niveau du cortex pariétal inférieur, différentes régions seraient activées lorsque l'attention porte sur la vitesse d'un pattern visuel (Corbetta et al., 1990). Il semble donc que le lobe pariétal soit impliqué dans des processus d'attention visuelle.
Dans une tâche impliquant plus précisément une orientation spatiale de l'attention visuelle, Corbetta et al. (1993) ont étudié les variations d'activités cérébrales en fonction du type d'attention mise en jeu (attention endogène ou exogène) et en fonction du côté sur lequel l'attention se porte. Ces auteurs ont observé une augmentation d'activité dans le lobe pariétal supérieur et dans le lobe frontal supérieur. L'augmentation au niveau du lobe pariétal supérieur a été observée dans les situations de changements endogènes (volontaires) ou exogènes (automatiques) d'orientation de l'attention. Ils ont également mis en évidence des différences d'activités au niveau pariétal lorsque l'attention devait se porter sur gauche ou sur la droite. En effet, une augmentation d'activité au niveau du lobe pariétal supérieur droit est observée lorsque les sujets portent leur attention sur la gauche mais quand ils portent leur attention sur la droite, on observe une augmentation d'activité dans les lobes pariétaux supérieurs gauche et droit. De plus, les zones activées au niveau du lobe pariétal supérieur droit étaient distinctes selon le côté sur lequel l'attention se portait (Fig. 4).
Selon les auteurs, les processus qui se situeraient au niveau du lobe pariétal supérieur permettraient un changement d'orientation spatiale. Une activité dans cette région a été également observée durant des saccades oculaires vers le champ visuel périphérique, déclenchées volontairement ou par l'apparition d'un stimulus (Anderson, 1994; Petersen et al., 1994). Hunton et al. (1995) ont aussi observé une augmentation de l'activité dans cette région lors de la recherche visuelle de cibles définies selon leur couleur ou leur orientation. L'ensemble de ces résultats met en évidence que l'activité pariétale est présente lorsque la tâche demande un changement de l'orientation de l'attention. L'asymétrie que Corbetta et al. (1993) ont observée en fonction du côté de présentation des cibles suggère que la capacité de changer d'orientation attentionnel et de pouvoir attendre et détecter ainsi un stimulus visuel à un endroit donné implique donc principalement le cortex pariétal (supérieur) de l'hémisphère droit.
*lors de l'orientation de l'attention vers la gauche (en haut) ou vers la droite (en bas). Les coupes de gauche sont légèrement plus antérieures (24 mm) que les coupes de droite (34 mm). Lorsque l'attention est dirigée vers la gauche, une augmentation du débit apparaît au niveau du lobe pariétal supérieur droit. En revanche, lorsque l'attention est dirigée vers la droite, une augmentation apparaît dans les lobes pariétaux supérieurs droit et gauche
De plus, dans une étude utilisant l'IRMf, Corbetta et al. (2000) ont montré l'implication d'autres régions lors de tâches d'attention sélective. En effet, ces auteurs ont observé une première activation au niveau du sillon intrapariétal quand l'attention porte sur un endroit donné avant la présentation de la cible. Une augmentation d'activité apparaît ensuite au niveau de la jonction temporo-pariétale de l'hémisphère droit quand la cible est détectée, en particulier lorsqu'elle ne se situe pas à l'endroit attendu. Ces résultats mettent en évidence que les processus attentionnels d'attente de la cible (première activation) et les processus de détection de cette cible (deuxième activation) mettent en jeu des zones différentes.
Les travaux récents de Corbetta et de ses collaborateurs (2000) confirment donc les observations constatées dans les études présentées ci-dessus, mais ils précisent également que le lobe pariétal peut être impliqué non seulement dans un processus d'attention sélective (orientation) mais également dans un processus de détection de cibles (au niveau de la jonction temporo-pariétale). Il est donc nécessaire d'approfondir le rôle de régions différentes dans les processus attentionnels (détection, orientation,...). Cependant, l'ensemble des études présentées dans ce chapitre s'accorde sur l'implication du lobe pariétal lors de tâche d'attention spatiale visuelle. Cette région serait plus précisément responsable du changement d'orientation de l'attention.
Dans leurs études sur l'attention visuelle, Corbetta et al. (1993) ont également observé une augmentation d'activité dans le cortex cingulaire antérieur. Un résultat similaire a été observé dans d'autres travaux, dont ceux utilisant des paradigmes d'interférence (Pardo et al., 1990). En effet, les travaux utilisant des paradigmes d'interférence, dont celui portant sur l'effet Stroop (Stroop, 1935) ont été également utilisés dans le but d'analyser les processus d'orientation de l'attention. Cet effet est observé lorsque le sujet doit dénommer la couleur de l'encre de mots désignant des couleurs alors que la couleur de l'encre et la couleur que le mot désigne ne sont pas pareilles (par exemple le sujet doit dire 'rouge' pour le mot 'bleu' écrit à l'encre rouge). Le temps de dénomination de la couleur de l'encre du mot est plus long que le temps de dénomination de la couleur de simples carrés colorés. Cette différence de temps provient de l'interférence du sens du mot écrit décrivant une couleur (qu'il s'agit donc d'inhiber) sur la dénomination de la couleur de l'encre elle-même. Pardo et al. (1990) ont montré en TEP, dans une telle tâche de dénomination de la couleur de l'encre du mot, une activité élevée dans la région du cortex cingulaire antérieur. Ces résultats suggèrent que cette zone soit sous-jacente à l'activité de sélection visuelle permettant une inhibition de la réponse automatique du sens du mot écrit. De plus, selon Corbetta et al. (1991), le gyrus cingulaire antérieur serait impliqué dans un système de sélection d'une réponse lors de processus attentionnels contrôlés.
D'une façon générale, l'attention auditive a été nettement moins étudiée que l'attention visuelle, notamment dans les études en imagerie cérébrale. Tzourio et al. (1997) rappellent d'ailleurs que la plupart des études ayant porté sur l'attention auditive utilisaient la technique des potentiels évoqués (voir chapitre 1.1.3.) Dans une étude en TEP portant sur l'attention sélective auditive, ces auteurs ont mis en évidence des augmentations d'activité au niveau du cortex cingulaire antérieur et des régions préfrontales droites. L'activité observée au niveau du gyrus cingulaire antérieur dans cette étude correspondrait à celle observée par Pardo et al. (1990) dans les tâches visuelles utilisant le paradigme de Stroop. Les résultats observés par Tzourio, confirmeraient donc l'implication du gyrus cingulaire antérieur dans les processus de sélection d'une réponse.
Dans les études mettant en évidence des activités au niveau du gyrus cingulaire antérieur, le cortex préfrontal présentait également une augmentation d'activité (notamment Corbetta et al., 1991; 1993; Pardo et al., 1990; 1991; Tzourio et al., 1997). Dans une tâche de vigilance concernant les modalités visuelle et somesthésique, Pardo et al. (1991) ont mis en évidence une implication de la région préfrontale droite (et du cortex supérieur pariétal droit également). Les activités observées au niveau du lobe frontal supérieur refléteraient un processus d'orientation active de l'attention.
1.1.2.4. Conclusion
Les différentes études en imagerie fonctionnelle mettent en évidence l'implication de plusieurs zones cérébrales dans les mécanismes attentionnels. En effet, des augmentations d'activité dans 4 régions cérébrales sont souvent observées dans toutes les études en TEP et en IRMf que nous avons présentées.
Les études électrophysiologiques que nous allons aborder apportent des informations complémentaires sur les processus attentionnels. En effet, les techniques TEP et IRMf fournissent des informations précises sur l'emplacement des zones cérébrales activées mais le décours temporel de ces activations ne peut pas être observé en détail par ces études. En revanche, la technique des potentiels évoqués, reflétant l'activité électrique des neurones, permet de rendre compte des activations cérébrales successives (mais sans grande précision spatiale).
La technique des potentiels évoqués est une méthode particulièrement bien adaptée à l'étude du décours temporel des processus cognitifs. Elle permet de rendre compte, presque en temps réel, des activités cérébrales successives sous-jacentes à ces processus. La présence de composantes (pics d'amplitude) sur les potentiels évoqués témoignent de l'activité électrique d'une ou de plusieurs zones du cerveau. Les techniques d'acquisition et d'analyse des potentiels évoqués sont exposées en détail dans le chapitre 3. Nous avons indiqué cependant brièvement ci-dessous les trois types d'analyses utilisées dans les études décrites dans le présent chapitre. Ces analyses généralement portent sur:
Dans le domaine des potentiels évoqués, l'attention a été essentiellement étudiée à l'aide des paradigmes de type 'oddball' ou d'attention sélective (Ritter et Vaughan, 1969). En audition comme en vision, ces paradigmes sont composés de séquences contenant des stimuli rares (ou déviants) ayant une probabilité d'apparition peu élevée (par exemple 20%) et des stimuli fréquents (ou standards), ayant une probabilité d'apparition nettement plus forte (par exemple 80%). Les stimuli rares peuvent avoir le statut de cibles à détecter le mieux et le plus rapidement possible. Ils peuvent également être présentés (alternativement avec les stimuli fréquents) sans qu'aucune tâche ne soit demandée au sujet. La majorité des études que nous présentons ci-dessous ont utilisé ce type de paradigme. Elles ont porté principalement sur les effets liés à l'attention automatique, essentiellement dans la modalité auditive, et sur l'attention sélective dans les modalités auditive et visuelle. Les travaux que nous avons exposés ci-dessous ont été regroupés en fonction des mécanismes qu'ils étudiaient principalement: les processus automatiques d'une part et les processus contrôlés d'autre part. Nous avons présenté quelques comparaisons ou recoupements entre les résultats observés dans les études en potentiels évoqués et celles en TEP ou en IRMf sont présentées dans le chapitre 1.1.4.
La composante MMN et la détection automatique d'un changement dans l'environnement
Les travaux de Näätänen et de ses collaborateurs sur les mécanismes attentionnels auditifs ont mis en évidence, notamment, une augmentation de la négativité du potentiel évoqué lorsque des stimuli fréquents (qualifiés de standards) et des stimuli rares (qualifiés de déviants) sont présentés successivement, dans un ordre aléatoire sans qu'aucune tâche ne soit demandée au sujet (Näätänen et al., 1978, pour une revue voir Näätänen, 1992). Dans une telle situation, on observe une augmentation de la négativité du potentiel évoqué par les stimuli rares par rapport au potentiel évoqué par les stimuli fréquents, environ 100 à 200 ms après la survenue des stimuli. Cette augmentation de la négativité correspond à la composante dénommée 'Mismatch negativity' ou 'MMN'. Cette composante a été largement étudiée dans la modalité auditive, sa présence dans d'autres modalités est encore incertaine. La première étude présentée dans notre propre travail (chapitre 6) a porté sur la recherche d'une telle composante dans la modalité visuelle.
Cette composante est sensible, notamment, aux différences (entre les sons rares et fréquents) de fréquence sonore (Sams et al., 1985 par exemple), aux différences d'intensité (Näätänen et al., 1978; Näätänen et al., 1987; Paavilainen et al., 1991; Woldorff et al., 1991), aux différences d'origine spatiale (Paavilainen et al., 1989), aux différences de durée (Paavilainen et al., 1993) et aux différences de changements phonétiques (Aaltonen et al., 1987). Cette composante est indépendante de la conscience qu'a le sujet de percevoir les stimuli déviants: elle apparaît même lorsque la différence entre les deux types de stimuli est trop faible pour être détectée consciemment ou lorsque le sujet est engagé dans une tâche principale (lire un livre par exemple) et qu'aucune réponse comportementale n'est exigée (Näätänen, 1992).
L'amplitude de la composante MMN culmine globalement dans les régions fronto-centrales (proche des électrodes FZ et CZ). La majorité des études sur cette composante ont mis en évidence une amplitude plus élevée sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche, quelle que soit l'oreille stimulée. Les analyses de la distribution de la composante MMN sur le scalp et de ses générateurs sous-jacents suggèrent la présence d'une source dans chaque hémisphère, localisée au niveau du cortex auditif (Giard et al., 1990, Scherg et al., 1989). Les travaux de Giard et al. (1990), utilisant des cartographies de la densité de courant sur le scalp, ont suggéré que cette composante contienne effectivement des sources situées dans le cortex supra-temporal mais également dans les zones frontales. Dans une étude utilisant des électrodes implantées (Kropotov et al., 1995), les activités cérébrales sous-jacentes à la composante MMN ont été recueillies majoritairement au niveau des électrodes dans le cortex temporal, proche des aires 21 et 42 de Brodmann. Cependant, le générateur situé dans l'hémisphère controlatéral à l'oreille stimulée présenterait une amplitude plus élevée que son homologue situé dans l'hémisphère ipsilatéral (Giard et al., 1990). Ces résultats ont été confirmés par des études en magnétoencéphalographie (Hari et al., 1980) et par des enregistrements intra-cérébraux chez l'animal (Csépe et al., 1987, Javitt et al., 1995; Kropotov et al., 1995).
La source frontale (ou préfrontale selon les auteurs) serait présente uniquement dans l'hémisphère droit. La diminution de l'amplitude de la composante MMN chez de patients affectés de lésions situées dans le cortex préfrontal dorsolatéral (Alho et al., 1994) confirme l'implication du lobe frontal dans la génération de cette composante. Cette composante proviendrait donc d'une source sensorielle spécifique (temporale) dans chaque hémisphère et une source frontale droite. Ces sources (temporales et frontale) auraient des fonctions différentes selon Giard et al. (1990). Le processus de détection de l'apparition d'un stimulus différent, nouveau par rapport aux stimuli précédents, serait assuré au niveau des aires temporales. Selon Giard, ce processus déclencherait un mécanisme d'orientation automatique de l'attention assuré au niveau des aires frontales droites. La présence de cette composante témoignerait donc de l'existence d'un processus attentionnel automatique de détection d'un changement dans l'environnement.
La composante P3a et l'orientation automatique de l'attention
La composante MMN est souvent suivie par un pic positif situé dans les régions fronto-centrales, environ 230 à 350 ms après la présentation des stimuli rares (Näätänen, 1992). Cette positivité est généralement appelée composante 'P3a'. Elle se distingue selon plusieurs critères de la composante P3b, présentée dans le prochain chapitre. La composante P3a est consécutive à l'apparition d'un stimulus nouveau (inattendu, rare et incongru) alors que la composante P3b est observée lorsque le sujet porte son attention sur un stimulus cible. Les deux composantes se différencient également au niveau de leur latence et de leur topographie (respectivement plus précoce et plus frontale pour la composante P3a). Cette dernière a été mise en évidence dans les modalités auditive, visuelle et somesthésique (Courchesne et al., 1975; 1984; Knight, 1984; Renault et al., 1982; Yamaguchi et Knight, 1991 notamment).
Les études portant sur les aires cérébrales sous-jacentes à cette composante ont mis en évidence des résultats légèrement différents (Knight, 1996; 1997; Polich et Squires, 1993; Halgren et al., 1995a,b). Dans une étude portant sur la modalité auditive, Knight et al. (1989) ont observé une diminution importante de l'amplitude de la composante P3a (et de la composante P3b) lors de lésions situées dans le cortex temporal. Selon ces auteurs, des lésions situées dans le lobe pariétal auraient également un effet sur cette composante. A partir des potentiels intra-cérébraux, Kropotov et al. (1995) ont observé au niveau de l'aire 42 de Brodmann (cortex temporal) une positivité succédant à la composante MMN. Cette positivité, observée également dans les cortex frontaux et pariétaux, pourrait être associée à la composante P3a. Lors d'une étude utilisant conjointement les techniques des potentiels évoqués et de l'IRMf, Opitz et al. (1999a, b) ont montré la présence de sources temporales sous-jacentes à cette composante. Une activité frontale lors d'une modélisation des générateurs cérébraux sous-jacents à cette composante a également été proposée par Mecklinger et Ullsperger (1995). A partir d'enregistrements intracérébraux, Halgren et al. (1998) suggèrent que les générateurs la composante P3a se situent dans le cortex pariétal inférieur, le cortex cingulaire et le cortex préfrontal dorsolatéral (Fig. 5).
Ces résultats semblent donc mettre en évidence l'implication de différentes zones cérébrales dans la génération de cette composante: des régions frontales et pariétales ainsi que des zones temporales. En revanche, la majorité des auteurs s'accordent sur le processus fonctionnel que refléterait cette composante: un changement d'orientation involontaire de l'attention vers un stimulus apparaissant d'une manière inattendue (Ford et al., 1976; Friedman et Simpson, 1994; Näätänen, 1992 notamment).
En résumé
Les études électrophysiologiques permettent donc d'étudier le décours temporel des processus attentionnels automatiques. Dès 120 ms environ après la présentation d'un stimulus nouveau et inattendu on observe un effet sur les potentiels évoqués. Ces processus seraient donc reflétés par les composantes MMN et P3a qui témoigneraient respectivement d'un processus involontaire de détection d'un changement dans l'environnement et d'un processus d'orientation automatique de l'attention. Ces composantes sont observées dans des situations de perception passive de stimuli rares et fréquents mais également dans les situations d'attention sélective. Cependant, dans la plupart de ces dernières situations, elles sont légèrement masquées par les composantes N2b et P3b, abordées dans le prochain chapitre. Les générateurs sous-jacents aux composantes MMN et P3a ne paraissent pas être encore clairement spécifiés. Il semble toutefois que les régions temporales droites et gauches et la région frontale droite participent à la génération de la composante MMN. Pour la composante P3a, les générateurs pourraient se situer dans les régions temporales, frontales et/ou pariétales.
L'étude du décours temporel des mécanismes attentionnels contrôlés a également été effectuée à partir du paradigme 'oddball'. Ce paradigme permet effectivement d'observer certaines composantes (autres que les composantes MMN et P3a) lorsque le sujet doit porter son attention sur les stimuli rares (appelés 'stimuli cibles' dans ce cas). La tâche du sujet peut être par exemple de compter silencieusement les cibles qu'il perçoit ou d'appuyer sur un bouton-réponse. La différence entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et ceux évoqués par les stimuli fréquents permet d'isoler ce qui est lié spécifiquement à l'orientation volontaire de l'attention et à la détection de la cible. L'analyse de cette différence révèle une négativité fronto-centrale, appelée composante N2b, culminant entre 150 et 300 ms après la présentation des stimuli. Une positivité plus tardive apparaît ensuite, entre 300 et 600 ms, elle culmine au niveau des régions pariétales et est généralement appelée 'composante P3b'.
Ces composantes sont observées lorsque le sujet est engagé dans une tâche de discrimination de stimuli ou d'attention sélective, dans les modalités auditive et visuelle (Squires et al., 1975; Ritter et al., 1979; Renault et Lesèvre, 1979). D'autres composantes attentionnelles (voir Näätänen, 1992 pour une revue exhaustive) comme la 'négativité de différence' (Nd) ou la 'Processing Negativity' (PN) sont également observées dans des situations d'attention sélective (dans des paradigmes cependant légèrement différents). Nous présentons ci-dessous les travaux concernant les composantes N2b et P3b correspondant aux ondes que nous avons étudiées dans les résultats (chapitres 8 et 9).
Dans les tâches mettant en jeu des processus attentionnels, on observe un effet précoce sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles avant l'apparition des composantes N2b et P3b. En effet, dans les modalités auditive et visuelle, environ 80 ms après la présentation des cibles cible, on peut observer une augmentation du potentiel sur les courbes évoquées par les stimuli cibles par rapport à celles évoquées par les stimuli fréquents (Hillyard et al., 1973; Harter et Aine, 1984; Hillyard et Muente, 1984). Cette augmentation a été souvent appelée 'l'effet N1'. Selon Hillyard et al. (1998), cette augmentation témoignerait d'un processus de gain sensoriel, ou d'amplification, au niveau des aires sensorielles traitant le stimulus attendu. Un tel processus sensoriel de gain a été également observé dans des études en TEP (Corbetta et al., 1991; Heinze et al., 1994; O'Leary et al., 1996). Dans une étude utilisant les potentiels évoqués et la TEP, Woldorff et al. (1997) ont suggéré que ce processus de gain se situe au niveau des aires visuelles V2, V3 ou V4 (Desimone, 1998). La localisation de ce processus au niveau de ces aires témoignerait de sa nature plus sensorielle qu'attentionnelle.
La composante N2b et l'orientation volontaire de l'attention
Des stimuli rares auxquels le sujet doit prêter attention entraînent des effets au niveau de l'amplitude des potentiels évoqués environ 200 ms après la présentation des ces stimuli. Une augmentation de la négativité, correspondant à la composante N2b est observée sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Contrairement à la composante MMN, l'onde N2b est principalement présente lorsque le sujet porte son attention sur une cible donnée (Näätänen et Gaillard, 1983). Cependant, dans des situations passives (aucune tâche à effectuer), lorsque la différence entre ces stimuli rares et fréquents est très grande, cette composante peut également apparaître avec une faible amplitude. La topographie de cette composante n'est pas spécifique à une modalité: l'amplitude maximale se situe dans la région du vertex dans la modalité auditive comme dans la modalité visuelle (Näätänen, 1992). En revanche, les générateurs de cette composante ne sont pas encore actuellement bien spécifiés. Halgren et al. (1998) ont proposé que ces générateurs se situent dans le cortex rhinal. Kropotov et al. (1995) ont observé, à l'aide d'électrodes implantées, des activités cérébrales principalement au niveau du gyrus cingulaire antérieur, à des latences correspondant à l'apparition des composantes reflétant des processus attentionnels contrôlés (composantes N2 et P3). Beaucoup d'auteurs ont suggéré en effet que les générateurs de la composante N2b correspondraient en partie à ceux de la composante P3b (Fig. 5).
Différentes interprétations fonctionnelles de cette composante peuvent être observées dans la littérature. Selon Ritter et al. (1979), cette composante refléterait un processus de catégorisation du stimulus, alors que selon Näätänen et Gaillard (1983), cette onde témoignerait d'un processus d'éveil et d'orientation de l'attention vers la cible (Loveless, 1983, 1986). En accord avec cette dernière hypothèse, la plupart des auteurs semblent actuellement considérer que cette composante refléterait une attention orientée et contrôlée sur un stimulus donné (Renault et al., 1989; Näätänen, 1992).
La composante P3b et l'identification des stimuli
Sutton et al. (1965) ont observé une positivité assez tardive sur les potentiels évoqués visuels et auditifs qui a été appelée composante 'P300' (Vaughan et Ritter, 1970), P3 ou P3b (pour la différencier de la composante P3a). Cette composante est certainement l'onde qui a été la plus étudiée dans les modalités auditive, visuelle et somesthésique. Elle est constituée d'une positivité culminant dans la région pariéto-centrale (Smith et al., 1970, pour une revue voir par exemple Ducan-Johnson et Donchin, 1982; Picton, 1992) et peut souvent atteindre une grande amplitude (6-8 µV). Les caractéristiques de cette onde semblent actuellement bien connues. Elle est observée uniquement lorsque le sujet porte son attention sur le stimulus (Ritter et al., 1968). L'amplitude et la latence de cette composante varient en fonction de plusieurs facteurs tels que la probabilité d'apparition du stimulus ou la difficulté de la tâche. Plus la probabilité est faible, plus l'amplitude est élevée (Duncan-Johnson et Donchin, 1977). L'augmentation de la difficulté à discriminer les stimuli cibles des autres stimuli diminue l'amplitude et augmente la latence de cette composante (Squires et al., 1973).
Les enregistrements intracérébraux ainsi que les études de patients présentant des lésions cérébrales ont suggéré la présence de sources multiples pour la composante P3b (Fig. 5). Dans une étude utilisant conjointement les potentiels évoqués et l'IRMf, Linden et al. (1999) ont observé, à une latence correspondant à celle de la composante P3b, des activités dans le gyrus supramarginalis, dans le cortex insulaire ainsi que dans certaines régions plus restreintes (frontales et pariétales). Lors d'enregistrements intracérébraux, des activités similaires à cette composante ont été observées au niveau de l'amygdale, de l'hippocampe, du sillon temporal supérieur, du cortex orbitofrontal et du sillon intrapariétal (Halgren et al., 1980; 1998; Puce et al., 1989), dans les lobes frontaux et temporaux (Alain et al., 1989; Smith et al., 1990) ainsi que dans les ganglions de la base et les noyaux thalamiques (Kropotov et Ponomarev, 1991; Velasco et al., 1986). Ces résultats ont donc été observés dans les deux modalités.
Les travaux étudiant les effets de lésions cérébrales sur cette composante ont également mis en évidence l'implication de différentes régions dans la génération de la composante P3b (pour une revue voir Knight, 1990). Une diminution de l'amplitude de cette onde dans la modalité auditive a été mise en évidence lorsque les lésions se situent au niveau de la jonction temporo-pariétale et de la région frontale (Knight et al., 1989). Ces auteurs ont toutefois observé une composante d'amplitude 'normale' chez des patients affectés de lésions plus supérieures du lobe pariétal. Smith et Halgren (1988) ont également mis en évidence une diminution similaire de cette composante, dans la modalité visuelle, chez des patients affectés de lésions inféro-temporal (lobectomies).
Cependant, la contribution de chacune de ces aires aux processus d'identification des cibles n'est pas encore bien déterminée. Les études en imagerie fonctionnelle présentées ci-dessus ont suggéré que le cortex cingulaire antérieur soit impliqué dans des processus de détection et de sélection (Corbetta et al., 1991; Pardo et al., 1990; Posner, 1994). En plus du cortex cingulaire, le gyrus supramarginalis et le thalamus seraient aussi impliqués dans les processus de détection des cibles selon Menon et al. (1997). L'influence de la probabilité des stimuli suggère l'implication d'un processus d'attente ou de surprise. Selon certains auteurs, cette composante refléterait une mise à jour de la mémoire de travail (Donchin, 1981), pour d'autres auteurs elle témoignerait d'un processus d'identification de la cible (Neville et al., 1986). Il semble toutefois que les auteurs s'accordent, actuellement, sur l'hypothèse suggérant que la composante P3b reflète principalement des processus attentionnels contrôlés liés à l'identification de la cible.
En résumé
L'étude électrophysiologique des processus attentionnels contrôlés a mis en évidence deux composantes successives: les composantes N2b et P3b. Nous rappelons que d'autres composantes reflétant de tels processus ont également été étudiés dans la littérature (ondes Nd et PN). Les travaux que nous avons abordés ci-dessus mettent en évidence plusieurs résultats:
La plupart des études dans le domaine de l'attention n'ont porté que sur une seule modalité sensorielle, généralement la modalité visuelle, et dans une moindre mesure, la modalité auditive. La présence de processus attentionnels qui pourraient être communs ou différents entre ces deux modalités reste encore actuellement en question. L'étude des processus attentionnels dans les modalités auditive et visuelle nécessite de connaître les différences anatomiques et fonctionnelles qui existent entre ces deux systèmes sensoriels. En effet, les différences entre les processus attentionnels auditifs et visuels pourraient être liés à des différences anatomiques entre les deux systèmes sensoriels. Avant d'aborder les travaux portant sur les aspects communs à ces deux modalités, nous avons décrit brièvement l'anatomie de ces systèmes. Nos études portant sur des tâches de détection et de localisation de cibles sonores ou visuelles, nous avons également présenté ci-dessous les processus de localisation spatiale observés dans chaque modalité.
Le système auditif
Une stimulation sonore provoque l'activation successive et/ou simultanée de différentes structures anatomiques du système sensoriel auditif (Fig. 6). La partie visible de ce système, l'oreille externe, est formée essentiellement de cartilage constituant le pavillon de l'oreille. Ce dernier permet de canaliser les sons à l'intérieur de la tête. Le passage vers l'oreille moyenne se fait par le canal auditif jusqu'au tympan. Une série de petits os, les osselets, est rattachée à la surface interne du tympan. Placés dans une cavité remplie d'air, les osselets transmettent les vibrations du tympan à une autre membrane, la fenêtre ovale. Derrière cette membrane, remplie de fluide (oreille interne), se trouve la cochlée qui génère une réponse nerveuse aux vibrations de la membrane de la fenêtre ovale. La cochlée contient en effet les cellules ciliées réceptrices. A ce niveau, on observe l'origine des fibres du nerf auditif. La réponse produite par le système auditif périphérique (oreilles externe, moyenne et interne) est transmise et analysée dans une série de noyaux du tronc cérébral (Fig. 6). Cette réponse parvient ensuite au thalamus, au niveau du corps genouillé médian. Depuis ces noyaux, les fibres se projettent sur le cortex auditif primaire situé dans le lobe temporal, sur la face supérieure de la première circonvolution temporale (gyrus transverse de Heschl, aires 41 et 42). Il faut également préciser que le système auditif contient d'autres voies de projections et de connexions secondaires entre différents noyaux qui n'ont pas été citées ci-dessus.
*Indication de plusieurs relais de ces voies. Les fibres auditives de chaque oreille se projettent dans le cortex gauche et dans le cortex droit.
Dans la cochlée, les cellules ciliées sont excitées par les déformations de la membrane basilaire. Chaque partie de la membrane est sensible (elle se déforme spécifiquement) à certaines fréquences. Tout le long des différents relais et dans le cortex auditif on retrouve une telle particularité qui est appelée 'tonotopie' (voir cependant Crottaz-Herbette et Ragot, 2000; Fig. 15 et 16). La tonotopie peut être définie comme une organisation spatiale des fréquences sonores. La discrimination des fréquences s'effectue donc à partir de la cochlée grâce à la sélectivité fréquentielle de la membrane basilaire, elle se maintient tout le long des relais à l'aide des filtres auditifs. Ces filtres correspondent à des mécanismes qui amplifient une certaine fréquence (valeur centrale du filtre) et atténuent les autres fréquences. Chaque neurone est particulièrement sensible à une fréquence donnée, appelée la fréquence caractéristique, et est moins sensible aux fréquences proches. Dans chaque relais, les neurones présentent également des propriétés différentes. Par exemple, les cellules dans l'olive supérieure sont activées par les noyaux cochléaires à partir des deux côtés du tronc cérébral. Ces neurones qui répondent à la stimulation des deux oreilles semblent jouer un rôle important dans la localisation des sons comme nous le présentons ci-dessous.
Une des propriétés importantes du système auditif est la projection sur chaque hémisphère des fibres auditives provenant de l'oreille droite et de l'oreille gauche (Fig. 6). La projection de ces fibres est toutefois plus importante sur l'hémisphère controlatéral à l'oreille stimulée (Rosenzweig, 1951). Une telle propriété n'est pas observée dans le système visuel qui possède une latéralisation complète de ses projections (projection controlatérale au champ visuel stimulé), comme nous le verrons dans la figure 7).
Les zones anatomiques responsables du traitement de toutes les caractéristiques des sons ne sont pas encore actuellement bien déterminées. L'analyse de la fréquence (tonotopie) et de la partie du spectre sonore impliquée semble s'effectuer (Crottaz-Herbette et Ragot, 2000) au niveau du cortex auditif primaire (aire 41 de Brodmann ou gyrus de Heschl), du cortex associatif primaire (aire 42) ou du cortex associatif secondaire (aire 22). Nous rappelons que nos études portent sur la détection de source sonore localisée à droite ou à gauche du sujet, nous présentons donc ci-dessous les principaux mécanismes de localisation sonore de notre système auditif.
La localisation sonore
Contrairement au système visuel qui possède une représentation spatiale du champ visuel (rétinotopie), le système auditif doit 'recréer' l'information spatiale à partir des caractéristiques des sons lui parvenant. Les mécanismes de localisation du son se basent sur plusieurs indices différents (Blauert, 1983). Le pavillon et les mouvements de tête jouent un rôle dans la localisation sonore. Les replis et les lobes de l'oreille externe réfléchissent et modifient le son. Ils permettent ainsi d'éviter, au moins partiellement, les confusions de localisation entre des sons provenant de l'avant ou de l'arrière. Les mouvements de tête quant à eux fournissent des informations supplémentaires en faisant varier les différences d'intensités et de délai entre les sons parvenant à chaque oreille. Il semble en effet qu'une bonne localisation repose principalement sur deux mécanismes complémentaires liés à la comparaison des sons atteignant les deux oreilles. L'importance relative de ces deux mécanismes varie en fonction de la fréquence considérée.
Le premier mécanisme repose sur la différence de temps d'arrivée du son entre les deux oreilles, différences appelées 'délai interaural'. Lorsque la source sonore ne se situe pas dans le plan médian, le son met plus de temps à parvenir à l'une des oreilles qu'à l'autre. Lorsque le début du son n'est pas perçu, ou lorsque le son est continu, la seule comparaison possible entre les deux oreilles porte sur la phase de l'onde sonore parvenant à chaque oreille. Cependant, lorsque les fréquences sont hautes (plus de 2000 Hz notamment), le délai interaural ne permet plus de localiser le son: la longueur d'onde est plus petite que la distance entre les deux oreilles. Cela signifie que plusieurs cycles peuvent se succéder entre le moment où le signal atteint une oreille puis l'autre. Ainsi, la comparaison des phases des signaux n'apporte plus d'information sur le délai temporel entre les signaux, et donc, sur la localisation de la source sonore.
Lorsque les sons ont des fréquences élevées, le cerveau se base sur un autre mécanisme dans la localisation sonore: la différence d'intensité interaurale. La tête représente une sorte d'écran pour la propagation du son et entraîne une différence d'intensité entre les signaux parvenant à chaque oreille. Il existe une relation directe entre la direction d'origine du son et l'effet de la tête sur l'intensité des signaux arrivant à chaque oreille. Pour un son situé sur la droite (à 90°), l'intensité sera nettement plus faible au niveau de l'oreille gauche qu'au niveau de l'oreille droite, et vice-versa lorsque le son est situé sur la gauche. En revanche, si le son vient d'en face (0°), les intensités des signaux parvenant à chaque oreille seront similaires; si la source sonore se situe légèrement sur la droite (par exemple 20°), le signal parvenant à l'oreille gauche sera légèrement moins intense que le signal parvenant à l'oreille droite. Ces différences d'intensité permettent aux neurones sensibles à l'intensité de localiser le son. Cependant, l'analyse de ces différences ne met pas en évidence d'effets nets lorsque les sons ont une fréquence faible (inférieure à 2000 Hz). Pour ces fréquences, les ondes sonores sont en effet diffractées tout autour de la tête et l'intensité des sons parvenant à chaque oreille est presque la même.
Il existe donc plusieurs processus de localisation des sources sonores qui sont donc différents et complémentaires. Pour des sons ayant une fréquence de 20 à 2000 Hz, le processus de localisation se baserait essentiellement sur le délai interaural. Lorsque les sons ont des fréquences plus élevées (de 2000 à 20000 Hz), la différence interaurale d'intensité serait le mécanisme principal. Ces deux processus forment ce qui est généralement appelé la 'théorie de la double localisation' (Lindsay et Norman, 1977; Canévet, 1989). Comme nous l'avons présenté ci-dessus, certains neurones auditifs à partir de l'olive supérieure présentent la particularité d'être binauraux: ils répondent aux sons provenant des deux oreilles. Il est probable que les mécanismes de comparaison de la phase et de l'intensité que nous venons de décrire reposent sur les neurones binauraux présents dans l'olive supérieure. Lors de la construction des stimuli sonores, nous nous sommes basés sur ces deux mécanismes principaux de localisation du son.
Le système visuel
La perception du monde commence au niveau de la rétine. Cette dernière se trouve sur la partie arrière de l'oeil, elle est composée de photorécepteurs spécialisés dans la conversion de l'énergie lumineuse en activité nerveuse. La rétine montre une propriété importante: la rétinotopie. Cette propriété correspond à la conservation au niveau de la rétine de l'organisation spatiale du champ visuel. Elle est également observée lors des différents relais sensoriels et au niveau du cortex visuel primaire.
Cependant, le champ visuel n'est pas simplement projeté sur chaque rétine (Bear et al., 1999). Le champ visuel complet est l'espace (calculé en degrés) visible quand les yeux regardent droit devant (Fig. 7). L'espace gauche (ou droit), appelé également hémichamp ou champ visuel gauche (ou droit) correspondant à tout l'espace situé à gauche (ou à droite) d'un plan vertical passant par un point situé juste en face du sujet. L'hémichamp visuel gauche est reproduit à la fois sur la rétine nasale de l'oeil gauche (moitié droite de la rétine gauche) et sur la rétine temporale de l'oeil droit (moitié droite de la rétine droite), et vice-versa pour l'hémichamp visuel droit. La partie située au centre du champ visuel est perçue par la rétine gauche et par la rétine droite, cet espace est souvent appelé le champ visuel binoculaire. Les axones des neurones visuels se rassemblent pour former les nerfs optiques partent de la rétine en direction du chiasma optique (Fig. 7). A l'endroit d'où partent ces fibres il n'y a pas de cellules réceptrices, cette correspond à ce qui est appelé la tâche aveugle. Les fibres nerveuses de la partie nasale de la rétine gauche et celles de la partie temporale de la rétine droite passent du côté droit au niveau du chiasma optique, et vice-versa pour la partie nasale de la rétine droite et la partie temporale de la rétine gauche. Le croisement des nerfs optiques au niveau du chiasma optique a pour conséquence que l'hémichamp visuel gauche soit traité dans l'hémisphère droit, et l'hémichamp visuel droit soit traité dans l'hémisphère gauche.
Chez l'homme, le nerf optique, après le chiasma optique, se divise en deux grandes voies. Une de ces voies (90% des fibres optiques) conduit au corps genouillé latéral (partie dorsale du thalamus) par le tractus optique dont les axones se prolongent jusqu'au cortex visuel primaire correspondant à l'aire 17 de Brodmann, appelée également cortex strié ou aire V1 (Fig. 7). Ce dernier est situé dans le lobe occipital, c'est à ce niveau que débutent les analyses principales des évènements perçus visuellement: analyses des couleurs, de la forme, du mouvement et de la profondeur. La seconde voie (non illustrée sur la figure 7) conduit au colliculus supérieur (zone située au-dessus du tronc cérébral). La voie de la perception visuelle est celle qui passe par le corps genouillé latéral et qui aboutit au cortex visuel. Nous précisons à nouveau que les cellules du cortex strié présentent également une organisation rétinotopique.
Les différents processus de traitement de l'information visuelle (traitement de la couleur, de la forme, du mouvement,...) commencent dès la rétine mais sont principalement élaborés dans le cortex strié et au-delà, dans d'autres zones du cerveau reliées les unes aux autres par de nombreuses connexions cortico-corticales. Ces processus seraient constitués de deux grands systèmes corticaux partant du cortex strié: un système s'étendrait vers le lobe pariétal et l'autre système se projetterait sur le lobe temporal. Le système pariétal contiendrait notamment l'aire V5 (ou MT) qui serait spécialisée principalement dans le traitement du mouvement. Le système temporal contiendrait l'aire V4, qui semble jouer un rôle fondamental dans la perception de la forme et de la couleur (Bear et al., 1999).
Différences entre les systèmes sensoriels auditif et visuel
Nous rappelons que nos études ont eu pour but, notamment, de comparer les processus attentionnels dans la modalité auditive et dans la modalité visuelle. La présentation des caractéristiques anatomiques de chaque système était destinée à mettre en évidence leurs aspects communs ou différents.
L'organisation fonctionnelle du système visuel semble donc actuellement mieux connue que celle du système auditif. En effet, les zones cérébrales sous-jacentes au traitement visuel de la couleur, de la forme et du mouvement semblent plus ou moins bien déterminées. L'organisation fonctionnelle connue pour le moment dans la modalité auditive concerne principalement le traitement des fréquences sonores avec la tonotopie. Des études utilisant la technique des potentiels évoqués ont cependant également mis en évidence la présence d'une organisation spatiale pour le spectre sonore (Crottaz-Herbette et Ragot, 2000, voir chapitre 3.2.3.2.).
D'autres différences existent entre les deux systèmes. Les processus de localisation spatiale semblent être plus complexes pour le système sensoriel auditif que pour le système sensoriel visuel. Le système visuel possède une représentation spatiale de champ visuel, la rétinotopie, présente au niveau de la rétine, dans certains noyaux sous-corticaux et dans le cortex visuel primaire. En revanche, la cochlée ne transmet pas d'information spatiale mais des informations fréquentielles (tonotopiques) et temporelles qui permettent de reconstruire une information spatiale. Finalement, une des différences évidentes entre les deux systèmes porte sur l'étendue du champ perceptif qu'ils peuvent prendre en compte. En effet, le champ visuel que nous pouvons percevoir spontanément, sans mouvement de la tête, se situe devant et sur les côtés. Il a un angle total d'environ 180°. En revanche, dans la modalité auditive, nous pouvons percevoir des sons venant de n'importe où, le champ perceptif auditif a donc un angle de 360° (le champ auditif est également plus étendu verticalement que le champ perceptif visuel).
En résumé
Ces constatations mettent en évidence des différences entre les deux modalités au niveau de leurs organisations anatomique et fonctionnelle. Les différences au niveau des mécanismes de localisation spatiale entre la vision et l'audition sont importantes à préciser dans ce travail puisqu'elles conduisent à des fonctionnements différents (le système auditif doit reconstruire une information spatiale alors que le système visuel possède une organisation spatiale directement). Finalement, il faut également préciser que l'organisation des différentes aires sous-jacentes au traitement de l'information visuelle est mieux déterminée que celle concernant l'information auditive.
Dans la vie quotidienne on peut facilement constater la présence de relations entre la vision et l'audition. Dans une salle de cinéma, nous avons l'impression que les paroles entendues sont prononcées par les acteurs sur l'écran alors que les sources sonores ne correspondent pas à l'emplacement des acteurs. La ventriloquie est un exemple de ces liens entre ces deux modalités: bien que les sources sonores et visuelles ne se situent pas au même endroit, nous 'fusionnons' les informations de ces deux sources en considérant qu'elles proviennent de l'endroit où se situe la source visuelle (Witkin et al., 1952). Un autre exemple de liens entre la vision et l'audition est notre tendance à tourner notre regard, d'une manière souvent involontaire et automatique, en direction d'un bruit soudain. Il semble donc qu'il existe des liens entre les processus attentionnels appliqués à des modalités différentes. On peut alors se demander si les processus attentionnels sont similaires en audition et en vision et si les zones cérébrales sous-jacentes à ces processus sont communes ou différentes entre les modalités. Ce chapitre permet d'aborder ces questions centrales dans nos travaux et dans la littérature actuelle portant sur l'attention. Nos travaux portent donc sur la présence de liens d'influence entre les processus attentionnels dans différentes modalités d'une part et sur l'existence de bases neurales communes ou propres à ces processus d'autre part. Nous avons choisi d'étudier plus spécifiquement l'attention spatiale ainsi que les processus attentionnels automatiques et contrôlés.
Ce chapitre se divise en deux parties. La première partie présente des résultats en électrophysiologie et en imagerie fonctionnelle ayant suggéré, selon les études, des différences ou des similitudes entre les processus attentionnels en vision et en audition. Cette partie porte également sur la présence éventuelle de zones cérébrales qui seraient communes aux processus attentionnels auditifs et visuels (zones 'multimodales'). La seconde partie porte sur la présence d'effets attentionnels intermodaux dans ces deux modalités. Un bref résumé de ces observations est présenté à la fin de ce chapitre.
Effets attentionnels similaires ou différents dans les deux modalités
L'analyse des similitudes et des différences entre les processus attentionnels auditifs et visuels a été abordée dans des études comportementales, dans des études utilisant les potentiels évoqués ainsi que dans des travaux en TEP et en IRMf. Dans des tâches d'attention sélective visuelle et auditive, Woods et al. (1992), Alho et al. (1992) et Eimer et Schröger (1998) ont observé des différences entre les deux modalités au niveau de la distribution sur le scalp des potentiels évoqués attentionnels auditifs et visuels (reflétant des processus contrôlés). Teder-Sälejärvi et al. (1999) ont confirmé la présence de tels effets tout en montrant également l'existence d'effets intermodaux (présentés dans le chapitre suivant). Les composantes Nd et PN ont donc été observées dans les deux modalités. Selon ces études, les différences entre les deux modalités, reflétées principalement sur les composantes Nd et PN, suggèreraient que les zones cérébrales sous-jacentes à ces composantes ne seraient pas similaires pour ces deux modalités (zones 'modalité-spécifiques').
De plus, certains travaux en TEP et en IRMf ont suggéré que des effets précoces de l'attention sur les processus de traitement perceptif soient similaires dans les modalités auditive et visuelle (mais situés dans des zones différentes). En effet, dans une étude utilisant la TEP lors d'une tâche d'attention sélective auditive, Tzourio et al. (1997) ont observé une augmentation d'activité au niveau des lobes temporaux gauche et droit plus importante dans l'hémisphère controlatéral à l'oreille sur laquelle l'attention se porte (Fig. 8). O'Leary et al. (1986) ont observé un résultat similaire en IRMf. Dans une étude portant sur l'attention spatiale visuelle, et utilisant conjointement les techniques des potentiels évoqués et de la TEP, Heinze et al. (1994) ont montré une augmentation d'activité dans l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des cibles. Plus précisément, lorsque l'attention portait sur le côté gauche, ces auteurs ont observé une activité au niveau du cortex visuel extrastrié droit (gyrus fusiforme postérieur), et quand l'attention se concentrait sur la droite, une activité au niveau des même zones mais dans l'hémisphère gauche a été constatée. Dans une étude portant sur l'attention spatiale visuelle, Corbetta et al. (1991) ont observé des augmentations d'activités au niveau des aires cérébrales sous-jacentes au traitement de la forme ou de la couleur selon le type de caractéristiques de la cible sur lequel le sujet doit porter son attention (forme ou couleur). Les zones cérébrales responsables de l'analyse perceptive de certaines caractéristiques du stimulus visuel sont donc modulées par l'attention.
*En haut, activités bilatérales situées au niveau de la région du gyrus de Heschl. En bas, activités plus importantes dans l'hémisphère controlatérale à l'oreille attentive au niveau du gyrus temporal supérieur
Ces résultats montrent que l'attention entraîne des modifications d'activités localisées dans des aires responsables des traitements perceptifs de l'information. Tzourio et ses collaborateurs suggèrent que l'augmentation qu'ils observent dans la région postérieure du gyrus temporal supérieur est similaire à ce qui est observé en potentiel évoqué lors de 'l'effet N1' (Hillyard et al., 1973, voir le chapitre 1.1.3.2.). Cette suggestion peut également concerner les résultats de Heinze et al., (1994) au niveau du cortex visuel extrastrié puisque l'effet 'N1' a été également observé dans la modalité visuelle et dans la modalité somesthésique (Näätänen, 1990). Ces asymétries pourraient provenir de l'anatomie des voies sensorielles qui se projettent majoritairement (voies auditives) ou complètement (voies visuelles) dans l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des stimuli. Dans la modalité auditive comme dans la modalité visuelle, l'attention pourrait influencer précocement le traitement perceptif des stimuli (dès 80 - 130 ms dans l'étude de Heinze) en 'augmentant' l'activité cérébrale des zones responsables de l'analyse des traits sur lesquels l'attention se porte spécifiquement (par exemple la localisation spatiale ou la couleur du stimulus). Ces études suggèrent donc l'existence de processus attentionnels précoces qui seraient similaires dans les deux modalités.
L'ensemble de ces études met en évidence des similarités entre les processus attentionnels en vision et en audition (les composantes Nd et PN ont été observées dans les deux modalités) alors que les zones cérébrales sous-jacentes à ces processus seraient différentes entre les deux modalités. Cependant, d'autres études en potentiels évoqués, en TEP et en IRMf parviennent à des résultats différents suggérant des bases neurales communes.
Selon Halgren et al. (1998), la composante P3a (Fig. 5), ainsi que l'ensemble des composantes évoquée par la présentation d'un stimulus nouveau et inattendu, ne seraient pas 'modalité-spécifiques'. Ces auteurs suggèrent également que les composantes N2b et P3b, reflétant des processus conscients et contrôlés, reflètent l'activité de générateurs également similaires en audition et en vision. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus à propos de la composante P3b (chapitre 1.1.3.2., figure 5), des activités ont été effectivement observées en vision et en audition dans le gyrus supramarginalis, dans le cortex insulaire et dans des régions frontales et pariétales (Linden et al., 1999). D'autres régions cérébrales participeraient à la génération de cette composante (Smith et al., 1990; Halgren et al., 1995a, b; Baudena et al., 1995; Knight et al., 1989). La composante N2b présente des topographies similaires en vision et en audition (Halgren et al., 1998; Näätänen, 1992) qui suggèrent des bases neurales communes dans les deux modalités Ces composantes refléteraient des processus attentionnels automatiques ou contrôlés (selon la composante) qui semblent donc, selon ces études, avoir des bases neurales communes. Les générateurs sous-jacents à ces composantes se situeraient donc dans des zones multimodales, contenant au moins des informations auditives et visuelles. Cependant, la présence de zones communes à plusieurs modalités peut provenir soit de l'existence d'un processus multimodal, soit de la présence de multiple zones 'modalité-spécifiques' proches les unes des autres. Des études sur l'animal ont permis de déterminer la présence d'aires spécifiquement multimodales.
Des études sur le singe et le chat, principalement, ont suggéré en effet l'implication de zones multimodales dans l'attention spatiale notamment. Ces zones incluraient le cortex pariétal inférieur, des aires intrapariétales, le putamen, le cortex inférieur prémoteur ainsi que le colliculus supérieur (Andersen et al., 1997; Graziano et Gross, 1993; Stein et al., 1993). Les études de patients présentant des lésions cérébrales ont apporté également des informations sur de telles zones. Farah et al. (1989), notamment, ont mis en évidence, chez des patients affectés de lésions cérébrales localisées dans le lobe pariétal, des déficits dans la modalité auditive comme dans la modalité visuelle.
Les zones cérébrales sous-jacentes aux processus attentionnels semblent donc être nombreuses et leur caractère 'modalité-spécifique' ou 'multimodal' n'est pas encore clairement spécifié. D'après ces études, les processus attentionnels précoces seraient plutôt similaires dans les deux modalités mais ils proviendraient de zones différentes pour la vision et pour l'audition. De plus, les effets attentionnels plus tardifs observés sur les potentiels évoqués semblent provenir de plusieurs zones cérébrales dont certaines seraient propres à chaque modalité alors que d'autres seraient communes à différentes modalités. Les processus attentionnels observés en vision et en audition seraient donc globalement similaires tout en présentant des bases cérébrales communes ou différentes. De plus, ces processus ont des influences les uns sur les autres, comme le suggèrent les études portant sur l'intermodalité des processus attentionnels.
Effets attentionnels intermodalitaires
Dans une tâche d'indiçage proche de celle de Posner (présentée ci-dessus dans le chapitre 1.1.1.1.), Buchtel et Butter (1988) ont étudié l'influence de la présentation d'indices visuels ou auditifs (indices valides, non-valides ou neutres) sur la détection de cibles visuelles ou auditives latéralisées à droite ou à gauche. Ces auteurs ont montré que des indices valides auditifs ou visuels amélioraient les performances de détection des cibles visuelles. Bédart et al. (1993) ont confirmé ces résultats, et ont également montré une détérioration des performances lorsque l'indice n'indique pas l'emplacement correct de la cible (auditive ou visuelle). Des effets similaires entre les modalités tactile et visuelle ont été également mis en évidence (Butter et al., 1989). Ces études comportementales (pour une revue voir Driver et Spence, 1998) suggèrent la présence de liens d'influences réciproques entre les modalités (auditive, visuelle et tactile) comme le témoigneraient les effets d'indiçage spatial. L'orientation de l'attention dans une modalité peut donc être déclenchée et guidée par des indices provenant d'une autre modalité.
Les travaux de Alho et al. (1997), utilisant les potentiels évoqués, ont montré également l'existence de liens d'influence entre deux modalités, dans une tâche d'attention sélective visuelle durant laquelle les sujets entendaient des stimuli auditifs rares ou fréquents. La présentation des stimuli rares entraînait classiquement l'apparition d'une composante MMN sur les potentiels évoqués (suivie par une composante P3a) mais également une baisse des performances de détection des cibles visuelles. La présence de la composante MMN témoignerait du déclenchement de processus attentionnels automatiques suite à la survenue des stimuli auditifs rares. Ces processus entraîneraient une orientation de l'attention sur ces stimuli comme le refléterait la présence de la composante P3a. Un petit changement auditif peut donc entraîner une orientation involontaire de l'attention dans une modalité, même quand cette dernière est impliquée dans une tâche nécessitant une grande attention dans une autre modalité. Teder-Sälejärvi et al. (1999) ont étudié également les effets intermodaux à l'aide des potentiels évoqués. Ces auteurs ont observé une augmentation de l'amplitude des potentiels évoqués par des stimuli présentés dans la modalité inattendue se situant cependant à un emplacement attendu.
Ces travaux ont confirmé, à l'aide d'indices électrophysiologiques, les résultats d'études comportementales ayant montré que l'attention spatiale facilite le traitement des stimuli situés à l'endroit sur lequel l'attention se porte, même si le stimulus en question n'est pas dans la modalité attendue (par exemple Buchtel et Butter, 1988). Ces études montrent l'existence de liens entre les processus attentionnels dans différentes modalités. Ces liens pourraient témoigner de la présence de processus gérant les ressources attentionnels de plusieurs modalités. Il s'agirait de processus dont les zones cérébrales sous-jacentes seraient 'a-modales' ou multimodales. Plusieurs études, notamment chez l'animal, ont en effet émis l'hypothèse de l'existence de telles zones.
L'ensemble de ces études suggère certaines conclusions concernant les processus attentionnels auditifs et visuels mais laisse également en suspens plusieurs questions. Ces processus semblent fonctionner d'une manière assez similaire en audition et en vision, les composantes attentionnelles étant observées dans les deux modalités. Nous rappelons cependant que la composante MMN, reflétant un processus attentionnel automatique (chapitre 1.1.3.1.) n'a pas encore été clairement identifiée dans la modalité visuelle. La première étude que nous présentons ci-dessous porte précisément sur la recherche de cette composante en vision (chapitre 6).
La présence de zones cérébrales qui seraient responsables de traitements concernant plusieurs modalités est encore actuellement en question, notamment en ce qui concerne les processus attentionnels. Certaines études montrent des bases neurales communes aux deux modalités alors que d'autres suggèrent des aires cérébrales propres à chaque modalité. D'après l'ensemble de ces résultats, les zones cérébrales sous-jacentes aux processus attentionnels précoces seraient propres à chaque modalité (généralement localisées proches des aires 'perceptives') alors que les aires sous-jacentes aux processus plus tardifs seraient plus nombreuses, certaines seraient communes aux deux modalités et d'autres propres à chaque modalité. Cependant, les modèles de l'attention qui sont présentés ci-dessous ne distinguent pas les modalités auditive et visuelle. Ils présentent le fonctionnement général de l'attention en spécifiant les différents processus et les réseaux neuronaux sous-jacents sans différencier les modalités entre elles.
La littérature sur l'attention contient beaucoup de modèles, nous n'en avons cependant abordé que quelques uns dans ce présent travail. Dans la première partie de ce chapitre, nous avons rappelé brièvement les concepts sous-jacents à certains des principaux modèles de l'attention (modèles de Broadbent, de Treisman, et de Schneider et Shiffrin). Nous avons ensuite présenté d'une façon plus détaillée d'autres modèles de l'attention qui ont tenté de rattacher les processus attentionnels qu'ils décrivent à des réseaux et des structures cérébrales (modèles de Laberge, de Posner et de Mesulam).
Broadbent est certainement l'un des premiers auteurs à avoir étudié les effets de l'attention sélective (Broadbent, 1958; 1970). Il a considéré l'attention sélective essentiellement comme un processus de filtrage permettant d'éviter que le système global ne soit surchargé. Tous les stimuli seraient encodés et analysés en parallèle au niveau de leurs caractéristiques physiques (à un niveau de traitement préattentif). Cependant, pour que les informations soient réellement 'perçues', elles doivent être sélectionnées une à une. Ces processus de filtrage seraient basés sur les caractéristiques physiques générales de l'information. L'origine spatiale, le timbre ou l'intensité d'une voix seraient par exemple des aspect traités précocement par le système auditif. Ces mécanismes sensoriels seraient situés en amont des opérations cognitives elles-mêmes. La sélection simultanée de plusieurs informations entraînerait une division de l'attention qui conduirait à un certain coût: chaque élément serait moins bien traité que s'il était le seul à avoir été sélectionné. D'après ce processus de filtre, les stimuli attendus (parvenant à l'oreille attentive par exemple) feraient l'objet de traitements supplémentaires alors que les stimuli non attendus (parvenant à l'oreille non attentive par exemple) seraient bloqués. Selon Broadbent, l'attention sélective agirait donc comme un filtre permettant la sélection des informations pertinentes et l'élimination, ou le blocage des informations non pertinentes.
Le modèle de Broadbent fut rapidement remis en question. Des études utilisant des tâches d'écoute dichotique montrèrent que les informations parvenant à l'oreille inattentive faisaient l'objet d'un traitement plus poussé que ce que Broadbent (1958) proposait dans son modèle. Les sujets pouvaient par exemple reconnaître leur nom quand il était prononcé dans l'oreille inattentive (Moray, 1959). La présence d'un traitement cognitif des items rejetés était difficilement conciliable avec la théorie de Broadbent postulant une sélection périphérique.
Treisman proposa plusieurs modifications de ce modèle en suggérant principalement que la fonction de 'filtre' de l'attention serait plutôt un effet modérateur (Treisman, 1969). Le processus de filtre n'entraînerait pas un blocage du traitement des stimuli inattendus ou rejetés mais une atténuation de leur traitement. Ces processus permettraient donc de rendre compte de la détérioration des performances pour l'oreille inattentive (qui ne ferait pas l'objet d'un traitement très poussé), et de l'amélioration des performances pour l'oreille attentive (qui bénéficierait de toutes les ressources de traitement). Dans ce modèle, le rôle de l'attention se situerait donc à l'étape finale de la perception. Selon la théorie de l'intégration attentionnelle des 'attributs' ou des 'traits' proposée par Treisman (Treisman et Gelade, 1980), l'attention serait un 'ciment' qui relierait entre eux les différents codages perceptifs des dimensions (les traits) d'un objet.
Ces premiers modèles de l'attention se basaient essentiellement sur les expériences d'écoute dichotique. Les études sur l'attention effectuées depuis les années 70 privilégièrent de plus en plus la modalité visuelle en développant notamment des paradigmes d'amorçage (sémantique par exemple) et d'orientation visuo-spatiale de l'attention (voir le modèle de Posner présenté ci-dessous). Les travaux de Deutsch (notamment Deutsch, 1977) par exemple sur la perception tachistoscopique des lettres et les phénomènes d'amorçage ont permis de mettre en évidence la présence de traitements plus ou moins automatiques, qui seraient 'pré-attentifs', involontaires et effectués hors de la conscience. Ces travaux, entre autres, ont suggéré la présence d'une sélection tardive opérée par l'attention en fonction de l'utilité du stimulus. Cette sélection interviendrait après une série de traitements perceptifs automatiques pouvant avoir lieu en parallèle les uns des autres. Les études de Schneider et Shiffrin ont également proposé l'existence de traitements automatiques, mais également de traitements contrôlés, comme nous le décrivons ci-dessous.
Un des modèles ayant eu d'importantes répercussions au niveau des théories en psychologie est celui de Scheider et Shiffrin (Schneider et Shiffrin, 1977; Shiffrin et Schneider, 1977) distinguant et caractérisant les processus automatiques et les processus contrôlés dans le traitement de l'information. Comme nous l'avons abordé dans le chapitre 1.1.1.2., ces processus présentent des caractéristiques différentes résumées dans le tableau 1.
Une telle distinction entre deux processus est encore actuellement étudiée par beaucoup d'auteurs dans différentes modalités. Les travaux de Posner présentés ci-dessus suggèrent également une dissociation entre processus endogènes et processus exogènes.
Dans la perspective des travaux sur l'attention visuelle, Laberge (1975; 1995) a proposé un modèle portant, notamment, sur l'automatisation et la sélection attentionnelle. Les différentes informations d'un objet (par exemple les différents segments de la lettre 'b') convergeraient vers un noeud mnésique caractérisant l'encodage de l'objet (de la lettre 'b'). En fonction de l'utilisation du stimulus, un 'centre d'attention' pourrait venir ensuite activer ce noeud. L'attention agirait donc à un niveau assez tardif sur les noeuds mnésiques. Les signaux nerveux correspondant à l'objet focalisé bénéficieraient ainsi d'un rehaussement permettant de les 'faire sortir' du bruit neuronal général. Ce rehaussement correspondrait à une 'fenêtre attentionnelle' pouvant être brève (environ 100 ms) ou nettement plus longue (quelques secondes). Le premier type de fenêtre correspondrait à une focalisation de l'attention alors que le second type permettrait un processus d'attention préparatoire. Selon Laberge, la mise en jeu de l'attention n'est pas liée aux processus perceptifs, mais à la décision d'utiliser ou non un codage sensoriel réalisé automatiquement (au niveau du noeud).
En se basant sur différents travaux étudiant les structures cérébrales impliquées dans l'attention visuelle (dont certains ont été présentés ci-dessus), Laberge (1995) intègre différentes structures cérébrales dans les processus attentionnels (l'aire V4, le cortex pariétal postérieur, le cortex inféro-temporal ainsi que plusieurs régions du cortex préfrontal). L'orientation de l'attention serait assurée par les tubercules quadrijumeaux supérieurs et par le pulvinar. Ce modèle permet de rendre compte d'une grande variété de processus attentionnels, dont ceux d'orientation de l'attention visuo-spatiale (comme le modèle de Posner). Cependant, ce modèle ne prend pas en compte les différences fonctionnelles qui semblent exister entre l'hémisphère gauche et l'hémisphère droit comme le témoignent, notamment, les déficits observés dans l'héminégligence. En revanche, le modèle de Mesulam (1981) se base sur ces différences hémisphériques de l'attention (chapitre 1.3.5.).
Posner et ses collaborateurs (pour une revue voir Posner et Raichle, 1994) ont étudié les processus d'orientation visuo-spatiale de l'attention dans des tâches que nous avons présentées dans le chapitre 1.1.1.1. Ces études ont mis en évidence d'une part deux types d'orientation de l'attention: l'orientation exogène et l'orientation endogène et d'autre part une série d'opérations mentales impliquées dans l'orientation de l'attention. En se basant sur des études effectuées sur des animaux (lésions restreintes de certaines zones cérébrales) ainsi que sur les observations de patients cérébro-lésés (présentant des difficultés spécifiques selon l'emplacement de leurs lésions cérébrales), ces auteurs ont spécifié les aires cérébrales et les réseaux sous-jacents aux processus attentionnels observés dans leurs études comportementales. Trois zones cérébrales seraient impliquées dans ces processus: le lobe pariétal postérieur, le colliculus supérieur et le pulvinar (Fig. 2). A partir de ces trois zones, ces auteurs (Posner et Petersen, 1990; Posner et Rothbart, 1991; Posner, 1994) suggèrent la présence de trois réseaux attentionnels sous-jacents à ces différentes opérations attentionnelles: un réseau attentionnel postérieur, un réseau attentionnel antérieur et un réseau de vigilance (Fig. 9).
Ces réseaux auraient donc des fonctions différentes (Posner et Petersen, 1990). Le réseau postérieur serait responsable de l'orientation de l'attention vers des stimuli pertinents. Le cortex pariétal serait impliqué dans les processus de désengagement de l'attention d'un endroit donné. Le colliculus supérieur agirait au niveau du mouvement de l'attention vers un nouvel emplacement et le pulvinar permettrait l'engagement de l'attention sur la nouvelle cible (voir également Fig. 5). Le réseau attentionnel antérieur serait impliqué dans la détection. Il serait constitué du cortex cingulaire et de l'aire motrice supplémentaire dont les rôles dans la détection d'objets et la sélection de la réponse appropriée ont été souvent suggérés (voir chapitres 1.1.1. et 1.1.2. ci-dessus). Le troisième réseau impliquerait le locus coeruleus et les connexions de cette structure avec le lobe pariétal et le colliculus. Les connexions noradrénergiques du locus coeruleus au cortex seraient cruciales dans le maintien de la vigilance (Harley, 1987). Des études en imagerie fonctionnelle ont mis en évidence une augmentation d'activité dans la région du cortex frontal latéral droit dans des tâches de vigilance (Cohen et al., 1988; Pardo et al., 1991). Ce troisième réseau semble donc être latéralisé spécifiquement dans l'hémisphère droit.
Ces trois réseaux seraient indépendants des systèmes sensoriels, moteur ou des autres réseaux cognitifs (comme le langage, la mémoire, etc.). Ils seraient liés les uns aux autres par plusieurs connexions. Par exemple, chez le singe, Goldman-Rakic (1988) a mis en évidence des connexions entre le gyrus cingulaire et le lobe pariétal postérieur qui témoigneraient de l'existence d'une relation entre le système antérieur et le système postérieur. Ces réseaux bien individualisés peuvent expliquer que des lésions focalisées dans certaines de ces zones produisent des troubles purement attentionnels. Ce modèle permet également de différencier les processus attentionnels de l'expérience consciente. L'orientation de l'attention serait ainsi sous la dépendance de l'intégrité des systèmes attentionnels postérieurs, alors que l'expérience consciente impliquerait l'intégrité des réseaux attentionnels antérieurs (Posner et Rothbart, 1991). Les mêmes cérébrales prises en compte dans le modèle de Posner sont les mêmes que celles considérées dans le modèle de Mesulam (1981, 1990). L'organisation des régions ainsi que les fonctions attribuées à ces régions sont cependant différentes entre ces deux modèles.
Le modèle développé par Mesulam (1981; 1990) se base principalement sur les observations de patients cérébro-lésés et sur les études neuroanatomiques des primates non humains. Son modèle propose l'existence d'un réseau prenant en compte le cortex pariétal supérieur, le cortex cingulaire et la région appelée 'frontal eye field' (FEF, correspondant à l'aire 8 dans la nomenclature de Brodmann). Ces trois régions seraient toutes sous l'influence du système réticulé activateur ascendant qui fournirait un niveau d'éveil correct (Fig. 10). Selon ce modèle, un système de coordonnées spatiales serait présent dans chacune de ces régions. La région pariétale contiendrait une carte perceptive interne du monde extérieur. Le gyrus cingulaire régulerait la distribution spatiale de l'attention alors que la région frontale coordonnerait les programmes moteurs d'exploration, d'atteinte et de fixation.
Ces différentes régions sont interconnectées les unes aux autres, ainsi qu'à des structures sous-corticales. Ces dernières sont le colliculus supérieur (connecté au FEF et au cortex pariétal notamment), le pulvinar et le striatum (connectés à un grand nombre de régions corticales, Fries, 1984). Finalement, les trois régions principales de ce modèle sont également connectées à des zones corticales comme le cortex inféro-temporal et le cortex orbito-frontal. Cependant, les zones impliquées spécifiquement dans l'attention sont les cortex pariétal, cingulaire et frontal.
Les différents modèles abordés dans la première partie de ce chapitre (chapitre 1.3) prennent en compte les différents processus impliqués dans l'attention. Broadbent ainsi que Treisman ont précisé le rôle limitatif de l'attention qui permet la sélection des informations pertinentes. Dans leurs travaux sur l'attention visuelle, Schneider et Shiffrin ont mis en évidence la présence de deux processus distincts: les processus automatiques et contrôlés. Ils ont proposé une dissociation entre les notions d'automatique et de contrôlé qui a été reprise dans plusieurs modèles de l'attention, dont celui de Posner (à travers les fonctions respectives de ses trois réseaux).
Nous allons aborder dans le prochain chapitre le syndrome de l'héminégligence, caractérisé par des déficits attentionnels qui seraient consécutifs à des lésions situées principalement dans certaines régions prises en compte dans ces modèles. Comme nous l'avons décrit dans ce premier chapitre, la majorité des études sur l'attention ont porté sur une seule modalité. Bien que les processus attentionnels auditifs et visuels semblent être assez similaires, l'existence de zones cérébrales impliquées dans l'attention communes aux deux modalités est encore en question. Nos travaux ont porté sur les processus attentionnels automatiques et contrôlés dans les modalités auditive et visuelle. Ils avaient pour but de spécifier les relations entre ces processus dans ces deux modalités en étudiant des patients cérébro-lésés présentant un syndrome d'héminégligence.
Parmi les troubles de l'attention provoqués par des maladies neurologiques, l'héminégligence est de loin le plus connu. Jackson (1880) a été un des premiers à décrire le comportement de patients incapables de reconnaître des objets, des personnes ou des stimuli visuels présentés dans l'espace gauche, alors que leur identification était tout à fait normale lorsque ces mêmes stimuli étaient présentés du côté droit. Ce syndrome a été considéré pendant longtemps comme un symptôme régressant rapidement après la phase aiguë d'un accident vasculaire cérébral. Actuellement, il est considéré comme pouvant être la source d'un handicap fonctionnel considérable qui a entraîné, chez les cliniciens et les chercheurs, un intérêt de plus en plus important portant sur son évaluation, sa rééducation et sa compréhension. Nos travaux avaient pour objectif de préciser les déficits attentionnels de ces patients et de déterminer ainsi l'implication des zones lésées chez ces patients dans les processus attentionnels.
Ce chapitre se compose de quatre parties principales. La première constitue une description clinique de ce trouble. Elle permet de préciser les difficultés de ces patients ainsi que les capacités résiduelles qu'ils possèdent souvent. La deuxième partie porte sur les localisations cérébrales des lésions généralement observées dans ce syndrome. La comparaison entre les déficits auditifs et visuels est ensuite abordée. Finalement, les deux courants théoriques principaux sont décrits: la théorie représentationnelle et la théorie attentionnelle.
Le syndrome de l'héminégligence peut être défini comme un déficit latéralisé de la connaissance de l'espace qui entraîne une difficulté à rendre compte, à réagir et à s'orienter vers des stimuli présentés dans l'espace controlatéral à la lésion. Cela se traduit par une difficulté dans l'initialisation de mouvements dirigés du côté controlatéral à la lésion et, souvent, par une extinction controlatérale, c'est-à-dire une impossibilité de rapporter les stimulations présentées du côté controlatéral à la lésion en cas de stimulation bilatérale. Le trouble n'est pas perceptif au sens le plus simple du terme: ne pas voir quelque chose n'empêche pas de le chercher, les patients héminégligents cherchent mal ou pas du tout l'information du côté controlatéral à la lésion.
Une grande partie des troubles observés en clinique et dans la vie quotidienne repose sur une difficulté au niveau de la gestion et de la prise en considération des objets et des événements situés dans l'espace controlatéral à l'hémisphère lésé. Les patients ne se rasent ou ne se maquillent que le côté droit du visage. Ils ne mangent que les aliments placés sur la moitié droite de leur assiette. Lors de leur déplacement, certains patients se heurtent aux obstacles placés sur leur gauche. Un patient chef d'orchestre ignorait par exemple les musiciens placés sur sa gauche. Dans les formes les plus sévères, la tête et les yeux sont constamment déviés sur la droite. Ces troubles ne doivent pas être confondus avec une hémianopsie considérée comme une perte de la perception d'une partie du champ visuel (avec lésions occipitales le plus souvent) sans troubles attentionnels (les patients affectés d'hémianopsie peuvent diriger leur attention sur la partie aveugle de leur champ visuel). Les troubles observés dans l'héminégligence ne proviennent pas d'un déficit moteur ou sensoriel primaire (comme une hémianopsie ou une hémianesthésie), ni d'une agnosie (incapacité d'identifier les objets, les sons ou les bruits).
L'héminégligence n'est pas une cécité portant sur une partie du champ visuel. Plusieurs indices montrent que l'information parvient au minimum dans les aires sensorielles. Une des expériences classiques sur le traitement non conscient de l'information est celle de Marshall et Halligan (1988 et 1993). Dans un protocole de choix forcé, ces auteurs présentaient à leur patiente deux cartes contenant chacune le dessin d'une même maison. Sur une carte, la moitié gauche de la maison dessinée était en feu alors que sur l'autre carte la maison était intacte. Lorsque la patiente voyait séparément les cartes, elle déniait toute différence entre ces deux maisons, mais lorsqu'on les lui présentait simultanément et qu'on lui demandait de choisir l'image de la maison dans laquelle elle préférerait vivre, elle choisissait systématiquement l'image sur laquelle la maison était intacte, tout en continuant à dire que les deux maisons étaient similaires. L'information provenant de l'espace gauche, bien que négligée par cette patiente, était tout de même perçue et traitée à un certain niveau puisque son choix était influencé par ce qui lui avait été présenté dans cet hémiespace. Ces travaux montrent donc que l'héminégligence ne provient pas d'un déficit purement sensoriel.
Les coordonnées spatiales des objets ou du corps, peuvent avoir une référence égocentrique, l'origine se situera au niveau de la rétine, du milieu de la tête ou du corps, alors que pour des coordonéées allocentriques, l'origine dépend de l'environnement ou des objets eux-mêmes. Ces différentes cartes de l'espace doivent être gérées simultanément lors du traitement de l'information (Andersen, 1995). Vuilleumier et al. (1999) ont montré que les déficits observés chez des patients héminégligents variaient en fonction du cadre spatial (coorodnnées spatiales) dans lequel les tâches étaient effectuées. En effet, ces auteurs ont mis en évidence notamment une dissociation entre les performances observées lors de l'utilisation d'une référence rétinotopique et lors de l'utilisation d'une référence externe.Selon Landis (2000), des lésions situées dans le lobe pariétal entraînent des effets différents sur les références rétinotopiques, égocentriques ou externes ainsi que sur les espaces proches et lointains. Ces études mettent en évidence l'importance du cadre dans lequel les patients effectuent les tâches expérimentales. Dans nos travaux, nous avons essentiellement utilisé une référence égocentrique et des objets situés dans l'espace proche.
Les déficits donc sont très hétérogènes entre les patients et entre les tâches effectuées (Botez, 1987). En effet, ce trouble peut concerner à la fois la perception, l'action et/ou la représentation mentale. Les différentes catégories de l'espace peuvent être concernées: espace corporel, espace juxta-corporel immédiatement accessible à la palpation, espace extracorporel lointain. Les troubles peuvent cependant ne concerner que l'une de ces catégories. Ce syndrome est également assez hétérogène au niveau des modalités concernées, il peut toucher une ou plusieurs modalités sensorielles à la fois (vision, audition, motricité ou somesthésie). Il peut être accompagné de phénomènes d'extinction dans une ou plusieurs modalités ainsi que d'une hémiakinésie (incapacité ou retard à déclencher un mouvement qui ne peut être attribué à un déficit moteur). Les déficits se manifestant dans certaines tâches ne sont pas toujours retrouvés dans d'autres épreuves impliquant pourtant la même modalité. Finalement, une anosognosie est souvent présente dans ce trouble, elle conduit le patient à dénier et à refuser de prendre conscience de ses troubles. On observe par exemple que des patients héminégligents considèrent que leur bras gauche, inerte ou manipulé par le médecin, appartient quelqu'un d'autre. De nombreux tests cliniques permettant d'évaluer la sévérité de ce syndrome sont proposés dans la littérature. Quelques-uns de ces tests ainsi que certains résultats expérimentaux sont présentés ci-dessous.
Les évaluations cliniques se basent essentiellement sur l'analyse des déficits visuels qui semblent être plus handicapants que ceux auditifs. La modalité auditive est d'ailleurs la moins recherchée et la moins bien évaluée. Les évaluations des déficits dans l'héminégligence utilisent le plus souvent des tâches latéralisées telles que des épreuves visuo-perceptives (tâches de lecture ou description d'images), des épreuves visuo-graphiques de type 'papier-crayon' comme les tests de barrage de lettre, de bissection de lignes, de dessins de mémoire ou en copie (Fig. 11), ou encore des épreuves de représentation mentale. Un test fréquemment utilisé consiste par exemple à demander au patient de placer les chiffres des heures sur le dessin d'une montre (similaire au test de l'horloge étudié dans le chapitre 7): il écrira ou placera sur le côté droit de la feuille uniquement les numéros des heures appartenant à l'espace droit du cadran. Dans l'écriture, le malade entasse les lignes dans la moitié droite de la page. Dans le dessin copié il 'oublie' la moitié gauche de la figure (Botez, 1987). Ces tests semblent suggérer que le trouble de base de cette pathologie soit un déficit de l'exploration visuelle. La rééducation classique tente d'ailleurs de pallier ce déficit en 'rééduquant' les mécanismes d'orientation contrôlée et volontaire de l'attention. La généralisation des progrès observés en situation de rééducation est toutefois faible et problématique (Azouvi, 1997).
D'une façon générale, la modalité auditive est donc rarement évaluée en clinique. Seule l'extinction auditive est généralement recherchée dans l'évaluation clinique. Cependant, plusieurs études portant sur la modalité auditive (De Renzi, 1982; De Renzi et al., 1989a; Heilman et al., 1972; Kerkhoff et al., 1999; Pinek et al., 1989; Soroker et al., 1995; 1997; Vallar et al., 1995) ont mis en évidence la présence de difficultés auditives. De Renzi et al. (1989a) ont par exemple observé une prévalence d'omissions latéralisées à gauche dans une tâche de détection d'interruptions de sons chez des patients avec lésions (corticales et/ou sous-corticales) dans l'hémisphère droit. Un comportement de négligence auditive pour les stimuli situés du côté controlatéral à la lésion (parvenant à l'oreille controlatérale) semble donc exister. Nos études avaient pour objectif d'effectuer sur une évaluation précise des troubles auditifs.
*Les éléments situés sur la gauche de la maison ne sont pas présents sur la copie effectuée par le patient (dessin en bas).
Toutes ces observations montrent, en audition comme en vision, que l'espace controlatéral à la lésion est négligé et qu'il n'apparaît pas dans les descriptions ou les tâches effectuées par les patients. Cependant, des éléments de cet espace négligé sont parfois reportés dans la description de l'espace non négligé. Par exemple, certains patients mettent tous les chiffres des heures (ceux à droite et ceux à gauche du cadran) sur le côté droit du dessin. La présence d'une partie de l'information de cet espace dans la description du patient montre que certains éléments sont perçus, traités et identifiés bien que leur localisation spatiale explicite soit fausse. Il ne semble donc pas possible de conclure que toute l'information située dans l'espace gauche serait complètement négligée. Il y aurait une détection des événements ou des objets mais elle ne parviendrait pas à la conscience des patients. La présence d'une telle détection témoignerait d'une capacité attentionnelle résiduelle pour l'espace négligé, nécessaire à ce type de détection. En étudiant des processus qui seraient d'ordre involontaire, automatique et non conscient, notre étude a cherché à mieux comprendre cette capacité résiduelle présente dans l'espace négligé
L'hétérogénéité de ce trouble pouvant être liée à la diversité des sites des lésions, nous avons abordé dans le prochain chapitre, les différentes localisations des lésions observées chez des patients présentant de tels déficits attentionnels. Nous avons décrit ensuite (chapitre 2.2.) les liens qui semblent exister entre l'héminégligence auditive et l'héminégligence visuelle, notamment en présentant quelques travaux sur l'intermodalité
Brain en 1941 fut le premier à établir une relation entre la présence d'un syndrome d'héminégligence et des lésions situées dans l'hémisphère droit. Depuis cette première analyse, de nombreuses études ont convergé dans ce sens. En effet, les patients héminégligents présentent le plus souvent des lésions dans l'hémisphère droit et manifestent des troubles dans l'espace gauche. Un comportement de négligence pour le côté droit accompagné de lésions hémisphériques gauches n'est observé en moyenne que dans 4 à 5 % des cas (Botez, 1987).
Les localisations des zones cérébrales impliquées dans l'héminégligence ont été étudiées, notamment, à partir de travaux chez l'animal affecté de lésions restreintes de certaines zones cérébrales. Chez le singe, plusieurs auteurs ont reproduit un syndrome d'héminégligence par des lésions au niveau du lobe pariétal inférieur, de la convexité frontale antérieure, du gyrus cingulaire, de l'hypothalamus et de la formation réticulaire du mésencéphale (voir notamment Heilman et al., 1980; Watson et al., 1984). Ces études, ainsi que celles effectuées chez l'Homme suggèrent que l'héminégligence soit liée à des lésions pouvant survenir dans différents sites, entraînant des déficits plus ou moins importants (la majorité des lésions ne concernent que l'hémisphère droit):
Les études portant sur l'attention se sont centrées majoritairement sur la modalité visuelle depuis une trentaine d'années. La question de la spécificité des processus attentionnels en fonction de la modalité reste d'actualité. Dans le chapitre 1.1.4.2., nous avons abordé cette question en présentant certains travaux qui ont suggéré la présence de zones multimodales, alors que d'autres études ont mis en évidence des différences d'activités cérébrales selon la modalité étudiée. Les processus eux-mêmes semblent cependant souvent être similaires en vision et en audition notamment (on observe dans les deux modalités une composante P3 par exemple). Bien que les difficultés les plus frappantes dans l'héminégligence concernent la modalité visuelle, plusieurs études ont mis en évidence la présence de déficits dans la modalité auditive (De Renzi et al., 1989a; Hughdahl et al., 1991; Heilman et al., 1972; Vallar et al., 1995). De plus, des liens entre la modalité auditive et la modalité visuelle ont été également mis en évidence dans des études portant sur l'intermodalité chez les sujets sains et chez l'animal (chapitre 1.1.4.) et chez certains patients cérébro-lésés comme nous le décrivons dans les prochains paragraphes.
Dans une tâche proche de celles de Posner, Farah et al. (1989) ont étudié les effets intermodaux chez un groupe de patients héminégligents présentant des lésions pariétales de l'hémisphère droit. Ces auteurs ont utilisé des indices auditifs ou visuels présentés à gauche ou à droite précédant l'apparition de cibles visuelles pouvant également se situer à gauche ou à droite. Les résultats de cette étude ont mis en évidence des difficultés de désengagement lorsque l'indice, visuel ou auditif, était présenté du coté ipsilatéral à la lésion alors que la cible (visuelle toujours) se situait du côté controlatéral à la lésion. Ces résultats montrent notamment que l'indice auditif a capté et a orienté l'attention visuelle. Deux observations suggèrent que l'indice agisse à un niveau automatique et involontaire. Premièrement, dans cette étude, les sujets étaient informés que l'indice ne prédisait pas la position de la cible qui allait apparaître, ils n'avaient donc pas à orienter volontairement leur attention sur l'emplacement de l'indice pour détecter la cible. Deuxièmement, dans cette tâche, les effets de l'indiçage étaient observés environ 50 ms après la présentation de l'indice alors que dans les études demandant une orientation volontaire de l'attention, ces effets n'apparaissent que vers 300 ms (par exemple Posner et al., 1980).
Ces résultats fournissent des arguments en faveur d'un processus attentionnel intermodal qui pourrait engager automatiquement l'attention spatiale vers un emplacement à partir de la perception d'un son situé à cet emplacement. Un son pourrait déclencher automatiquement un processus attentionnel supramodal. Ce processus pourrait en fait être déclenché également par un indice visuel. Les effets observés chez les patients (difficultés de désengagement du côté ipsilatéral à la lésion et d'engagement du côté controlatéral à la lésion) ont suggéré que ce processus dépende du lobe pariétal droit principalement.
Dans une étude utilisant l'effet de 'ventriloquie', Soroker et al. (1995) ont également mis en évidence la présence de liens entre les deux modalités chez des patients héminégligents (lésions hémisphériques droites). Ils ont utilisé deux situations complémentaires: dans la première, des syllabes étaient prononcées par des haut-parleurs situés à 90° sur la droite et la gauche (donc invisibles pour les patients) et dans la seconde, en plus de ces deux haut-parleurs, les auteurs ont ajouté un haut-parleur situés à 45° sur la droite et un autre à 45° sur la gauche. Les haut-parleurs situés à 45° ne produisaient aucun son. Ces auteurs ont mis en évidence d'une part un taux d'identification très faible de syllabes présentées à gauche (à 90°), par rapport à celles présentées à droite (témoignant d'une héminégligence auditive gauche) dans la première situation, et d'autre part une augmentation de la reconnaissance de ces syllabes prononcées à gauche (à 90°) mais localisées comme provenant d'un haut-parleur situé sur la droite (à 45°) dans la deuxième situation. Les patients identifiaient donc mieux les sons situés à gauche lorsqu'ils pouvaient leur attribuer une origine spatiale (erronée) à droite. Pour Soroker et al. (1995), ces résultats mettent en évidence un défaut du réflexe d'orientation dans l'héminégligence, comme le suggèrent Heilman et Valenstein (1978), ainsi que l'existence de zones multimodales permettant la fusion d'informations auditives et visuelles notamment.
Ces deux études ont donc confirmé la présence de zones multimodales impliquées dans la gestion de l'attention spatiale dont l'existence avait été suggérée par des études chez l'animal notamment (Andersen et al., 1997; Graziano et Gross, 1993; Stein et al., 1993). A partir de ces travaux, il semblerait que le processus d'orientation spatiale de l'attention soit multimodal et qu'il se situerait au niveau du lobe pariétal. Ces études ont également mis en évidence que ces processus multimodaux seraient plutôt de type automatique et involontaire.
Le syndrome de l'héminégligence a été interprété de différentes manières, mais toutes les interprétations ont une relation plus ou moins directe avec la localisation spatiale des objets ou des événements. On distingue principalement deux théories: la théorie attentionnelle (Heilman et al., 1985; Mesulam, 1981; Posner et al., 1984) et la théorie représentationnelle (par exemple Bisiach et al., 1988). Les deux types de théories sont présentés ci-dessous. Nos études partant du postulat, aujourd'hui bien établi, de l'implication de l'attention dans les déficits d'héminégligence, nous avons axé cette partie théorique principalement sur la description des modèles attentionnels.
Les approches représentationnelles de l'héminégligence (Bisiach et Vallar, 1988; Marshall et Halligan, 1993) postulent la présence d'une reconstruction mentale d'une carte de l'espace qui serait analogue à l'environnement extérieur et à la perception. Le phénomène d'héminégligence proviendrait d'une distorsion des représentations spatiales internes de cette carte mentale concernant spécifiquement l'espace controlatéral à la lésion.
Une expérience très connue, effectuée par Bisiach et Luzzati (1978), a permis de mettre en évidence l'existence de déficits représentationnels chez certains patients héminégligents. Les auteurs ont demandé à leurs patients, originaires de la ville de Milan, de décrire les magasins et autres centres d'intérêt que l'on peut voir sur la célèbre 'Piazza del Duomo' de Milan que domine une cathédrale. Dans une condition, les patients devaient s'imaginer la place et la décrire en se positionnant dos à la cathédrale, et dans l'autre condition, ils devaient inverser leur point de vue et imaginer cette place depuis l'autre côté de la place, face à la cathédrale. Les auteurs constatèrent que les patients ne décrivaient pas les éléments situés sur la gauche de la place quelque soit leur point de vue: cet espace était négligé dans un cas (par exemple dos à la cathédrale) alors qu'il était décrit lorsque les patients se plaçaient de l'autre point de vue (par exemple face à la cathédrale).
Selon Bisiach et Luzzati (1978), certaines structures anatomiques seraient communes à la perception visuelle et à la formation d'image mentale puisque l'espace gauche pouvait être négligé à partir d'une perception réelle ainsi qu'à partir d'une représentation mentale de l'espace. Cette théorie permet d'expliquer la provenance de l'héminégligence concernant l'espace externe perçu ('héminégligence perceptive') et celle portant sur une image générée de façon purement interne ('héminégligence représentationnelle'). Cependant, les patients héminégligents ne présentent pas tous des déficits de la représentation. D'autres auteurs ont développé des modèles proposant un trouble attentionnel sous-jacents aux déficits observés chez ces patients.
La majorité des lésions observées dans l'héminégligence coïncident avec les régions activées dans des tâches d'attention sélective (voir chapitre 1.1.2.) au niveau de la latéralisation hémisphérique (droite) et des localisations principales des lésions. Par exemple, les études en imagerie cérébrale portant sur l'attention visuelle (notamment Corbetta et al., 1993) ont montré la participation du lobe pariétal (principalement droit) aux processus attentionnels. Pardo et al. (1991) ont mis en évidence une implication de la région pariéto-frontale droite dans une tâche de vigilance. Il semblerait que les processus attentionnels mis en jeu dans les tâches d'attention sélective soient également ceux concernés par les déficits observés dans l'héminégligence puisque les zones cérébrales activées dans ces tâches correspondent à celles lésées chez la plupart de ces patients. Les observations cliniques et expérimentales ont mis en évidence un lien entre attention et héminégligence qui a conduit plusieurs auteurs à développer des modèles attentionnels de l'héminégligence. Nous présentons ci-dessous cinq modèles qui ont été, ou qui sont encore actuellement, influençant dans la littérature actuelle.
Selon Kinsbourne (1972; 1987), chaque hémisphère dirigerait l'attention vers l'espace qui lui est opposé. Chez le sujet sain, les deux hémisphères intacts permettraient que l'attention s'équilibre et qu'elle soit centrée sur le plan médian (face au sujet). Chaque hémisphère entretiendrait une relation d'inhibition sur l'autre, probablement par l'intermédiaire de connexions sous-corticales. Lorsque l'un des hémisphères est activé, les ressources attentionnelles augmentent dans cet hémisphère et inhibent celles de l'autre hémisphère. Cependant, en cas de lésion d'un hémisphère, son action inhibitrice sur l'autre serait levée. L'attention se 'déplacerait' alors vers l'espace ipsilatéral à la lésion. Les lésions situées dans l'hémisphère droit entraîneraient une héminégligence pour le côté gauche du fait qu'il y aurait une asymétrie fonctionnelle du contrôle de l'attention en faveur de l'hémisphère gauche (et donc du côté droit).
Cet auteur propose donc un modèle dans lequel l'attention, chez le sujet sain, est contrôlée par l'hémisphère droit comme par l'hémisphère gauche. Ce modèle ne prend pas en compte les nombreuses observations montrant le rôle prépondérant de l'hémisphère droit dans l'attention. Il ne permet pas non plus d'expliquer les différences de fréquence, de sévérité et de durée des troubles entre des déficits consécutifs à des lésions situées à gauche et des lésions situées à droite. En revanche, les modèles que nous présentons ci-dessous permettent de prendre en compte ces différences ainsi que les résultats des études d'imagerie mettant en évidence l'importance de l'hémisphère droit dans les processus attentionnels.
Selon la théorie de Heilman et de ses collaborateurs (Heilman et al., 1978; 1983; 1994), l'héminégligence serait liée à un déficit d'activation (ou un défaut du 'réflexe d'orientation', Heilman et Valenstein, 1978) qui entraînerait un trouble de l'éveil et de l'intention. Les patients héminégligents ont souvent tendance à peu utiliser leurs membres gauches. Cette 'paresse' motrice peut, dans de rares cas, se présenter comme une négligence motrice pure, non associée à d'autres troubles. Les études sur les primates non humains ont suggéré que le lobe temporal supérieur (LTS), soit une zone de convergence des différentes modalités sensorielles (Watson et al., 1994). Les cortex auditif, visuel et somesthésique auraient en effet tous des connexions se projetant sur certaines zones du LTS qui aurait donc la propriété d'être 'multimodal'.
Chez l'homme, le lobe pariétal inférieur (LPI) semble être fonctionnellement équivalent au lobe temporal supérieur chez le singe (Watson et al., 1994). Selon Mishkin et al. (1983), la présentation d'un stimulus entraînerait deux processus parallèles qui permettraient de déterminer la position spatiale de ce stimulus (la question du 'où?' serait traitée au niveau du lobe pariétal) et de préciser le type de stimulus (la question du 'quoi?' serait analysée au niveau du lobe inférieur temporal). Selon Heilman et ses collaborateurs (Heilman et al., 1994), les zones du LTS chez le singe et celles du LPI chez l'homme seraient le point de convergence de ces deux processus. Ces deux zones effectueraient une synthèse supramodale, perceptive, cognitive, motivationnelle et attentionnelle en fonction des afférences provenant de ses différentes connexions.
Les stimulations des voies se projetant sur le LTS (chez le singe) entraînent une activation au niveau de la formation réticulée ascendante. Le LTS semble donc être impliqué dans le système d'éveil, la synthèse supramodale qu'il effectue conduirait à l'activation des aires traitant les questions du 'où?' et du 'quoi?' présentées ci-dessus. Si le LTS chez le singe, ou le LPI chez l'homme, ne fonctionne pas normalement, il ne peut pas assurer l'éveil (l'orientation réflexe) ainsi que l'activation directe ou indirecte des zones déterminant la localisation et l'identité de l'objet. En conséquence, ce défaut d'activation empêcherait les patients présentant des lésions ou niveau de LPI de pouvoir s'orienter et intégrer la présence d'un objet ou d'un événement situé du côté controlatéral aux lésions. Ils ne pourraient pas présenter une intention d'action ou une orientation de l'attention pour les stimuli situés à gauche.
Mesulam (1981) propose également un modèle suggérant un déficit attentionnel dans l'héminégligence. En se basant sur une revue des travaux portant sur les lésions observées chez l'humain et induites chez l'animal, cet auteur suggère que l'héminégligence soit liée à un déficit d'orientation de l'attention concernant spécifiquement l'espace gauche en cas de lésions hémisphériques droites. Le modèle de l'attention a été décrit ci-dessus dans ce travail (chapitre 1.3.5.). Nous rappelons que cet auteur a suggéré l'implication principalement des régions frontales ('frontal eye field'), pariétales et du cortex cingulaire dans les mécanismes d'orientation de l'attention. Il a proposé également un rôle plus important de l'hémisphère droit que de l'hémisphère gauche dans ces processus.
Le modèle qu'il a développé pour expliquer les déficits attentionnels dans l'héminégligence se base sur la présence de déficits attentionnels nettement plus fréquents, plus durables et plus sévères lors de lésions situées dans l'hémisphère droit que dans l'hémisphère gauche (Chain et al., 1979; De Renzi et al., 1970 notamment). Ce modèle prend en compte également les observations ayant montré des activations plus importantes dans l'hémisphère lors de tâches d'attention (voir les études présentées dans les chapitres 1.1.2.et 1.1.3.). Plusieurs travaux ont montré que les processus attentionnels de l'hémisphère droit concernaient non seulement l'espace gauche (controlatéral à la lésion) mais également l'espace droit (Desmedt, 1977; Heilman et Van den Abell, 1980; Howes et Boller, 1975; Mesulam et al., 1976). Ces observations ont amené Mesulam à proposer trois hypothèses sur la fonction des aires impliquées dans l'attention:
Selon ce modèle, des lésions au niveau de l'hémisphère gauche n'entraîneraient pas (ou très peu) de déficits d'héminégligence dans l'espace droit puisque l'hémisphère droit, intact, se chargerait des ressources attentionnelles des deux côtés. En revanche, des lésions dans l'hémisphère droit entraîneraient une héminégligence dans l'espace gauche qui ne pourrait pas être compensée par des ressources attentionnelles provenant de l'hémisphère gauche puisque ce dernier ne se chargerait que du côté droit. Ce modèle permet d'expliquer pourquoi les patients affectés de lésions situées dans l'hémisphère gauche présentent une héminégligence moins intense et plus brève que celle observée chez des patients ayant des lésions situées dans l'hémisphère droit. Les ressources attentionnelles dévolues à l'espace droit proviendraient donc de l'hémisphère gauche et de l'hémisphère droit alors que les ressources attentionnelles dévolues à l'espace gauche ne proviendraient que de l'hémisphère droit. Ce modèle est en accord avec un grand nombre d'observations mettant en évidence le rôle prépondérant de l'hémisphère droit chez l'animal, chez l'homme sain et chez des patients affectés de lésions dans cet hémisphère. Il est actuellement un des principaux modèles explicatifs de l'héminégligence.
L'existence d'un déficit attentionnel a également été supposée par Posner et ses collaborateurs (1984; 1987). Dans une tâche de détection de cibles, similaire à celle que nous avons décrite ci-dessus (chapitre 1.1.1.), les patients avec une lésion pariétale droite n'ont pas de difficultés à bénéficier d'un indice spatial dans certaines conditions (temps de réaction plus court que lorsqu'il n'y a pas d'indice). Cependant, lorsque l'indice est loin de la cible ou présenté du côté ipsilatéral à la lésion, les patients présentent des difficultés à désengager leur attention de ces indices non valides et à la 'rediriger' de l'autre côté vers la cible (Posner et al., 1984). De telles expériences ont permis de confirmer la nature attentionnelle de ce trouble tout en précisant que certaines composantes, autres que l'orientation volontaire de l'attention, pourraient donc être déficitaires.
En effet, l'héminégligence, observée à la suite d'une lésion pariétale droite s'expliquerait, selon le modèle de Posner (présenté ci-dessus dans le chapitre 1.3.2.), par un déficit au niveau du 'désengagement' de l'attention (Fig. 3). Lors de telles lésions, les patients héminégligents seraient 'aimantés' vers l'espace ipsilatéral à la lésion (espace droit). Ils seraient ainsi 'super-attentifs' à droite et 'sous-attentifs' à gauche. Ces patients n'auraient donc pas simplement des difficultés à orienter leur attention vers la gauche, ils présenteraient également un comportement particulier pour le côté droit (Posner et al., 1984). De plus, ces auteurs suggèrent l'implication de deux autres zones dans ces déficits: la région du colliculus supérieur et celle du pulvinar. Les zones du colliculus supérieur seraient concernées par les mouvements du regard (opération 'mouvement' dans leur modèle). Des patients présentant des lésions dans cette zone présenteraient effectivement des déficits au niveau des mouvements des yeux. Finalement, des lésions au niveau du pulvinar entraîneraient des difficultés de changement d'orientation de l'attention (principalement au niveau de l'orientation 'intérieure' de l'attention, 'covert attention').
Làdavas (1993) a analysé les processus automatiques et volontaires, chez des patients héminégligents, dans une étude portant sur l'attention divisée (les cibles pouvaient arriver à trois endroits différents) et l'attention focalisée (le patient était informé de l'emplacement de la cible). En situation d'attention focalisée, les patients parvenaient à identifier la cible correctement même lorsqu'elle apparaissait dans l'espace gauche. En revanche, en situation d'attention divisée, les patients orientaient spontanément leur regard vers la droite et ne détectaient donc pas les cibles situées à gauche. Selon Làdavas, les difficultés observées dans l'héminégligence proviendraient d'un déficit sélectif dans l'orientation automatique de l'attention.
Gainotti s'est basé sur de telles observations pour proposer un modèle selon lequel les difficultés dans l'héminégligence proviendraient d'un déficit spécifique de l'orientation automatique de l'attention pour les événements situés du côté controlatéral à l'hémisphère lésé (voir notamment Gainotti et al., 1986; Gainotti, 1994). Selon ce modèle, les processus d'orientation de l'attention ne seraient pas tous déficitaires. En effet, cet auteur a suggéré que les processus volontaires d'orientation de l'attention soient plus ou moins préservés. Ce sont d'ailleurs ces processus qui sont utilisés dans la rééducation selon Gainotti. Les déficits provenant de l'orientation automatique de l'attention pourraient ainsi être contrebalancés par les processus volontaires. En effet, les performances de lecture sont souvent améliorées lorsqu'un indice évident (un trait rouge épais par exemple) indique aux patients le bord gauche du texte.
Selon ce modèle, l'héminégligence serait donc due un déficit d'orientation automatique pour l'espace gauche qui conduirait les patients à se focaliser ('magnetic capture') sur les stimuli situés du côté droit (Gainotti, 1994; De Renzi et al., 1989b; Gainotti et al., 1991). Ce trouble ne serait donc pas simplement un déficit unilatéral, il proviendrait d'un déséquilibre de la 'balance attentionnelle' entre un côté pour lequel il n'y aurait plus aucune attraction et l'autre côté pour lequel il y aurait une trop forte attraction.
Les études effectuées sur l'héminégligence mettent en évidence une inhomogénéité importante des déficits observés. Bien que la majorité des études et des tests cliniques portent sur la modalité visuelle, des difficultés concernant la modalité auditive semblent également être présentes. De plus, certains auteurs ont mis en évidence la présence de liens d'influence réciproque entre ces deux modalités. Ces liens pourraient témoigner de l'existence de zones cérébrales intermodales (zones qui seraient lésées dans l'héminégligence).
Lorsque l'on considère conjointement certaines théories attentionnelles ou représentationnelles de l'héminégligence, de nombreux phénomènes observés dans l'héminégligence peuvent être expliqués. La complexité de cette pathologie est telle qu'il semble de toute façon improbable qu'une théorie unique parvienne à l'expliquer complètement. L'existence d'une dissociation entre négligence perceptive et négligence représentationnelle confirme d'ailleurs la nécessité et la complémentarité des différents points de vue. La distinction entre traitements conscients et non conscients des stimuli négligés, comme nous l'avons déjà vu lors des descriptions cliniques de l'héminégligence, tend encore à compliquer la situation. En effet, la capacité d'avoir une représentation interne complète d'un objet, d'un endroit, bien qu'une partie de l'objet ne soit pas décrite montre bien la présence d'un traitement de l'espace négligé.
Les modèles impliquant l'attention, que nous avons exposés ci-dessus, situent l'origine des déficits au niveau de différents processus. Selon Kinsbourne, les lésions situées dans l'hémisphère droit entraîneraient un défaut d'inhibition de l'hémisphère gauche qui mobiliserait toutes les ressources attentionnelles pour l'espace droit. En revanche, pour Heilman, les difficultés proviendraient d'un défaut d'activation, ou d'intention, liées aux lésions situées dans le lobe pariétal droit (zone responsable de la synthèse des différentes informations afférentes permettant d'intégrer la présence d'un objet ou d'un événement). Mesulam propose une gestion de l'attention différente dans chaque hémisphère: les ressources attentionnelles du côté gauche proviendraient exclusivement de l'hémisphère droit alors que celles du côté droit proviendraient principalement de l'hémisphère gauche mais également de l'hémisphère droit. Des lésions hémisphériques droites entraîneraient donc une absence totale de ressource attentionnelle pour le côté gauche. Le modèle de Posner suggèrerait que, lors de lésions dans le lobe pariétal droit, les patients auraient des difficultés de désengagement de leur attention du côté droit qui les empêcheraient d'orienter leur attention sur la gauche. Selon Gainotti, les difficultés proviendraient d'un déficit de l'orientation automatique de l'attention pour le côté gauche, les patients présenteraient une attraction trop importante pour les stimuli situés à droite alors qu'elle ne serait pas assez importante pour les stimuli situés à gauche. Bien que les termes utilisés soient assez différents, l'idée générale de ces modèles pourrait se résumer globalement en ces termes: 'trop à droite et/ou pas assez à gauche'. De ce point de vue, ces différents modèles pourraient être résumés ainsi:
Finalement, une autre question souvent soulevée à propos de l'attention et de l'héminégligence concerne la présence de systèmes séparés pour chaque modalité ('modalité-spécifique') ou l'existence d'un système attentionnel commun aux différentes modalités ('supramodal') comme nous l'avons abordé ci-dessus dans la description des processus attentionnels (chapitre 1.1.4.2.). Plusieurs études suggèrent la présence de déficits dans les deux modalités et de liens entre elles. Nos travaux avaient pour objectif, notamment, d'étudier les processus attentionnels automatiques et contrôlés dans les deux modalités chez des patients affectés de lésions pariétales droites. Ces études avaient pour but de préciser, à l'aide d'indices électrophysiologiques (les potentiels évoqués), le type de processus déficitaires et les différences entre les modalités. Les potentiels évoqués permettent en effet d'étudier séparément ces deux types de processus. Nous avons abordé, dans le prochain chapitre, l'intérêt d'utiliser de tels indices dans l'étude de processus cognitifs en général.
Les fonctions cognitives elles-mêmes ne peuvent pas être mesurées directement, seules les activités comportementales et neuronales qui en découlent peuvent l'être. Les études psychologiques utilisent, classiquement, des données comportementales (par exemple le temps de réaction) pour définir les différentes étapes du traitement cognitif et pour établir des hypothèses sur leur nature et leur déroulement temporel. En dépit de protocoles expérimentaux ingénieux et de théories cognitives très poussées, il y a un 'vide', souvent appelé 'boîte noire', entre la présentation du stimulus au sujet et sa réponse. Un stimulus entraîne une séquence de processus physiologiques qui vont conduire à la réponse du sujet. Ces processus fournissent une source d'étude potentielle pour comprendre les étapes des traitements effectués entre le stimulus et la réponse. Certaines techniques d'imagerie cérébrales permettent d'étudier ces processus (et également de préciser les étapes qui précèdent la présentation du stimulus).
L'électroencéphalographie a été la première technique d'enregistrement de l'activité cérébrale. Les potentiels cérébraux ont été largement utilisés pour étudier l'activité cérébrale associée à différentes fonctions cognitives, soit à travers l'électroencéphalogramme brut soit à travers les potentiels évoqués. Depuis quelques années, l'étude des processus cognitifs à travers d'autres techniques d'imagerie cérébrale s'est énormément développée. L'évolution des techniques d'acquisition et de traitement des données a permis de développer de nouveaux outils sophistiqués qui permettent d'analyser d'une façon de plus en plus détaillée le fonctionnement du cerveau. Actuellement, la technique des potentiels évoqués reste cependant indispensable à l'étude du fonctionnement du cerveau puisqu'elle permet d'enregistrer, d'une manière non invasive, les activités cérébrales avec une précision de l'ordre de la milliseconde.
L'origine de l'électroencéphalographie est la découverte, chez l'animal, de variations électriques provenant du cerveau (voir notamment Caton, 1875). Hans Berger (1929) enregistra également une telle activité à la surface du scalp chez l'homme. Il devint rapidement évident que ce signal, appelé électroencéphalogramme (EEG), variait en fonction de l'état, principalement de vigilance, des sujets (Berger, 1930). Des ondes sinusoïdales de grande amplitude ayant une fréquence de 7 à 12 Hz (appelées 'rythme alpha' par Berger (1930)) apparaissaient lorsque le sujet s'assoupissait alors que des ondes irrégulières de fréquence plus rapide et de faibles amplitudes étaient observées lorsque le sujet était éveillé, en état d'alerte.
Actuellement, il est bien déterminé que ce sont des courants ioniques dans les neurones (essentiellement dans les cellules pyramidales) qui sont à la base de l'EEG. Toute cellule vivante entretient des gradients de concentrations de différents éléments chimiques entre l'intérieur et l'extérieur grâce au transport de molécules à travers leurs membranes. Les cellules cérébrales échangent constamment des ions potassiques provenant de l'extérieur de la cellule contre des ions sodiques provenant de l'intérieur de la cellule. La présence de canaux spécifiques au potassium dans les membranes entraîne un mouvement des ions potassiques plus facile que celui des ions sodiques. Cette différence entraîne un flot (chargé positivement) d'ions potassiques qui provoque une différence de potentiel entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule (Deetjen et Speckman, 1992). A partir de ce potentiel qui se propage ('potentiel d'action'), les neurones établissent des voies de communications entre eux et collectent les contributions excitatrices et inhibitrices des cellules environnantes. Les potentiels d'action sont générés et conduits activement le long de l'axone, entraînant des courants intracellulaires et extracellulaires. En arrivant au niveau des connexions synaptiques entre les neurones, ces potentiels influencent la fréquence de décharge des autres neurones en créant des potentiels post-synaptiques. Les transmissions se font ainsi de neurones en neurones. Ce processus de transmission semble constituer la base du traitement de l'information dans le cerveau.
Cependant, il est généralement admis que l'activité électrique mesurée sur le scalp ne provient pas principalement des courants ioniques intracellulaires associés aux potentiels d'action (ils sont trop brefs (1-2 ms) et irréguliers). L'EEG semble provenir essentiellement des courants extracellulaires résultant des potentiels post-synaptiques excitateurs et inhibiteurs (Fig. 12). Le potentiel extracellulaire engendré par ces courants est de très faible amplitude, et diminue en fonction du carré de la distance à laquelle il est enregistré. Toutefois, il semble que l'on puisse enregistrer à la surface du scalp l'activité de certaines cellules présentant des particularités. En effet, les cellules pyramidales (Fig. 12) ont de longues dendrites apicales ayant toutes une orientation perpendiculaire à la surface du scalp. La sommation de leurs potentiels extracellulaires, lorsqu'elles ont une activité synchrone, crée une activité suffisamment important pour être recueillie sur le scalp. Ces 'macrocolonnes' corticales, d'environ 3 mm de diamètre et 3 mm d'épaisseur, constituées de milliers de neurones, peuvent être assimilées à un dipôle équivalent de courant (Nunez, 1990). Ce dipôle crée un champ électrique qui se propagerait passivement au travers du cortex, du liquide céphalo-rachidien, de l'os et qui pourrait être recueilli par des électrodes à la surface du scalp.
*Sur la gauche de la figure, présentation de connexions synaptiques excitatrices et inhibitrices sur les dendrites du neurone. Ces connexions entraînent des modifications du potentiel de membrane qui se transmettent sur toute la longueur des dendrites. La sommation de ces modifications influence le potentiel de membrane au niveau de l'axone d'où sont générés les potentiels d'action. L'agrandissement sur la partie droite de la figure présente une synapse excitatrice active qui entraîne un flot de charge positive à l'intérieur de la dendrite grâce au courant transmembranaire It, qui réduit ainsi la densité de charge négative à l'intérieur et augmente cette densité à l'extérieur. Les densités sont équilibrées par les courants intracellulaires Ii et extracellulaires Ie.
Les variations de potentiels recueillies sur le scalp, chez l'homme, résultent donc de l'activité synchrone et sommée de nombreuses populations de neurones. Cette activité peut être temporairement modifiée par des événements extérieurs par exemple (stimuli apportés par l'environnement). Il est possible d'étudier la part spécifique des potentiels électriques cérébraux liée à ces événements, cette part a reçu le nom de 'potentiels évoqués' du fait qu'elle est consécutive aux stimuli (ou évoquée par eux). Ces réponses évoquées électrophysiologiques sont d'amplitude faible par rapport à l'activité dite 'spontanée' de l'encéphale (activité non corrélée avec les stimuli). Pour que l'activité corrélée avec les stimuli se distingue de l'activité spontanée, la méthode classique (que nous avons utilisé ici) consiste à répéter, dans des conditions identiques, un nombre élevé de stimulations et à effectuer la moyenne des portions du signal électrophysiologique qui suit chaque stimulus (technique du 'moyennage', Dawson, 1954) en synchronisant l'acquisition du signal et le début de la stimulation.
L'activité cérébrale évoquée par les stimuli peut ainsi être observée, elle se traduit alors sur le scalp par une séquence d'ondes positives et négatives. Les composantes du potentiel évoqué sont caractérisées par leur polarité ('N' pour une négativité et 'P' pour une positivité), leur amplitude, leur topographie et leur latence (par rapport au moment de la présentation du stimulus). Ce sont ces caractéristiques que l'on étudie du fait qu'elles varient en fonction des propriétés des stimuli eux-mêmes, de l'état du sujet ou des opérations mentales qu'il exécute. Les composantes correspondraient aux différentes étapes effectuées par le système nerveux pour le traitement sensoriel du stimulus et les activités cognitives impliquées dans la réalisation de la tâche demandée au sujet. Ces ondes proviennent des courants synaptiques, elles fournissent ainsi un lien direct entre les processus cognitifs et leurs bases neurales sous-jacentes (appelées également 'générateurs' ou 'sources' dans ce présent travail). Cependant, il n'est pas possible de déterminer directement les zones actives en se basant simplement sur les potentiels recueillis à la surface. En effet, les propriétés de faible conductivité et d'anisotropie des couches traversées (en particularité de l'os) atténuent et déforment fortement le signal recueilli à la surface du scalp. De plus, à partir d'une répartition des ondes sur le scalp (topographie), il n'est pas possible de déterminer avec certitude l'emplacement des zones cérébrales actives (les générateurs): une même topographie peut résulter d'un nombre infini de configurations différentes de générateurs.
Dans les 20 dernières années, d'autres techniques non invasives se sont développées comme la tomographie par émission de positons et l'imagerie fonctionnelle par résonance magnétique remettant en cause la 'domination' de l'électrophysiologie. Nous avons brièvement présenté ces techniques dans le chapitre 1.1.2.1. ci-dessus. Ces nouvelles techniques permettent d'étudier les activités cérébrales avec une grande résolution spatiale (de l'ordre du mm), compensant donc le manque de résolution spatiale de l'électroencéphalographie. Cependant, ces techniques, encore en grande évolution, ne parviennent pas actuellement à avoir une résolution temporelle similaire à celle de l'EEG. Afin de palier au manque de résolution spatiale de l'EEG, des méthodes d'analyses des potentiels évoqués se sont développées et permettent de déterminer, dans certaines conditions, l'emplacement des générateurs sous-jacents aux potentiels évoqués. En plus de l'étude de l'amplitude et de la latence des différents pics composants les potentiels évoqués, les analyses portent sur la répartition du potentiel sur le scalp.
Le recueil des potentiels se fait en un nombre limité de points sur le scalp correspondant aux électrodes. Cependant, en chaque point du scalp il existe un potentiel électrique qui varie au cours du temps. A un instant donné, la distribution de ces valeurs de potentiel constitue un champ de potentiel. Les lignes qui relient tous les points du scalp de même valeur de potentiel sont qualifiées de lignes 'équipotentielles'. Par des techniques d'interpolation, il est possible de reconstituer la distribution sur tout le scalp à partir des potentiels enregistrés sur chaque électrode. La distribution du potentiel sur l'ensemble de la surface du scalp peut être interpolée, à chaque instant, à l'aide de fonctions splines sphériques (Perrin et al., 1989). Cette interpolation présente l'avantage important de pouvoir mieux localiser un extréma de potentiel qui ne se situe pas nécessairement aux positions des électrodes (Fig. 13). Cependant, cette technique requiert au minimum 20 électrodes, la distribution interpolée étant d'autant plus proche de la distribution réelle du potentiel que le nombre d'électrodes est élevé (Perrin et al., 1987; 1989). De telles cartes représentant la distribution des potentiels sur toute la surface du scalp permettent de suivre, avec une précision de l'ordre de la milliseconde, l'évolution spatio-temporelle des réponses évoquées. Elles permettent également d'évaluer qualitativement la localisation des générateurs intracérébraux simultanément ou successivement actifs lors de ces processus. Un autre type d'étude cartographique est également utilisé, il s'agit des cartes de densité de courant radial du scalp (Fig. 13).
*Pour le champ de potentiel, un seul pic négatif (zone blanche) est présent dans la zone du vertex. La topographie en densité de courant montre en revanche des puits négatifs temporaux (zones blanches) et des sources positives pariétales (zones rouges).
La densité de courant radial en un point du scalp est définie comme la quantité de courant qui passe, radialement à la surface, dans une unité de volume autour de ce point du scalp. Les cartes de densité de courant, exprimées en mA/m3, mettent en évidence (Fig. 13) les aires d'où émergent sur le scalp les lignes de courant ('sources de courant', pics positifs) et où elles pénètrent dans le cerveau ('puits de courant', pics négatifs). La densité de courant est une quantité physique indépendante de tout modèle (hypothèse) sur les générateurs ou sur l'homogénéité du volume conducteur impliqué. Elle dépend uniquement de la conductivité du scalp, considérée ici comme constante. Une estimation de la densité de courant radial est le Laplacien de surface du champ de potentiel (Perrin et al., 1989; 1990). Les cartes de densité de courant sont estimées par calcul des dérivées spatiales secondes du champ de potentiel interpolé par des fonctions splines sphériques. Ces représentations cartographiques présentent plusieurs propriétés importantes:
La comparaison entre les distributions de courant et de potentiel permet donc de préciser la localisation des générateurs activés. Lorsqu'une activité est présente sur les cartes de potentiel et non sur les cartes de densité de courant, il est probable que le générateur sous-jacent à cette activité se situerait dans des régions profondes du cerveau. Par contre, une activité importante sur les cartes de densité et absente sur celles de potentiel proviendrait d'un générateur très superficiel dont l'activité en potentiel serait masquée par des sources plus profondes.
Une troisième méthode d'analyse des potentiels évoqués consiste à modéliser les générateurs intracérébraux responsables d'une distribution donnée de potentiels et de courants à la surface du scalp. Cette méthode fait appel à des modèles physico-mathématiques du milieu et des générateurs, elle implique la résolution du 'problème inverse'. La résolution de ce problème consiste à retrouver les générateurs actifs à partir des activités reflétées sur la surface du scalp. Ce problème ne possède pas de solution unique, plusieurs configurations différentes de générateurs peuvent en effet conduire à la même distribution des potentiels sur le scalp (Garnero et al., 1998). On utilise le plus souvent un modèle de générateurs correspondant à des 'dipôles de courant équivalents'.
Dans le but de résoudre le problème inverse et de déterminer la localisation et l'activité de ces dipôles, il est possible, notamment, de fixer le nombre de dipôles supposés actifs dans une fenêtre de temps donnée. Un modèle du cerveau et de ses enveloppes (propriétés géométriques et conductance) est également nécessaire, on utilise généralement un modèle de tête sphérique à plusieurs couches (scalp, os, cerveau). Les techniques de modélisation permettent de préciser les paramètres de ces dipôles tels que la position, l'orientation, la grandeur (amplitude) ainsi que le décours temporel de leurs activités.
La notion fondamentale en psychologie cognitive, empruntée à la théorie de l'information, postule que le traitement de l'information sensorielle se fait par une série d'opérations distinctes, plus ou moins hiérarchisées, qui se déroulent par étapes soit successivement soit parallèlement. La variable dépendante généralement mesurée dans des tâches expérimentales visant à étudier l'organisation des processus perceptivo-moteurs et cognitifs, est le temps de réaction. L'intérêt majeur d'enregistrer des potentiels évoqués dans des tâches de temps de réaction réside dans le fait que les paramètres des potentiels évoqués (latence, amplitude et topographie) constituent des variables dépendantes supplémentaires qui permettent de segmenter le temps de réaction et par conséquent d'aborder la chronométrie des opérations mentales (Renault et al., 1982).
Le nombre de composantes connues et étudiées dans la littérature a énormément augmenté depuis vingt ans environ. Le potentiel évoqué, considéré au départ comme phénomène unitaire, semble actuellement être constitué de plusieurs composantes successives. Au milieu des années soixante, deux équipes différentes ont montré que certaines composantes du potentiel évoqué ne dépendent pas de facteurs 'exogènes', extérieurs telles que les propriétés physiques des stimuli (intensité, fréquence,...) ou de l'activité motrice, mais plutôt de facteurs cognitifs, intérieurs ('endogènes'). En 1964, Walter et son équipe ont isolé une composante consécutive à une attente (Walter et al., 1964). Cette composante, appelée 'contingent negative variation' ou 'CNV', est une lente augmentation de la négativité du potentiel précédant un stimulus attendu. La composante CNV varie en fonction de différents paramètres cognitifs tels que la motivation, l'attention ou la distraction du sujet. A la même époque, Sutton et ses collaborateurs avaient mis en évidence, une composante positive culminant environ 300 ms après la présentation d'un stimulus rare auquel le sujet devait faire attention (Sutton et al., 1965). Cette composante, appelée P300 ou P3 (présentée plus longuement dans le chapitre 1.1.3.2. ci-dessus), est considérée comme une onde endogène du fait que sa topographie et son comportement ne varient pas en fonction des caractéristiques physiques des stimuli eux-mêmes, mais plutôt en fonction de la signification des stimuli dans la tâche à effectuer.
Deux types de composantes sont donc généralement distinguées: les composantes 'exogènes' ou 'sensorielles' et les composantes 'endogènes' ou 'cognitives'. Les composantes exogènes sont essentiellement déterminées par les propriétés physiques des stimuli (fréquence, intensité,...), elles sont relativement indépendantes de l'état du sujet. Elles peuvent être suivies ou superposées aux composantes endogènes. Ces dernières, plutôt tardives, dépendent donc principalement de la tâche à effectuer et de l'état du sujet. Certaines composantes endogènes peuvent être générées même en l'absence d'un stimulus externe (Renault et Lesèvre, 1978). Bien que les stimuli présentés au sujet lors d'enregistrement des potentiels évoqués restent le plus souvent des stimuli très simples, les processus cognitifs qui précèdent et suivent ces stimuli peuvent être complexes. Les composantes successives observées sur le potentiel évoqué reflètent ainsi les processus successifs du traitement de l'information, d'un niveau strictement sensoriel à des niveaux de plus haute intégration.
Dans nos travaux sur les patients héminégligents, nous avons principalement étudié les composantes endogènes des potentiels évoqués reflétant des processus attentionnels (composantes MMN, N2b, P3a et P3b). Nous avons également analysé deux composantes exogènes, que nous avons également appelées 'sensorielles': les composantes N100 auditive et N160 visuelle. Après avoir abordé les effets éventuels des lésions sur la propagation de l'onde cérébrale et son recueil sur le scalp, ces différentes composantes sont décrites. Les composantes attentionnelles ont déjà été présentées en grande partie dans le premier chapitre de ce travail, nous n'avons donc présenté que les aspects les plus importants de ces ondes par rapport à nos études. En revanche, les deux composantes sensorielles sont décrites en détail.
L'étude des potentiels évoqués chez des patients ayant des lésions cérébrales a fourni de nombreuses informations sur l'emplacement de certains générateurs et sur le rôle de certaines structures cérébrales. La destruction de générateurs intracérébraux entraîne une modification de l'activité cérébrale conduisant à une diminution de l'activité recueillie sur le scalp pour certaines composantes. Cependant, différents éléments sont à considérer prendre compte par rapport à ces effets. Il est difficile d'évaluer les influences possibles d'autres générateurs intacts qui pourraient augmenter leur activité pour compenser la diminution provenant de la lésion (Halgren et al., 1998). De plus, les tissus lésés semblent altérer la transmission du signal et contribuer ainsi à la diminution de l'amplitude des potentiels évoqués sur le scalp. Cette diminution semble toutefois principalement provenir des tissus lésés situés entre les générateurs et les électrodes sur le scalp (Abboud et al., 1996; Hoeppner et al., 1984; Ring et al., 1999). Finalement, la majorité des patients affectés de lésions cérébrales prennent des médicaments qui pourraient avoir des effets sur l'activité électrique du cerveau (notamment des médicaments 'psycho-actifs').
En prenant en compte ces remarques, toutes les conséquences et la prudence qu'elles imposent, les potentiels évoqués restent un des moyens permettant d'étudier le dysfonctionnement du cerveau. En effet, les potentiels évoqués sont actuellement l'unique technique non-invasive fournissant des indices cérébraux ayant une résolution temporelle suffisante pour étudier les traitements cognitifs successifs effectués dans une tâche donnée. La possibilité d'étudier ainsi la chronométrie des opérations mentales apporte des informations supplémentaires et complémentaires aux méthodes comportementales classiques, même chez des patients cérébro-lésés.
Les composantes sensorielles, ou précoces, du potentiel évoqué correspondent à l'activité électrique, recueillie sur le scalp, provenant des différents relais sous-corticaux et corticaux qu'empruntent les voies sensorielles pour parvenir principalement jusqu'au cortex. L'activité des cortex sensoriels primaires est en général considérée comme une composante sensorielle, ou exogène. Dans nos travaux, nous avons étudié la composante N160 visuelle et la composante N100 auditive qui regrouperaient l'activité des aires primaires ou secondaires dans chaque modalité. La composante N160 est une onde culminant dans la région occipito-pariétale avec une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral à l'hémichamp visuel stimulé, les zones cérébrales sous-jacentes à cette composante se situeraient donc chaque hémisphère. Une stimulation dans l'hémichamp visuel droit active des zones occipito-pariétales dans l'hémisphère gauche et entraîne une amplitude de la composante N160 plus élevée sur cet hémisphère; vice-versa pour une stimulation dans l'hémichamp visuel gauche. En revanche, la composante N100 présente une amplitude maximum au vertex provenant de générateurs situés dans chaque hémisphère au niveau du gyrus de Heschl.
Ces deux composantes présentent des variations d'amplitude, de latence et de topographie en fonction des caractéristiques des stimuli. La composante visuelle par exemple présente des variations en fonction de l'implication plus ou moins grande de la région fovéale (Cobb et al., 1967), de la position du regard par rapport au stimulus visuel (Lesèvre et Rémond, 1970) ou encore en fonction du caractère central ou périphérique de la stimulation visuelle (Harter, 1970). Nous présentons ci-dessous plus longuement les propriétés de la composante N100 auditive que nous avons étudiée plus spécifiquement dans deux études chez le sujet sain.
*Les emplacements des générateurs le long de la scissure de Sylvius sont indiqués par différents symboles correspondant chacun à une fréquence donnée. Les fréquences sont indiquées en haut à gauche de chaque image (adapté de Cansino et al., 1994).
Une des propriétés de la composante N100 semble être liée à l'organisation spatiale des fréquences au niveau du cortex auditif. Des études, menées sur différentes espèces animales ont montré que le système auditif pouvait présenter une représentation 'cartographique' des fréquences sonores, appelée 'tonotopie' (également abordée dans le chapitre 1.1.4.1.). Cette organisation tonotopique, observée au niveau de la cochlée, se maintient tout au long des voies auditives ascendantes. Des enregistrements à la surface du cortex ont révélé plusieurs cartes tonotopiques au niveau du cortex auditif du chat (Merzenich et al., 1975) et du singe (Merzenich et Brugge, 1973). Chez l'homme, de nombreuses études, utilisant la composante N100 en EEG ou M100 en MEG, ont confirmé la présence d'une organisation tonotopique des fréquences dans le cortex auditif (voir par exemple Vaughan et Ritter, 1970; Hari et al., 1980; Liegeois-Chauvel et al., 1991; Verkindt et al., 1995). Plusieurs études ont également utilisé des modélisations de générateur (voir notamment Pantev et al., 1988; Cansino et al., 1994). En général, on observe, aux latences de la composante N100, un déplacement des générateurs en fonction de la fréquence: plus le son est grave, plus le dipôle semble être antérieur dans l'axe de la scissure de Sylvius (Fig. 14).
La grande majorité de ces travaux a étudié la topographie et les générateurs de cette composante avec des sons purs (sinusoïdaux). Des études utilisant des sons complexes ont permis d'approfondir et de compléter ces résultats. La majorité des sons produits par notre environnement, par la plupart des instruments de musique et par la parole (les voyelles) sont des sons complexes périodiques. De tels sons, correspondant à ceux utilisés dans ce travail, sont formés de plusieurs sinusoïdes appelées 'harmoniques'. Ces harmoniques forment au niveau physique le spectre du son et au niveau perceptif le timbre (ou hauteur spectrale). L'harmonique dont la fréquence est la plus basse est appelée fréquence fondamentale (Fo), les autres harmoniques ont des fréquences correspondant à des multiples entiers de la fréquence fondamentale. Lorsqu'un son complexe périodique est entendu, un seul son et une seule hauteur sont perçues, quel que soit le nombre d'harmoniques présentes. Pour un tel son, la hauteur tonale perçue correspond le plus souvent à celle de la fréquence fondamentale (Botte, 1989). Contrairement aux sons purs pour lesquels la fréquence fondamentale et le spectre sont confondus, l'utilisation de sons complexes permet de dissocier les effets liés à la fréquence fondamentale des effets liés au spectre.
Dans un travail utilisant des sons complexes, nous avons étudié l'influence respective du spectre et de la fréquence fondamentale sur les caractéristiques de cette composante (Crottaz-Herbette et Ragot, 2000; Ragot et Crottaz, 1998; 1999). Ces études ont utilisé des sons variant en fréquence fondamentale et en spectre. Elles ont permis de confirmer la dépendance de la latence de la composante N100 en fonction de la fréquence fondamentale observée par Ragot et Lepaul-Ercole (1996). De plus, ce travail a montré une variation de la topographie de cette composante en fonction du spectre: la position du pic de cette composante est de plus en plus frontale lorsque le rang des harmoniques augmente (Fig. 15). Ce déplacement vers l'avant proviendrait d'une variation de l'orientation des dipôles sous-jacents à cette composante. En effet, à l'aide d'une reconstruction des dipôles, nous avons pu montrer que l'orientation des générateurs variait avec le spectre uniquement (Fig. 16). De tels résultats suggèrent la présence d'un codage temporel pour la fréquence et d'un codage spatial pour le spectre.
* (spectre bas, spectre moyen et spectre élevé) pour trois hauteurs fondamentales différentes (62.5 Hz, 125 Hz et 250 Hz). Les amplitudes et les fréquences composant chaque son sont représentées par des traits noirs dessous chaque cartographie.
*Indication des fréquences fondamentales des sons utilisés sur la droite de la figure (Fo = 62,5 Hz, 125 Hz et 250 Hz) et des spectres pour chaque dipôle (dipôle bleu: spectre bas; dipôle rouge: spectre moyen et dipôle jaune: spectre haut) similaires aux caractéristiques présentées dans la figure 15. L'orientation angulaire de chaque dipôle (w) est indiquée dessous chaque spectre correspondant
L'étude de la composante N100 peut donc permettre de déterminer l'intégrité du cortex auditif primaire. Dans nos travaux, elle a été étudiée dans ce but chez des patients présentant des lésions cérébrales dans l'hémisphère droit. Comme nous l'avons abordé ci-dessus (chapitre 3.2.2.), les lésions cérébrales peuvent modifier la topographie des composantes du potentiel évoqué soit parce qu'elles se situent précisément à l'emplacement des générateurs en question, soit parce qu'elles se situent entre les générateurs (intacts) et les électrodes recueillant le potentiel sur le scalp. La composante N100 peut présenter des variations topographiques en fonction de l'oreille stimulée (composante plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons) et en fonction de la fréquence et du spectre des sons (variations topographiques et de latence du pic de cette composante) chez les sujets sains. Il est important de prendre en compte ces effets lorsque l'on étudie cette composante, tout comme la composante N160 visuelle, chez des patients affectés de lésions cérébrales afin de ne pas conclure à des effets provenant des lésions alors qu'ils correspondent aux propriétés de ces composantes (et qu'ils sont donc également observés chez les sujets sains).
Différents paradigmes expérimentaux ont été développés en psychologie dont certains mettent en jeu des processus attentionnels et peuvent être utilisés avec des potentiels évoqués. La majorité de ces paradigmes contiennent des stimuli distracteurs, qu'il s'agit d'ignorer, et des stimuli cibles auxquels le sujet doit prêter attention. Le paradigme que nous avons utilisé pour étudier les composantes MMN, N2b, P3a et P3b, correspond au paradigme 'oddball' que nous avons présenté ci-dessus (chapitre 1.1.3.). Lorsqu'on présente au sujet une suite de stimuli composée de stimuli rares (déviants) et fréquents (standards), on observe une augmentation de la négativité suite à la présentation des stimuli déviants, par rapport aux réponses évoquées par les stimuli fréquents. Cette négativité peut être suivie d'une augmentation de la positivité.
Nous rappelons que dans une telle situation, que nous avons appelée ci-dessous 'situation passive', la composante 'MMN', survenant entre 100 et 250 ms après la présentation du stimulus et la composante P3a plus tardive correspondant donc respectivement à l'augmentation de la négativité et de la positivité des potentiels. En revanche, lorsque le sujet doit détecter l'apparition des stimuli rares, qui constituent alors des cibles, les potentiels évoqués par ces cibles présentent (par rapport aux potentiels évoqués fréquents) une négativité plus tardive vers 200 ms et une grande positivité encore plus tardive (vers 300-500 ms). Dans les situations demandant une attention volontaire, cette négativité correspond à la composante N2b du potentiel évoqué et la positivité, à la composante P3b. L'analyse de ces composantes permet d'étudier d'une part les processus attentionnels automatiques (composantes MMN et P3a) et d'autre part les processus attentionnels contrôlés (composantes N2b et P3b).
L'étude des potentiels évoqués en psychologie cognitive permet d'analyser les processus successifs mis en jeu lors de la perception des stimuli d'une part et lors de l'exécution de la tâche d'autre part. Comme nous l'avons mentionné au début de ce chapitre, l'EEG possède une grande résolution temporelle mais une faible résolution spatiale. Cependant, plusieurs méthodes d'analyses de ces potentiels ont été développées afin de pallier ce désavantage. Elles permettent actuellement, à partir de la latence, de la topographie, de l'amplitude et des modélisations des générateurs, de spécifier l'emplacement des zones cérébrales actives lors de ces processus successifs. La connaissance des mécanismes mis en jeu dans les paradigmes expérimentaux durant lesquels les enregistrements sont effectués permet de déterminer d'une part le décours temporel de ces mécanismes (chronométrie des opérations mentales) et d'autre part de suggérer les zones cérébrales sous-jacentes à ces mécanismes.
Nos travaux ont donc utilisé cette technique pour étudier le décours temporel des processus perceptifs et attentionnels chez des patients héminégligents. Ils avaient pour objectif d'étudier les différences qui pouvaient apparaître en fonction du côté de présentation des stimuli auditifs et visuels. Ces différences pouvaient se situer au niveau de différentes caractéristiques des potentiels évoqués: l'amplitude globale de ces composantes, la latence de leur pic, leur topographie ainsi que la différence d'amplitude entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche.
Les études portant sur l'attention que nous avons présentées dans le premier chapitre de ce travail ont mis en évidence la présence de différents processus attentionnels. Nous avons abordé les études de Schneider et Shiffrin (1977) qui ont proposé l'existence de processus attentionnels automatiques d'une part et de processus attentionnels contrôlés d'autre part. Plusieurs travaux en IRMf et en TEP utilisant des tâches d'attention ont mis en évidence des activités cérébrales nombreuses et parfois différentes entre les études. Les bases neurales de ces deux processus spécifiques ne sont cependant pas encore actuellement bien déterminées. Beaucoup d'études ont suggéré la participation des cortex pariétal et frontal principalement dans l'hémisphère droit. Nos études avaient pour objectif principalement de préciser le rôle du lobe pariétal droit dans les processus attentionnels automatiques et contrôlés. De plus, nous avons également cherché à préciser les relations entre les processus attentionnels auditifs et ceux visuels qui restent également un sujet d'étude important dans la littérature actuelle portant sur l'attention. Ces processus et ces relations ont été étudiées chez un groupe de sujets sains (attention automatique) et chez un groupe de patients héminégligents affectés de lésions temporo-pariétales droites.
La recherche des localisations des bases neurales des différents processus attentionnels donnent encore lieu actuellement à de nombreuses études. De plus, la spécificité ou la non spécificité en fonction des modalités n'est pas encore bien définie pour ces processus. En effet, beaucoup d'études portent encore sur la question de l'existence de processus multimodaux ou 'modalité-spécifiques'. Quelques travaux portant sur les processus intermodalitaires ont suggéré la présence de zones multimodales impliquées dans des tâches d'attention. Cependant, la spécificité fonctionnelle de ces zones n'est toutefois pas encore bien déterminée. Les comparaisons entre les études portant sur la modalité auditive pour certaines, et sur la modalité visuelle, pour d'autres permettent de fournir des informations sur les similitudes entre les deux modalités ainsi que sur les bases neurales qui pourraient être communes. Cependant, ces comparaisons portent sur des populations de sujets différents, il n'est donc pas possible d'exclure que les différences entre les deux modalités, analysées chez deux groupes de sujets différents, ne puissent provenir des sujets eux-mêmes. Il est donc préférable de comparer les deux modalités chez un même groupe de sujets dans un paradigme semblable en audition et en vision.
Les potentiels évoqués fournissent des indices qui permettent de suivre le décours temporel des différents processus perceptifs et cognitifs comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent. Lors de tâches d'attention, on peut observer, sur les courbes des potentiels évoqués, des augmentations d'amplitude (positive ou négative) qui reflètent des processus attentionnels automatiques (dans des situations de 'perception passive') ou des processus attentionnels contrôlés (dans des situations d'attention volontaire et sélective). Les quatre études que nous avons effectuées chez un groupe de sujets sains (étude 1) et chez des patients héminégligents (études 2 à 4) avaient pour but général d'analyser, à l'aide des potentiels évoqués (sauf pour l'étude 3) les rapports entre les deux modalités lors de tâches d'attention mettant en jeu soit des processus attentionnels automatiques, soit des processus attentionnels contrôlés. Dans ce but, nous avons enregistré les potentiels évoqués et les réponses comportementales de ces sujets dans des tâches d'orientation visuo-spatiale de l'attention (plus simple que celles développées par Posner et présentées ci-dessus).
Plusieurs composantes reflétant des mécanismes attentionnels ont été présentées dans la littérature. Nous avons analysé plus précisément les composantes MMN et P3a pour l'étude des processus attentionnels automatiques et les composantes N2b et P3b pour celles des processus contrôlés. La composante MMN n'est actuellement clairement spécifiée que dans la modalité visuelle alors que les trois autres composantes ont été observées dans différentes modalités, dont l'audition et la vision. La composante MMN est observée spécifiquement dans une situation contenant une différence (non-concordance) entre deux représentations sensorielles (des stimuli rares aigus et des stimuli fréquents graves par exemple). Elle consiste en une négativité qui peut être observée soit sur les potentiels évoqués par les stimuli rares (par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents), soit directement sur les courbes résultant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli rares. Cette soustraction met en évidence ce qui différencie les deux types de potentiels évoqués: la détection de la présentation d'un stimulus nouveau, rare, parmi des stimuli fréquents, tous similaires. Cette composante refléterait donc un processus de détection automatique de non-concordance (Näätänen et al., 1978).
Une des caractéristiques physiques produisant cette composante est la localisation spatiale des sons (Paavilainen et al., 1989; Schröger et Wolff, 1996). La différence de localisation spatiale entre une source sonore placée en face du sujet (0°; stimuli fréquents) et une source sonore placée latéralement, sur la droite du sujet par exemple (avec un angle de 10°, 45°, ou 90°; stimuli rares) produit une composante MMN. Cette composante est observée lorsque les sons sont présentés à travers des haut-parleurs ou quand ils sont présentés avec un casque d'écouteurs (Paavilainen et al., 1989).
Aucun équivalent à la cette composante auditive n'est actuellement clairement déterminé en vision. Nous avons donc cherché un indice semblable pour la modalité visuelle qui serait produit par des stimuli visuels rares dans des situations 'visuelles passives'. Nous avons étudié les potentiels évoqués par des stimuli visuels rares et fréquents se différenciant uniquement au niveau de leur localisation dans l'espace. Le chapitre 6 de ce travail (étude 1) présente les résultats de cette recherche effectuée chez des sujets normaux. Les caractéristiques (latence, amplitude et topographie) de cette nouvelle composante sont spécifiées ainsi que des hypothèses sur les générateurs sous-jacents à une telle composante visuelle.
Les processus attentionnels dans les modalités auditive et visuelle peuvent être analysés à partir de tâches comportementales d'attention sélective portant sur certaines cibles. Ces tâches peuvent être étudiées chez des patients présentant des lésions cérébrales pouvant entraîner des difficultés à effectuer correctement la tâche pour certaines cibles. L'étude de tels patients permet de mettre en évidence l'implication des zones lésées dans les processus mis en jeu dans la tâche. Les patients héminégligents, affectés de lésions cérébrales concernant dans une grande majorité des cas, les régions temporo-pariétales de l'hémisphère droit, présentent des difficultés, notamment, à détecter des objets ou des événements se situant sur leur gauche (chapitre 2). La présence de déficits visuels a été largement documentée dans la littérature. Nous avons par exemple abordé les études et le modèle de Posner (chapitres 1 et 2) qui suggèrent, chez ces patients, un déficit au niveau du désengagement de l'attention visuo-spatiale. La présence de déficits visuels est prédominante dans ce syndrome, bien que des difficultés auditives aient été observées dans plusieurs études.
Dans le but de déterminer si les déficits pouvaient apparaître dans une modalité indépendamment de l'autre, nous avons comparé chez un même groupe de patients, les déficits auditifs et/ou visuels dans une tâche de détection de cibles latéralisées à droite ou à gauche. De plus, nous avons analysé leurs performances afin de préciser si les déficits éventuels dans ces modalités présentaient des variations similaires, comme par exemple une augmentation des difficultés à détecter les cibles lorsqu'elles sont de plus en plus latéralisées. Cette étude devait donc permettre de spécifier les déficits auditifs qui restent encore peu analysés et de déterminer si une héminégligence auditive peut apparaître sans héminégligence visuelle. Finalement, cette étude avait pour objectif plus général de préciser si des lésions situées dans les zones temporo-pariétales de l'hémisphère droit peuvent entraîner des déficits à la fois visuels et auditifs.
Nous avons décrit ci-dessus les possibilités et les avantages de pouvoir étudier les processus attentionnels à partir des potentiels évoqués (chapitre 3). Nous avons également expliqué que les zones cérébrales sous-jacentes aux différentes composantes reflétant des processus attentionnels ne sont pas encore clairement bien déterminées (chapitre 1). Nous rappelons que sur l'ensemble des études sur l'attention, le lobe pariétal est la structure la plus souvent citée. Les études des bases neurales de certains processus peuvent porter sur l'analyse de groupes de patients présentant des lésions focalisées dans certaines zones cérébrales (qui semblaient être impliquées dans les processus attentionnels chez le sujet sain). Nous avons étudié les potentiels évoqués recueillis chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales droites. Ces patients présentaient une héminégligence (chapitre 2) qui, selon beaucoup d'auteurs, serait liée à des déficits attentionnels concernant spécifiquement l'espace gauche (chez des patients affectés de lésions dans l'hémisphère droit). Certains modèles explicatifs de l'héminégligence ont mis en cause des processus attentionnels dont la nature n'est pas clairement précisée. Le modèle de Gainotti en revanche postule clairement la présence de déficit attentionnel automatique dans l'héminégligence. Dans le but de mieux comprendre la nature des mécanismes incriminés dans l'héminégligence d'une part, et de préciser le rôle du lobe pariétal dans les processus attentionnels d'autre part, nous avons analysé les processus attentionnels automatiques et ceux contrôlés à l'aide des potentiels évoqués.
Etude 1 - Chapitre 6: Etude des processus attentionnels automatiques à travers la recherche d'une composante MMN visuelle similaire à celle observée dans la modalité auditive. Analyse des potentiels évoqués chez des sujets normaux recueillis dans une situation de perception passive de stimuli visuels.
Etude 2 - Chapitre 7: Analyse et comparaison des déficits auditifs et visuels dans l'héminégligence. Résultats des tests cliniques et des réponses comportementales d'un groupe de 10 patients héminégligents.
Etude 3 - Chapitre 8: Etude des processus attentionnels auditifs au moyen des potentiels évoqués auditifs recueillis chez des patients et des sujets témoins dans des situations de perception passive de sons (situations 'auditive passive') et des situations d'orientation spatiale de l'attention (détections de cibles latéralisées, situations appelées 'auditive attentive').
Etude 4 - Chapitre 9: Etude des potentiels évoqués visuels chez des patients et des sujets témoins recueillis dans des situations similaires à celles de l'étude 3 mais contenant uniquement des stimuli visuels (présentés dans des situations 'visuelle passive' et 'visuelle attentive').
Nous précisons déjà deux points méthodologiques importants pour la compréhension générale de ces études:
Les 4 études présentées dans les chapitres 6 à 9 ont des caractéristiques méthodologiques communes décrites ci-dessous. L'étude 1, présentée dans le chapitre 6, concerne l'attention automatique visuelle, elle porte uniquement sur des sujets normaux. Les chapitres 7 à 9 portent essentiellement sur l'étude des processus attentionnels chez des patients héminégligents et des sujets témoins. Le chapitre 7 présente une étude clinique et comportementale (étude 2). Le chapitre 8 porte sur les potentiels évoqués auditifs et le chapitre 9 sur les potentiels évoqués visuels. Une partie des stimuli utilisés dans ces 4 études est similaire, ils sont donc présentés dans le présent chapitre. De plus, les techniques d'acquisition et d'analyse des potentiels évoqués utilisées dans les trois études 1, 3 et 4 sont également expliquées ci-dessous. En revanche, les aspects méthodologiques propres à chaque étude sont présentés dans le chapitre correspondant à l'étude en question. De plus, bien que les patients héminégligents aient été étudiés dans les chapitres 7 à 9, leurs caractéristiques (âge, sexe, lésions, symptômes,...) sont présentées uniquement dans le présent chapitre et dans le chapitre 7 (tests cliniques notamment).
10 patients (études 2 à 4) présentant des signes cliniques d'héminégligence (évalués par les tests présentés dans l'étude 2) ont été étudiés. Certains de ces patients étaient hospitalisés dans le Service de Rééducation Neurologique de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, d'autres venaient un ou deux jours par semaine en rééducation dans ce service. Tous ces patients présentaient des lésions localisées dans l'hémisphère droit (Fig. 17). La majorité des lésions (80%) concernaient le territoire sylvien et provenaient d'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique (Tabl. 2). Toutes les lésions concernaient au minimum la région temporo-pariétale de l'hémisphère droit. Ce groupe était constitué de 6 femmes et de 4 hommes. L'âge moyen du groupe de patients était de 48,6 ans ± 13,3. Le nombre de semaines entre le moment de la lésion et celui des examens correspondant aux études variait de 7 à 152 semaines (moyenne: 51 semaines ± 46). Ces caractéristiques sont présentées pour chaque patient dans le tableau 2.
Un test de latéralité a confirmé que ces patients étaient tous droitiers. Leur acuité visuelle était normale ou corrigée avec leurs lunettes habituelles fixées sur le casque EEG. Leur oeil directeur était systématiquement l'oeil droit. Ces patients ne présentaient pas d'hémianopsie aux tests effectués lors de leur suivi médical normal (tests de Goldman généralement). Leur acuité auditive était vérifiée à l'aide d'un audiogramme. Les patients présentés ici, et retenus pour ces études, ont tous une audition normale. De plus, les intensités sonores utilisées dans ces études étaient largement au-dessus du seuil normal d'audition.
Tous les patients ont été informés en détail des études auxquelles ils allaient participer. Une feuille expliquant le contexte et le but de ces études leur était donnée (annexe 1). Après s'être assuré qu'ils avaient bien compris cette feuille, les patients devaient signer le 'Consentement de participation' (annexe 2) avant de pouvoir commencer ces études. Ils ont tous participé bénévolement à ces études en étant dûment informés.
Le groupe de sujets témoins (études 2 à 4) était constitué de 6 femmes et de 4 hommes dont la moyenne d'âge était de 49,0 ans ± 12,2. Ce groupe de sujets était apparié en âge et en sexe à celui des patients. Les sujets témoins étaient tous droitiers et d'oeil directeur droit. Ils étaient indemnes de tout historique neurologique. Ils participaient tous bénévolement à ces études après avoir été informés de leur contexte et de leur but. Nous rappelons que ce groupe, appelé 'sujets témoins' n'est pas le même que celui étudié dans le chapitre 6 ('sujets normaux').
Les sons utilisés dans cette étude correspondent à des sources sonores situées à 20° ou 60° sur la droite ou la gauche du sujet (Fig. 19). Afin d'obtenir de telles localisations, nous avons combiné des sons présentés à chaque oreille de manière à créer deux sons venant de la droite du sujet et deux sons venant de la gauche. Comme nous l'avons vu ci-dessus (chapitre 1.1.4.1.), notre système auditif utiliserait différents mécanismes différents de localisation spatiale dont deux seraient prédominants: l'un se basant sur un décalage temporel entre les signaux parvenant à chaque oreille (correspondant en fait à la phase du signal), et l'autre utilisant la différence d'intensité des sons perçus par chaque oreille. Les études portant sur ces mécanismes ont été effectuées le plus souvent en champ libre (avec des haut-parleurs) en immobilisant la tête du sujet. Cependant, il est possible d'utiliser un casque d'écouteurs et de synthétiser artificiellement des sons purs ou complexes. En effet, la phase et l'intensité de chaque harmonique peuvent être ajustées de manière à ce que les différences de phase (importantes pour les sons de basse fréquence) et d'intensité (importantes pour les sons de hautes fréquences) des sons présentés à chaque oreille conduisent le système auditif à interpréter les signaux perçus comme provenant de sources sonores placées à différents endroits. Nous nous sommes donc basés sur ces effets pour présenter avec des écouteurs des sons dont la perception correspondrait à des angles de 20° ou de 60° sur la droite ou la gauche du sujet (Fig. 18).
Les sons utilisés dans ce travail sont des sons complexes, créés par synthèse additive des harmoniques. La fréquence fondamentale des sons est de 200 Hz et le spectre va de 200 à 2000 Hz. Chaque son a une intensité globale de 80 dB et une durée de 80 ms. L'intervalle interstimulus (du début de la présentation du stimulus au début de la présentation du stimulus suivant) varie aléatoirement entre 1000 et 2000 ms. Ils sont présentés à travers un casque d'écouteurs. L'amplitude et la phase de chaque harmonique ont été manipulées de manière à correspondre physiquement à ce qui serait réellement perçu si les signaux parvenant à chaque oreille provenaient d'une source sonore située à droite ou à gauche du sujet. Nous avons calculé les différences de phase et d'intensité entre le signal parvenant à l'oreille proche de la source (du même côté) et celui parvenant à l'autre oreille (Fig. 18) pour des sources sonores positionnées à 20° ou à 60° (à droite ou à gauche). A partir de ces données, nous avons déterminé la phase et l'intensité de chaque harmonique formant le signal présenté dans l'oreille située du côté opposé à la source (signal 1 lorsque la source est située à 20° et signal 2 lorsqu'elle est située à 60°). Les harmoniques formant le signal délivré dans l'oreille située du même côté que la source ont toutes la même phase (0°) et la même intensité (80 dB).
Signal 1: Son le plus intense, sans modification de la phase des harmoniques,
Signal 2: Son moins intense, avec une petite modification des harmoniques (colonne de gauche de la figure 18),
Signal 3: Son le moins intense, avec une modification importante de la phase des harmoniques (colonne de droite de la figure 18).
*pour une source sonore située à 20° (colonne de gauche) ou à 60° (colonne de droite). Indication des deux types de différences pour des harmoniques allant de 200 à 2000 Hz (avec un pas de 200 Hz correspondant à la fréquence fondamentale d'un son complexe).
Nous précisons que nous n'avons pas utilisé un réel décalage temporel entre les signaux parvenant aux oreilles. Nous avons pris en compte des décalages de phase qui correspondent indirectement à un décalage temporel: les signaux sont présentés simultanément aux deux oreilles mais ils contiennent des différences de phase similaires à celles qui seraient observées si les signaux atteignaient successivement les oreilles. Six combinaisons différentes des signaux présentés simultanément dans chaque oreille ont été effectuées (Tabl. 3).
En plus des sons situés à 60° et à 20° sur la droite et la gauche du sujet, deux conditions supplémentaires contenant des sons présentés monauralement soit à l'oreille gauche soit à l'oreille droite ont été utilisée dans les expériences 2 et 3. L'ensemble de ces combinaisons a donc permis de créer 6 sources sonores différentes: 20° gauche et droite, 60° gauche et droite, sons monauraux à gauche et à droite.
Nous avons utilisé 4 diodes électroluminescentes de couleur rouge et d'intensité 0,5 cd. Une diode supplémentaire a été utilisée, également de couleur rouge mais d'intensité plus faible (1mcd). Ces diodes étaient situées sur un panneau rond à fond noir ayant un diamètre de 1.5 m, placé à 80 cm du sujet. Une diode (la moins intense) était située en face du sujet, son angle correspondait à 0° (Fig. 19). Cette diode était allumée durant toute la durée des enregistrements et servait de point de fixation. Deux diodes étaient situées à gauche du sujet avec des angles de 20° et de 60°, et deux diodes similaires étaient placées sur la droite du sujet avec les mêmes angles (20° et 60°). Ces angles ont été choisis en fonction de deux critères: les diodes devaient être placées à des endroits suffisamment différents pour entraîner d'éventuels effets (par exemple sur la topographie des potentiels évoqués) provenant uniquement de leur différence d'angle d'une part, et, d'autre part, les stimuli visuels ne devaient pas atteindre la rétine au niveau de la tâche aveugle. Ces quatre diodes correspondent aux diodes les plus intenses. Elles avaient une durée d'allumage de 80 ms. Leurs allumages successifs étaient séparés d'un intervalle interstimulus aléatoire compris entre 1000 et 2000 ms.
*Les 4 sources sonores sont indiquées bien que nous n'ayons pas utilisé de haut-parleurs (voir texte pour la présentation, à travers les écouteurs, des sources localisées à 20°, à 60° et des sons monauraux). Les 5 diodes rouges électroluminescentes étaient situées sur un panneau rond placé en face du sujet, à une distance de 80 cm.
L'étude 1 (chapitre 6) a porté exclusivement sur les potentiels évoqués visuels chez des sujets normaux (composantes visuelles MMN et P3a). En revanche, les études portant sur les patients se sont déroulées en trois étapes. Les patients effectuaient d'abord des tests cliniques (analyses dans le chapitre 7). Deux séances d'enregistrement EEG étaient ensuite effectuées entre 2 et 6 jours plus tard. Les deux séances étaient espacées de 1 à 7 jours. Les enregistrements électrophysiologiques des patients et des sujets témoins débutaient toujours par les situations passives (situation 'auditive passive', analysée dans le chapitre 8, et situation 'visuelle passive', analysée dans le chapitre 9). Les situations attentives étaient présentées ensuite, lors d'une autre séance d'enregistrement (situation 'auditive attentive', analysée dans le chapitre 8, et situation 'visuelle attentive', analysée dans le chapitre 9). Les situations passives étaient toujours effectuées avant les situations attentives afin de ne pas induire une quelconque charge ou orientation attentionnelle dans les situations passives. Les données comportementales étaient en fait recueillies lors des enregistrements effectués dans les situations 'auditive attentive' et 'visuelle attentive'.
Les études 1 (sujets normaux), 3 et 4 (patients et sujets témoins) débutaient par la pause des électrodes après une brève explication portant sur le déroulement de l'enregistrement. La partie comportementale de l'étude 2 ainsi que tous les enregistrements EEG étaient effectués au même endroit. Le sujet était assis sur un fauteuil confortable dans une pièce insonorisée et faiblement éclairée. Le panneau contenant les diodes était ensuite placé devant lui et un casque d'écouteur était installé. Ce casque d'écouteur délivrait un bruit blanc en continu durant toutes les expériences électrophysiologiques, pendant la présentation des diodes et des sons. Ce casque délivrait également les stimuli auditifs dans les études 2 et 3. Une fois assis dans le fauteuil, le sujet recevait la consigne qui lui était expliquée jusqu'à ce qu'elle soit bien comprise. Dans chaque étude, il lui était demandé d'abord de fixer la diode centrale allumée durant toute l'expérience et de rester le plus détendu possible, de ne faire aucun mouvement afin d'éviter tout artefact musculaire contaminant l'EEG. Il était précisé au sujet que les mouvements étaient admis entre les séquences, en se replaçant correctement en face de la diode centrale avant le début de chaque séquence. Les consignes propres à chaque situation étaient ensuite expliquées.
Lors des situations passives ('auditive passive' ou 'visuelle passive'), la consigne précisait simplement que le sujet allait entendre des sons dans son casque d'écouteurs ou que les petites ampoules rouges placées sur le panneau allaient s'allumer et s'éteindre (études 1, 3 et 4). Aucune tâche n'était demandée au sujet. Il ne recevait aucune indication sur les séquences de stimulation. Après chaque séquence, une pause d'une minute environ était effectuée.
Dans la situation attentive ('auditive attentive' ou 'visuelle attentive'), en plus des consignes portant sur l'attitude détendue et immobile nécessaire à l'enregistrement, le sujet recevait des précisions sur les séquences de stimulation ainsi que sur la tâche qu'il avait à effectuer (études 3 et 4). Il lui était indiqué que chaque séquence contenait deux types de sons (ou lumières) différents, certains sons (ou lumières) étaient les cibles. Dès que ces cibles étaient perçues, il fallait appuyer le plus rapidement possible sur le bouton. Aucune réponse n'était demandée pour les autres stimuli. Les consignes données oralement précisaient l'emplacement des stimuli, il était également indiqué avec le doigt à chaque séquence. Aucune précision sur la fréquence des cibles n'était donnée. Avant chaque séquence, les stimuli étaient des cibles étaient clairement indiqués. La consigne précisait l'importance de répondre non seulement correctement mais également le plus rapidement possible. Certains patients présentant des déficits sensitifs ou moteurs dans la main gauche, le bouton-réponse était placé toujours dans la main droite. La réponse était donnée par l'appui du pouce sur un bouton.
En audition (présentation d'un son) comme en vision (allumage d'une diode), les séquences contiennent chacune 100 stimuli. Elles sont composées de deux types de stimuli: l'un est présenté 80 fois (probabilité d'occurrence de 80 %), il s'agit des stimuli 'fréquents'. L'autre type de stimulus est présenté 20 fois (probabilité d'occurrence de 20 %), ils sont appelés stimuli 'rares' dans les situations passives ou stimuli 'cibles' dans les situations attentives. La différence physique entre ces deux types de stimuli portait sur leur côté de présentation uniquement (ils ont donc le même angle). Chaque séquence contenait soit des stimuli auditifs, soit des stimuli visuels. 4 séquences avec des stimuli visuels et 6 séquences avec des stimuli auditifs ont été utilisées (Tabl. 4).
L'ordre des séquences a été tiré au sort dans un premier temps, puis arrangé de manière à ce que deux séquences successives contiennent le plus rarement possible des stimuli dans la même modalité ou des stimuli rares (ou cibles) du même côté. Cela a été effectué afin de ne pas induire de la facilité ou de la fatigue dans la détection des stimuli qui seraient longtemps présentés dans la même modalité ou du même côté. De plus, les séquences ont été présentées dans un sens (séquences 1 à 10) pour la moitié des sujets, et dans l'autre sens pour l'autre moitié des sujets. Finalement, les mêmes séquences dans le même ordre ont été présentées dans les situations passives puis dans les situations attentives. Ces séquences ont été utilisées dans les études 1 à 4, elles ont permis d'étudier les potentiels évoqués et les réponses comportementales de la manière suivante:
Etude 1: Séquences 2, 4, 6 et 8 présentées dans le cadre de la situation 'visuelle passive' pour un groupe de sujets normaux. Les potentiels évoqués visuels recueillis lors de ces séquences sont présentés dans le chapitre 6.
Etude 2: Séquences 1 à 10 présentées dans le cadre des situations 'auditive attentive' et 'visuelle attentive' permettant de recueillir les réponses comportementales analysées dans le chapitre 7.
Etude 3: Séquences 1, 3, 5, 7, 9 et 10 présentées au groupe de patients et au groupe de sujets témoins, lors de l'enregistrement contenant, notamment, la situation 'auditive passive' et lors de l'enregistrement contenant, notamment, la situation 'auditive attentive'. Ces séquences ont permis de recueillir les potentiels évoqués auditifs (évoqués par les stimuli rares, cibles ou fréquents) analysés dans le chapitre 8.
Etude 4: Séquences 2, 4, 6 et 8 présentées aux groupes de patients et de sujets témoins, lors de l'enregistrement contenant, notamment, la situation 'visuelle passive' et lors de l'enregistrement contenant, notamment, la situation 'visuelle attentive'. Les potentiel évoqués visuels recueillis lors de ces séquences sont présentés dans le chapitre 9.
A partir de ces 10 séquences, 10 conditions expérimentales ont été définies. Chaque condition expérimentale ne contient qu'un seul type de stimulus, les conditions sont nommées en fonction des caractéristiques (angle et côté de présentation) des stimuli rares ou cibles. Chaque condition expérimentale contient des stimuli rares (ou cibles) et des stimuli fréquents ayant les mêmes caractéristiques physiques. Ces stimuli n'ont donc pas été présentés dans les mêmes séquences. Certaines composantes du potentiel évoqué sont mises en évidence à partir de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli rares (ou cibles). Il était important que les deux types de potentiels utilisés dans cette soustraction aient les mêmes caractéristiques physiques, même s'ils ne sont pas recueillis dans les mêmes séquences. Les différences que nous avons étudiées dans ce travail ne proviennent donc pas d'une différence de caractéristiques physiques entre les stimuli rares et fréquents (par exemple le côté de présentation) mais uniquement d'une différence portant sur le probabilité d'apparition (rares ou cibles -20 %- par rapport à fréquents -80 %-).
Les enregistrements EEG ont été effectués à l'aide d'un casque ElectroCap contenant 64 électrodes réparties sur le scalp selon le système international 10-20 (Fig. 20). L'activité oculaire verticale (clignements et mouvements des yeux) a été enregistrée et soustraite de l'enregistrement brut grâce à un programme de correction automatique des mouvements oculaires (Gratton, Coles et Donchin, 1983) adapté pour le laboratoire CNRS UPR-640 dans lequel les enregistrements ont été effectués. De plus, les mouvements oculaires horizontaux ont été enregistrés puis éliminés après coup lors de l'inspection visuelle de l'enregistrement, à partir des tracés EEG. La 'demi-somme' des potentiels électriques, recueillis grâce à deux électrodes placées au niveau des oreilles a été utilisée comme référence.
La ligne de base qui permet de mesurer des valeurs instantanées de potentiel est la moyenne arithmétique d'un certain nombre de points précédant une stimulation. Dans toutes ces études, elle a été calculée pour chaque électrode sur les 200 ms précédant chaque stimulus. Après un filtrage analogique (bande passante de 0,3-100 Hz), les données ont été échantillonnées à la fréquence de 500 Hz et stockées durant l'enregistrement sur un ordinateur. Elles ont été ensuite transférées sur un Microvax pour la suite de leur traitement.
Les potentiels évoqués ont été obtenus par moyennage de l'EEG entre -200 et 1000 ms après la présentation des stimuli. Les données ont été finalement filtrées à l'aide d'un filtre numérique passe-bas 14 Hz. Les potentiels ont alors été extraits en chaque point de mesure du scalp. Dans les études ci-dessous, les potentiels évoqués sont présentés de deux façons différentes. D'une part ils sont présentés graphiquement sous forme de chronogrammes qui représentent, en fonction du temps, les variations d'amplitude du potentiel entre une électrode donnée et la moyenne des deux électrodes de référence. Les densités de courant ont donné également lieu à des chronogrammes. D'autre part, toutes ces données sont également visualisées sous forme de cartes instantanées de potentiel ou de densité de courant (voir chapitre 3.1.2.). L'analyse visuelle de ces courbes et de ces cartes nous a fourni une première indication sur l'emplacement des potentiels évoqués et sur le décours temporel de leur activité.
Ce sont les mêmes variables qui ont été étudiées dans les études 1, 3 et 4; elles ont donné lieu à 7 facteurs différents:
Les caractéristiques des prises de mesures et les analyses statistiques des données comportementales ou électrophysiologiques concernant les sujets normaux (étude 1), les patients et les sujets témoins (études 2 à 4), sont présentées en partie ci-dessous. Les analyses statistiques étant nombreuses et souvent assez similaires les unes des autres, elles ont été brièvement représentées (facteurs utilisés et but de chaque analyse) dans les chapitres portant sur les résultats eux-mêmes afin de ne pas les confondre. De plus, dans un but de clarté, un bref résumé décrivant les résultats principaux est présenté à la fin de chaque chapitre (ou paragraphe) concernant les résultats des données comportementales ou des potentiels évoqués.
Nous rappelons que les potentiels évoqués auditifs et visuels ont été analysés dans les études 1, 3 et 4. La majorité des composantes des potentiels évoqués a été analysée dans une seule de ces études, seule la composante MMN visuelle a été analysée dans deux études (1 et 4). Cependant, le contexte dans lequel cette composante a été étudiée est différent entre ces deux études. Dans l'étude 1, l'objectif était de déterminer l'existence et les caractéristiques d'une composante MMN dans la modalité visuelle. Dans l'étude 2, cette composante a été recueillie chez un groupe de patients héminégligents dans le but d'étudier les mécanismes attentionnels automatiques. Les traitements (prises de mesures et analyses statistiques) effectués dans chaque étude sur cette composante sont d'ailleurs assez différents. Plusieurs composantes étudiées dans des chapitres différents ont donné lieu à des analyses similaires présentées ci-dessous. Cependant, nous avons généralement décrit les méthodes d'analyses propres à chacune de ces composantes dans le chapitre précédant la présentation des résultats de chaque composante dans chaque étude.
Les mesures d'amplitude ont été effectuées de deux façons différentes selon les composantes. Les composantes N100 auditive, N160 visuelle, P3b auditive et visuelle, présentent un pic net pour tous les sujets. Elles ont pu faire l'objet de mesures d'amplitude instantanée. Ces mesures correspondent à la valeur d'amplitude maximum, par rapport à la ligne de base, de la courbe à un instant donné au cours de la fenêtre de temps considérée. En revanche, aux latences des composantes MMN, N2b et P3a, les ondes de différence pour chaque sujet présentaient soit plusieurs pics difficilement différentiables, soit une courbe arrondie sans pic identifiable. Pour ces composantes, nous avons choisi de calculer une amplitude moyenne plutôt qu'une amplitude instantanée. Les mesures d'amplitude moyenne sur une fenêtre de temps donnée correspondent à la somme des amplitudes de chaque point, par rapport à la ligne de base, divisée par le nombre de points. La latence des composantes correspond toujours à l'instant où le pic atteint une amplitude maximale, sur la fenêtre de temps considérée.
Certaines composantes se superposent les unes aux autres sur les potentiels évoqués comme par exemple les composantes P200 et N2b en auditif. Afin d'isoler certaines composantes présentes, par exemple, sur les potentiels évoqués par les stimuli rares, il est intéressant d'étudier, pour certaines composantes, la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli rare ou cibles. Contrairement aux composantes N100 et N160 qui ont été étudiées sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents, les composantes MMN, N2b et P3b ont été étudiées généralement sur les ondes de différence provenant de la soustraction du potentiel évoqué par les stimuli fréquents au potentiel évoqué par les stimuli rares (ou cibles pour les composantes N2b et P3b).
Nous avons effectué cette soustraction en utilisant les potentiels évoqués par des stimuli rares (ou cibles) et les potentiels évoqués par des stimuli fréquents physiquement identiques (voir chapitre 5.3.2. pour les soustractions). La seule différence entre ces deux types de stimuli portait sur leur probabilité d'apparition (20% et 80%). Nous avons choisi de prendre des stimuli rares et fréquents physiquement identiques afin d'être certain que ce qui résultait de cette soustraction ne provenait que de la différence de probabilité entre ces deux types de stimuli et non d'une différence physique. Nous précisons à nouveau que les soustractions ont pris en compte des potentiels évoqués qui n'ont pas été recueillis dans la même séquence.
Les calculs de moyennage de l'EEG pour l'obtention des potentiels évoqués par les stimuli cibles (utilisés pour les composantes N2b et P3b lors des soustractions) ont pris en compte les portions de signal durant lesquels les sujets répondaient correctement aux cibles et ceux lors desquels ils ne répondaient pas. Le nombre faible, voire nul, de cibles détectées dans certaines conditions, pour les patients, nous a obligés à prendre en compte toutes les stimulations cibles (détectées ou non) lors du moyennage du signal EEG. Malgré l'absence ou le nombre peu élevé de cibles détectées de la part du sujet, les stimuli cibles évoquent des réponses EEG. Ces dernières peuvent tout de même être observées en l'absence de détection correcte, elles représentent en fait un traitement cérébral qui ne serait pas conscient puisque le sujet ne détecte pas les cibles.
Les facteurs étudiés dans toutes ces analyses ont été décrits dans le paragraphe 5.5.1. Pour chaque composante, les résultats des sujets témoins sont présentés en premier, les résultats des patients sont décrits ensuite, puis les résultats portant sur la comparaison des deux groupes sont indiqués. Les prises de mesures ont été faites généralement sur les zones au niveau desquelles l'amplitude des composantes est la plus élevée pour la majorité des sujets. Les mesures d'amplitude (amplitude instantanée ou amplitude moyenne) ont donné lieu à des analyses de variance prenant en compte le plus souvent les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' pour chaque groupe séparément. Les ANOVAs effectuées lors des comparaisons entre les deux groupes ont pris généralement en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'groupe'. Ces trois ANOVAs sont appelées ci-dessous 'analyses de variance habituelles'. Nous précisons également que, lorsque les analyses statistiques ont révélé des effets significatifs, nous avons indiqué les valeurs 'génériques' dans les résultats des analyses de variance: p < .001; p<.01; p<.05. Comme certaines analyses ont mis en évidence des effets juste au-dessus du seuil de significativité (p < .05), nous avons également pris en compte les tendances: p < .10. Les effets non significatifs n'ont généralement pas été présentés, cependant, lorsqu'ils le sont, la valeur exacte est indiquée. Pour les tests t de Student, les valeurs réelles des 'p' sont indiquées.
De plus, pour toutes les composantes, lorsque l'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' était significative, nous avons effectué des tests t de Student comparant les deux groupes entre eux pour chaque condition expérimentale séparément. Dans certaines conditions expérimentales, nous avons effectué ces tests alors que cette interaction n'était pas significative. Dans chaque condition correspondante, nous avons justifié l'utilisation de ces tests alors que l'interaction n'était pas significative.
Une partie des analyses effectuées dans les études 1, 3 et 4 est similaire, il s'agit des analyses portant non pas sur une composante donnée mais sur la comparaison du décours temporel des potentiels évoqués par les stimuli rares (ou cibles) et des potentiels évoqués par les stimuli fréquents (paragraphes 6.3.1., 8.3.2, 8.3.4., 9.3.2. et 9.3.4.). Ces analyses avaient pour but de déterminer si les deux types de potentiels évoqués se différenciaient, et de préciser la latence de ces éventuelles différences. Ces analyses ont porté sur une grande partie du décours temporel de ces potentiels: 7 fenêtres (étude 1) ou 9 fenêtres (études 3 et 4) successives de 50 ms chacune, allant de 0 à 350 ms (étude 1) et de 50 à 500 ms (études 3 et 4) ont été prises en compte. L'amplitude moyenne du potentiel a été calculée pour chaque fenêtre. Ces mesures ont été effectuées pour chaque condition expérimentale séparément. Les analyses statistiques ont été effectuées à l'aide d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'déviance' (stimuli rares (ou cibles) par rapport aux stimuli fréquents) et 'fenêtre' (les différentes fenêtres les unes par rapport aux autres). Lorsque l'interaction entre ces deux facteurs était significative, des tests t de Student ont été calculés pour chaque fenêtre séparément. Ces tests ont permis de préciser les latences auxquelles les potentiels évoqués par les stimuli rares (ou cibles) se différencient significativement des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Les caractéristiques propres à chaque analyse sont présentées dans le chapitre correspondant.
L'étude des potentiels évoqués chez des patients présentant des lésions cérébrales est souvent délicate du fait que les données enregistrées sont très bruitées. Il est d'ailleurs parfois difficile d'être certain que les ondes observées proviennent spécifiquement d'une activité cérébrale. Afin de déterminer si les pics observés sur les potentiels évoqués provenaient principalement du bruit ou s'ils étaient liés à la présence d'une certaine composante évoquée par un stimulus ou un processus donné, nous avons évalué l'importance du bruit dans nos données pour les courbes des potentiels évoqués par les stimuli rares, cibles et fréquents chez les patients et les sujets témoins (étude 3 et 4).
Nous avons calculé une 'estimation' du bruit présent dans la ligne de base pour la grande moyenne (pour chaque groupe de sujets). Nous avons pris en considération l'amplitude la plus grande (le plus grand pic) durant la ligne de base pour chaque sujet (dans chaque condition expérimentale). Nous avons choisi de mesurer ce pic pendant la ligne de base puisque durant la période précédent le stimulus aucune activité n'est corrélée à la présentation du stimulus, seul le bruit contenu dans le signal est donc présent pendant cette période. Nous avons obtenu ainsi 10 valeurs pour chaque groupe (10 sujets témoins dans un groupe et patients dans un autre groupe) dans chaque condition expérimentale. Nous avons calculé alors la moyenne, l'écart-type et l'intervalle de confiance de ces valeurs pour chaque condition. Nous avons indiqué la valeur de cet intervalle de confiance par des zones grises sur les courbes moyennes (moyennes des potentiels évoqués point par point sur les 10 sujets pour chaque groupe). Nous avons placé une zone grise (la valeur d'un intervalle de confiance) en dessus de zéro (amplitude = 0) et une zone similaire en dessous de zéro. Nous avons ainsi pu mettre en évidence les pics d'amplitude qui dépassaient donc du bruit contenu dans les données.
Nous précisons que les zones de bruit ont été indiquées uniquement sur les courbes présentant les amplitudes les plus élevées sur l'ensemble des sujets, elles ne correspondent pas systématiquement aux courbes sur lesquelles toutes les mesures ont été effectuées. Certaines analyses ont été effectuées sur des courbes dont nous n'avons pas indiqué le bruit. Cependant, nous avons vérifié que les composantes étudiées 'sortaient' effectivement du bruit pour toutes les analyses que nous avons effectuées.
De nombreux travaux ont étudié les effets de l'attention sur les potentiels évoqués dans la modalité auditive (Hillyard et al., 1973; Näätänen, 1992), dans la modalité visuelle (Mangun et Hillyard, 1988 notamment) et dans la modalité somesthésique (Desmedt et Tomberg, 1989). En revanche, peu d'études électrophysiologiques ont porté sur les effets communs à plusieurs modalités comme nous l'avons présenté dans le premier chapitre de ce travail. Des résultats comportementaux suggèrent que certains processus cognitifs puissent être communs à plusieurs modalités (multimodaux). Buchtel et Butter (1988), Bédart et al. (1993) ont, par exemple, mis en évidence que des indices visuels et des indices auditifs pouvaient améliorer les temps de réaction de détection d'une cible visuelle. De même, Farah et al. (1989) ont observé que des patients, souffrant de lésions cérébrales localisées dans le lobe pariétal, pouvaient présenter des déficits dans la modalité auditive comme dans la modalité visuelle au niveau du désengagement de l'attention dans l'espace controlatéral à l'hémisphère lésé. De telles observations suggèrent l'existence de processus attentionnels qui seraient communs à plusieurs modalités. L'étude des processus attentionnels visuels devraient donc mettre en évidence des bases cérébrales similaires à celles observées pour les processus attentionnels auditifs.
L'étude des processus attentionnels dans la modalité auditive et dans la modalité visuelle a mis en évidence la présence de plusieurs composantes différentes (le chapitre 1.1.3. présente une revue de quelques études dans ce domaine). Les composantes que l'on distingue sur les potentiels évoqués témoigneraient de différents processus dont certains refléteraient des processus attentionnels. La plupart des composantes témoignant de processus attentionnels volontaires et conscients (composantes N2b et P3b essentiellement) a été étudiée dans les deux modalités (pour une revue voir Näätänen, 1992). Depuis plusieurs années, la composante MMN a été largement étudiée, ces caractéristiques sont actuellement bien connues (Näätänen, 1992). Cependant, ces études se sont focalisées sur la modalité auditive. Son existence dans la modalité visuelle est donc encore actuellement en question. En se basant sur l'explication fonctionnelle avancée par Näätänen pour cette composante (la détection automatique d'un changement dans l'environnement), nous nous attendons à trouver l'équivalent de cet indice en modalité visuelle. Nous partons en effet du postulat que les mécanismes de la mémoire sensorielle seraient similaires dans les différentes modalités, et en particulier celui de la détection de non-concordance effectuant une comparaison de l'information qui arrive, avec celle contenue dans un modèle déjà formé. L'hypothèse alternative plaiderait en faveur de mécanismes mnésiques sensoriels spécifiques à chaque modalité.
Beaucoup d'études ont montré la présence de négativités dans les potentiels évoqués visuels en réponse à des stimuli nouveaux, attendus ou inattendus, présentés généralement dans des séquences contenant aussi des stimuli auditifs (Neville et Lawson, 1987; Nyman et al., 1990; Czigler et Csibra, 1990, 1992; Woods et al., 1992; Alho et al., 1992). A notre connaissance, une seule étude (Tales et al., 1999) a porté sur la présence spécifique de ces négativités dans des situations ne contenant que des stimuli visuels et ne demandant aucune tâche spécifique sur les stimuli rares (situations passives), similaires à celles dans lesquelles une composante MMN auditive est observée (mettant donc en jeu des processus attentionnels automatiques).
Tales et al. (1999) ont montré la présence d'une augmentation de la négativité sur les potentiels évoqués par des stimuli visuels rares présentés dans un train de stimuli visuels fréquents (tous similaires). Dans cette étude, la différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents n'est toutefois pas observée dans toutes les conditions expérimentales. Lorsque les stimuli rares sont perceptivement plus complexes que les stimuli fréquents, une augmentation de la négativité est effectivement observée au niveau des potentiels évoqués par les stimuli rares. Cependant, lorsque les stimuli visuels rares sont perceptivement moins complexes que les stimuli visuels fréquents, cette négativité est nettement moins ample. Bien que les auteurs concluent à la présence d'une composante MMN visuelle, il n'est pas possible d'exclure, à partir de leurs résultats, l'influence de la complexité perceptive des stimuli sur les effets observés.
La présente étude avait donc pour objectif de rechercher l'existence d'une composante visuelle équivalente à la composante MMN auditive. La situation dans laquelle cette composante était recherchée, était en tous points semblable à la situation dans laquelle la composante MMN auditive est évoquée. Nous avons présenté des stimuli visuels rares et des stimuli visuels fréquents sans aucune tâche à effectuer par rapport à ces stimuli. Lors des analyses, la seule différence entre les stimuli rares et fréquents a porté sur leur probabilité d'apparition. Nous avons également étudié la topographie de cette composante visuelle afin de déterminer la présence éventuelle de zones cérébrales sous-jacentes à cette composante visuelle qui pourraient être similaires à celles sous-jacentes à la composante MMN auditive.
12 sujets (7 femmes et 5 hommes) âgés de 25 à 33 ans ont été enregistrés. Ils étaient tous étudiants dans le laboratoire. Ils ont accepté librement de participer bénévolement à cette étude après avoir été dûment informé de l'étude et de la technique d'électroencéphalographie. Ces sujets étaient tous droitiers, leur oeil directeur était le droit, leur vision était normale ou corrigée.
Les 4 diodes électrolumiscentes rouges (0.5 cd) présentées dans le chapitre 5.2.2. ont été utilisées dans cette étude. Nous rappelons qu'elles étaient disposées à 60° et à 20° sur la gauche et sur la droite du sujet (Fig. 19). Une diode moins intense (1mcd) située face au sujet (0°) était allumée durant tout l'enregistrement, elle servait de point de fixation. Les 4 diodes plus intenses avaient une durée d'allumage de 80 ms et étaient séparées d'un intervalle interstimulus aléatoire compris entre 1000 et 2000 ms.
La procédure expérimentale est similaire à celle présentée dans le chapitre 5.3. concernant la situation 'visuelle passive'. Les 4 séquences de stimulation, que nous avons analysées dans cette étude, contenaient:
Dans les analyses présentées ci-dessous, ces séquences ont donné lieu à 4 conditions expérimentales dans lesquelles les potentiels évoqués par les stimuli rares ont été comparés aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents:
Nous rappelons également que, dans la situation 'visuelle passive', aucune tâche spécifique n'était demandée, le sujet recevait la consigne lui demandant de fixer la diode centrale et de rester le plus détendu possible durant toute la durée de l'EEG.
Les potentiels évoqués ont été recueillis selon la méthode détaillée dans le chapitre 5.4. Nous précisons brièvement à nouveau que 64 électrodes, réparties sur le scalp selon le montage international 10-20, ont été utilisées (Fig. 20). Les électrodes de référence étaient situées au niveau du lobe de chaque oreille. Les potentiels évoqués ont été calculés de -200 à 1000 ms après la présentation des stimuli.
Traitement des potentiels évoqués rares et fréquents
Nous rappelons que lors de toutes les comparaisons entre les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et les potentiels évoqués par les stimuli visuels fréquents, ces deux types de potentiels étaient consécutifs aux même stimuli (voir paragraphe 6.2.3. ci-dessus). De telles comparaisons ont permis d'éliminer tout effet pouvant provenir d'une différence de caractéristiques physiques entre les stimuli rares et les stimuli fréquents. Ces deux types de potentiels évoqués ont été analysés de deux façons différentes. Dans un premier temps, nous avons étudié une grande partie de la durée des potentiels évoqués (de 0 à 350 ms) afin de déterminer si les potentiels évoqués par les stimuli rares se différenciaient des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Ces analyses préliminaires avaient pour objectif de rechercher l'existence de différences entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents, et d'en déterminer la latence. Elles correspondent aux analyses portant sur les fenêtres de 50 ms décrites dans le chapitre 5.5.3.6. portant sur la méthodologie commune aux différentes études présentées dans ce travail. Dans un deuxième temps, les analyses ont étudié plus spécifiquement ces deux types de potentiels aux latences auxquelles ils se différenciaient. Ces dernières analyses avaient pour but de déterminer si les différences entre ces deux types de potentiels variaient en fonction de l'angle ou du côté de présentation des stimuli.
Nous rappelons que les premières analyses ont porté sur les amplitudes moyennes de 7 fenêtres de 50 ms allant de 0 à 350 ms. Nous avons effectué une analyse de variance pour chaque condition expérimentale séparément. Ces analyses ont pris en compte les amplitudes moyennes recueillies sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes, au niveau d'une zone comprenant 4 électrodes sur l'hémisphère gauche lorsque les stimuli se situaient à droite (moyenne des électrodes C1, C3, CP3 et CP5) et 4 électrodes sur l'hémisphère droit lorsque les stimuli se situaient à gauche (moyenne des électrodes C2, C4, CP4 et CP6). Les analyses de variance ont porté sur les mesures recueillies au niveau de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes uniquement, en prenant en compte les facteurs 'déviance' (stimuli rares par rapport aux stimuli fréquents) et 'fenêtre' (les 7 fenêtres temporelles de 50 ms). Pour les conditions présentant une interaction significative entre les facteurs 'déviance' et 'fenêtre', des tests t de Student ont été effectués. Ces tests ont comparé les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents pour chaque fenêtre séparément. Ils ont permis de préciser les latences auxquelles les deux types de potentiels évoqués se différenciaient significativement.
Traitement de la composante MMN visuelle
L'étude spécifique de la composante MMN visuelle a été effectuée ensuite à partir des résultats observés dans les analyses portant sur les 7 fenêtres temporelles. Nous rappelons que ces analyses avaient pour but de déterminer la présence de la composante MMN visuelle. La latence de cette composante correspond à la latence de la première différence significative d'amplitude entre les deux types de potentiels évoqués (ajustée, pour ces analyses, de 140 à 200 ms après la présentation des stimuli). Les zones, sur lesquelles ces mesures devaient être effectuées, ont été déterminées à partir des ondes de différences provenant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli rares pour chaque condition (voir le paragraphe 5.5.2.3. pour les soustractions). Afin d'étudier d'éventuelles variations topographiques, ces mesures ont été effectuées sur l'hémisphère gauche au niveau des électrodes FC1, FC3, C1, C3, CP1, CP3 et sur l'hémisphère droit au niveau des électrodes FC2, FC4, C2, C4, CP2, et CP4. Ces électrodes ont été réparties en trois zones différentes pour les analyses statistiques: zone fronto-centrale (électrodes FC1-FC3 et FC2-FC4), zone centrale (électrodes C1-C3 et C2-C4) et zone centro-pariétale (électrodes CP1-CP3 et CP2-CP4). L'analyse de variance de ces mesures a porté sur les facteurs 'déviance' (stimuli rares par rapport aux stimuli fréquents), 'côté de présentation ' (gauche par rapport à droite), 'angle' (60° par rapport à 20°), 'hémisphère' (hémisphère gauche par rapport à hémisphère droit) et 'zone' (la zone fronto-centrale par rapport à la zone centrale par rapport à la zone centro-pariétale).
Traitement de la composante P3a visuelle
La présence de la composante P3a a également été déterminée à partir des analyses effectuées sur les 7 fenêtres temporelles. La latence de cette composante correspond à la deuxième période de différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Cependant, la composante P3a a été étudiée directement au niveau des ondes de différence, contrairement à la composante MMN. Les mesures d'amplitude moyenne ont été calculées sur une fenêtre allant de 250 à 300 ms après la présentation des stimuli au niveau des électrodes C3, C1, CZ, C2 et C4. L'étude des variations d'amplitude et de latence en fonction du côté et de l'angle de présentation des diodes, a été effectuée à l'aide d'analyses de variance portant sur les facteurs 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droite), 'angle' (60° par rapport à 20°) et 'électrode' (les 5 électrodes citées ci-dessus).
Les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et fréquents présentent plusieurs composantes successives (Fig. 21 à 24). La première onde clairement identifiable correspond à la composante P100. Elle est suivie de la composante N160 puis de la composante P200. Ces ondes reflètent l'activité des différentes zones du cortex visuel impliquées dans la perception visuelle. Cette étude ayant pour objectif de rechercher la présence d'un indice visuel équivalent à la composante MMN auditive, ces ondes n'ont pas fait l'objet d'analyses spécifiques pour elles-mêmes.
En revanche, dans le but de mettre en évidence toutes les différences éventuelles entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents, nous avons effectué des analyses sur 7 fenêtres successives de 50 ms chacune, de 0 à 350 ms. Ces mesures ont été recueillies au niveau des électrodes C1, C3, CP3 et CP5 sur l'hémisphère gauche et C2, C4, CP4 et CP6 sur l'hémisphère droit. Nous rappelons que dans les premières analyses présentées ici, nous avons étudié les mesures effectuées sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes uniquement. Les analyses de variance effectuées sur ces données ont pris en compte les facteurs 'fenêtre' et 'déviance'.
*Les composantes P100, N160 et P200 sont indiquées sur les courbes provenant de l'électrode CP6. L'augmentation de la négativité pour les potentiels évoqués par les stimuli rares par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents est présente entre 150 et 200 ms, essentiellement dans les zones fronto-centrales. Elle correspond à la composante MMN visuelle. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées en bas de la figure, sur les courbes de l'électrode OZ.
*(voir légende de la figure 21)
*(voir légende de la figure 21)
*(voir légende de la figure 21)
Les analyses statistiques ont mis en évidence un effet principal significatif du facteur 'fenêtre' pour chaque condition expérimentale (60° gauche: F (6,66) = 16,70; p < .005; 20° gauche: F (6,66) = 12,16; p < .005; 20° droite: F (6,66) = 9,42; .005 et 60° droite: F (6,66) = 7,65; p < .005). Les amplitudes des potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents varient globalement en fonction des fenêtres de temps considérées: l'amplitude est assez faible pour les deux premières fenêtres, elle est nettement plus ample et de polarité négative au cours des fenêtres 3 et 4. Elle devient positive pour les fenêtres 5 et 6 et finalement, elle est à nouveau assez faible pour la dernière fenêtre (Fig. 25). Le facteur 'déviance' ne présente pas d'effet principal significatif.
Ces analyses ont également montré une interaction significative entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' dans les 4 conditions expérimentales (60° gauche: F (6,66) = 5,43; p < .005; 20° gauche: F (6,66) = 4.93; p < .005; 20° droite: F (6,66) = 2,82; p < .05 et 60° droite: F (6,66) = 2,57; p < .05). Selon cette interaction, l'effet du facteur 'déviance' varie en fonction de la fenêtre de temps considérée. La différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents semble effectivement plus importante pour les fenêtres 4 et 6 que pour les autres fenêtres (Fig. 25).
En résumé, ces analyses ont mis en évidence l'existence une différence significative entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Cette différence, présente dans toutes les conditions expérimentales, semble toutefois être plus importante à certaines latences. Dans les analyses présentées ci-dessous, nous avons donc cherché à déterminer précisément les fenêtres de temps dans lesquelles le facteur 'déviance' présentaient un effet significatif. Des tests t de Student ont été effectués pour chaque fenêtre séparément, comparant les valeurs observées lorsque les stimuli sont rares à celles recueillies lorsque les stimuli sont fréquents. Les résultats de ces tests sont présentés dans le tableau 5 ci-dessous.
Ces tests ont mis en évidence une différence significative (ou approchant du seuil de significativité) entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et les stimuli fréquents principalement pour les fenêtres 4 et 6. Cette différence va dans le même sens pour les 4 conditions expérimentales dans ces 2 fenêtres: les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares sont plus amples que les potentiels évoqués par les stimuli visuels fréquents (Fig. 25). Cependant, la polarité est différente entre ces deux fenêtres: dans la fenêtre 4, les amplitudes sont négatives alors que dans la fenêtre 6 elles sont positives. Ces différences d'amplitude peuvent être également observées sur les courbes de potentiel (Fig. 21 à 24).
*Valeurs moyennes des amplitudes recueillies sur les électrodes C1, C3, CP3 et CP5 lorsque les diodes se situent à droite et des électrodes C2, C4, CP4 et CP6 lorsque les diodes se situent à gauche. Moyenne des 12 sujets.
Ces analyses ont donc permis de préciser les fenêtres de temps dans lesquelles apparaissent des différences entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents. Nous avons ainsi montré que les potentiels évoqués par les stimuli rares se différencient des potentiels évoqués par les stimuli fréquents environ 150 à 200 ms et 250 à 300 ms après la présentation des diodes. Nous avons analysé ci-dessous plus en détail les caractéristiques de ces effets dans les fenêtres 4 et 6 séparément. L'augmentation de la négativité des potentiels évoqués par les stimuli rares par rapport aux stimuli fréquents, observée dans la fenêtre 4 est appelée dès maintenant 'MMN visuelle', bien que la justification de l'attribution de ce nom soit abordée dans la discussion ci-dessous. De plus, l'augmentation de la positivité des potentiels évoqués par les stimuli rares correspond à ce qui est habituellement observé pour la composante P3a comme nous l'avons également abordé dans la discussion de ces résultats. Nous avons donc appelé 'composante P3a' l'effet du facteur 'déviance' observé dans la fenêtre 6.
*Ces tests ont été effectués séparément pour chacune des 7 fenêtres de temps dans chaque condition expérimentale. Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
Nous rappelons que les premières analyses effectuées ci-dessus avaient pour objectif de déterminer s'il existait une différence significative d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Une augmentation significative de la négativité des potentiels évoqués par les stimuli rares par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents a été observée (Fig. 25 et Tabl. 5) dans les analyses concernant la fenêtre 4 notamment (150-200 ms). Sur les courbes des potentiels (Fig. 21 à 24), on peut observer que cette différence commence déjà 120 - 140 ms après la présentation des stimuli visuels et qu'elle persiste jusqu'à 200 ms. Les analyses plus détaillées présentées ci-dessous ont porté sur des mesures d'amplitude moyenne dont nous avons ajusté la latence de 140 à 200 ms pour toutes les conditions expérimentales.
Afin de déterminer plus spécifiquement les zones du scalp pour lesquelles la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents est la plus importante, nous avons étudié la cartographie des ondes de différence. Les cartographies de ces ondes de différence montrent un pic négatif atteignant une amplitude maximale sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 26) essentiellement au niveau des électrodes centrales et centro-pariétales (proche de C1/C3/CP3 sur l'hémisphère gauche et C2/C4/CP4 sur l'hémisphère droit). Le décours temporel de ces ondes de différences est présenté ci-dessous (Fig. 26) au niveau des électrodes C1 et C2. Ces deux électrodes ont été choisies pour illustrer ces ondes du fait qu'elles correspondent approximativement aux zones communes aux 4 conditions expérimentales dans lesquelles la différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents est la plus grande.
Les mesures d'amplitude moyenne entre 140 et 200 ms ont été effectuées sur les électrodes FC1, FC3, C1, C3, CP1, CP3 au niveau de l'hémisphère gauche et sur les électrodes FC2, FC4, C2, C4, CP2, et CP4 au niveau de l'hémisphère droit. Nous rappelons que l'analyse de variance effectuée sur ces mesures a pris en compte les facteurs 'déviance' , 'côté de présentation', 'angle', 'hémisphère' et 'zone'. Nous rappelons que ces analyses avaient principalement pour but de déterminer si la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents variait, au niveau de son amplitude et/ou de sa topographie, en fonction de l'angle et/ou du côté de présentation des stimuli visuels.
Les résultats de cette analyse de variance ont montré un effet principal significatif du facteur 'déviance' (F (1,11) = 18,71; p < .005), du facteur 'zone' (F (2,22) = 4,12; p< .05) et du facteur 'hémisphère' (F (1,11) = 24,25; p < .005). L'effet du facteur 'déviance' confirme ce qui a été observé ci-dessus dans les analyses portant sur la fenêtre 4: l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli visuels rares est plus élevée que l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli fréquents (Fig. 27). L'effet du facteur 'zone' va dans le sens d'une amplitude plus élevée dans les zones fronto-centrales et centrales que dans la zone centro-pariétale. Le dernier effet principal significatif concerne le facteur 'hémisphère': l'amplitude est globalement plus élevée sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche. Les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle' ne présentent aucun effet principal significatif.
*Décours temporel en microvolts (ligne du milieu) des ondes de différence au niveau de l'électrode C2 lorsque les diodes se situent à gauche et au niveau de l'électrode C1 lorsque les diodes se situent à droite. Cartographies du potentiel de la composante MMN (ligne en haut) et de la composante P3a (ligne en bas) à la latence des pics d'amplitude maximum. Les échelles pour chaque carte sont indiquées. Les noms des composantes sont indiqués à droite de la figure.
En ce qui concerne les interactions dans cette analyse, les facteurs 'déviance' et 'zone' présentent une interaction significative (F (2,22) = 3,80; p < .05) qui va dans le sens d'une différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents globalement plus ample au niveau des zones fronto-centrales et centrales que de la zone centro-pariétale (Fig. 27). Ce résultat va dans le même sens que l'interaction entre les facteurs 'électrode' et 'déviance' observée ci-dessus lors des analyses des 7 fenêtres temporelles (chapitre 6.3.1.). Il peut également s'observer sur les cartographies des ondes de différence (Fig. 26): l'amplitude des ondes de différence culmine dans les régions proches des électrodes fronto-centrales.
Les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' interagissent également significativement (F (1,11) = 224,86; p < .01). Cette interaction confirme que l'amplitude des potentiels évoqués est globalement plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 27). L'interaction entre les facteurs 'déviance' et 'hémisphère' est aussi significative (F (1,11) = 5,21; p < .05). Selon cette interaction, la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents est globalement plus ample sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche (Fig. 27).
Finalement, l'interaction triple prenant en compte les facteurs 'déviance', 'hémisphère' et 'côté de présentation des stimuli' est significative (F (1,11) = 22,29; p < .001). Selon cette interaction, la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents est plus ample sur l'hémisphère droit lorsque les diodes se situent à gauche, et plus ample sur l'hémisphère gauche lorsque les diodes se situent sur la droite (Fig. 27). Cette différence est donc plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes
Cette analyse confirme l'existence d'une différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents. De plus, elle met en évidence une amplitude des potentiels évoqués plus élevée au niveau de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes. Cependant, d'une manière plus générale (sans différencier les deux cotés de présentation des diodes), la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents est significativement plus ample sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche (d'après l'effet principal du facteur 'hémisphère'). Aucun effet significatif pour les mesures de la latence (recueillies sur les mêmes électrodes et analysées en fonction des mêmes facteurs) n'a été observé.
*(en bleu, moyenne des électrodes FC1 et FC3 pour l'hémisphère gauche et moyenne des électrodes FC2 et FC4 pour l'hémisphère droit), sur la zone centrale (en rouge, moyenne des électrodes C1 et C3 pour l'hémisphère gauche et moyenne des électrodes C2 et C4 pour l'hémisphère droit) et sur la zone centro-pariétale (en vert, moyenne des électrodes CP1 et CP3 pour l'hémisphère gauche et moyenne des électrodes CP2 et CP4 pour l'hémisphère droit) pour chaque condition expérimentale. Moyenne des 12 sujets.
L'analyse des potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents a révélé, ci-dessus, une différence significative d'amplitude entre ces deux types de potentiels dans la fenêtre 6 allant de 250 à 300 ms (Fig. 25 et Tabl. 5). Les cartographies des ondes de différence (Fig. 26) montrent que cette différence d'amplitude, correspondant à une augmentation de la positivité des potentiels évoqués par les stimuli rares, atteint un maximum dans les régions centrales (électrodes C1-CZ-C2). Afin d'étudier les variations de cette composante en fonction du côté et de l'angle de présentation des diodes, nous avons effectué, pour chaque condition expérimentale, des mesures d'amplitude moyenne sur les ondes de différence uniquement (provenant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli rares). Contrairement à la composante MMN visuelle qui a pu être observée sur les potentiels évoqués par les stimuli rares et par les stimuli fréquents, la composante P3a est mieux identifiable, dans notre étude, sur les ondes de différence (Fig. 26). Les mesures d'amplitude moyenne ont été effectuées au niveau des électrodes C3, C1, CZ, C2 et C4 de 250 à 300 ms (latence similaire à celle de la fenêtre 6). Nous rappelons que l'analyse de variance a porté sur les facteurs 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'électrode'.
Les résultats mettent en évidence uniquement un effet principal significatif du facteur 'électrode' (F (4,44) = 3,35; p < .05). Comme le suggère la topographie de la composante P3a (Fig. 26), cet effet va dans le sens d'une amplitude globalement plus élevée au niveau de l'électrode CZ qu'au niveau des 4 autres électrodes. Les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle', ainsi que les interactions entre ces facteurs, n'atteignent pas le seuil de significativité. Aucune variation d'amplitude ou de topographie de la composante P3a en fonction de l'angle ou du côté de présentation des diodes n'est donc observée (Fig. 26 et 28). La latence de cette composante n'a mis en évidence aucun résultat significatif (mesurée sur les mêmes électrodes et analysée selon les mêmes facteurs).
Le but de cette étude était de déterminer la présence d'une composante visuelle dont les caractéristiques seraient voisines de celles de la composante MMN auditive. Le résultat principal porte sur une augmentation de la négativité observée spécifiquement sur les potentiels évoqués par les stimuli rares de 120 à 200 ms environ après la présentation des stimuli visuels (Fig. 21 à 24). Cette différence d'amplitude ne peut pas provenir d'une différence de caractéristiques physiques entre les stimuli rares et fréquents: les potentiels évoqués par ces deux types de stimuli qui ont été comparés étaient consécutifs aux même stimuli visuels. La seule différence entre les stimuli rares et fréquents était leur probabilité d'apparition (correspondant au facteur 'déviance' dans les analyses ci-dessus). L'augmentation de la négativité observée dans cette étude semble donc être consécutive à l'apparition de stimuli rares, déviants, parmi des stimuli tous similaires.
Dans la modalité auditive, la composante MMN est liée à une augmentation de la négativité des potentiels évoqués par des sons rares par rapport aux potentiels évoqués par des sons fréquents, de 150 à 250 ms environ après la présentation des stimuli. Cette composante est observée lorsque le sujet ne porte pas son attention sur ces stimuli (Näätänen, 1978). L'augmentation de la négativité observée dans notre étude culmine également environ 180 ms après la présentation des stimuli visuels. Cette négativité est présente dans une situation où les stimuli rares et fréquents ne font l'objet d'aucune attention spécifique. Elle est donc observée dans une situation identique à celle évoquant une composante MMN auditive. La similarité des situations dans lesquelles ces négativités sont observées permet d'interpréter l'augmentation de la négativité présente dans notre étude comme témoignant de l'existence d'une composante MMN dans la modalité visuelle.
Un argument supplémentaire en faveur de l'interprétation de cette négativité en tant que MMN visuelle, est la présence de la composante P3a sur les potentiels évoqués par les stimuli rares (Fig. 26). L'onde P3a qui refléterait une orientation involontaire et automatique de l'attention, consécutive à l'apparition d'un nouveau stimulus, a été observée dans la modalité visuelle comme dans la modalité auditive (Näätänen et al., 1982; Snyder et Hillyard, 1976; Squires et al., 1975). La composante MMN auditive peut ne pas être suivie par la composante P3a lorsque le sujet doit effectuer une certaine tâche demandant des ressources attentionnelles (Duncan et Kaye, 1987; Lyytinen et al., 1987). En revanche, la composante P3a succède à la composante MMN lorsque le sujet perçoit passivement les stimuli ou lorsqu'il effectue une tâche facile (Sams et al., 1985; Näätänen, 1992). Dans notre étude, nous rappelons qu'aucune tâche n'était demandée aux sujets, ils percevaient passivement les diodes et ne leurs prêtaient aucune attention particulière. Il semble donc probable que, dans la modalité visuelle comme dans la modalité auditive, la composante MMN sera suivie d'une composante P3a dans une telle situation.
La composante MMN visuelle est présente lorsque les diodes se situent à droite ou à gauche du sujet avec un angle de 20° ou de 60°. Elle ne varie pas en fonction du côté ou de l'angle de présentation des stimuli visuels. Les analyses effectuées ci-dessus montrent que cette composante culmine dans les régions fronto-centrales avec une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 26 et 27). La différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et les stimuli visuels fréquents est essentiellement observée aux latences de la composante N160 visuelle. Cette composante, reflétant l'activité de générateurs présents dans le cortex visuel, culmine habituellement dans les régions pariéto-occipitales avec une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des stimuli (Lesèvre et Rémond, 1972).
Dans notre étude, la composante N160 est également plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 21 à 24 et Fig. 29). Cependant, contrairement à ce qui est habituellement observé (Lesèvre et Rémond, 1972), elle culmine dans les régions centro-pariétales (électrodes CP3-CP5 et CP4-CP6). Les travaux ayant étudié la topographie de cette composante ont utilisé des stimuli visuels nettement moins latéralisés que ceux utilisés dans cette présente étude. Plusieurs travaux ont montré la présence d'une rétinotopie dans le cortex visuel à l'aide des potentiels évoqués (Woldorff et al., 1997 par exemple). Un stimulus visuel ayant un angle de 60° pourrait donc évoquer une composante N160 dont l'amplitude maximum se situerait sur le scalp dans des régions plutôt centrales. La latéralisation de la composante MMN visuelle pourrait donc provenir de l'activité plus importante située dans l'hémisphère controlatéral à l'espace visuel stimulé à ce moment-là. Cette latéralisation, similaire à celle observée pour la composante N160 visuelle, semble donc témoigner de la participation de générateurs localisés dans les aires du cortex visuel proches ou similaires aux générateurs de la composante N160 visuelle.
*Les échelles d'amplitude sont indiquées pour chaque condition.
Cependant, bien que les analyses mettent en évidence une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté stimulé, les résultats de notre étude montrent également que la composante MMN visuelle a une amplitude globalement (effet principal) plus élevée sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche. La présence concomitante de ces deux effets (avantage de l'hémisphère droit d'une part et avantage de l'hémisphère controlatéral d'autre part) peut s'expliquer simplement. Lorsque les diodes rares se situent à gauche, l'amplitude est très élevée sur l'hémisphère droit et peu ample sur l'hémisphère gauche. Lorsque les diodes rares se situent à droite, l'amplitude est très élevée sur l'hémisphère gauche mais on observe également une certaine amplitude sur l'hémisphère droit (Fig. 26). De ce fait, lorsque l'on compare les amplitudes de la composante MMN visuelle sur les deux hémisphères sans dissocier les deux côtés de présentation des diodes, l'hémisphère droit présente constamment une certaine amplitude alors que l'hémisphère gauche présente une amplitude quasiment nulle lorsque les diodes se situent à gauche. L''addition' de ces amplitudes pour les deux côtés de présentation des diodes met donc en évidence un avantage de l'hémisphère droit par rapport à l'hémisphère gauche. Cette asymétrie en faveur de l'hémisphère droit, suggère la présence d'un (ou de) générateur(s) actif(s) aux latences de la composante MMN visuelle dans l'hémisphère droit, quel que soit le côté de présentation des diodes.
La topographie de la MMN visuelle (Fig. 26) ainsi que les analyses effectuées ci-dessus prenant en compte différentes zones du scalp (Fig. 27) suggèrent donc la participation de générateurs actifs dans le cortex visuel primaire aux latences de cette composante, mais également d'une source qui serait localisée dans la région frontale droite. Dans la modalité auditive, la topographie de la composante MMN présente un pic qui se situe généralement dans la zone fronto-centrale avec une légère asymétrie en faveur de l'hémisphère droit (Giard et al., 1990). La majorité des études portant sur la localisation des générateurs de la composante MMN auditive proposent des modèles comprenant deux types différents de régions. Des générateurs seraient localisés dans chaque hémisphère au niveau du cortex auditif primaire, (avec un générateur plus actif dans l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons). Une autre source serait également présente exclusivement dans l'hémisphère droit, au niveau des régions frontales (Giard et al., 1990; Alho et al., 1994). Les résultats observés dans la présente étude pour la composante MMN visuelle suggèrent aussi l'implication d'un générateur frontal droit. Les composantes MMN auditive et visuelle seraient donc toutes deux composées, de sources qui seraient spécifiques à chacune d'elles (situées respectivement dans les zones temporales et dans les zones occipito-pariétales), et d'une source frontale droite qui serait située au même endroit, ou qui serait similaire, pour les deux composantes.
Selon Näätänen (1992), la composante MMN refléterait un processus de traitement automatique de l'information auditive. Dans son modèle, la présence d'une composante MMN témoignerait d'un processus au cours duquel chaque stimulus laisse une trace neuronale codant ses caractéristiques physiques dans des aires sensorielles spécifiques. Une telle trace serait renforcée par l'apparition successive de stimuli ayant les même caractéristiques physiques, elle formerait les bases neurobiologiques à la mémoire sensorielle auditive ou 'mémoire échoïque' (Neisser, 1967). Lorsqu'un stimulus ou un évènement différent ou nouveau (déviant) survient pendant la présence d'une telle trace neuronale, le système subirait un changement abrupte qui entraînerait l'émergence d'une nouvelle trace, alors que la trace précédente serait encore active. La détection de la non-concordance entre les deux traces présentes simultanément serait reflétée au niveau de l'activité électrophysiologique sur le scalp par la composante MMN. Ce processus consisterait donc en un système non-conscient d'alerte d'un changement dans l'environnement impliquant automatiquement une orientation non consciente vers le stimulus déviant. La composante MMN serait donc le reflet d'une activité attentionnelle automatique, involontaire et non-consciente (Näätänen et Picton, 1987). Cependant, dans ce modèle la génération de la composante MMN auditive ne proviendrait que de sources temporales alors que plusieurs études ont mis en évidence une source frontale (Giard et al., 1990; Alho et al., 1994). Nous rappelons que selon Giard, la présence de générateurs situés dans la région frontale droite ne rend pas le modèle de Näätänen caduc. En effet, les sources temporales seraient impliquées dans le processus lié à la trace neuronale et la source frontale reflèterait un mécanisme de changement d'attention automatique consécutif à la détection d'une non-concordance au niveau des traces neuronales. Nos résultats suggèrent que cette source frontale ne soit pas spécifique à la modalité auditive puisque nous avons constaté la présence d'une composante frontale dans la composante MMN visuelle.
Cette hypothèse, selon laquelle la composante frontale droite des composantes MMN auditive et visuelle reflèterait un processus d'orientation automatique de l'attention 'modalité non-spécifique', est en accord avec les études ayant montré un investissement prédominant de l'hémisphère droit lors de tâches de traitement automatique de l'information (Luria et Simernitskaya, 1977). Elle va également dans le sens des travaux montrant des déficits attentionnels automatiques consécutifs à des lésions cérébrales situées dans l'hémisphère droit (Gainotti et al., 1986; 1994). Selon Gainotti, les patients souffrant de telles lésions cérébrales présenteraient un déficit d'orientation automatique de l'attention dans l'espace gauche. Ces déficits seraient plus importants que ceux observés lors de lésions cérébrales situées dans l'hémisphère gauche (Mesulam, 1981; De Renzi, 1982). Bien que ces résultats sur l'héminégligence concernent principalement des patients ayant des lésions pariétales droites, plusieurs auteurs ont également montré des déficits d'orientation de l'attention suite à des lésions frontales (par exemple Alho et al., 1994; Mesulam, 1981). L'ensemble de ces observations suggère donc une asymétrie du contrôle de l'orientation de l'attention en faveur de l'hémisphère droit. Nos résultats permettent de spécifier que l'orientation automatique de l'attention serait similaire pour la modalité visuelle et pour la modalité auditive. Cette orientation serait reflétée au niveau de l'activité électrophysiologique par la présence de sources dans le cortex frontal droit sous-jacents à la composante MMN comme le proposait déjà Giard pour la modalité auditive.
En conclusion, cette étude montre qu'il existe dans la modalité visuelle, une composante fonctionnellement équivalente à la composante MMN auditive. La composante MMN auditive est actuellement considérée comme reflétant un processus automatique de détection d'un changement dans l'environnement. Cette étude révèle l'existence d'un processus similaire dans la modalité visuelle qui se refléterait, au niveau des potentiels évoqués, par une négativité que nous avons appelée 'MMN visuelle'. De plus, les composantes MMN visuelle et auditive contiendraient toutes deux une source localisée dans la région frontale droite en plus de générateurs localisés au niveau des cortex spécifiques à chaque modalité (cortex visuel occipito-pariétal et cortex auditif temporal). Notre étude suggère donc que la zone frontale droite soit impliquée dans un processus d'orientation automatique de l'attention, elle précise que ce processus concernerait tant la modalité auditive que la modalité visuelle.
L'héminégligence, que nous avons présentée dans le chapitre 2 de ce travail, est un trouble de la perception et de la gestion de l'espace gauche observé suite à des lésions cérébrales concernant le plus souvent l'hémisphère droit. Actuellement, ce syndrome est considéré par une grande partie des auteurs comme provenant d'un déficit de l'attention spatiale. Plusieurs auteurs ont développé des théories explicatives de ce syndrome mettant en cause différents mécanismes déficitaires (voir les modèles présentés dans le chapitre 2). Actuellement, les processus déficitaires ne sont pas encore bien spécifiés. De plus, la nature supramodale de ce déficit est encore en question (Halligan et Marshall, 1992). Si ce déficit est de nature supramodale, des déficits pourraient être plus ou moins prononcés dans les différentes modalités sensorielles.
La majorité des études sur l'héminégligence portent sur la modalité visuelle, les difficultés dans cette modalité semblent être importants dans la vie quotidienne bien que des déficits dans la modalité auditive soient également observés chez certains patients. En effet, plusieurs auteurs ont mis en évidence des difficultés de détections de cibles sonores latéralisées à gauche (De Renzi, 1982; De Renzi et al., 1989a; Heilman et al., 1972; Kerkhoff et al., 1999; Pinek et al., 1989; Soroker et al., 1995; 1997; Vallar et al., 1995). Cependant, des questions subsistent à propos des déficits auditifs. Des difficultés auditives peuvent-elles apparaître sans déficits visuels? Quels sont les rapports en héminégligence auditive et extinction auditive?
La plupart des études sur l'héminégligence se sont concentrées sur la modalité visuelle comme nous l'avons décrit dans le chapitre 2 de ce travail. La présence de déficits visuels pour des stimuli situés dans l'espace gauche est actuellement bien déterminée dans l'héminégligence (pour une revue voir Robertson et Marshall, 1993). Chez des patients présentant généralement des lésions pariétales, la présence d'extinctions auditive, visuelle et tactile a été mise en évidence depuis longtemps (Denny-Brown et al., 1953; Bender et Diamond, 1965; Heilman et Valenstein, 1972). Cependant, De Renzi et al. (1984) n'ont observé aucune corrélation entre extinction visuelle et extinction auditive (la plupart des patients présentaient d'ailleurs une extinction dans une seule modalité).
Bien que la majorité des patients présentant une héminégligence visuelle ait également une extinction auditive, des patients ayant une héminégligence visuelle sévère sans extinction auditive ont également été observés. De plus, De Renzi et al. (1989b) ont également constaté que, sur 16 patients présentant une héminégligence visuelle (affectés de lésions hémisphériques droites), 9 patients ne présentaient aucun déficit auditif. 2 des 9 patients présentant une héminégligence auditive n'avaient pas de signe d'héminégligence visuelle. Ces études mettent donc en évidence que des déficits d'héminégligence peuvent concerner une ou plusieurs modalités. Finalement, certains patients présentent une extinction auditive sans héminégligence et vice-versa. De Renzi et al. (1984; 1989b) suggèrent en effet l'existence de dissociations inter- et intra-modale dans l'héminégligence: une dissociation entre héminégligence auditive et visuelle (intermodalité) et une dissociation entre extinction auditive et héminégligence auditive (intramodalité).
Hugdahl et al. (1991) ont observé chez un patient présentant des lésions au niveau du lobe frontal droit et des aires thalamiques droites (pulvinar) des résultats intéressant concernant les rapports entre héminégligence auditive et extinction auditive. Ce patient présentait des performances faibles de détection de sons présentés à l'oreille gauche dans une situation d'écoute dichotique alors qu'en présentation monaurale, les sons à gauche étaient détectés tout à fait correctement. Selon ces auteurs, ce patient présenterait donc un comportement d'héminégligence auditive d'après la définition de Heilman et Valenstein (1972). En effet, d'après ces deux auteurs 'un patient est considéré comme présentant une négligence auditive s'il est capable d'identifier correctement des stimuli unilatéraux alors qu'il ne parvient pas à détecter des stimuli situés d'un côté lors d'une présentation bilatérale simultanée' (p. 33, traduction personnelle).
Cependant, dans leur réponse à l'article de Hugdahl et al. (1991), Beaton et McCarthy (1993) précisent qu'en situation d'écoute dichotique, des difficultés de détection des sons parvenant à une oreille donnée (qui seraient appelées 'extinction auditive') peuvent être observées chez des patients affectés de lésions cérébrales dans diverses régions ne montrant aucune héminégligence visuelle ou auditive. Il est donc nécessaire de différencier des troubles liés à une extinction auditive et ceux liés à une héminégligence auditive, chacune de ces difficultés ne correspondrait pas à un même trouble. Ces deux types de troubles pourraient être présents séparément, ou conjointement, ils pourraient provenir de déficits différents.
En effet, De Renzi et al. (1989a) ont observé que, sur 30 patients affectés de lésions dans l'hémisphère droit principalement au niveau pariétal ou thalamique, 9 patients présentaient des déficits pour les stimuli gauches lors de stimulations binaurales. Sur ces 9 patients, 7 avaient également des difficultés à détecter les stimuli gauches lors des stimulations monaurales. De plus, sur 7 patients présentant des difficultés de détection des cibles sonores à gauche (monauralement présentées), 2 patients ne présentaient aucune extinction auditive. Les auteurs ont suggéré que l'extinction provienne d'un déficit sensoriel alors que l'héminégligence serait liée à un trouble attentionnel. De Renzi et al. (1984) ont observé une extinction auditive chez la moitié des patients étudiés, indépendamment de l'hémisphère lésé, alors que l'héminégligence auditive n'est présente que chez des patients affectés de lésions hémisphériques droites.
Afin d'apporter un nouvel éclaircissement à ces deux questions (les différences inter- et intra-modalitaires), nous avons étudié des patients héminégligents affectés de lésions dans l'hémisphère droit, dans des situations de détections de cibles visuelles ou sonores latéralisées. Lors des tâches d'attention auditive, nous avons utilisé des sons monauraux et des sons binauraux (localisés à 20° et à 60°) afin de préciser les différences éventuelles qu'entraîneraient ces deux types de sons. Cependant, il est important de préciser, par rapport aux phénomènes d'extinction, certaines caractéristiques des sons que nous avons utilisés.
Les sons utilisés dans cette étude (ainsi que dans l'étude 2, chapitre 8) étaient présentés à travers un casque d'écouteurs. Il s'agissait de sons complexes qui présentent l'avantage, par rapport à des sons sinusoïdaux, de comporter des harmoniques couvrant une large partie du spectre auditif (comme les sons de la parole par exemple). Ces sons étaient présentés soit monauralement (1 son parvenant à une seule oreille à la fois), soit binauralement (1 son parvenant aux deux oreilles simultanément). Pour les sons binauraux, le son parvenant à l'oreille gauche était différent de celui parvenant à l'oreille Les différences entre les deux sons devaient permettre au sujet de 'recréer' le côté de provenance du son, comme s'il était présenté par un haut-parleur. La combinaison des sons entre les deux oreilles peut être résumée ainsi: un certain son dans l'oreille gauche présenté simultanément à un son moins intense et plus tardif dans l'oreille droite devrait donner l'impression d'une source sonore unique située du côté gauche. Les différences d'intensité et de phase (différences temporelles) ne sont pas les seuls facteurs mis en jeu dans la localisation des sons (voir Muller et Bovet, 1999, par exemple). Bien que beaucoup de sujets perçoivent les sons comme venant de l'intérieur du crâne lors de la présentation à travers un casque d'écouteurs, les sujets reconstruisent naturellement la provenance des sons, lorsque ceux-ci présentent les caractéristiques particulières que nous avons décrites dans le chapitre 5.2.1.
Cependant, lorsque l'on présente un son 'intense' à gauche et 'moins intense' à droite (avec un décalage temporel entre les deux en faveur du son présenté dans l'oreille gauche) de manière à créer un son venant de la gauche, un patient affecté d'une extinction auditive de l'oreille gauche ne devrait pas considérer que ce son 'provient' de la gauche puisqu'il ne pourra prendre en compte que le son présenté dans son oreille droite. Dans ce cas, il devrait donc estimer que le son vient de la droite. Lorsque le son est 'plus intense' à droite qu'à gauche, ce patient devrait répondre correctement que le son 'provient' de la droite. Si l'on présente des sons 'provenant' de la gauche et de la droite successivement et que l'on demande au patient de détecter les sons venant de la gauche, il ne devrait en détecter aucun (aucune réponse). Par contre, s'il doit détecter les sons 'provenant' de la droite, il devrait considérer d'une manière correcte que la combinaison 'son plus intense et plus précoce dans l'oreille droite et moins intense et plus tardif dans l'oreille gauche' correspond à un son venant de la droite (bien qu'il ne prenne en compte que le son présenté à son oreille droite); mais il attribuerait la même provenance, erronée cette fois, à la combinaison 'son intense dans l'oreille gauche et moins intense dans l'oreille droit'. Cette erreur proviendrait du fait que le son présenté à l'oreille gauche, simultanément à celui de l'oreille droite, ne serait pas pris en compte (il serait 'éteint' comme le suggère les phénomènes d'extinction auditive).
Ainsi, lorsqu'il doit détecter les sons 'provenant' de la droite, un patient présentant une extinction auditive de l'oreille gauche devrait donc considérer que tous les sons proviennent de la droite et aucun de la gauche. Si ce patient ne présente qu'une extinction auditive, il devrait détecter correctement les sons présentés monauralement dans l'oreille gauche ou dans l'oreille droite. Si un tel patient ne parvient pas non plus à détecter les cibles sonores présentées monauralement dans l'oreille gauche, il présente non seulement une extinction auditive mais également une héminégligence auditive. En revanche, lorsqu'un patient parvient à répondre correctement aux cibles binaurales 'provenant' de la gauche ou de la droite mais qu'il ne détecte pas les sons présentés monauralement dans l'oreille gauche, il devrait s'agir d'une héminégligence auditive sans extinction auditive. Ainsi, bien que le but principal de cette étude porte sur la comparaison entre les déficits visuels et auditifs, elle devait permettre d'analyser la présence d'héminégligence avec ou sans extinction auditive (voir cependant le chapitre 7.2.5.).
Cette étude a porté sur les données comportementales recueillies lors des enregistrements EEG dans les situations attentives (détection de cibles visuelles ou auditives situées soit à droite soit à gauche du patient). Les résultats sur les données électrophysiologiques recueillies lors de ces enregistrements sont présentés dans les chapitres 8 et 9.
Ce sont les 10 patients et les 10 sujets témoins décrits dans les chapitres 5.1.1. et 5.1.2. dont nous présentons ci-dessous les résultats concernant l'évaluation fonctionnelle de l'héminégligence (patients uniquement), les tests cliniques (patients uniquement) et les données comportementales (patients et sujets témoins).
Pour chaque patient, une évaluation fonctionnelle de l'héminégligence a été effectuée par l'ergothérapeute en charge du patient à l'aide de l'ECB (annexe C). Cette échelle porte sur les difficultés que rencontrent les patients dans la vie quotidienne (Bergego et al., 1995). Elle permet de rendre compte de déficits qui n'apparaissent pas dans des tests cliniques classiques. Toutes les évaluations ont été effectuées dans le cadre d'une collaboration avec le Groupe d'étude sur la rééducation et l'évaluation de la négligence (GEREN). Ce groupe avait pour but, notamment, d'établir les normes d'une batterie francophone d'évaluation de la négligence. Les tests choisis pour cette batterie d'évaluation ont été sélectionnés en fonction de leur sensibilité à l'héminégligence. Cette batterie avait également pour but d'évaluer certains troubles n'entrant pas dans le cadre strict de la négligence (Heilman et al., 1985), mais qui lui sont très souvent associés, comme la déviation de la tête et des yeux, l'anosognosie, ou les phénomènes d'extinction. De plus, l'évaluation des conséquences de la négligence sur la lecture (annexe 14) et l'écriture, comme dans le 'Behavioural Inattention Test' (Wilson et al., 1987), a été également prise en compte du fait de l'importance de ces opérations dans la vie des patients et de la nécessité d'engager une rééducation spécifique en cas de troubles. Les épreuves ont été choisies aussi en fonction de leur aspect pratique clinique ne devant pas, par exemple, nécessiter l'utilisation d'un ordinateur. Finalement, la passation de l'ensemble des épreuves ne devait pas dépasser une heure. Les consignes et les cotations de chaque épreuve sont présentées dans l'annexe 4. L'évaluation clinique des patients comporte donc deux parties: la première concerne l'ECB et la seconde porte sur des tests cliniques classiques (tests des cloches, bissection de lignes, figures enchevêtrées, etc.). Un résumé des résultats pour l'ECB et pour ces tests cliniques est présenté dans les paragraphes suivants, les détails sont indiqués dans les annexes respectives de ces tests.
Evaluation fonctionnelle de l'héminégligence: ECB
L'échelle de Catherine Bergego (annexe 3) a donc été utilisée dans le but d'évaluer les difficultés fonctionnelles rencontrées dans la vie quotidienne. Pour chaque patient, nous avons indiqué le score obtenu à chaque question (annexe 15). De plus, nous avons présenté ci-dessous (Tabl. 6) les moyennes pour chaque patient sur toutes les questions (moyenne par patient) ainsi que les moyennes pour chacune des questions sur tous les patients (moyenne par question). Finalement, certaines questions pouvant ne pas être valides pour certains patients (incotables), un score prenant en compte le nombre de questions valides a été calculé ainsi:
Score moyen = (score total / nombre de questions valides)*10
Les résultats à l'ECB montrent des déficits modérés à sévères concernant des difficultés fonctionnelles de la vie quotidienne, la plupart des patients présentent des déficits à presque toutes les questions (annexe 15). Cependant, ces résultats mettent en évidence des scores plus élevés (déficits plus importants) pour les questions 8 à 10. Ces questions portent sur les déplacements (marche ou fauteuil roulant), sur les itinéraires et sur les difficultés à retrouver des objets situés à gauche (annexe 3). Ces questions concernent donc principalement l'orientation et le mouvement dans l'espace. Les 6 premières questions, présentant des scores moins déficitaires, portent essentiellement sur des difficultés au niveau du corps et de l'espace proche. Il semble donc que, pour ce groupe de patients, les déficits concernant l'orientation et la gestion de l'espace soient prépondérants.
*(plus le score est élevé, plus les déficits sont importants)
Tests cliniques
Les tests cliniques, utilisés également dans un but descriptif, n'ont pas donné lieu à des analyses statistiques proprement dites. Pour chaque test, nous avons généralement présenté le score de chaque patient (annexe 15) et nous avons calculé une moyenne sur les 10 patients (annexe 15 et Tabl. 7 ci-dessous). Pour les évaluations de l'anosognosie, de la déviation de la tête et des yeux, de l'héminégligence corporelle et de l'extinction, nous avons également indiqué le nombre de patients présentant un déficit 'sévère' (score supérieur à 1,4), 'léger' (score supérieur à 0 et inférieur ou égal à 1,4) ou un déficit 'absent' (score égal à 0). Les scores des tests 'anosognosie motrice' et 'anosognosie visuelle' ont été moyennés ensemble, tous comme les scores des tests d'héminégligence corporelle 'yeux ouverts' et 'yeux fermés'.
De plus, pour certains tests (tests des cloches, de la scène d'Ogden, de l'horloge, et des figures enchevêtrées), les scores de patients ont été comparés à des normes (Tabl. 7) provenant d'une étude effectuée par le GEREN (Rousseaux et al., soumis) sur 450 sujets témoins (sujets âgés de 20 à 80 ans, francophones, sans antécédent neurologique ou psychiatrique). Pour ces tests, nous avons simplement calculé le pourcentage de patients présentant des scores au-delà des normes ('% de patients hors normes'). Pour certains tests, les normes ne sont pas encore déterminées. Nous avons présenté ci-dessous des commentaires sur les scores obtenus à ces tests.
L'évaluation de l'anosognosie ne montre pas de troubles très sévères: aucun patient n'atteint le score maximum tant en ce qui concerne les déficits moteurs que les déficits visuels (annexe 15). La moitié des patients ont d'ailleurs rapporté spontanément leur difficultés. En ce qui concerne l'évaluation de la déviation des yeux et de la tête, les déficits sont plus prononcés: 80% des patients présentent soit un déficit léger, soit un déficit sévère. L'héminégligence corporelle ne semble pas être un trouble prépondérant pour ce groupe puisque 60% des patients ne présentent aucun déficit dans ce test. Finalement, d'une manière générale, il semble que l'extinction visuelle soit plus fréquente et plus sévère que l'extinction auditive ou tactile. Cette dernière est également plus fréquente que l'extinction auditive. Cependant, aucune différence significative n'est observée entre ces modalités (tests de Student). Ces résultats ne concernent que les omissions des stimuli situés sur la gauche. Les résultats analysés entièrement (omissions à droite ou omissions des deux côtés) ne montrent toutefois aucune omission des stimuli situés à droite quelle que soit la modalité considérée.
Les scores observés dans le test des cloches montrent (Tabl. 7) que tous les patients présentent plus d'omissions à gauche qu'à droite (les 'Différences G-D' sont toujours positives). De plus, 70 % des patients présentent des scores plus élevés que la norme et 100 % des patients présentent un temps d'exécution plus long que le temps de la norme. Il semble donc que ce test soit particulièrement sensible aux déficits observés dans l'héminégligence, tant au niveau des cibles omises que du temps de réalisation. Les tests de la Scène d'Ogden, de l'Horloge et de la Bissection de ligne ne présentent pas de résultats montrant des déficits importants. Le test des Figures enchevêtrées montre des omissions plus fréquentes pour l'espace gauche que pour l'espace droit. Cependant, 50% des patients ne présentent aucun déficit dans ce test (0 omission quel que soit le côté considéré). Finalement, les épreuves de lecture et d'écriture montrent une grande variabilité interindividuelle, comme le test des figures enchevêtrées.
*Indication du pourcentage de patients présentant des scores plus élevés que la norme ('% de patients hors norme', colonne de droite).
En résumé
Les scores obtenus à l'ECB mettent en évidence des difficultés assez importantes dans la vie quotidienne. D'après les scores obtenus à certaines questions, il semble que ces difficultés concernent principalement l'orientation et la gestion de l'espace juxta-corporel et lointain. En revanche, la plupart des résultats observés pour les tests cliniques ne montrent pas de déficits très prononcés, sauf pour la déviation de la tête et des yeux, l'évaluation de l'extinction visuelle et le tests des cloches. Parmi tous ces tests 'papier - crayon' effectués, il semble d'ailleurs que le test des cloches soit le plus sensible aux difficultés observées dans l'héminégligence. Le temps d'exécution de ce test pour chacun des patients est nettement supérieur à celui de la norme. Cette mesure semble être celle mettant le plus en évidence un déficit de détection des cibles situées sur la gauche. L'absence de norme pour certains tests rend cependant difficile l'analyse des résultats. Il faut également préciser que la plupart des patients avaient déjà effectué plusieurs fois certains de ces tests auparavant. D'une manière générale, les scores observés lors des premières passations mettaient plus nettement en évidence des déficits.
En conclusion, ces patients présentent des déficits d'héminégligence qui apparaissent essentiellement dans l'ECB et dans le test des cloches. L'extinction visuelle est un des déficits également très présent dans ce groupe de patients. D'une manière générale, il semble que ce soit la gestion du mouvement dans l'espace gauche direct et celle de l'espace gauche lointain qui soient déficitaires dans ce groupe de patients. L'étude comportementale portant précisément sur les difficultés de détection de cibles auditives ou visuelles a permis d'apporter des précisions sur ces difficultés.
Les stimuli auditifs utilisés pour recueillir les réponses comportementales correspondaient aux stimuli décrits en détail ci-dessus dans le chapitre 5.1. Nous précisons à nouveau que ces stimuli (Fig. 19) étaient des sons complexes présentés à travers à casque d'écouteurs soit monauralement alternativement dans chaque oreille (conditions 'monaurale gauche' et 'monaurale droite') soit binauralement (conditions '60° gauche', '20° gauche', '20° droite' et '60° droite').
Les stimuli visuels correspondaient à 4 diodes placées sur un panneau rond, ce dispositif expérimental a été décrit dans le chapitre 5.2. Nous rappelons que deux diodes étaient situées à gauche avec un angle de 20° et de 60° par rapport au centre (0°) et deux diodes étaient situées sur la droite avec les mêmes angles. Une diode centrale moins intense, allumée continuellement, placée à 0° servait de point de fixation (Fig. 19).
Les réponses et les temps de réaction des patients et des sujets témoins ont été recueillis lors de chaque séquence des situations attentives auditive et visuelle (les séquences et les situations utilisées ont été décrites dans le chapitre 5.3.2.). Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, bien que les données comportementales étaient recueillies lors des enregistrements EEG, elles ont été analysées dans le présent chapitre alors que les potentiels évoqués, enregistrés simultanément, ont été traités dans les chapitres 8 et 9.
Le temps de réaction correspondait à l'intervalle de temps entre le moment de la présentation du stimulus et l'instant où le sujet appuyait sur le bouton-réponse. Ce temps était échantillonné à une fréquence de 500 Hz. Seules les réponses produites entre 200 et 1000 ms après la présentation du stimulus ont été prises en compte. Certains patients n'ayant présenté aucune réponse correcte dans certaines conditions, aucun temps de réaction n'était mesurable dans ces conditions. Le temps de réaction n'a donc pas été étudié dans ce travail. En revanche, le nombre de cibles détectées dans toutes les conditions des deux modalités a été analysé.
Pour les sujets témoins comme pour les patients, les analyses statistiques effectuées dans l'étude 2 portent donc sur le nombre de cibles détectées correctement. Nous avons décrit, dans l'introduction de ce chapitre, les situations dans lesquelles un patient peut considérer que deux sons présentés simultanément à l'oreille droite et à l'oreille gauche pourraient provenir d'une source sonore située à droite alors que les caractéristiques de ces sons correspondent physiquement à une source située à gauche. Ces erreurs devraient se traduire ainsi au niveau des réponses de ce patient: lorsqu'il doit détecter les cibles provenant de la gauche, il ne présenterait aucune réponse (ni correcte ni fausse), en revanche, lorsqu'il doit détecter les sons provenant de la droite, il devrait répondre à tous les stimuli présentés (réponses correctes pour les sons 'provenant' de la droite mais réponses fausses pour les sons 'provenant' de la gauche). Il faut donc préciser que pour un tel patient, les réponses correctes pour les cibles de droite peuvent donc provenir d'une mauvaise 'appréhension' (ou combinaison) des sons présentés à chaque oreille. Pour ce patient, il faudrait donc prendre en compte les fausses réponses.
Cependant, les résultats que nous présentons ci-dessous ne portent que sur les bonnes réponses. La configuration de résultats que nous venons de décrire n'a été observée que chez un seul patient. Nous n'avons donc pas indiqué les nombres de fausses réponses dans ces analyses. De plus, ce patient présentait des difficultés à se concentrer et à rester éveillé durant toute la durée des expériences. Il n'est donc possible de considérer que les fausses réponses qu'il a émises (il appuyait sans arrêt sur le bouton-réponse, indépendamment de la présentation d'un son) témoignent d'une extinction auditive.
Dans un premier temps, des analyses de variance ont été effectuées, pour le groupe de sujets témoins et le groupe de patients séparément. Les analyses de variance habituelles (voir chapitre 5.2.2.5.) ont porté sur le nombre de cibles détectées dans la modalité auditive d'une part et dans la modalité visuelle d'autre part (facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'). Ces ANOVAs avaient pour objectif de déterminer l'influence de l'angle et du côté de présentation sur le nombre de cibles détectées pour chacun des groupes. De plus, pour les sujets témoins et les patients, une ANOVA comparant les deux modalités entre elles a également été effectuée (facteurs 'modalité', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli').
Finalement, deux analyses de variance ont été effectuées dans le but de comparer les groupes entre eux dans la modalité auditive puis dans la modalité visuelle. Ces ANOVAs ont porté sur les facteurs 'groupe', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'. Nous rappelons que lorsque les interactions prenant en compte le facteur 'groupe' notamment étaient significatives, des tests t de Student ont été effectués. Ces tests avaient pour but de comparer les patients aux sujets témoins dans chaque condition expérimentale séparément.
Nous rappelons que les analyses statistiques sur le nombre de cibles détectées (Fig. 30) ont été effectuées à l'aide d'analyses de variance prenant en compte principalement les facteurs 'angle' (monaural par rapport à 60° par rapport à 20° en auditif, et 60° par rapport à 20° en visuel) et 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droite) pour les sujets témoins et les patients.
Sujets témoins:
Dans la modalité auditive, aucun effet principal du facteur 'angle' ou du facteur 'côté de présentation des stimuli' n'est observé, l'interaction entre ces deux facteurs est également non significative.
Dans la modalité visuelle, on observe des effets principaux significatifs pour chacun des facteurs étudiés ('côté de présentation des stimuli' F (1,9) = 11,25; p < .01 et 'angle': F (1,9) = 11,25; p < .01). Le nombre de cibles détectées est moins élevé lorsque les diodes se situent à gauche que lorsqu'elles se situent à droite (Fig. 30). De plus, les diodes situées à 60° sont moins souvent détectées que les diodes situées à 20°. L'interaction entre les deux facteurs n'est pas significative.
Une analyse de variance a été également effectuée dans le but de comparer les deux modalités (facteurs 'modalité', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'). Dans cette analyse, seul le facteur 'angle' présente un effet principal significatif (F (1,9) = 7,08; p < .05). L'effet de ce facteur va dans le sens d'un nombre de cibles détectées globalement moins élevé lorsqu'elles sont présentées à 60° que lorsqu'elles sont présentées à 20° (Fig. 30). Cet effet est similaire à celui observé ci-dessus dans la modalité visuelle uniquement. Les facteurs 'modalité' et 'côté de présentation des stimuli' ne présentent pas d'effet significatif. Aucune interaction n'atteint le seuil de significativité.
Patients:
Dans la modalité auditive, on observe une tendance pour le facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 3,59; p < .10). Le nombre de cibles détectées est plus élevé lorsque les sons proviennent du côté droit que lorsqu'ils proviennent du côté gauche (Fig. 30). Cette analyse de variance ne montre aucun effet du facteur 'angle'. L'interaction entre ces deux facteurs n'est pas significative.
Dans la modalité visuelle, l'ANOVA met en évidence un effet significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 16,60; p < .01): les stimuli visuels situés à droite entraînent significativement plus de détection que les stimuli visuels situés à gauche (Fig. 30). De plus, le facteur 'angle' atteint une tendance (F (1,9) = 3,90; p < .10). Le nombre de cibles détectées est plus élevé lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60° (Fig. 30). Dans cette analyse, aucun autre résultat n'est significatif.
Dans l'analyse de variance effectuée dans le but de comparer les modalités auditive et visuelle, on observe un seul effet principal significatif, il s'agit du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 10,16; p < .01). Les facteurs 'modalité' et 'angle' ne présentent pas d'effets principaux significatifs. Les interactions sont également non significatives.
*dans toutes les conditions expérimentales pour la moyenne des 10 patients (en bleu) et pour la moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Nous précisons à nouveau que ces comparaisons ont été effectuées à l'aide d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'groupe', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' pour chaque modalité séparément.
Dans la modalité auditive, cette ANOVA révèle un effet principal du facteur 'groupe' (F (1,9) = 9,68; p < .05). Cet effet va dans le sens d'un nombre de cibles détectées moins élevé pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins. L'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' atteint une tendance (F (1,9) = 4,10; p < .10). La différence entre les patients et les sujets témoins semble effectivement plus importante lorsque les sons proviennent du côté gauche que lorsqu'ils proviennent du côté droit. Les autres interactions sont toutes non significatives.
Dans le but de déterminer plus précisément dans quelles conditions la différence entre les deux groupes est significative, des tests t de Student ont été effectués. Ces tests ont comparé les résultats des patients et des sujets témoins pour chaque condition expérimentale séparément (Tabl. 8). Ces résultats mettent en évidence une différence significative entre les deux groupes pour les conditions expérimentales 'monaurale gauche', '60° gauche', '20° gauche' et '20° droite'. Quel que soit l'angle des sons situés à gauche, les patients détectent moins de cibles que les sujets témoins. Par contre, lorsque les sons se situent à droite la différence entre les deux groupes n'est significative que pour des sons proches du centre (20°). Pour des sons plus latéralisés sur la droite (avec un angle de 60° ou présentés monauralement), les deux groupes ne se différencient pas.
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
Dans la modalité visuelle, les analyses comparant les deux groupes révèlent que les trois facteurs étudiés présentent des effets principaux significatifs ('groupe': F (1,9) = 9,90; p < .05, 'angle': F (1,9) = 8,43; p < .05; et 'côté de présentation des stimuli': F (1,9) = 18,55; p < .01). L'effet du facteur 'groupe' va dans le sens d'un nombre de cibles détectées moins élevé chez les patients que chez les sujets témoins. De plus, les cibles détectées sont moins nombreuses lorsque les diodes se situent à 60° que lorsqu'elles se situent à 20°. Finalement, le nombre cibles détectées est plus élevé lorsqu'elles sont du côté droit que lorsqu'elles sont du côté gauche (Fig. 30). Cet effet du facteur 'côté de présentation des stimuli' est similaire à celui observé ci-dessus dans les analyses effectuées pour chaque groupe séparément. La seule interaction significative est celle prenant en compte les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 14,10; p < .01). Cette interaction va dans le sens d'une différence entre les deux groupes plus élevée lorsque les diodes sont à gauche que lorsqu'elles sont à droite.
Afin de déterminer dans quelles conditions expérimentales les deux groupes se différencient, des tests t de Student ont été effectués pour chaque condition expérimentale séparément (Tabl. 9). Ces tests mettent en évidence des différences significatives entre les deux groupes dans les conditions '60° gauche', '20° gauche' et '20° droite'. Dans la condition '60° droite', la différence n'est pas significative. Il semble donc que les patients ont détecté moins de cibles visuelles que les sujets témoins, essentiellement lorsqu'elles se situent à gauche, mais également lorsqu'elles ont une position proche du centre du côté droit (20° droite).
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
En résumé
Les tests cliniques ainsi que l'échelle fonctionnelle de l'héminégligence, ont permis de caractériser précisément les déficits que présentaient les patients étudiés. L'ECB a mis en évidence que les difficultés concernaient plutôt l'orientation et l'organisation dans l'espace gauche (trajectoires de déplacement par exemple), plutôt que la gestion de l'hémicorps gauche par exemple. L'évaluation des extinctions visuelle, auditive et tactile n'ont pas mis en évidence de rapport évident entre les modalités: certains patients présentaient une extinction dans une modalité, dans deux ou dans les trois modalités (annexe 15). Nous avons abordé plus précisément ces phénomènes d'extinction dans la conclusion de ce chapitre, en les mettant en rapport avec les performances observées dans la partie 'comportementale' de cette étude. Les résultats des tests cliniques à proprement parler n'ont pas mis fréquemment en évidence des scores reflétant une héminégligence sévère.
Cependant, comme nous l'avons déjà précisé, les patients avaient effectué plusieurs fois la plupart de ces tests avant notre évaluation. Les scores qu'ils présentaient les premières fois qu'ils passaient ces tests étaient nettement moins bons que ceux que nous avons observés lors de notre étude. Seul le test des cloches et celui de la lecture n'ont pas présenté de grande amélioration, ils restent d'ailleurs assez significatif des déficits de nos patients. L'utilisation d'une échelle fonctionnelle de l'héminégligence s'est donc avérée très judicieuse. En effet, à partir des performances observées dans la plupart des tests cliniques, nos patients ne semblent pas présenter beaucoup de difficultés. L'ECB en revanche met en évidence des troubles importants pour la plupart des patients qui n'auraient pas été constatés si nous n'avions utilisé que les tests cliniques.
L'étude des réponses comportementales a porté sur le nombre de cibles détectées dans les modalités auditive et visuelle. Nous rappelons que cette étude avait pour but d'analyser, chez des patients héminégligents, des difficultés de détection de cibles auditives ou visuelles. De plus, l'utilisation de stimuli ayant différents angles avait pour objectif de préciser d'éventuelles variations des déficits en fonction du degré de latéralité des cibles. Les principaux résultats observés peuvent se résumer ainsi: les patients ont détecté moins de cibles que les sujets témoins lorsqu'elles se situent à gauche, quel que soit leur angle, et lorsqu'elles se situent à droite, avec un angle de 20°.
Pour les patients, un des résultats importants porte sur le nombre de cibles détectées qui est moins élevé lorsqu'elles se situent du côté gauche que lorsqu'elles se situent du côté droit (Fig. 30). Ce résultat est observé dans la modalité auditive comme dans la modalité visuelle, aucune différence entre ces deux modalités n'est d'ailleurs observée. Une des caractéristiques de l'héminégligence porte précisément sur cette difficulté à détecter des objets, des bruits, des personnes situés sur leur gauche. Beaucoup d'études sur l'héminégligence ont analysé la modalité visuelle (voir Robertson et Marshall, 1993 pour une revue). Cependant, nos résultats confirment la présence de difficultés à détecter des cibles auditives situées à gauche comme plusieurs auteurs l'avaient constatés auparavant (De Renzi, 1982; De Renzi et al., 1989a; Heilman et al., 1972; Kerkhoff et al., 1999; Pinek et al., 1989; Soroker et al., 1995; 1997; Vallar et al., 1995). Ces études ont montré par exemple la présence d'une héminégligence auditive pour l'espace controlatéral à la lésion dans une tâche de détection d'interruptions de sons ainsi que des comportements d'extinction pour les stimuli gauches lors de stimulations bilatérales. Dans la conclusion de cette étude, nous avons repris cet effet du côté de présentation des stimuli chez les patients à propos des rapports entre l'héminégligence auditive et l'extinction auditive déjà abordés dans l'introduction de cette étude.
Pour les sujets témoins, on observe un résultat similaire dans la modalité visuelle uniquement: les diodes situées à gauche sont moins bien détectées que les diodes situées à droite. Cependant, les cibles sont quasiment toutes détectées quelque soit leur côté de présentation: les cibles situées à gauche sont détectées globalement à 97% et celles situées à droite le sont à 99%. Pour le groupe de sujets témoins, la différence est donc de 2% alors que pour le groupe de patients, cette différence s'élève à 22% (57% de cibles détectées à gauche et 79% de cibles détectées à droite). La différence en fonction du côté de présentation des diodes est donc nettement plus conséquente pour les patients que pour les sujets témoins. Dans la modalité auditive, les résultats vont dans le même sens: les patients détectent 60% des sons situés à gauche et 76% des sons situés à droite alors que pour les sujets témoins, les scores sont de 96% pour les sons situés à gauche et de 95% pour les sons situés à droite.
Les comparaisons entre les deux groupes, dans la modalité auditive et dans la modalité visuelle, ont confirmé que les patients détectent globalement moins de cibles que les sujets témoins. Cependant, cette différence est plus importante lorsque les stimuli (auditifs ou visuels) se situent du côté gauche que lorsqu'ils se situent du côté droit (Fig. 30). Cette variation de la différence entre les deux groupes en fonction du coté de présentation des stimuli (auditifs ou visuels) provient uniquement d'une diminution importante, pour les patients, du nombre de cibles détectées lorsqu'elles se situent du côté gauche.
Nos résultats confirment donc la présence de difficultés de détection de cibles visuelles comme beaucoup d'études l'avaient déjà observée (Robertson et Marshall, 1993 pour une revue). Les déficits visuels constituent donc actuellement un fait bien établi dans l'héminégligence. Cependant, les performances des patients étudiés ont également mis en évidence des déficits dans la modalité auditive, essentiellement lorsque les cibles se situent à gauche. Nous rappelons que plusieurs auteurs ont déjà observé de tels résultats (De Renzi, 1982; De Renzi et al., 1989a; Heilman et al., 1972; Kerkhoff et al., 1999; Pinek et al., 1989; Soroker et al., 1995; 1997; Vallar et al., 1995).
Bien que la différence entre les deux groupes soit plus importante lorsque les cibles se situent à gauche que lorsqu'elles se situent à droite, on observe également, dans les deux modalités, une différence entre les deux groupes lorsque les stimuli se situent sur la droite à 20° (Tabl. 8 et 9). Ces résultats suggèrent en fait que les déficits ne soient pas simplement présents à gauche et absents à droite.
Dans la modalité auditive, les comparaisons entre les deux groupes, effectuées pour chaque angle séparément (tests de Student, tableau 8), précisent que les patients détectent moins de cibles que les sujets témoins lorsqu'elles se situent sur la gauche (quel que soit leur angle) et lorsqu'elles se situent sur la droite avec un angle de 20°. Lorsqu'elles ont un angle de 60° à droite ou lorsqu'elles sont présentées monauralement à droite, les patients et les sujets témoins ne se différencient plus. Les difficultés de détection de cibles auditives pour les patients sont donc présentent principalement dans l'espace gauche mais concernent également la partie proche du centre de l'espace droit (jusqu'à 20°).
Dans la modalité visuelle, les résultats vont dans le même sens: la différence entre les deux groupes est présente lorsque les cibles visuelles se situent à gauche, quel que soit leur angle, comme lorsqu'elles se situent à droite avec un angle de 20° (Tabl. 9). Lorsque les cibles ont un angle de 60° sur la droite, les deux groupes ne présentent pas de différence significative entre eux. Comme pour les cibles auditives, les patients ont donc des difficultés de détection de cibles visuelles situées dans l'espace gauche mais également dans l'espace droit lorsqu'elles sont proches du centre.
De plus, les analyses ont mis en évidence un effet de l'angle des cibles dans la modalité visuelle. Dans cette modalité uniquement, les patients (mais également les sujets témoins) présentent un nombre de détections globalement moins élevé lorsque les cibles se situent à 60° que lorsqu'elles se situent à 20°. Pour les sujets témoins, les cibles détectées à 60° sont également moins nombreuses que celles détectées à 20°. Cependant, le pourcentage de détection est de 97% lorsque les cibles se situent à 60° et de 99% lorsqu'elles se situent à 20°. Pour les sujets témoins, la différence entre les deux angles n'atteint donc que de 2% (mais elle est significative), alors que pour les patients, cette différence est de 6% (71% des cibles visuelles situées à 20° sont détectées alors que celles se situant à 60° sont détectées à 65% pour les patients). L'effet de l'angle chez les sujets témoins est donc nettement moins important que celui observé chez les patients. Cet effet de l'angle des cibles n'est pas présent dans la modalité auditive.
Pour les patients, cette différence en fonction de l'angle semble provenir essentiellement du nombre nettement plus faible de cibles détectées lorsqu'elles se situent à 60° sur la gauche. L'effet de l'angle observé ici provient d'une analyse dans laquelle les scores pour le côté droit et ceux pour le côté gauche étaient pris en compte ensembles (effet principal du facteur angle). De plus, les tests de Student comparant les deux groupes n'ont pas révélé de différence entre les patients et les sujets témoins lorsque les diodes se situent à 60° sur la droite, alors que lorsqu'elles ont le même angle sur la gauche, les patients présentent des scores inférieurs à ceux des sujets témoins. Il est donc probable que cet effet de l'angle concerne principalement le côté gauche, même si les analyses n'ont pas mis en évidence une interaction entre les facteurs 'côté 'et 'angle'.
Bien que la plupart des tests cliniques 'papier-crayon' présentés ci-dessus ne suggèrent pas des déficits importants pour les patients, les résultats observés à l'ECB et les données comportementales mettent en évidence des difficultés de gestion de l'espace gauche et de détection de cibles auditives ou visuelles essentiellement lorsqu'elles se situent sur la gauche du patient.
Un des buts de cette étude était d'analyser les rapports entre héminégligence auditive et extinction auditive. Dans les évaluations cliniques de ces patients, nous avons mis en évidence la présence d'une extinction concernant la modalité auditive et/ou la modalité visuelle et/ou la modalité tactile selon les patients. Les comparaisons des différents types d'extinction en fonction de la localisation de la lésion, de son type, de son étendue, du délai qu'il a eu entre sa survenue et cette évaluation, de l'âge du patient, du sexe etc., n'ont pas suggéré d'effets évidents, univoques. De plus, dans la partie 'comportementale' de ce travail, nous n'avons observé un comportement d'extinction auditive (décrit dans l'introduction de cette étude) que chez un patient. L'utilisation de sons binauraux et monauraux n'a donc pas entraîné autant de phénomènes d'extinction que ceux observés dans l'évaluation clinique. La grande majorité des patients étudiés (nous n'avons pas retenu dans cette étude le patient présentant une extinction auditive principalement du fait qu'il n'est pas parvenu à exécuter normalement la tâche demandée) est parvenue à dissocier les stimuli 'provenant' de la gauche et ceux 'provenant' de la droite puisqu'ils n'ont pas présenté un nombre important de fausses réponses lorsqu'ils devaient détecter les sons situés à gauche (voir les paragraphes 7.1.2. et 7.2.5 pour l'explication des fausses réponses). En revanche, les patients ont montré un comportement de négligence pour les sons situés à gauche qui s'observe par un nombre moins élevé de cibles monaurales détectées à gauche qu'à droite. A partir de nos résultats, il n'est pas possible de déterminer clairement si l'héminégligence auditive et l'extinction auditive sont des troubles indépendants puisque des phénomènes d'extinction sont observés dans l'évaluation clinique mais non dans la partie comportementale. Il semble en fait que le contexte dans lequel l'extinction auditive est testée et les stimuli utilisés (bruissement de doigt ou sons complexes dans notre étude) puissent mettre en évidence des résultats différents chez un même patient.
Finalement, la présence de déficits auditifs (de négligence et non d'extinction) dans l'héminégligence est donc confirmée. Tous les patients présentaient des déficits dans les deux modalités, aucune différence entre les deux modalités n'a été observée. Les déficits n'étaient donc pas plus importants en visuel qu'en auditif. Le résultat qui semble le plus important dans cette étude concerne la présence, dans les deux modalités, de difficultés concernant non seulement l'espace gauche, mais également une partie de l'espace droit, lorsque les diodes se situent proches du centre.
L'étude des processus attentionnels a souvent fait appel à l'analyse de patients affectés de lésions cérébrales. L'héminégligence est sans doute le trouble le plus étudié dans ce domaine. Nous avons décrit ce syndrome dans le chapitre 2 de ce présent travail. Nous rappelons brièvement que les patients héminégligents ont des difficultés à s'orienter, à réagir aux événements ou aux objets situés dans l'espace gauche. Plusieurs auteurs ont proposé différents modèles explicatifs de ces troubles, le processus déficitaire sous-jacent aux difficultés rencontrées par ces patients n'est cependant pas encore clairement défini. La grande diversité observée dans ce syndrome au niveau des déficits et des localisations des lésions suggère l'atteinte de plusieurs processus.
Un des points de vue qui semble être actuellement accepté par une majorité des chercheurs dans le domaine suggère la présence de déficits attentionnels sous-jacents à l'héminégligence. L'attention elle-même serait cependant composée de différents processus, Schneider et Shiffrin par exemple ont proposé l'existence de processus automatiques et de processus contrôlés (1977). Un des modèles de l'héminégligence suggère que les difficultés proviennent d'une atteinte sélective des processus attentionnels automatiques dévolus à l'espace gauche (Gainotti et al., 1986; Gainotti, 1994). D'autres auteurs ne spécifient pas clairement le processus déficitaire mais mettent en cause l'asymétrie des processus attentionnels entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche (par exemple Mesulam, 1981).
L'étude présentée dans ce chapitre avait pour objectif d'analyser les processus attentionnels automatiques ou contrôlés et de spécifier, le cas échéant, le type de processus déficitaires. La technique des potentiels évoqués a été utilisée parce qu'elle présente de nombreux avantages pour ce genre d'étude. Nous avons abordé, dans le chapitre 3 de ce travail, l'intérêt à utiliser une telle technique en psychologie cognitive. En se basant sur l'enregistrement de l'activité électrique du cerveau, elle permet de 'suivre' et d'analyser le décours des processus perceptifs et cognitifs successifs mis en jeu dans une situation donnée. Elle permet également d'étudier des processus involontaires, automatiques et non conscients. Certaines composantes des potentiels évoqués (pics d'amplitude) sont considérées comme reflétant différents processus attentionnels déterminés (chapitre 1.1.3.; Näätänen, 1992 pour une revue de ces composantes): la composante MMN témoignerait d'une détection automatique d'un changement dans l'environnement, la composante P3a refléterait l'orientation automatique de l'attention sur un événement nouveau et inattendu, et les composantes N2b et P3b seraient observées lors de processus attentionnels contrôlés et volontaires comme l'orientation de l'attention vers une cible (composante N2b) et l'identification de la cible (composante P3b). D'autres composantes ont également été observées dans des situations d'attention sélective notamment (composantes Nd et PN). Nous avons donc utilisé ces composantes pour étudier certains processus attentionnels chez des patients héminégligents.
Une des questions souvent abordée dans les études portant sur l'héminégligence concerne l'intégrité des processus sensoriels. L'étude des composantes exogènes (liées aux caractéristiques des stimulations) telles que les composantes N100 auditive ou P100 visuelle par exemple pourrait répondre à cette question puisque ces composantes témoigneraient des différents processus perceptifs au niveau des aires sensorielles. Les études électrophysiologiques portant sur ce type de composantes ont mis en évidence des résultats contradictoires suggérant soit une préservation des processus sensoriels soit une atteinte de ces processus.
Etudes suggérant une préservation des processus sensoriels dans l'héminégligence
Un des premiers travaux dans ce domaine (Watson et al., 1977b) a étudié les effets de lésions induites au niveau des régions préfrontales postérieures chez le singe sur les potentiels évoqués somatosensoriels. Les singes présentaient des signes clairs d'héminégligence alors que les potentiels évoqués sensoriels consécutifs à des stimulations du nerf médian étaient similaires à ceux observés avant les lésions. Une des premières recherches utilisant l'électroencéphalographie dans l'étude de l'héminégligence chez l'Homme (Watson et al., 1977a) avait pour but d'évaluer la symétrie hémisphérique des rythmes électrophysiologiques de 23 patients héminégligents. Un ralentissement significatif des rythmes thêta et delta du côté ipsilatéral à la lésion a été observé pour la majorité des patients héminégligents.
Constatant que la majorité des travaux électrophysiologiques dans ce domaine ne portait que sur l'étude des rythmes électrophysiologiques et ne pouvait pas trancher entre les différentes hypothèses explicatives de l'héminégligence du moment (hypothèses d'un déficit sensoriel ou d'un déficit lié au système d'activation et d'éveil), Watson et al. (1984) ont effectué une nouvelle étude analysant les potentiels évoqués visuels précoces P100, N100 et P200 (représentant les activités sensorielles) et tardifs N200 et P300 (liés, selon les auteurs, aux activités du système d'éveil) chez des singes ayant subi des lésions cérébrales provoquant une héminégligence. Les auteurs ont observé que des lésions du lobe pariétal ou frontal, provoquaient une héminégligence mais ne modifiaient pas les paramètres (latence et amplitude) des composantes précoces du potentiel évoqué. En revanche, une augmentation des latences des composantes N200 et P300 ainsi qu'un changement de l'amplitude de la composante P300 ont été constatées. La normalité des paramètres de ces composantes précoces et la modification des potentiels évoqués tardifs seraient en accord, selon les auteurs, avec la théorie postulant un déficit attentionnel (atteinte du système d'éveil selon ces auteurs, en accord avec le modèle de Heilman, voir chapitre 2.4.2.) et non avec celle proposant un déficit sensoriel (théorie qui n'est en fait plus soutenue actuellement).
Chez l'homme, Vallar et al. (1991a) ont obtenu des résultats similaires chez 3 patients affectés de lésions cérébrales au niveau des régions fronto-temporo-pariétales droites et chez 1 patient ayant des lésions dans la région périventriculaire occipitale. Les potentiels évoqués somatosensoriels (composantes N9, N13, P15, N20 et P25) par stimulations du nerf médian droit étaient normaux chez ces patients alors qu'ils n'étaient pas conscients des stimulations. Les potentiels évoqués visuels N75, P100 et N145 ont été étudiés également chez des patients héminégligents avec lésions hémisphériques droites (Vallar et al., 1991b). Ces composantes évoquées par des stimuli visuels du côté gauche étaient comparables (au niveau de la latence et de l'amplitude) à celles consécutives aux stimuli visuels présentés du côté droit (chez 2 des patients ayant pu être étudiés dans toutes les conditions). Cependant, les stimuli visuels présentés du côté gauche n'étaient pas rapportés explicitement par les patients. Ces composantes étaient également similaires à celles obtenues chez les sujets normaux pour des stimuli visuels présentés à gauche ou à droite. Selon cette étude, les potentiels évoqués visuels précoces pour des stimuli présentés à droite comme à gauche seraient normaux chez les patients héminégligents (ainsi que les potentiels évoqués somato-sensoriels) et témoigneraient d'une préservation des traitements sensoriels. Le fonctionnement normal des processus perceptifs, reflétés par les potentiels évoqués précoces, n'impliquerait donc pas forcément une perception consciente des stimuli.
Dans une étude portant également sur la modalité visuelle, Viggiano et al. (1995), ont comparé les processus précoces du traitement visuel chez des patients héminégligents et chez d'autres patients ayant également des lésions cérébrales mais sans héminégligence. Ces auteurs ont utilisé des stimulations de type 'steady-state' (stimulation qui semble presque continue mais qui a en fait une fréquence d'apparition très élevée). Cette étude a confirmé les résultats précédemment obtenus par Vallar et al. (1991b): les potentiels évoqués visuels précoces consécutifs à des stimuli présentés dans l'espace droit ou dans l'espace gauche des patients ne différaient pas les uns des autres. Les réponses évoquées chez les patients héminégligents ne se différenciaient pas des réponses évoquées chez d'autres patients ayant des lésions cérébrales sans héminégligence. Selon ces études, les processus sensoriels seraient donc intacts, elles ont donc suggéré que les déficits se situent à des niveaux plus élevés. Cependant, d'autres études ont mis en doute de telles conclusions.
Etudes suggérant une atteinte des processus sensoriels dans l'héminégligence
Ibañez et al. (1989) ont en effet mis en évidence une diminution de l'amplitude de la composante précoce Pa du potentiel évoqué auditif chez des patients présentant une extinction auditive consécutive à des lésions impliquant le cortex auditif ou les projections auditives. D'autres études ont mis en évidence une diminution des composantes N1 du potentiel évoqué visuel ou auditif sur l'hémisphère lésé, quel que soit le côté de présentation des stimuli (Alain et al., 1998; Deouell et al., 2000; Verleger et al., 1996). En effet, dans une étude utilisant un paradigme d'indiçage visuel (tâches de type 'Posner'), Verleger et al. (1996) ont observé une diminution de l'amplitude de la composante N1 du potentiel évoqué visuel pour les indices présentés du côté controlatéral à la lésion. Cet effet indiquerait, selon les auteurs, une 'diminution' de la perception de ces stimuli ainsi qu'un échec dans l'engagement (orientation) de l'attention pour ce côté. Ces études suggèrent donc une diminution de l'amplitude des composantes précoces. D'autres études proposent en revanche une augmentation de la latence de ces composantes.
Spinelli et al. (1994) et Spinelli et Di Russo (1996) ont également effectué une étude des potentiels évoqués visuels lors de stimulations 'steady-state' chez des patients héminégligents avec lésions hémisphériques droites et des patients sans héminégligence avec lésions hémisphériques droites ou gauches. Ces auteurs ont montré, chez les patients héminégligents uniquement, une augmentation des latences des potentiels évoqués par des stimuli présentés du côté gauche par rapport aux latences observées lorsque les stimuli se situaient du côté droit, et par rapport aux latences observées des deux côtés des patients sans héminégligence. Une autre étude (Angelelli et al., 1996) portant également sur les potentiels évoqués visuels de type 'steady-state' a été effectuée sur 19 patients héminégligents ayant des lésions dans l'hémisphère droit. Ce travail a confirmé une augmentation des latences quand les stimuli étaient controlatéraux à l'hémisphère lésé par rapport aux latences observées lorsque les stimuli étaient présentés du côté ipsilatéral pour ces patients. De plus, les potentiels évoqués par les stimuli controlatéraux à l'hémisphère lésé étaient moins amples que les potentiels évoqués par les stimuli ipsilatéraux. Selon ces études, les processus précoces concernant le côté négligé ne seraient donc pas préservés dans l'héminégligence.
Les potentiels évoqués 'steady-state' peuvent être considérés, par certains aspects, comme des potentiels évoqués précoces (exogènes, sensoriels), notamment grâce à la prédominance des réponses de courtes latences dues à la fréquence de répétition rapide de la stimulation. Les résultats des études utilisant les potentiels évoqués 'classiques' et celles utilisant les stimuli 'steady-state' seraient alors contradictoires. En effet, les études de Vallar et al. (1991a, b) et Viggiano et al. (1995), ont suggéré que les processus sensoriels soient intègres puisque les paramètres des potentiels évoqués précoces étaient similaires lorsque les stimuli étaient présentés du côté négligé ou non (ou avant et après la survenue de la lésion). En revanche, les travaux de Verleger et al. (1996); Deouell et al., 2000; Spinelli et al. (1994); Spinelli et Di Russo (1996) et Angelelli et al. (1996) ont montré que les caractéristiques de ces composantes étaient différentes lorsqu'elles étaient consécutives à des stimuli venant du côté négligé principalement. L'intégrité des processus de traitement précoce dans l'héminégligence est donc encore actuellement en question. En revanche, les résultats semblent plus clairs en ce qui concerne les processus liés à l'attention et les composantes plus tardives des potentiels évoqués.
Les potentiels évoqués attentionnels dans l'héminégligence
Les processus attentionnels dans l'héminégligence ont été étudiés principalement à l'aide des composantes P300 (également nommée P3 ou P3b pour la différencier de la composante P3a), Nd et MMN. Lhermitte et al. (1985) ont étudié les caractéristiques de la composante P300, en utilisant 5 électrodes uniquement, dans des tâches d'attention sélective visuelle et auditive. Ces auteurs ont montré quelques différences entre les composantes P300 visuelle et P300 auditive. Ils ont en effet observé une augmentation globale de la latence de la P300 visuelle pour les stimuli présentés du côté controlatéral à la lésion, par rapport à la latence de cette composante pour les stimuli présentés du côté ipsilatéral, et par rapport à celles des groupes de sujets témoins (sujets normaux et patients sans héminégligence). L'amplitude de la composante P300 visuelle était généralement plus faible pour les patients lorsque les stimuli étaient présentés du côté controlatéral à la lésion. En revanche, dans la modalité auditive, les résultats mettent en évidence une augmentation de la latence de la composante P300 auditive consécutive aux sons venant du côté controlatéral ou du côté ipsilatéral à la lésion mais cette augmentation n'était pas significative. De plus, l'amplitude de la composante P300 auditive était normale chez ces patients, témoignant ainsi, selon les auteurs, d'une absence d'héminégligence auditive.
Dans son étude portant sur l'orientation de l'attention visuelle dans l'héminégligence, Verleger et al. (1996) ont également étudié la composante P300. Ils ont confirmé la présence d'une amplitude généralement plus faible de cette composante pour les patients héminégligents (que les stimuli visuels soient présentés du côté controlatéral ou ipsilatéral à la lésion). Ces auteurs ont également étudié une autre composante témoignant de processus attentionnels contrôlés: la composante Nd (négativité de différence) du potentiel évoqué. Ils ont mis en évidence une réduction de l'amplitude de cette composante lorsque les stimuli étaient controlatéraux à la lésion. Cette réduction a été interprétée par les auteurs comme une baisse 'momentanée' de l'attention orientée du côté controlatéral à la lésion.
Les modifications de la composante P300, consécutive aux stimuli controlatéraux, observées dans ces deux études seraient liées, selon Lhermitte et al. (1985), à un déficit au niveau des processus de discrimination et d'évaluation des stimuli impliqués directement dans la tâche effectuée (reconnaissance d'une cible parmi des distracteurs). Les conclusions des auteurs portaient principalement sur des déficits au niveau de l'activation de structures pariéto-frontale, fronto-réticulaire et réticulo-pariétale ayant des projections bilatérales. Ces déficits se refléteraient par les altérations des paramètres de la composante P300 pour les stimuli controlatéraux uniquement. Lhermitte et al. ont constaté que des patients héminégligents parvenaient aussi à percevoir et à identifier quelques stimuli présentés du côté controlatéral lorsqu'ils étaient 'contraints' à le faire. Cette constatation va dans le même sens que les observations en rééducation montrant que les patients parviennent effectivement à diriger leur attention du côté controlatéral à la lésion.
Une autre composante a été également étudiée dans l'héminégligence, il s'agit de la composante MMN auditive (Deouell et al., 2000). Nous avons décrit ci-dessus cette composante qui refléterait un processus de détection automatique d'un changement dans l'environnement (Näätänen et al., 1978). L'étude de cette composante chez des patients héminégligents affectés de lésions situées principalement dans le lobe pariétal droit a mis en évidence des résultats nouveaux et intéressants. En effet, ces auteurs ont observé que l'amplitude de cette composante était normale pour le groupe de patients (comparé à un groupe de sujets témoins) lorsqu'elle était consécutive à des changements intervenants dans l'espace droit (changements de fréquence, de durée ou de position spatiale). Lorsque les sons étaient situés du côté gauche, des changements de fréquence entraînaient une composante MMN d'amplitude quasiment normale. En revanche, l'amplitude de cette composante diminuait lorsque les changements portaient sur la durée et diminuait encore plus lorsqu'ils portaient sur la localisation spatiale. Ces auteurs ont conclu à un déficit du processus de détection automatique et pré-attentif d'un changement dans l'environnement pour des sources sonores situées à gauche. Selon Deouell et al. (2000), le déficit dans l'héminégligence concernerait plus spécifiquement le traitement de l'information spatiale des objets situés à gauche. Les difficultés des patients à percevoir consciemment les stimuli à gauche proviendraient d'un déficit présent au niveau de l'encodage de l'information spatiale des stimuli.
L'ensemble de ces travaux sur les potentiels évoqués dans l'héminégligence met en évidence:
Les études de la littérature utilisant les potentiels évoqués ont porté soit sur les processus perceptifs (composantes précoces), soit sur les processus attentionnels automatiques (composante MMN) soit sur les processus attentionnels. Les comparaisons entre ces différents processus portent sur des populations différentes de patients. Nos travaux ont porté sur l'étude de ces trois types de processus chez un même groupe de patients. La plupart des travaux en potentiels évoqués sur l'héminégligence ont étudié la modalité visuelle ou somesthésique. Cependant, des déficits auditifs semblent exister dans la modalité auditive comme l'ont mis en évidence les études présentées dans le chapitre 7 (introduction). Nos propres travaux ont également montré la présence de difficultés auditives lorsque les sons se situent à gauche, quelque sot leur angle, et lorsqu'ils se situent à droite, proches du centre.
Des déficits auditifs ont également été mis en évidence dans quelques études électrophysiologiques que nous venons d'aborder. Ibañez et al. (1989) ont mis en évidence une diminution de l'amplitude de la composante Pa chez des patients présentant une extinction auditive. Alain et al. (1998) et Deouell et al. (2000) ont observé une diminution de la composante N100 auditive principalement sur l'hémisphère ipsilatéral à la lésion, quel que soit le côté de présentation. Seule l'étude de Deouell et al. (2000) porte spécifiquement sur des patients affectés d'héminégligence. Ces études suggèrent donc principalement une différence au niveau des potentiels évoqués auditifs sensoriels entre des patients héminégligents ou non, affectés de lésions temporales (ou temporo-pariétales), et des sujets témoins. Ces études montrent également des différences, chez les patients, entre les amplitudes recueillies sur l'hémisphère controlatéral et ipsilatéral à la lésion. Nous avons également étudié les potentiels évoqués sensoriels afin d'apporter une confirmation à ces deux études, et de préciser si ces modifications de la composante N100 pouvaient varier en fonction de la position (l'angle) des stimuli situés à gauche par exemple.
En ce qui concerne les processus attentionnels automatiques, l'étude de Deouell et al. (2000) est, à notre connaissance, le seul travail ayant porté sur de tels mécanismes chez des patients héminégligents. Leurs résultats mettent en évidence que l'amplitude de la composante MMN évoquée par des sons situés à gauche varierait en fonction du type de non-concordance qui l'évoquerait (changement de durée, de fréquence ou de localisation spatiale). Notre étude avait pour objectif d'analyser cette composante évoquée par un changement de position spatiale des objets, chez des patients héminégligents, et de préciser l'influence de l'angle des stimuli. Nous avions également pour but d'étudier la composante P3a reflétant un processus d'orientation automatique de l'attention.
Finalement, cette étude a également porté sur les processus attentionnels contrôlés dans la modalité auditive à partir des composantes N2b et P3b. Les composantes N2b auditive et visuelle n'ont pas encore été étudiées chez des patients héminégligents à notre connaissance. En ce qui concerne la composante P3 auditive, Lhermitte et al. (1985) n'ont pas mis en évidence de déficits. Cependant, il faut rappeler que les patients qu'ils ont étudiés ne présentaient pas d'héminégligence auditive. Nos travaux ont analysé ces deux composantes chez des patients présentant une héminégligence auditive et/ou visuelle.
La présente étude avait donc pour objectif de préciser l'intégrité éventuelle des processus sensoriels auditifs (analyses des composantes N100 auditive), des processus attentionnels automatiques (analyses des composantes MMN et P3a auditives) et des processus attentionnels contrôlés (analyses des composantes N2b et P3b auditives). De plus, afin de comparer les modalités auditive et visuelle entre elles, les mêmes processus ont été étudiés dans la modalité visuelle, à l'aide des composantes N160, MMN et P3a, et N2b et P3b. Les résultats de cette étude sont présentés dans le chapitre 9 de ce travail. Une comparaison entre les deux modalités est exposée dans le chapitre portant sur la discussion générale de toutes les études de ce travail (chapitre 10). Dans le cadre général de ce présent travail (études 1 à 4), l'analyse des potentiels évoqués auditifs chez des patients héminégligents avaient pour but de déterminer l'influence de lésions cérébrales au niveau du lobe pariétal droit sur différents processus attentionnels. Dans ce but, nous avons abordé les résultats principalement en fonction de l'intégrité ou de l'atteinte des générateurs (décrits dans le chapitre 1.1.3.) sous-jacents aux différentes composantes étudiées.
Le groupe de 10 patients héminégligents étudiés ici correspond à celui décrit dans le chapitre 5.1.1. Ces patients présentent des déficits témoignant d'une héminégligence auditive (et/ou visuelle) pour l'espace gauche comme nous l'avons analysé et décrit dans le chapitre 7. La présence d'une extinction auditive chez ces patients n'est pas clairement exclue comme nous en avons discuté à la fin du chapitre 7.
Les sons utilisés dans cette étude ont été décrits dans le chapitre 5.2.1. Nous rappelons qu'il s'agit de sons complexes, présentés binauralement ou monauralement à travers un casque d'écouteurs. Les sons présentés binauralement étaient combinés de manière à correspondre à des sons situés à 20° ou à 60° sur la droite ou la gauche du sujet. Ils avaient une intensité de 80 dB, une durée de 80 ms et étaient présentés avec un intervalle aléatoire de 1000 à 2000 ms. Le contenu des séquences utilisées ci-dessous a été détaillée dans le chapitre 5.3.2. ci-dessus.
Nous rappelons que pour les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents dans la situation 'auditive passive' d'une part (chapitre 8.3.2) et pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents dans la situation 'auditive attentive' d'autre part (chapitre 8.3.4), nous avons effectué des analyses sur des mesures d'amplitude moyenne sur 9 fenêtres de 50 ms, allant de 50 à 500 ms (analyses présentées dans le chapitre 5.5.2). Nous n'avons pas présenté ci-dessous la méthode employée pour ces analyses exploratoires. Nous avons mentionné directement, dans les paragraphes présentant les résultats de ces analyses, pourquoi elles ont été utilisées, quelles étaient les caractéristiques des mesures sur lesquelles elles ont été utilisées et quels facteurs ont été pris en compte dans les analyses de variance. Nous précisons tout de même à nouveau que ces analyses avaient pour but de rechercher la présence des composantes MMN, P3a, N2b ou P3b et d'en préciser la latence. Une fois que la présence de ces composantes a été démontrée à l'aide de différences significatives d'amplitude entre les potentiels évoqués par les stimuli rares (ou cibles) et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents, ces composantes ont été analysées directement sur les ondes de différence. Nous précisons déjà que nous avons étudié des composantes que ces analyses n'ont pas mises en évidence. Les explications justifiant ce choix sont présentées dans les paragraphes décrivant les résultats correspondant.
De plus, nous rappelons que certaines analyses statistiques ont été entre les différentes composantes. Il s'agit des 'analyses de variance habituelles': deux ANOVAs portant sur les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' pour chaque groupe séparément et une ANOVA portant sur les deux groupes ensemble (facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'groupe'). Nous rappelons également que si cette dernière analyse mettait en évidence une interaction significative entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli', des tests t de Student, comparant uniquement les deux groupes entre eux, ont été effectués pour chaque condition expérimentale séparément. Dans certaines analyses, nous avons toutefois effectué ces tests même si cette interaction n'était pas significative. Nous avons à chaque fois expliqué pourquoi nous avons fait ce choix dans le paragraphe décrivant ces résultats.
Traitement de la composante N100 auditive
Cette composante a été étudiée pour chacune des 6 conditions expérimentales dans les situations 'auditive passive' et 'auditive attentive', sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Ces mesures ont été effectuées sur deux zones différentes du scalp. Premièrement, les mesures ont été prises au niveau de l'électrode CZ entre 80 et 130 ms. Ces mesures ont donné lieu aux analyses de variance habituelles. Dans un deuxième temps, afin de prendre en compte d'éventuelles différences de topographie entre les patients et les sujets témoins, des mesures d'amplitude ont été effectuées sur l'hémisphère gauche (électrode C3) et sur l'hémisphère droit (électrode C4). Des ANOVAs prenant en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' ont été effectuées pour chaque groupe et chaque situation séparément. Une ANOVA portant sur les deux groupes a également été effectuée (facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli', 'hémisphère' et 'groupe'). La latence de la composante N100 a été mesurée uniquement au niveau de l'électrode CZ entre 80 et 130 ms, pour toutes les conditions expérimentales. Les analyses effectuées pour chaque groupe et chaque situation séparément correspondent aux analyses de variance habituelles.
Traitement de la composante MMN auditive
Pour chaque sujet dans chaque condition, l'amplitude moyenne de cette composante a été calculée au niveau des ondes de différence sur une fenêtre allant de 80 à 170 ms après la présentation des stimuli. Ces mesures ont été effectuées au niveau de 4 électrodes sur l'hémisphère gauche (électrodes FC1, FC3, C1 et C3) et de 4 électrodes sur l'hémisphère droit (électrodes FC2, FC4, C2 et C4). Les analyses statistiques ont pris en compte les valeurs moyennes pour chaque hémisphère provenant des moyennes des amplitudes mesurées sur les 4 électrodes. Pour chaque groupe de sujets, une analyse de variance prenant en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' a été effectuée. Une ANOVA supplémentaire portant sur ces trois facteurs ainsi que sur le facteur 'groupe' a été effectuée dans le but de comparer les patients et les sujets témoins. La latence de la composante MMN a été mesurée au niveau de l'électrode CZ, sur l'onde de différence entre 80 et 170 ms après la présentation des stimuli. Les mesures ont porté sur l'instant où le pic de la composante MMN atteignait son maximum d'amplitude. Les analyses de variance habituelles ont été effectuées.
Traitement de la composante N2b auditive
La composante N2b a été étudiée dans la situation 'auditive attentive' sur les ondes de différence. Les analyses statistiques ont porté sur des mesures d'amplitude moyenne au niveau de l'électrode CZ entre 200 et 300 ms après la présentation des stimuli. Elles ont été effectuées, pour les patients et les sujets témoins, à l'aide des analyses statistiques habituelles. La latence du pic de la composante N2b a été également mesurée au niveau de l'électrode CZ entre 200 et 300 ms sur les ondes de différences. Les analyses statistiques habituelles ont été effectuées sur ces données.
Traitement de la composante P3b auditive
Comme pour la composante N2b, l'onde P3b a été étudiée dans la situation 'auditive attentive' uniquement, sur les ondes de différence. Elle a fait l'objet de mesures d'amplitude instantanée au niveau de l'électrode PZ entre 300 et 600 ms après la présentation des stimuli. Ces données ont été analysées à l'aide des analyses de variance habituelles. Les patients présentant une topographie de cette composante légèrement moins postérieure que les sujets témoins, des analyses similaires ont été effectuées sur des mesures d'amplitude recueillies au niveau de l'électrode CZ. La latence du pic d'amplitude de la composante P3b a été mesurée au niveau de l'électrode PZ entre 300 et 600, elle a donné lieu aux analyses de variance habituelles.
La figure 31 présente le décours des potentiels évoqués par les sons fréquents dans les situations 'auditive passive' et 'auditive attentive' pour la moyenne des 10 sujets témoins et pour la moyenne des 10 patients. Pour ces 2 groupes, plusieurs composantes successives du potentiel évoqué auditif apparaissent: les composantes P50, N100 et P200. Les composantes P50 et P200 n'étant pas identifiables chez tous les sujets, elles n'ont pas été étudiées dans ce travail. En revanche, l'onde N100 est présente et bien identifiable chez tous les patients et tous les sujets témoins dans toutes les conditions des situations passives et attentives.
Pour chaque courbe, nous avons indiqué l'importance du bruit contenu dans le signal (zones grises sur les courbes dans les figures 31). Nous rappelons que le bruit a été déterminé à partir des amplitudes maximum observées pour chaque sujet au cours des 200 ms précédant les stimulations (ligne de base). Bien que le bruit sur les potentiels évoqués soit plus important pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins, la composante N100 dépasse le bruit pour les courbes moyennes de chaque groupe quelle que soit la condition expérimentale. Les analyses présentées ci-dessous ont porté sur l'amplitude et la topographie de la composante N100.
La composante N100 présente un pic culminant dans les régions centrales pour les deux groupes (Fig. 31). Les mesures d'amplitude instantanée ont été effectuées au niveau de l'électrode CZ entre 80 et 130 ms après la présentation des stimuli auditifs. Ces mesures ont donné lieu à des analyses de variance habituelles pour chaque situation séparément (facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'). Ces analyses ne montrent aucun effet principal des facteurs étudiés ni aucune interaction significative pour chacun des groupes de sujets. Seuls les résultats concernant la comparaison des deux groupes sont donc présentés.
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Nous rappelons que ces comparaisons ont été effectuées séparément dans les deux situations à l'aide d'ANOVAs prenant en compte les facteurs suivants: 'groupe', 'angle et 'côté de présentation des stimuli'. Dans la situation passive comme dans la situation attentive, on observe un effet principal du facteur 'groupe' (situation passive: F (1,9) = 8,99; p < .05 et situation attentive: F (1,9) = 14,03; p < .01). Dans les deux situations, l'effet de ce facteur va dans le sens d'une composante N100 généralement moins ample pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 32). Les autres facteurs ne présentent pas d'effet significatif dans ces deux situations, et aucune interaction n'atteint le seuil de significativité.
*Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas). Indication du bruit dans les données au niveau des zones grises pour chaque courbe. Les différentes composantes des potentiels évoqués sont indiquées sur les courbes en bas à droite pour chaque situation.
Pour les sujets témoins, l'amplitude de la composante N100 est maximale au niveau de l'électrode CZ, alors que pour les patients, la topographie de la composante N100 est moins centrale (Fig. 31). En effet, pour les patients le pic de cette composante est plus ample sur l'hémisphère gauche (proche des électrodes C1 et C3) que sur l'hémisphère droit, quels que soient l'angle et le côté de présentation des sons. Il est donc possible que la différence d'amplitude entre les deux groupes, observée au niveau de l'électrode CZ, provienne en fait d'une différence de topographie.
Afin de prendre en compte ces différences de topographie, nous avons mesuré, chez les patients et les sujets témoins, l'amplitude au niveau des électrodes C3 (l'hémisphère gauche) et C4 (hémisphère droit) dans chaque condition expérimentale. Pour les deux groupes de sujets, ces mesures ont fait l'objet d'ANOVAs prenant en compte les facteurs 'hémisphère', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'.
Sujets témoins:
Dans la situation passive comme dans la situation attentive, ces analyses ne montrent aucun effet principal des facteurs étudiés. Seule l'interaction entre les facteurs 'hémisphère' et 'côté de présentation des stimuli' est significative (situation passive: F (1,9) = 12,22; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 9,73; p < .05). Au niveau de l'hémisphère gauche, les sons venant du côté droit entraînent une amplitude plus élevée que les sons venant du côté gauche. Sur l'hémisphère droit on observe l'effet inverse: l'amplitude de cette composante est plus élevée lorsque les sons viennent du côté gauche que lorsqu'ils viennent du côté droit (Fig. 33). Pour les sujets témoins, cette composante est donc plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons que sur l'hémisphère ipsilatéral, dans les deux situations.
*C3 (hémisphère gauche) et C4 (hémisphère droit) dans toutes les conditions des situations 'auditive passive' (graphiques du haut) et 'auditive attentive' (graphiques du bas). Moyenne des 10 patients (graphiques de gauche) et moyenne des 10 sujets témoins (graphiques de droite).
Patients:
Dans la situation passive, cette ANOVA révèle un effet principal du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 7,65; p < .05). L'effet de ce facteur met en évidence une composante N100 globalement moins ample lorsque les sons viennent de la gauche que lorsqu'ils viennent de la droite (Fig. 33). Un effet principal du facteur 'hémisphère' est également observé dans la situation passive (F (1,9) =7,10 p < .05). Cet effet va dans le sens d'une amplitude globalement plus élevée au niveau de l'hémisphère gauche qu'au niveau de l'hémisphère droit. Dans la situation attentive, aucun effet principal n'atteint le seuil de significativité, seule l'interaction concernant les facteurs 'hémisphère' et 'côté de présentation des stimuli' est significative (F(2,18) = 25,29; p < .01). Selon cette interaction, l'amplitude sur l'hémisphère gauche est plus élevée lorsque les sons viennent du côté droit que lorsqu'ils viennent du côté gauche. En revanche, sur l'hémisphère droit l'amplitude est plus élevée lorsque les sons viennent du côté gauche que lorsqu'ils viennent du côté droit (Fig. 33). Cette interaction est similaire à celle observée ci-dessus pour le groupe de sujets témoins.
Pour les patients, ces analyses montrent que les sons présentés à gauche évoquent une composante N100 moins ample que celle consécutive aux sons venant du côté droit. Cet effet du côté de présentation n'atteint le seuil de significativité que dans la situation passive. Ces résultats mettent en évidence que l'amplitude de la composante N100 est globalement moins élevée sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche quel que soit le côté de présentation des sons. Cette différence d'amplitude entre les deux hémisphères n'est cependant significative que dans la situation passive. Dans la situation attentive en revanche, l'amplitude de cette composante est plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons.
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Nous rappelons que ces comparaisons ont été effectuées, séparément pour la situation passive et la situation attentive, à l'aide d'une ANOVA prenant en compte les facteurs 'groupe', 'hémisphère', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'. Ces analyses mettent en évidence, dans les deux situations, un effet principal du facteur 'groupe' (situation passive: F (1,9) = 12,87; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 10,71; p < .01). La différence entre les deux groupes va dans le sens d'une amplitude moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 33). Cette différence est similaire à celle observée dans les analyses effectuées au niveau de l'électrode CZ (Fig. 32). De plus, dans ces deux situations une interaction entre les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' est significative (situation passive: F (1,9) = 8,11; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 45,69; p < .01). Cette interaction confirme ce qui était précédemment observé pour les sujets témoins dans les deux situations et pour les patients dans la situation attentive uniquement: la topographie de la composante N100 varie en fonction du côté de présentation des sons. L'amplitude de cette composante est en effet globalement plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons (Fig. 32 et 33).
Les mesures de latence de la composante N100 effectuées au niveau de l'électrode CZ ont fait l'objet d'analyses de variance habituelles pour chaque situation séparément. Aucune de ces analyses n'a montré de résultat significatif.
En résumé
La composante N100 est moins ample pour les patients que pour les sujets témoins. Chez les patients, elle est également moins ample lorsqu'elle est consécutive à des sons situés à gauche que quand elle est évoquée par des sons situés à droite. La topographie de cette composante est différente entre les deux groupes: chez les sujets témoins elle est plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons alors que chez les patients, elle tend à être plus ample sur l'hémisphère gauche, quel que soit le côté de présentation des sons.
L'étude des différences entre les potentiels évoqués rares et fréquents dans la situation 'auditive passive' a été effectuée en analysant les deux types de potentiels évoqués de 50 à 500 ms après la présentation des sons. Nous rappelons que ces analyses avaient pour objectif de déterminer l'existence (et de préciser la latence) d'éventuelles différences entre les deux types de potentiels évoqués chez les patients. Dans ce but, nous avons effectué des mesures d'amplitude moyenne sur 9 fenêtres successives de 50 ms chacune, au niveau de l'électrode CZ. Des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'déviance' et 'fenêtre' ont été effectuées pour les deux groupes de sujets dans chacune des 6 conditions expérimentales séparément.
Sujets témoins:
Dans chaque condition expérimentale, on observe un effet significatif du facteur 'fenêtre' (monaural gauche: F (8,72) = 50,98; p < .001; 60° gauche: F (8,72) = 61,21; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 55,55; p < .001; monaural droite: F (8,72) = 72,32; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 58,68; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 49,33; p < .001). L'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents varie en fonction de la fenêtre de temps considérée (Fig. 34). Dans toutes les conditions cet effet va dans le même sens, comme le suggèrent les courbes de potentiels elles-mêmes: les potentiels ont une amplitude élevée et négative dans les fenêtres 1 et 2, ils sont amples et de polarité positive dans les fenêtres 3 et 4 et finalement ils se rapprochent de la ligne de base dans les fenêtres 4 à 9. Cet effet du facteur 'fenêtre' reflète simplement la présence de composantes (pics) sur les potentiels évoqués. Le facteur 'déviance' ne présente aucun effet principal significatif.
*rares (en rouge) et fréquents (en bleu) au niveau de l'électrode CZ pour la moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et pour la moyenne des 10 patients (en bas). Indication des 9 fenêtres temporelles de 50 ms en haut. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées également en haut à droite de la figure.
L'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' est significative dans la majorité des conditions étudiées, seule la condition '60° gauche' ne présente pas d'interaction significative (monaural gauche: F (8,72) = 3,58; p < .01; 20° gauche: F (8,72) = 2,60; p < .01; monaural droite: F (8,72) = 8,22; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 6,30; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 2,06; p < .05). Selon cette interaction, l'effet du facteur 'déviance' varie en fonction du temps: la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents semble plus importante dans les fenêtres 3 et 5 que dans les autres fenêtres (Fig. 34). Afin de déterminer précisément les fenêtres de temps dans lesquelles le facteur 'déviance' présenterait un effet significatif, nous avons effectué des tests t de Student comparant les amplitudes des potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents sur chaque fenêtre de temps séparément. Les résultats de ces tests sont présentés dans le tableau 10.
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
Ces analyses mettent en évidence que la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents est significative principalement vers 100-150 ms et 200-250 ms après la présentation des sons. Seule la condition '60° gauche' ne présente aucun effet significatif. Dans la fenêtre 2 (ou 3 pour la condition 20° gauche), les potentiels évoqués par les stimuli rares présentent une négativité significativement plus ample que celle observée sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Les caractéristiques de la négativité, et la situation dans laquelle elle est présente, suggèrent qu'elle corresponde à la composante MMN auditive. Cette négativité a été étudiée ci-dessous plus spécifiquement (chapitre 7.3.2.3.). Dans la fenêtre 4 (ou dans la fenêtre 5 pour la condition 20° gauche), on observe également une différence entre les deux types de potentiels évoqués. Cette différence va dans le sens d'une positivité plus ample pour les potentiels évoqués par les stimuli rares, elle correspond à la composante P3a généralement observée en réponse à la présentation de stimuli inhabituels et nouveaux.
Patients:
Comme pour les sujets témoins, les analyses effectuées sur les 9 fenêtres temporelles mettent en évidence, pour chacune des 6 conditions expérimentales, un effet significatif du facteur 'fenêtre' (monaural gauche: F (8,72) = 9,42; p < .001; 60° gauche: F (8,72) = 9,30; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 6,22; p < .001; monaural droite: F (8,72) = 11,08; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 11,62; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 10,26; p < .001). Les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents présentent donc des pics dont l'amplitude et la polarité varient en fonction de la fenêtre de temps considérée (Fig. 34). L'effet du facteur 'fenêtre' va dans le même sens que celui observé chez les sujets témoins: l'amplitude des potentiels évoqués est élevée et négative dans les fenêtres 1 et 2, elle est de polarité positive dans les fenêtres 3 et 4 et elle devient plus faible dans les fenêtres 4 à 9. Aucun effet principal du facteur 'déviance' n'est observé.
De plus, l'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' est significative lorsque les stimuli sont situés sur la droite des patients uniquement (monaural droite: F (8,72) = 2,65; p < .05; 60° droite: F (8,72) = 2,05; p < .05; 20° droite: F (8,72) = 2,15; p < .05). L'effet du facteur 'déviance' semble donc présenter des effets différents selon la fenêtre de temps considérée lorsque les sons se situent sur la droite.
Comme pour les sujets témoins, nous avons analysé l'effet du facteur 'déviance' pour chacune des 9 fenêtres de temps dans le but de préciser les fenêtres de temps dans lesquelles les potentiels évoqués par les stimuli rares se différenciaient des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Pour chacune des conditions expérimentales contenant des sons situés sur la droite et pour chaque fenêtre temporelle, nous avons effectué des tests t de Student. Le tableau 11 ci-dessous présente les résultats de ces analyses.
Lorsque les stimuli sont situés à droite, la différence entre les deux types de potentiels est significative dans les fenêtres 2, 4 ou 5 selon la condition expérimentale. L'effet du facteur 'déviance' observé dans les fenêtres 2, 4 ou 5 suggère que ces composantes puissent être observées chez les patients lorsque les stimuli sont situés sur la droite. Cependant, bien que la composante P3a soit présente sur la grande moyenne des patients lorsque les sons se situent à droite, elle n'est pas identifiable chez tous les patients. Elle n'a donc pas pu être étudiée spécifiquement dans ce travail. De plus, les composantes MMN et P3a ne semblent donc pas présentes lorsque les stimuli viennent de la gauche.
*Présentation des résultats uniquement pour les trois conditions contenant des sons à droite dans la situation 'auditive passive'. Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
En résumé
L'ensemble des analyses effectuées sur les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents, pour les deux groupes de sujets, met en évidence des résultats différents entre les patients et les sujets témoins. Pour le groupe de sujets témoins, on observe systématiquement un effet du facteur 'déviance' dans les fenêtres 2 et 4 (sauf pour la condition '60° gauche'). Chez les patients, cet effet est absent lorsque les sons se situent à gauche, il est présent lorsque les sons viennent de la droite, globalement dans les fenêtres 2 à 5.
Cependant, pour les deux groupes de sujets, la différence entre les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents ne se situe pas précisément au moment des fenêtres 2 et 4. Sur le décours des potentiels évoqués (Fig. 34), on observe, dans la majorité des conditions, une augmentation de la négativité pour les potentiels évoqués par les stimuli rares de 100 à 200 ms environ et une augmentation de la positivité de 200 à 300 ms environ après la présentation des stimuli. Il est donc possible que certains effets n'atteignent pas le seuil de significativité dans les analyses exploratoires présentées ci-dessus parce que les mesures ont été effectuées à des latences qui ne 'maximisaient' pas l'effet du facteur 'déviance'. Ces premières analyses ont toutefois rempli leur objectif, dans certaines conditions, qui était de déterminer la présence de différences entre les potentiels évoqués rares et fréquents. Elles également ont fourni une indication des latences auxquelles ces différences pouvaient être présentes. Bien que dans certaines conditions la différence entre les deux types de potentiels évoqués ne soient pas mise en évidence, les analyses que nous avons effectuées ci-dessous ont porté sur toutes les conditions en ajustant les latences des mesures de manière à correspondre précisément à l'augmentation de la négativité et de la positivité sur les courbes des potentiels évoqués par les stimuli rares.
La composante MMN auditive correspond à la différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les sons rares et les potentiels évoqués par les sons fréquents de 100 et 200 ms environ après la survenue du stimulus, dans la situation passive (Fig. 34). Cette composante apparaît également (Fig. 35) sur les courbes résultant de la soustraction du potentiel évoqué par les sons fréquents à celui consécutif aux sons rares (voir le chapitre 5.3.2. pour les soustractions). Les analyses statistiques de la composante MMN ont été effectuées sur des mesures d'amplitude moyenne au niveau de l'électrode CZ, de 100 à 200 ms après la présentation des stimuli, sur les ondes de différences.
La quantité de bruit contenue dans les courbes est indiquée par les zones grises sur les ondes de différence (voir le chapitre 5.5.2. pour le calcul du bruit). Pour les sujets témoins, quels que soient le côté et l'angle de présentation des sons, la composante MMN 'sort' de la zone du bruit. La condition '60° gauche' présente nettement plus de bruit que les autres conditions. Les analyses effectuées ci-dessus sur les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents sur les 9 fenêtres temporelles n'ont d'ailleurs montré aucun résultat significatif pour cette condition. Cependant, la courbe de différence de cette condition montre qu'une composante MMN 'sort' du bruit, de 100 à 160 ms environ après la présentation des stimuli, même si elle est d'amplitude assez faible (Fig. 35).
Pour les patients, on observe également une composante MMN qui 'sort' de la zone du bruit lorsque les stimuli auditifs sont situés du côté droit. Par contre, lorsqu'ils sont situés du côté gauche, la quantité de bruit est beaucoup plus importante. Sur ces courbes, il est difficile d'identifier un pic aux latences habituelles de la composante MMN pour les conditions '60° gauche' et '20° gauche', seule la condition 'monaurale gauche' présente un pic qui pourrait correspondre à une composante MMN tardive.
*Indication de la quantité de bruit par les zones grises sur chaque courbe. Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas).
Les cartes de potentiel de cette composante montrent que cette onde de différence ne culmine pas précisément au niveau de l'électrode CZ (Fig. 36). En effet, les pics sont assez diffus à la surface du scalp et leur topographie semble varier en fonction du côté de présentation des sons. Lorsque les stimuli sont présentés du côté droit, l'amplitude de cette composante est plus élevée sur l'hémisphère gauche (hémisphère controlatéral au côté de présentation des stimuli), pour les sujets témoins comme pour les patients. Pour ces deux groupes, cette composante est plus ample au niveau des zones centrales et fronto-centrales. En revanche, lorsque les stimuli sont situés à gauche, on observe un effet similaire en faveur de l'hémisphère controlatéral uniquement chez les sujets témoins: l'amplitude est plus élevée au niveau de l'hémisphère droit. Pour les patients, lorsque les sons se situent du côté gauche, on observe une négativité de très faible amplitude sur l'hémisphère droit dans les conditions '60° gauche' et '20° gauche'. Une négativité similaire est présente dans la condition 'monaurale gauche' au niveau de l'hémisphère gauche pour les sons monauraux.
*Moyenne des 10 sujets témoins (à gauche) et moyenne des 10 patients (à droite). Les échelles d'amplitude sont indiquées pour chaque carte de potentiel.
Afin de ne pas conclure à des différences d'amplitude qui proviendraient en fait de différences de topographie, les analyses effectuées ci-dessous sur l'amplitude de la composante MMN ont porté sur plusieurs électrodes au niveau de l'hémisphère gauche (électrodes FC1, FC3, C1 et C3) et au niveau de l'hémisphère droit (électrodes FC2, FC4, C2 et C4). Les analyses de variance ont été effectuées sur l'amplitude moyenne, mesurée entre 80 et 170 ms après la présentation des sons, au niveau de l'hémisphère gauche (moyenne des valeurs obtenus sur les 4 électrodes FC1, FC3, C1 et C3) et au niveau de l'hémisphère droit (moyenne des valeurs obtenus sur les 4 électrodes FC2, FC4, C2 et C4). Ces analyses ont pris en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère'. Ces ANOVAs ont été effectuées pour chaque groupe séparément, une troisième analyse a porté sur la comparaison des deux groupes.
Sujets témoins:
L'analyse de variance a mis en évidence un effet principal significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 14,50; p < .01). La composante MMN est globalement plus ample lorsque les sons se situent à droite que lorsqu'ils se situent à gauche (Fig. 37). De plus, le facteur 'angle' présente également un effet principal significatif (F (2,18) = 5,76; p < .05). Cet effet va dans le sens d'une amplitude plus élevée lorsque les sons sont monauraux, moins élevée lorsqu'ils ont un angle de 60° et encore moins élevée quand ils ont un angle de 20° (Fig. 37). La composante MMN est donc moins ample lorsqu'elle est évoquée par des sons 'centraux' (20°) que par des sons plus latéralisés. Le facteur 'hémisphère' ne présente aucun effet principal significatif. Aucune interaction n'atteint le seuil de significativité. Pour les sujets témoins, l'amplitude de la composante MMN est donc:
Patients:
L'ANOVA effectuée pour les patients a mis en évidence un effet principal du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 5,54; p < .05). Comme pour les sujets témoins, la composante MMN auditive est plus ample lorsque les sons viennent du côté droit que lorsqu'ils viennent du côté gauche (Fig. 37). Les facteurs 'angle' et 'hémisphère', ainsi que les interactions ne présentent pas de résultat significatif. Les analyses pour les patients mettent donc en évidence un seul résultat significatif portant sur l'influence du côté de présentation des sons sur l'amplitude de la composante MMN auditive.
*pour la moyenne des 10 patients (en bleu) et la moyenne des 10 sujets témoins (en rouge). Indication des valeurs moyennes recueillies au niveau des électrodes FC1, FC3, C1 et C3 sur l'hémisphère gauche (HG) et des électrodes FC2, FC4, C2 et C4 sur l'hémisphère droit (HD).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Ces comparaisons ont été effectuées à l'aide d'une ANOVA prenant en compte les facteurs 'groupe', 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère'. Dans cette analyse, seuls les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' présentent des effets principaux significatifs ('groupe': F (1,9) = 5,27; p < .05 et 'côté': F (1,9) = 13,58; p < .01). La différence entre les deux groupes va dans le sens d'une amplitude globalement plus élevée pour les sujets témoins que pour les patients (Fig. 37). L'effet du facteur 'côté de présentation des stimuli' va dans le même sens que celui observé ci-dessus pour chaque groupe: la composante MMN évoquée par des sons situés à gauche est moins ample que celle consécutive à des sons présentés à droite.
En résumé
Ces analyses de variance mettent donc principalement en évidence que:
La latence de la composante MMN, a été étudiée, pour les patients et les sujets témoins, au niveau de l'onde de différence sur l'électrode CZ entre 100 et 200 ms après la présentation des sons. Les analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle', pour chaque groupe, n'ont mis en évidence aucun effet principal de ces deux facteurs ni aucune interaction significative. L'analyse de variance comparant les deux groupes entre eux (facteurs 'groupe', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli') n'a pas présenté de résultat significatif.
La différence entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents a été étudiée sur les courbes de 50 à 500 ms après la présentation des stimuli. Nous rappelons que des mesures d'amplitude moyenne sur 9 fenêtres successives de 50 ms chacune ont été recueillies au niveau de l'électrode CZ dans toutes les conditions expérimentales de la situation 'auditive attentive' pour les patients et pour les sujets témoins. Ces mesures avaient pour but de rechercher la présence de différences entre les deux types de potentiels. Pour les deux groupes de sujets, nous avons effectué des analyses de variance portant sur les facteurs 'déviance' et 'fenêtre' dans chacune des 6 conditions expérimentales séparément.
Sujets témoins:
Le facteur 'fenêtre' présente un effet principal significatif dans toutes les conditions (monaural gauche: F (8,72) = 31,91; p < .001; 60° gauche: F (8,72) = 43,46; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 34,85; p < .001; monaural droite: F (8,72) = 30,84; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 36,10; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 26,74; p < .001). L'amplitude des potentiels évoqués varie donc en fonction du temps: les courbes montrent effectivement que dans les fenêtres 1 et 2 l'amplitude est élevée et de polarité négative, dans les fenêtres 3 et 4 l'amplitude est également élevée mais de polarité positive, dans la fenêtre 5 elle redevient brièvement négative et finalement, après une positivité qui culmine généralement dans la fenêtre 6, le potentiel se rapproche de zéro dans les fenêtres 8 et 9 (Fig. 38). Ces variations de l'amplitude témoignent simplement de la présence de composantes sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents (composantes N100, P200, N2b et P300). Le facteur 'déviance' ne présente aucun effet principal significatif.
*Indication des 9 fenêtres temporelles de 50 ms en haut. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées également en haut à droite de la figure.
De plus, ces ANOVAs mettent en évidence une interaction significative entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' dans toutes les conditions expérimentales (monaural gauche: F (8,72) = 6,89; p < .001; 60° gauche: F (8,72) = 4,80; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 3,65; p < .001; monaural droite: F (8,72) = 8,95; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 7,70; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 9,72; p < .001). Le facteur 'déviance' n'entraîne donc pas le même effet selon la fenêtre de temps considérée: les potentiels évoqués par les stimuli cibles présentent, généralement, une négativité plus grande dans les fenêtres 2 à 5 et une positivité plus grande dans les fenêtres 7 et 8, par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents (Fig. 38).
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
Cette interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' révèle donc la présence de différences entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents à certaines latences uniquement. Par conséquent, nous avons cherché à déterminer ci-dessous plus précisément ces latences. Dans ce but, nous avons effectué des tests t de Student comparant l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli cibles à l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli fréquents pour chaque fenêtre temporelle dans chaque condition expérimentale. Ces résultats (Tabl. 12) mettent en évidence une différence entre les deux types de potentiels évoqués globalement dans les fenêtres 3-4 et 6-8. Bien que les latences de ces différences varient légèrement entre les conditions, d'une manière générale les potentiels évoqués par les stimuli cibles présentent une négativité plus ample dans les fenêtres 3 et 4, et une positivité plus importante dans les fenêtres 6 à 8, par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents (Fig. 38). Les latences et la situation dans laquelle ces différences sont observées suggèrent qu'elles correspondent à la composante N2b, pour la négativité, et à la composante P3b, pour la positivité.
Patients:
Les analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles révèlent un effet principal du facteur 'fenêtre' dans toutes les conditions expérimentales (monaural gauche: F (8,72) = 10,73; p < .001; 60° gauche: F (8,72) = 11,59; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 6,26; p < .001; monaural droite: F (8,72) = 7,01; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 10,97; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 11,33; p < .001). Cet effet va dans le même sens que celui observé chez les sujets témoins: l'amplitude globale des potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents varie en fonction de la fenêtre de temps considérée comme le témoigne les courbes de ces potentiels évoqués présentant des pics d'amplitude (Fig. 38). Le facteur 'déviance' ne présente aucun résultat significatif.
L'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' est significative lorsque les sons situés à droite sont monauraux ou quand ils ont un angle de 60° (monaural droite: F (8,72) = 2,42; p < .05 et 60° droite: F (2,82) = 2,49; p < .05). Dans ces deux conditions, l'effet du facteur 'déviance' ne semble être présent que dans certaines fenêtres temporelles. Les courbes des deux types de potentiels évoqués dans ces deux conditions (Fig. 38) suggèrent en effet que cet effet serait présent dans les fenêtres 2-3 et 7-8 principalement. Les analyses (t de Student) que nous avons effectuées ci-dessous ont permis de déterminer précisément sur quelles fenêtres cet effet était significatif.
Dans les conditions 'monaurale droite' et '60° droite', nous avons donc effectué un test t de Student pour chaque fenêtre temporelle, dans le but de déterminer précisément la latence à laquelle les potentiels évoqués par les stimuli cibles se différencient significativement des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Les résultats de ces analyses sont présentés dans le tableau 13. Ces tests mettent en évidence, dans les 2 conditions étudiées, une différence significative entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents durant la fenêtre 3. On observe également un effet significatif dans les fenêtres 6 ou 8. Le premier effet va dans le sens d'une négativité plus ample pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles, le deuxième effet va dans le sens d'une positivité plus grande pour ces mêmes potentiels évoqués. Ces deux effets (à 200 ms et à 400 ms environ) semblent correspondre à la présence des composantes N2b et P3b lorsque les sons cibles se situent à droite.
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
En résumé
Chez les sujets témoins, les analyses effectuées sur le décours des potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents montrent donc la présence des composantes auditives N2b et P3b quels que soient le côté et l'angle de présentation des sons. Pour les patients, ces deux composantes semblent présentes lorsque les sons sont situés à droite, en revanche, lorsqu'ils sont situés à gauche, ces deux composantes ne semblent pas identifiables aux latences étudiées. Nous avons analysé ci-dessous ces composantes en détail, en ajustant plus précisément la latence des mesures à chacune de ces composantes, afin de déterminer d'une part si les patients se différenciaient des sujets témoins et d'autre part si le côté et l'angle de présentation des stimuli entraînaient des effets significatifs.
La composante N2b peut être observée sur la figure 38, elle correspond à la différence d'amplitude entre les sons cibles et les sons fréquents entre environ 200 et 300 ms après la survenue des sons. Cette composante peut être plus facilement observée sur les courbes et les cartes de potentiel de l'onde de différence provenant de la soustraction des potentiels évoqués par les sons fréquents aux potentiels évoqués par les sons cibles (Fig. 39 et 41). Pour les sujets témoins, l'amplitude de cette composante, sur les ondes de différences, culmine dans la région du vertex dans toutes les conditions expérimentales. La topographie de cette onde présente plus de variations pour les patients, bien que globalement elle culmine également dans les régions centrales. Les mesures d'amplitude moyenne et de latence ont donc été prises au niveau de l'électrode CZ pour les deux groupes dans toutes les conditions, entre 200 et 300 ms après la survenue des stimuli auditifs. Elles ne sont pas similaires aux mesures prises en compte dans les fenêtres de 50 ms puisque pour ces dernières, l'amplitude a été calculée sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents et non sur les ondes de différences. Les mesures recueillies sur les ondes de différence ont fait l'objet d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'.
Les analyses de l'amplitude de la composante N2b auditive (ondes de différence), effectuées pour chaque groupe, n'ont montré aucun effet significatif des facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'. Seuls les résultats concernant la comparaison des patients et des sujets témoins sont détaillés ci-dessous.
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
L' ANOVA prenant en compte les facteurs 'groupe', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' met en évidence une différence significative entre les deux groupes (F (1,9) = 5,02; p < .05). La composante N2b auditive est globalement moins ample pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins (Fig. 40). Les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' ne présentent pas d'effet principal significatif. Les interactions ne sont pas significatives.
*Indication de la quantité de bruit par les zones grises sur chaque courbe. Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas).
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
*Moyenne des 10 sujets témoins (à gauche) et moyenne des 10 patients (à droite). Les échelles d'amplitude sont indiquées pour chaque carte.
8.3.5.2. Latence de la composante N2b auditive
L'étude de la latence de la composante N2b a été effectuée sur l'onde de différence au niveau de l'électrode CZ. Pour les sujets témoins comme pour les patients, des analyses de variance ont été effectuées prenant en compte les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' (analyses habituelles). Pour chaque groupe, aucun effet principal significatif ni aucune interaction significative n'ont été observés. L'analyse de variance comparant les deux groupes n'a donné lieu à aucun résultat significatif.
Comme nous l'avons vu ci-dessus dans les analyses portant sur les fenêtres temporelles pour les sujets témoins, et pour les patients dans certaines conditions, les potentiels évoqués par les stimuli cibles sont plus amples que les potentiels évoqués par les stimuli fréquents, notamment entre 300 et 400 ms environ après la survenue des stimuli (Tabl. 12 et 13, Fig. 38). Cette augmentation de la positivité pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles témoigne de la présence de la composante P3b. Cette composante peut également être observée au niveau des ondes de différences provenant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli cibles. Cette composante est présente sur l'électrode CZ (Fig. 39) ou sur l'électrode PZ (Fig. 42). L'analyse des caractéristiques de cette composante a été effectuée sur les ondes de différence.
Les cartes de potentiel de la composante P3b montrent, chez les sujets témoins, un pic qui culmine près de l'électrode PZ dans la majorité des conditions (Fig. 42). Pour les patients, la topographie de cette onde semble varier en fonction du côté et de l'angle de présentation des sons. Aucune régularité évidente pour la topographie de cette composante n'est observée chez les patients. Pour les deux groupes de sujets, l'amplitude et la latence du pic de cette composante ont donc été mesurés sur l'électrode PZ entre 300 et 600 ms après la présentation des sons. Les analyses de variance habituelles (facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli') ont été effectuées pour chaque groupe.
*Cartes de potentiel vues de derrière pour les sujets témoins et de dessus pour les patients. Indication de l'échelle d'amplitude pour chaque carte de potentiel. Les courbes de potentiel proviennent de l'électrode PZ.
Bien que l'amplitude de cette composante semble moins ample pour les patients lorsque les sons se situent à gauche que lorsqu'ils se situent à droite, ces ANOVAs n'ont mis en évidence aucun résultat significatif pour chacun des groupes de sujets. En revanche, l'analyse de variance prenant en compte les deux groupes de sujets (facteurs 'groupe', 'angle' et 'côté de présentation des stimuli') a révélé une différence significative entre les patients et les sujets témoins (F (1,9) = 6,46; p < .05). Cette différence va dans le sens d'une amplitude de la composante P3b auditive globalement moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 42 et 43). Aucun autre résultat n'est significatif dans ces analyses.
*Moyenne des 10 sujets témoins (en rouge) et moyenne des 10 patients (en bleu).
Cependant, les analyses effectuées précédemment sur les 9 fenêtres temporelles (chapitre 7.3.2.5) ont suggéré la présence d'une composante P3b pour les patients lorsque les sons se situent à droite uniquement (effet significatif du facteur 'déviance' dans les fenêtres 6, 7 ou 8). Cette différence en fonction du côté de présentation des sons était donc attendue dans les analyses de la composante P3b effectuées pour le groupe de patients sur les ondes de différence, au moins lorsque les sons se situent à droite. Cependant, aucun effet significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' n'est significatif dans ces analyses. Il faut préciser que les mesures sur les fenêtres temporelles ont été effectuées au niveau de l'électrode CZ alors que celles portant spécifiquement sur la composante P3b ont été recueillies au niveau de l'électrode PZ. Les cartes de potentiel de cette composante montrent de plus que, pour les patients uniquement, le pic culmine dans les régions plus proches de l'électrode CZ que de l'électrode PZ.
Par conséquent, afin de s'assurer que la différence entre les deux groupes n'est pas liée à une différence de topographie, nous avons effectué des mesures du pic de cette composante, entre 300 et 600 ms au niveau de l'électrode CZ. Pour chaque groupe séparément, les analyses de variance habituelles portant sur ces mesures n'ont pas mis en évidence de résultat significatif. L'absence de différence entre la composante P3b évoquée par des sons situés à gauche et celle évoquée par des sons situés à droite dans les analyses des mesures recueillies au niveau de l'électrode PZ n'est donc pas due à la zone sur laquelle les mesures ont été prises. De plus, l'analyse de variance, comparant les deux groupes de sujets au niveau de ces nouvelles mesures recueillies au niveau de l'électrode CZ, confirme la différence significative entre les patients et les sujets témoins (F (1,9) = 5,98; p < .05). Nous avons également effectué des analyses pour chaque condition expérimentale séparément. Aucun autre résultat significatif n'est observé.
Nous rappelons que les analyses de variance portant sur les mesures de la latence du pic de la composante P3b (au niveau de l'électrode PZ entre 300 et 600 ms) ont pris en compte, pour chaque groupe, les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli'. Pour les sujets témoins comme pour les patients, ces analyses ne révèlent aucun effet principal significatif. Les interactions sont également non significatives. En revanche, l'ANOVA prenant en compte les deux groupes de sujets (facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'groupe') met en évidence un effet principal du facteur 'groupe' (F (1,9) = 27,58; p < .001). Cette différence va dans le sens d'une composante P3b significativement plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 44).
En résumé
Ces analyses ont montré que la composante P3b auditive est globalement moins ample et plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins. Les différences d'amplitude et de latence entre les deux groupes ne varient cependant pas significativement en fonction du côté de présentation des sons comme le suggéraient les cartes et le décours des potentiels (Fig. 42).
*Moyenne des 10 sujets témoins (en rouge) et moyenne des 10 patients (en bleu).
Un des buts de cette étude était de spécifier les déficits attentionnels auditifs chez des patients héminégligents, et plus précisément d'évaluer les mécanismes attentionnels auditifs, automatiques et contrôlés, à partir de l'utilisation des potentiels évoqués. La composante sensorielle N100 auditive a été étudiée d'une part dans le but de s'assurer de l'intégrité des voies sensorielles auditives, et d'autre part afin de déterminer les traitements perceptifs effectués sur les caractéristiques des sons présentés à gauche ou à droite. Les mécanismes attentionnels ont pu être étudiés à l'aide de la composante MMN (reflétant un mécanisme attentionnel automatique) et des composantes N2b et P3b (reflétant respectivement un mécanisme d'orientation volontaire de l'attention et un mécanisme d'identification de la cible). Une partie de ces résultats ont été publiés récemment (Crottaz-Herbette et al., 2001).
Chez les patients et chez les sujets témoins, une onde négative culmine dans les régions proches du vertex environ 100 ms après la survenue des stimuli auditifs. Cette onde est présente quel que soit le côté ou l'angle de présentation des sons (Fig. 31). Sa latence et sa topographie correspondent à ce qui est observé pour la composante N100 du potentiel évoqué auditif (Näätänen et Picton, 1987). Dans notre étude, cette composante est la première onde des potentiels évoqués auditifs à présenter une amplitude suffisante chez tous les sujets pour être analysée. L'étude de l'amplitude de cette composante a mis en évidence principalement trois résultats.
Diminution de l'amplitude de la composante N100 auditive pour les patients
Le premier résultat porte sur la différence d'amplitude entre les patients et les sujets témoins: la composante N100 est globalement moins ample chez les patients que chez les sujets témoins, quelle que soit la situation. Cette différence a été observée sur les mesures effectuées au niveau de l'électrode CZ (Fig. 32) mais également sur les mesures recueillies au niveau des électrodes C3 et C4 (Fig. 33). Cette composante regrouperait l'activité de plusieurs aires du cortex auditif au niveau du gyrus de Heschl et des aires frontales (Giard et al., 1994). Une contribution des aires temporo-pariétales a été confirmée lors d'enregistrements intracérébraux (Liegeois-Chauvel et al., 1994; Richer et al., 1989), lors de modélisations dipolaires (Scherg et al., 1989, Crottaz-Herbette et Ragot, 2000) et également lors d'études lésionnelles (Knight et al., 1980; Woods et al., 1987). Chez des patients affectés de lésions cérébrales unilatérales droites ou gauches dans les zones temporo-pariétales, les résultats observés dans l'étude de Knight et al. (1980), notamment, ont montré que la composante N100 est moins ample pour ces patients que pour les sujets témoins. La diminution d'amplitude de cette composante observée dans notre étude, pour le groupe de patients par rapport au groupe de sujets témoins, confirment donc ces données.
Latéralisation de la composante N100 auditive sur l'hémisphère gauche pour les patients
L'amplitude de la composante N100 est, non seulement, globalement moins ample pour les patients que pour les sujets témoins, mais la latéralisation hémisphérique de cette onde n'est pas la même entre les deux groupes (Fig. 31). Pour les sujets témoins, lorsque les sons se situent à droite l'amplitude de la composante N100 recueillie sur l'hémisphère gauche est plus élevée que celle mesurée sur l'hémisphère droit. Lorsque les sons se situent à gauche, l'amplitude de cette composante est plus élevée sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche. Ce résultat va donc dans le sens d'une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons. Cet effet est une des caractéristiques de la composante N100 enregistrée chez des sujets sains (Näätänen et Picton, 1987; Paavilainen et al., 1991). Cette topographie en faveur de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons proviendrait de l'asymétrie des projections des fibres auditives dans les aires corticales auditives. Environ deux tiers des fibres auditives se projettent sur l'hémisphère controlatéral à chaque oreille (Rosenzweig, 1951). Les aires corticales auditives seraient donc plus actives dans l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des sons que dans l'hémisphère ipsilatéral. Cette asymétrie se refléterait par une amplitude de la composante N100 plus élevée sur l'hémisphère controlatéral que sur l'hémisphère ipsilatéral au côté de présentation des sons.
En revanche, pour les patients, l'amplitude est maximale sur l'hémisphère gauche dans la majorité des conditions expérimentales (Fig. 31 et 33), bien que la différence entre les deux hémisphères n'atteigne un seuil de significativité que dans la situation 'auditive passive'. Les aires lésées chez les patients de notre étude ne concernant que la région temporo-pariétale de l'hémisphère droit (Fig. 17), la composante N100 observée serait produite principalement au niveau des aires temporo-pariétales de l'hémisphère gauche. Cette activité asymétrique entre les régions temporo-pariétales de chaque hémisphère aurait pour conséquence d'entraîner une différence d'amplitude recueillie sur le scalp entre les deux hémisphères, quel que soit le côté de présentation des sons. Un résultat proche de celui-ci a été également constaté dans l'étude de Alain et al. (1998) chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales dans l'hémisphère droit ou gauche: la composante N100 mesurée sur l'hémisphère ipsilatéral à la lésion (au niveau de la zone temporale) était moins ample pour les patients que pour les sujets témoins. Cette diminution était présente pour des sons venant de la gauche ou venant de la droite. Cependant, les auteurs ne précisent pas le résultat concernant la comparaison entre les mesures recueillies sur l'hémisphère controlatéral et celles recueillies sur l'hémisphère ipsilatéral. Deouell et al. (2000) ont également observé un effet similaire à celui constaté dans nos résultats: des patients héminégligents affectés de lésions temporo-pariétales droites présentaient une amplitude de la composante N100 moins élevée sur l'hémisphère ipsilatéral à la lésion que sur l'hémisphère controlatéral.
Diminution d'amplitude de la composante N100 auditive pour les stimuli auditifs venant du côté gauche
Finalement, pour les patients uniquement, les sons provenant du côté gauche évoquent une composante N100 moins ample que celle consécutive aux sons présentés à droite. Cette diminution d'amplitude lorsque les sons se situent du côté gauche pourrait provenir de deux effets complémentaires: la présence de lésions cérébrales touchant spécifiquement l'hémisphère droit et l'asymétrie des projections des voies auditives. En effet, nous rappelons à nouveau que le nombre de fibres auditives se projetant sur l'hémisphère controlatéral à l'oreille stimulée est plus important que le nombre de fibres se projetant sur l'hémisphère ipsilatéral (Rosenzweig, 1951). Un son présenté dans l'oreille gauche entraîne donc une activité plus importante dans l'hémisphère droit que dans l'hémisphère gauche et vice-versa.
Ces résultats peuvent s'expliquer de la façon suivante: chez des patients affectés de lésions dans l'hémisphère droit, lorsque le son est présenté dans l'oreille droite (ou lorsque le son est plus fort dans l'oreille droite que dans l'oreille gauche), la plupart des projections activées par ce son arrivent dans l'hémisphère gauche. Cet hémisphère étant intact, il peut traiter 'normalement' ce son. En revanche, la présentation d'un son à gauche devrait entraîner une activité plus élevée dans l'hémisphère droit que dans l'hémisphère gauche. Cependant, la présence de lésions dans l'hémisphère droit entraînerait une activité moins ample dans cet hémisphère que dans l'hémisphère gauche, même si l'hémisphère droit correspond à celui qui reçoit la majorité des projections auditives activées. Pour de tels patients, un son venant du côté gauche entraînerait donc une activité (essentiellement dans l'hémisphère lésé) globalement plus faible que celle consécutive à un son présenté à droite (activant majoritairement l'hémisphère sain). Cette diminution de l'activité corticale globale se répercute sur l'amplitude de la composante N100 et expliquerait pourquoi elle est moins ample lorsque les sons viennent de la gauche que lorsqu'ils viennent de la droite.
En résumé
Trois résultats sont donc mis en évidence pour la composante N100 chez des patients héminégligents:
Ces résultats confirmeraient donc la présence d'une modification des composantes sensorielles du potentiel évoqué auditif comme nous l'avions suggéré dans l'introduction à partir des études de Alain et al. (1998) et de Deouell et al. (2000). Les trois résultats que nous avons observés pour la composante N100 semblent être liés à la présence de lésions dans la région temporo-pariétale de l'hémisphère droit (Fig. 17). Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, plusieurs études ont montré que les aires temporo-pariétales contribueraient à la génération de la composante N100 (Liegeois-Chauvel et al., 1994; Richer et al., 1989; Knight et al., 1980; Woods et al., 1987; Scherg et al., 1989, Crottaz-Herbette et Ragot, 2000). Les lésions étant unilatérales, l'hémisphère droit aurait une activité moins importante que l'hémisphère gauche, quel que soit le son présenté. Pour les sujets témoins, la composante N100 étant générée par l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche, elle présente une amplitude globalement plus élevée que celle des patients puisque, pour ces derniers, l'hémisphère gauche ne participerait pas, ou très peu à la génération de cette composante. De plus, la diminution d'activité au niveau de l'hémisphère droit, pour les patients, serait également à la base de la différence entre les deux hémisphères de l'amplitude de la composante N100 recueillie sur le scalp. Finalement, la variation de l'amplitude en fonction du côté de présentation du son chez les patients proviendrait aussi de cette activité asymétrique entre les deux hémisphères: les sons situés à gauche activeraient principalement l'hémisphère droit (lésé) alors que les sons situés à droite activeraient essentiellement l'hémisphère gauche (intact).
L'ensemble de ces résultats, observé chez des patients présentant des lésions temporo-pariétales dans l'hémisphère droit uniquement, confirmerait donc le rôle de cette région dans la génération de la composante N100. Cependant, le traitement perceptif des sons semblent atteindre un certain niveau. En effet, le taux de détection des cibles auditives situées à gauche est au-dessus du hasard: les patients détectent correctement 60% de sons situés à gauche (dont 65% de cibles monaurales gauches). Il semble donc que le traitement perceptif des sons soit effectué d'une manière suffisante pour permettre au patient de 'localiser' le son. Si les lésions ont endommagé les zones du cortex auditif de l'hémisphère droit, le traitement perceptif résiduel serait donc effectué au niveau de l'hémisphère gauche. Comme nous l'avons présenté ci-dessus, cet hémisphère reçoit des projections des fibres auditives de l'oreille gauche, même si ces fibres sont peu nombreuses (par rapport aux projections controlatérales), elles permettraient un traitement perceptif suffisant. Les patients affectés d'une ablation unilatérale des régions temporales peuvent encore localiser correctement des sons. Lors de la description des systèmes sensoriels (chapitre 1.1.4.1.), les mécanismes de localisation des sources sonores ont été décrits. Bien que l'ensemble des processus de traitement des sons (localisation, fréquence, intensité, durée,...) ne soit pas encore totalement connu actuellement, il semble que des processus de comparaison entre les message provenant de chaque oreille s'effectuent déjà à un niveau sous-cortical, dans l'olive supérieure. Les capacités auditives de localisation des sons, chez les patients que nous avons étudiés, résulteraient donc de ces activités sous-corticales ainsi que des activités de l'hémisphère gauche donc témoignerait la composante N100 sur le scalp.
Avant d'étudier la composante MMN proprement dite, des analyses préliminaires exploratoires ont été effectuées afin de déterminer si cette composante est présente chez les patients et de préciser sa latence (chapitre 8.3.2.). Dans ce but, nous avons comparé les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents sur différentes fenêtres de temps (Fig. 34). Pour les sujets témoins, ces analyses ont mis en évidence des différences d'amplitude entre les deux types de stimuli à deux périodes différentes (Tabl. 10). Durant la première période, l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli rares présentent une négativité plus importante que celle observée sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents. La latence de cette négativité (environ 120 ms après la présentation des stimuli) et la situation dans laquelle elle est présente (situation 'passive') correspondent à ce qui est habituellement observé pour la composante MMN (Näätänen et al., 1978).
Pour les sujets témoins, les deux types de potentiels évoqués se différencient également plus tardivement, vers 230-250 ms après la présentation des stimuli (Tabl. 10). Cette différence correspond à une augmentation de la positivité des potentiels évoqués par les stimuli rares (Fig. 34 et 35). Elle témoigne de la présence d'une composante P3a sur ces potentiels évoqués, composante généralement observée dans une telle situation. Cette composante présente une latence précoce par rapport à ce qui a été observé dans d'autres études (Duncan-Johnson et Donchin, 1982 pour une revue). Cependant, la latence de la composante P3a varie en fonction de la différence entre les deux types de stimuli: plus la différence est importante, plus la latence est précoce. Dans notre étude, les stimuli rares et fréquents présentés dans une même séquence se différenciaient nettement: un type de stimulus est situé à droite et l'autre type est situé à gauche (ou vice versa selon les séquences). Cette grande différence entre les deux types de stimuli pourrait entraîner une composante P3a précoce par rapport aux études ayant utilisé des stimuli rares et fréquents plus semblables.
Pour les patients, les analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles ne présentent pas les mêmes résultats. En effet, les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents se différencient uniquement lorsque les sons se situent à droite (Tabl. 11). Dans ces conditions, l'amplitude des potentiels évoqués par les stimuli rares est différente de celle des potentiels évoqués par les stimuli fréquents, environ 120 ms après la présentation des stimuli mais également environ 230-260 ms dans certaines conditions. Ces deux différences correspondent aux composantes MMN et P3a, comme pour les sujets témoins. En revanche, lorsque les sons proviennent de la gauche, ces composantes n'ont pas pu être mises en évidence lors de la comparaison des deux types de potentiels. Cependant, comme nous l'avons expliqué lors de la présentation de ces résultats, les fenêtres de temps ne correspondent pas forcément au moment où le pic est maximum. Deux fenêtres successives peuvent parfois 'découper' un pic en deux qui ne serait donc pas mis en évidence par ces analyses. De plus, la cartographie des ondes de différence montrent une négativité qui ne se situe pas toujours proche de l'électrode CZ (Fig. 36).
Nous rappelons brièvement que la composante MMN est consécutive à un changement impromptu dans l'environnement, elle reflèterait un processus attentionnel automatique de détection de non concordance (Näätänen et al., 1978). Dans notre étude, ce changement correspond à l'apparition d'un son rare présenté d'un côté à un certain angle (par exemple un son situé à 60° sur la droite) parmi des sons fréquents, tous similaires, présentés de l'autre côté avec le même angle (par exemple un son situé à 60° sur la gauche). La composante MMN correspond à la différence d'amplitude entre les potentiels évoqués par les sons rares et les potentiels évoqués par les sons fréquents environ 120 ms après la survenue des sons (Fig. 34). A cette latence, les courbes évoquées par les stimuli auditifs rares ont une négativité plus ample que celle présente lorsque les stimuli auditifs sont fréquents. Comme nous l'avons déjà précisé, cette négativité peut également être observée au niveau des ondes de différence (Fig. 35) résultant de la soustraction des potentiels évoqués par les sons fréquents aux potentiels évoqués par les sons rares présentant les mêmes caractéristiques physiques (par exemple sons rares à 60° à gauche et sons fréquents à 60° à gauche).
La présence de cette composante pour les patients, lorsque les sons proviennent de la gauche n'a pas été mise en évidence par les analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles effectuées sur des mesures recueillies au niveau de l'électrode CZ. De plus, les courbes des ondes de différence au niveau de cette électrode présente un bruit important à partir duquel il est difficile d'identifier une négativité qui pourrait correspondre à la composante MMN (Fig. 35). Cependant, les cartes de potentiels des ondes de différence présentent des pics négatifs au niveau des régions frontales droites lorsque les sons se situent à gauche (principalement pour les conditions '60° gauche' et '20° gauche'). Nous avons donc choisi d'effectuer des analyses sur cette composante pour les patients et les sujets témoins, dans toutes les conditions expérimentales, non pas sur l'électrode CZ comme ce qui est habituellement fait pour cette composante, mais en prenant en compte des zones de l'hémisphère gauche et de l'hémisphère droit. En revanche, la composante P3a n'étant pas identifiable chez tous les patients, nous n'avons pas pu étudier cette onde. L'étude de l'amplitude de la composante MMN auditive a mis en évidence principalement trois résultats différents.
Différence d'amplitude de la composante MMN auditive en fonction du côté de stimulation pour les patients et les sujets témoins
Le résultat principal sur la composante MMN auditive porte sur l'effet du côté de présentation des sons. La composante MMN peut être observée dans toutes les conditions pour les sujets témoins, tant au niveau de la comparaison entre les potentiels évoqués par des stimuli rares et fréquents (Fig. 34) qu'au niveau des courbes de différence (Fig. 35). Les sons présentés à droite semblent entraîner une composante MMN plus ample que celle observée lorsque les sons se situent à gauche, pour les patients et pour les sujets témoins. En effet, dans les analyses de chaque groupe séparément, ainsi que dans celle prenant en compte les deux groupes, la composante MMN évoquée par des sons venant du côté gauche est globalement moins ample que celle consécutive à des sons venant du côté droit (Fig. 37).
Dans l'étude de Alain et al. (1998), chez des patients ayant des lésions cérébrales droites ou gauches, la composante MMN évoquée par des sons présentés du côté controlatéral à la lésion était moins ample que celle consécutive à la présentation de sons du côté ipsilatéral. D'après leur étude, la diminution d'amplitude ne serait pas liée à des lésions dans l'hémisphère droit uniquement mais plutôt à des lésions unilatérales concernant les régions temporo-pariétales. Cependant, les auteurs ont considéré les patients affectés de lésions temporo-pariétales droites ou gauches comme un ensemble, ils n'ont pas dissocié les résultats des patients présentant des lésions unilatérales droites d'une part et les résultats des patients présentant des lésions unilatérales gauches d'autre part. Il n'est donc pas possible de déterminer, à partir des résultats de leur étude, l'influence respective de lésions à droite et de lésions à gauche alors que beaucoup d'études ont mis en évidence une implication différente de chaque hémisphère dans les processus attentionnels (voir le chapitre 1). Dans une étude de la composante MMN auditive chez des patients héminégligents affectés de lésions unilatérales droites, Deouell et al. (2000) ont observé, comme dans notre étude, une amplitude moins élevée de la composante MMN lorsque les sons provenaient de la gauche que lorsqu'ils provenaient de la droite.
Les résultats de Deouell et al. (2000) pour les patients héminégligents, et nos résultats pour les patients et les sujets témoins montrent donc un 'désavantage' de l'espace gauche par rapport à l'espace droit. Une telle différence entre ces deux espaces a déjà été discutée dans la littérature, notamment à partir du modèle postulant une asymétrie hémisphérique de l'organisation de l'attention (Mesulam, 1981, chapitre 1.3.5.). Ce modèle propose trois hypothèses complémentaires que nous rappelons brièvement: l'hémisphère droit aurait à charge les ressources attentionnelles pour les espaces gauche et droit, avec toutefois une prépondérance pour le côté gauche du sujet; l'hémisphère gauche ne se chargerait que des ressources attentionnelles concernant le côté droit uniquement; les zones dévolues aux ressources attentionnelles seraient globalement plus importantes dans l'hémisphère droit que dans l'hémisphère gauche.
Selon nos résultats, les ressources attentionnelles automatiques, dont témoigneraient la composante MMN, présenteraient donc une telle organisation. En effet, une telle asymétrie pourrait être à la base de la différence d'amplitude de la composante MMN auditive en fonction du côté de présentation des sons observée dans notre étude chez les patients mais également chez les sujets témoins. Les sons provenant du côté droit bénéficieraient des ressources attentionnelles des deux hémisphères (et donc d'activités dans les deux hémisphères), ce qui entraînerait une composante MMN plus ample que celle observée lorsque les sons proviennent du côté gauche. Dans ce cas, seules les ressources attentionnelles provenant de l'hémisphère droit seraient en jeu. Un avantage du côté droit par rapport au côté gauche concernant les ressources attentionnelles des processus automatiques serait donc présent chez le sujet normal.
Diminution de l'amplitude globale de la composante MMN auditive pour les patients
Les analyses comparant les patients et les sujets témoins ont mis en évidence une différence d'amplitude entre les deux groupes. L'amplitude de la composante MMN auditive est globalement moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins. Ce résultat est similaire à celui observé pour la composante N100 ci-dessus. Nous avons proposé que la diminution de l'amplitude de la composante N100, observée chez les patients, provienne d'une atteinte des zones génératrices de la composante N100 dans l'hémisphère droit. Plusieurs études ont montré que les zones cérébrales sous-jacentes à la composante MMN étaient situées bilatéralement au niveau du cortex auditif, avec une contribution des régions frontales droites (Giard et al., 1990; Paavilainen et al., 1991). Il est probable que les lésions que présentent nos patients concernent la zone temporale de l'hémisphère droit dans laquelle se situerait un des générateurs de la composante MMN. Chez les sujets témoins cette composante proviendrait donc de l'activité de trois zones: une source se situerait dans la région temporale de chaque hémisphère (une source dans chaque lobe temporal) et une source dans la région frontale droite (Giard et al., 1990). Chez les patients en revanche, l'activité dans la région temporale droite serait absente. La sommation sur le scalp de toutes ces activités entraîneraient donc une amplitude globalement plus élevée pour les sujets témoins que pour les patients, quel que soit le type de stimulation auditive.
Influence de la différence entre les sons rares et fréquents pour les sujets témoins
Le dernier résultat porte sur les variations d'amplitude de la composante MMN en fonction de l'angle de présentation des sons pour le groupe de sujets témoins uniquement. En effet, les résultats montrent que cette composante est plus ample lorsque les sons sont présentés monauralement, moins ample lorsque les sons se situent à 60° et encore moins ample lorsqu'ils ont un angle de 20°. Ces variations d'amplitude peuvent être liées soit à la position absolue (angle) des sons rares et fréquents, soit à la différence physique qu'il y a entre les sons rares et les sons fréquents. Plusieurs études ont montré que des sons rares et fréquents très différents entraînent une composante MMN plus ample que des sons rares et fréquents assez similaires (Näätänen, 1992 pour une revue).
Dans notre étude, nous rappelons que, pour la condition '60° droite' par exemple, la composante MMN a été analysée sur les ondes de différences provenant des potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents ayant tous deux un angle de 60° sur la droite. Cependant, ces potentiels évoqués proviennent de deux séquences différentes. Une séquence contenait des sons rares situés à 60° sur la droite et des sons fréquents situés à 60° sur la gauche. L'autre séquence contenait des sons rares situés à 60° sur la gauche et des sons fréquents situés à 60° sur la droite. La soustraction effectuée dans la condition '60° droite' a pris en compte les potentiels évoqués par les stimuli rares situés à 60° sur la droite dans la première séquence et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents situés à 60° sur la droite dans la deuxième séquence. Cependant, lors des séquences elles-mêmes, les stimuli rares ayant un angle de 60° étaient accompagnés de stimuli fréquents ayant le même angle mais de l'autre côté, l'écart entre ces deux stimuli est donc de 120°. Lorsque les sons ont un angle de 20°, cet écart est de 40° et lorsque les sons sont monauraux, nous pouvons considérer que l'écart est de 180°. Comme ce qui a déjà été observé pour la composante MMN, les variations d'amplitude de cette composante en fonction de l'angle des sons proviendrait de cet écart qui est de moins en moins important lorsque les sons se rapprochent du centre (0°). Cet effet confirme donc que l'événement entraînant une composante MMN est une non-concordance dans l'environnement puisque l'amplitude de cette composante varie en fonction de l'importance ou de la taille de la non-concordance.
En résumé
Le premier résultat concernant la composante MMN auditive montre une différence d'amplitude en fonction du côté de présentation des sons, chez les patients et les sujets témoins. Nous avons suggéré que ce résultat provienne d'une asymétrie de l'attention automatique entre les deux hémisphères allant dans le sens des hypothèses proposées par Mesulam (1981). Cette asymétrie se reflèterait, dans notre étude, par une composante MMN moins ample lorsque les sons se situent à gauche que quand ils se situent à droite. Cet effet, observé chez les patients, est également présent chez les sujets témoins, il n'est donc pas possible de déterminer, à partir de ce résultat uniquement, si les processus attentionnels automatiques sous-jacents à la composante MMN sont indemnes chez les patients.
Cependant, le deuxième résultat de cette étude permet de lever l'ambiguïté de ce premier résultat. En effet, pour la composante MMN, on observe une amplitude globalement moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins. Nous avons émis ci-dessus l'hypothèse d'un lien entre cette diminution d'amplitude de la composante MMN et l'atteinte du générateur situé dans la région temporale droite chez les patients. Chez les sujets témoins, les générateurs sous-jacents à cette composante se situeraient dans les aires temporales de chaque hémisphère et dans les aires frontales de l'hémisphère droit (Giard et al., 1990; Paavilainen et al., 1991). En revanche, chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales situées dans l'hémisphère droit, la composante MMN serait générée au niveau des aires frontale droite et temporale gauche uniquement (zones indemnes chez la majorité de nos patients). L'activité globale de ces générateurs est donc plus ample pour les sujets témoins que pour les patients, elle ne témoigne ni d'une différence en fonction du côté de présentation, ni d'une absence de composante MMN chez les patients. Chez des patients affectés de lésions unilatérales droites, les processus attentionnels automatiques pour l'espace gauche et l'espace droit ne seraient donc pas déficitaires. La présence d'une composante MMN lorsque les sons se situent à gauche peut être expliquée par la présence de générateurs bilatéraux sous-jacents à cette composante.
Selon Giard et al. (1991), les générateurs de la composante MMN situés dans la région temporale de chaque hémisphère témoigneraient d'une activité de comparaison des traces sensorielles des différents stimuli. Nous rappelons que cette comparaison mettrait en jeu la mémoire sensorielle auditive. Lors de la présentation d'un nouveau stimulus, ce processus de comparaison déclencherait un mécanisme d'orientation automatique de l'attention vers le nouveau stimulus. Ce processus d'orientation serait assuré au niveau de la région frontale droite. Il faut rappeler que le générateur temporal situé dans l'hémisphère controlatéral à l'oreille stimulée aurait une activité plus ample que celui situé dans l'hémisphère ipsilatéral (Giard et al., 1991). La présentation d'un stimulus nouveau dans l'espace gauche entraînerait donc une activité de 'comparaison' principalement dans l'hémisphère droit, alors que la présence d'un nouveau stimulus induirait une telle activité principalement dans l'hémisphère gauche. Chez les patients, la présence de lésions situées dans les régions responsables de cette activité dans l'hémisphère droit empêcheraient une telle activité. Cette activité étant plus importante lorsque les sons se situent à gauche, on devrait s'attendre à ce que la composante MMN soit moins ample lorsqu'elle est évoquée par des sons situés à gauche que quand elle est consécutive à des sons provenant de la droite. Un tel résultat est effectivement observé chez les patients mais il est également présent pour les sujets témoins. Il ne peut donc pas provenir des lésions elles-mêmes. La différence entre les patients et les sujets témoins ne varie pas en fonction du côté de présentation des sons: l'amplitude de cette composante chez les patients n'est pas 'plus différente' de celle des sujets témoins lorsque les sons se situent à droite que lorsqu'ils se situent à gauche. On peut alors se demander comment la présence de lésions unilatérales à droite n'entraîne pas une différence, entre les deux groupes, plus importante lorsque les sons se situent à gauche.
Les lésions des patients concernent uniquement l'hémisphère droit et laissent indemne l'hémisphère gauche. Bien que l'activité observée au niveau du générateur controlatéral soit plus ample que celle constatée au niveau de générateur ipsilatéral, l'activité dans ce dernier est loin d'être absente. Chez les patients, lorsque les sons se situent à gauche, le générateur principal (hémisphère droit) est lésé mais le générateur temporal gauche (ipsilatéral), indemne, serait suffisant pour 'signaler' la présence d'un nouveau stimulus aux régions frontales droites, également indemnes. Ce générateur entraînerait ainsi une composante MMN sur le scalp quel que soit le côté de présentation des sons. Cela suggère une certaine indépendance entre les générateurs temporaux droit et gauche, les processus de comparaison pourraient avoir lieu même si l'un des générateurs est lésé. La présence d'une composante MMN lorsque les sons se situent à droite pour les patients (voir par exemple la condition '20° droite' sur la Fig. 35) semble confirmer qu'une telle composante peut-être évoquée lorsqu'un des générateurs temporaux est lésé.
Ainsi, même en présence de lésions unilatérales droites concernant, notamment, les régions temporales, une orientation automatique de l'attention chez les patients est préservée pour le côté gauche et le côté droit. Cette orientation serait assurée par le générateur temporal gauche et le générateur situé dans la région frontale indemnes. Les lésions concerneraient le générateur temporal droit et entraîneraient une diminution globale de l'amplitude de la composante MMN. Même si l'un des deux hémisphères est plus activé que l'autre selon le côté de présentation des sons, la présence de cette activité de comparaison dans les deux hémisphères préserverait l'intégrité des processus attentionnels automatiques en cas de lésions unilatérales.
Les mécanismes attentionnels contrôlés et volontaires ont été étudiés à l'aide des composantes N2b et P3b du potentiel évoqué auditif. Ces composantes refléteraient respectivement une orientation volontaire de l'attention vers une cible donnée et une identification de cette cible (voir notamment Näätänen, 1992). La présence des composantes N2b et P3b, chez les sujets témoins et les patients, a été déterminée à l'aide des analyses des potentiels évoqués par les stimuli cibles et les stimuli fréquents, sur des fenêtres temporelles prenant en compte une grande partie du décours temporel des potentiels évoqués (chapitre 8.3.4.). Ces analyses ont mis en évidence, pour les sujets témoins, une augmentation de la négativité des potentiels évoqués par les stimuli cibles, par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents, environ 200 ms après la présentation des stimuli (Tabl. 12, Fig. 38 et 39). La topographie fronto-centrale, la latence et la situation ('attentive') dans laquelle la négativité est observée correspondent à ce qui est habituellement observé pour la composante N2b du potentiel évoqué auditif (Näätänen et Gaillard, 1983). Une augmentation de la positivité est également observée sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles environ à 360 ms. Cette positivité observée à cette latence dans les régions centro-pariétales du scalp, dans une situation nécessitant une attention volontaire, présente des caractéristiques semblables à celles généralement observées pour la composante P3b (pour une revue voir Duncan-Johnson et Donchin, 1982).
Pour le groupe de patients, ces analyses préliminaires (Tabl. 13, Fig. 38 et 39) ont mis en évidence des différences entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et par les stimuli fréquents, uniquement dans les conditions contenant des sons présentés monauralement à droite ou ayant un angle de 60° sur la droite. Dans ces deux conditions, une négativité puis une positivité pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles correspondant aux composantes N2b et P3b sont observées, comme nous l'avons montré ci-dessus pour les sujets témoins. Bien que ces analyses préliminaires n'aient montré aucune différence entre ces deux types de potentiels évoqués dans les conditions contenant des sons à gauche ou ayant un angle de 20° sur la droite, on observe au niveau des ondes de différence (Fig. 39) des pics négatifs ou positifs plus ample que les zones de bruit. Nous avons donc effectué des analyses des composantes N2b et P3b pour les deux groupes, dans toutes les conditions sur les ondes de différence.
Diminution globale de l'amplitude de la composante N2b auditive pour les patients
Le résultat principal concernant la composante N2b auditive porte sur la différence d'amplitude entre les deux groupes: la composante N2b est globalement moins ample pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 40). Les mécanismes d'orientation volontaire de l'attention, reflétés cette onde, semblent donc déficitaires chez ces patients quels que soient l'angle et le côté de présentation des sons. La localisation des générateurs de cette composante n'est pas actuellement clairement déterminée. Nous avons vu ci-dessus (chapitre 1.1.3.2.) que cette onde serait composée de plusieurs générateurs dont certains se situeraient dans la région pariétale de l'hémisphère droit. Les lésions observées chez le groupe de patients concerneraient cette région et conduiraient à une diminution globale de l'amplitude de la composante N2b. Contrairement à l'onde MMN dont les générateurs seraient bilatéraux, certains générateurs de la composante N2b seraient donc présents dans l'hémisphère droit uniquement. Cette composante serait toutefois composée de générateurs dans l'hémisphère gauche puisque sa topographie est plutôt centrale. Cependant, la présence de lésions au niveau des générateurs de l'hémisphère droit suffirait pour entraîner une diminution de son amplitude. D'après ce résultat, les générateurs dans l'hémisphère droit aurait donc un rôle principal dans la génération de cette composante. Cette hypothèse va dans le même sens que le rôle prépondérant attribué à cet hémisphère dans les études d'attention sélective en imagerie fonctionnelle (chapitre 1.1.2.).
Parmi les études électrophysiologiques effectuées chez des patients affectés de lésions cérébrales temporo-pariétales droites ou gauches, aucune n'a porté, à notre connaissance, sur la composante N2b du potentiel évoqué auditif. En revanche, Verleger et al. (1996), ont étudié, chez des patients héminégligents la composante Nd du potentiel évoqué dans la modalité visuelle uniquement. Cette composante refléterait également un processus d'orientation de l'attention et de détection d'une cible. Ces auteurs ont observé une réduction d'amplitude de cette composante lorsque les stimuli visuels étaient situés du côté controlatéral à la lésion. Les résultats observés dans notre étude, dans la modalité auditive, ne sont donc pas similaires puisque la composante N2b auditive semble être globalement déficitaire. Nous avons abordé ci-dessous cette différence (discussion générale) en prenant en compte les résultats que nous avons observés pour les processus attentionnels contrôlés dans la modalité visuelle, chez le même groupe de patients. Les résultats de cette étude sont exposés dans le chapitre 9 de ce présent travail. Dans la modalité auditive, nous avons étudié également les processus attentionnels volontaires à partir de la composante P3b dont nous analysons ci-dessous les résultats. Deux résultats intéressants ont été observés pour cette composante.
Diminution de l'amplitude et augmentation de la latence de la composante P3b auditive pour les patients
La composante P3b présente une amplitude globalement moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 42 et 43), comme la composante N2b. Cette différence est observée quels que soient l'angle et le côté de présentation des sons (Fig. 43). De plus, la latence de cette composante est plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins dans toutes les conditions (Fig. 42 et 44). Ces différences d'amplitude et de latence entre les deux groupes témoigneraient de l'implication des zones temporo-pariétales droites dans les processus d'identification des cibles. Suite à des lésions dans ces zones, ces processus seraient moins 'performants' et plus 'lents' (ou ils apparaîtraient plus tardivement). Ce déficit concernerait l'espace gauche et l'espace droit puisque aucune variation en fonction du côté de présentation des sons n'est observée. Ces résultats mettraient donc en évidence la présence d'un déficit global de l'identification des sources dans l'héminégligence.
Les travaux portant sur les générateurs de la composante P3b ont souvent été effectués chez des patients présentant des lésions cérébrales (Alho et al., 1994; Knight et al., 1989; Yamaguchi et Knight, 1991 par exemple). Dans des études de patients affectés de lésions temporo-pariétales, Yamaguchi et Knight (1991, 1992) ont mis en évidence une diminution d'amplitude de la composante P3b (et P3a). Nous rappelons que cette composante proviendrait de différentes régions cérébrales dont certaines se situeraient au niveau du cortex pariétal droit (voir l'introduction de cette étude ainsi que le chapitre 1.1.3.2.). Les résultats que nous avons observés chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales droites confirment donc l'implication du cortex pariétal droit dans la génération de la composante P3b et dans les processus attentionnels contrôlés qu'elle reflète.
La composante P3b auditive a été également étudiée chez des patients héminégligents par Lhermitte et al. (1985). Chez des patients affectés de lésions pariétales droites (7 patients) ou gauches (2 patients) entraînant une héminégligence visuelle controlatérale à l'hémisphère lésé, la composante P300 évoquée par des sons controlatéraux à la lésion était similaire à celle consécutive à des sons ipsilatéraux à l'hémisphère lésé. Pour un seul patient, la topographie de cette composante était asymétrique et sa latence plus tardive lorsque les sons étaient controlatéraux. Ce patient était le seul à présenter une héminégligence auditive. En revanche, il ne se différenciait pas des autres patients au niveau de la composante P300 visuelle. Les patients que nous avons étudiés présentaient tous des difficultés, plus ou moins importantes, à détecter des cibles auditives situées sur la gauche (voir étude 2, Fig. 30). Ces difficultés témoignent de la présence d'une héminégligence auditive. Dans la perspective de nos résultats, l'étude de Lhermitte suggère donc que la modification de la composante P3b auditive ne soit observée que chez des patients présentant une héminégligence auditive.
En résumé
Les composantes N2b et P3b présentent des résultats qui refléteraient un déficit global (espaces gauche et droit) concernant les processus d'orientation volontaire de l'attention auditive et les processus d'identification des cibles auditives. D'après ces deux composantes, les processus attentionnels contrôlés dans la modalité auditive seraient globalement déficitaires chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales de l'hémisphère droit. Il faut tout de même préciser que ces derniers processus seraient déficitaires et non totalement absents: les patients présentent tout de même des composantes N2b et P3b mais elles sont moins amples (et plus tardive pour la composante P3b) que celles observées chez les sujets témoins.
Cette étude a porté sur 4 composantes des potentiels évoqués: les composantes N100, MMN, N2b et P3b. Chaque composante a été étudiée du fait qu'elle témoigne d'un processus différent et apporte donc des informations complémentaires sur l'attention, et en particulier sur l'intégrité de ces processus chez des patients héminégligents affectés de lésions temporo-pariétales droites.
La différence de topographie et d'amplitude de la composante N100 chez les patients par rapport aux sujets témoins témoignerait d'une altération des zones cérébrales dans l'hémisphère droit sous-jacentes à cette composante lors des lésions temporo-pariétales droites. Ce résultat confirme l'implication de ces régions dans la génération de cette composante. Cependant, plusieurs indices suggèrent que l'intégrité des structures sous-corticales (dont l'olive supérieure) et du cortex temporal gauche permet un traitement perceptif suffisant pour localiser les sons: le taux d'identification correcte des cibles plus élevé que le hasard lorsque les sons se situent à gauche principalement mais également la présence d'une composante N100 consécutive à ces sons (Fig. 31).
En ce qui concerne les processus de détection automatique de non concordance et d'orientation automatique de l'attention, les résultats de la composante MMN auditive mettent en évidence deux conclusions principales: d'une part l'asymétrie hémisphérique des processus attentionnels induiraient une composante MMN variant selon le côté de présentation des sons chez les sujets témoins et chez les patients; et d'autre part des lésions qui se situeraient au niveau des générateurs temporaux de l'hémisphère droit entraîneraient une diminution globale de l'amplitude de cette composante. Cependant, la présence dans les deux hémisphères des générateurs de cette composante permettraient une compensation, grâce à l'hémisphère sain, du manque d'activité de l'hémisphère lésé. Il est difficile de tirer des conclusions de l'absence de composante P3a sur les potentiels évoqués, pour la majorité des patients, dans la plupart des conditions. Cette absence peut être liée de la présence de déficits des processus reflétés par cette composante mais elle peut également provenir de la tâche elle-même qui pourrait ne pas mettre en jeu un processus d'orientation automatique de l'attention reflété par la composante P3a.
Les processus attentionnels contrôlés présentent des résultats similaires quelque soit le côté de présentation des sons: les composantes N2b et P3b sont moins amples chez les patients que chez les sujets témoins. Les déficits des patients concerneraient donc le côté gauche mais également le côté droit. Nous rappelons que les patients détectent 60% des sons situés à gauche et 76% des sons situés à droite. Pour les sujets témoins, les scores sont de 96% pour les sons situés à gauche et de 95% pour les sons situés à droite. Il semble donc qu'il existe, pour les patients, des difficultés de détection de cibles auditives pour les deux côtés. Nous précisons cependant que ces résultats montrent la présence de difficultés de détection des cibles auditives situées à gauche et à droite, ils ne suggèrent pas une absence de détection: plus de 50% des cibles sont détectées des deux côtés. Cependant, la détection est meilleure à droite qu'à gauche.
L'hypothèse principale que nous proposons suggère une dissociation entre les processus automatiques (indemnes) et les processus contrôlés (déficitaires) chez des patients affectés de lésions dans l'hémisphère droit. Cette hypothèse implique une représentation hémisphérique bilatérale (processus automatiques) ou unilatérale (processus contrôlés) des différents processus étudiés. Lors de la présence de lésions concernant les régions temporo-pariétales droites, les processus attentionnels automatiques reflétés par la composante MMN seraient préservés grâce à la présence d'un générateur situé dans l'hémisphère sain (générateur temporal gauche, accompagné du générateur frontal droit également intègre). En revanche, les processus attentionnels contrôlés seraient déficitaires pour l'espace gauche et également, bien que dans une moindre mesure, pour l'espace droit.
L'étude des patients héminégligents a donc permis de mettre en évidence une organisation cérébrale différente (bilatérale ou unilatérale) entre les processus attentionnels automatiques et les processus attentionnels contrôlés, dans la modalité auditive. L'organisation de ces processus dans la modalité visuelle a été présentée dans le chapitre 9 de ce travail.
Dans le chapitre précédent, nous avons présenté une étude des processus attentionnels auditifs, à l'aide des potentiels évoqués, chez des patients affectés de lésions cérébrales dans l'hémisphère droit conduisant à une héminégligence (syndrome décrit dans le chapitre 2 de ce présent travail). Nous rappelons brièvement que le cadre général de ce travail concerne les processus attentionnels automatiques et contrôlés et cherche à identifier les bases cérébrales de ces processus qui ne sont pas encore clairement déterminées. Nous avons étudié ces deux types de processus chez de patients héminégligents afin de déterminer l'influence de lésions cérébrales unilatérales droites d'une part, et de spécifier le type de processus déficitaires dans l'héminégligence. De plus, dans le but d'étudier les relations et les similitudes entre les processus attentionnels auditifs et visuels, nous avons analysé ces processus à l'aide d'indices électrophysiologiques dans la modalité auditive (chapitre 8) et dans la modalité visuelle (présent chapitre).
Dans la littérature, les différentes études électrophysiologiques effectuées sur l'héminégligence ont mis en évidence des résultats parfois contradictoires concernant les processus sensoriels ou les processus attentionnels dans la modalité visuelle. Nous avons décrit la plupart de ces études dans le précédent chapitre, nous n'avons donc présenté ci-dessous qu'un rappel de certains résultats et des principales conclusions de ces travaux. Les patients héminégligents présentent généralement des difficultés, dans l'espace gauche, à s'orienter, à détecter et à réagir aux événements ou aux objets. Le type de processus lésé qui serait sous-jacent à ces difficultés n'est pas encore bien spécifié dans la littérature. La plupart des auteurs s'accordent actuellement sur l'origine attentionnelle de ce trouble, sans pour autant parvenir à définir si le trouble concerne les processus attentionnels automatiques et/ou ceux contrôlés, selon la dissociation proposée par Schneider et Shiffrin (1977).
Les processus sensoriels visuels dans l'héminégligence
La plupart des études électrophysiologiques sur l'héminégligence, effectuées jusqu'à présent, avait essentiellement pour but de déterminer si les processus sensoriels étaient intègres. Plusieurs auteurs ont étudié les composantes exogènes, précoces, des potentiels évoqués principalement dans les modalités visuelle et somatosensorielle et dans une moindre mesure, dans la modalité auditive. Certaines études (chez le singe ou chez l'homme) ont suggéré une préservation des processus sensoriels dans l'héminégligence (Vallar et al., 1991a, b; Viggiano et al., 1995; Watson et al., 1977a, b; 1984) alors que d'autres études ont proposé que ces processus soient déficitaires (Alain et al., 1998; Angelelli et al., 1996; Deouell et al., 2000; Ibañez et al., 1989; Spinelli et al., 1994; Spinelli et Di Russo, 1996; Verleger et al., 1996). Parmi toutes ces études, certaines ont utilisé des potentiels évoqués 'steady-state' et d'autres des potentiels évoqués 'classiques'. Il faut cependant rappeler que l'héminégligence n'est pas un trouble de la perception, les systèmes sensoriels eux-mêmes ne sont pas déficitaires: une diminution de l'amplitude ou une augmentation des latences des composantes précoces des potentiels évoqués, comme certaines études l'ont observé, indiquent qu'un traitement perceptif a lieu mais qu'il n'est pas similaire à celui des sujets sains par exemple. Les modifications de ces composantes pourraient provenir d'une atteinte des zones cérébrales, dans l'hémisphère droit, sous-jacentes à cette composante (en laissant indemnes les zones de l'hémisphère gauche).
Les lésions cérébrales observées chez les patients étudiés se situent dans les régions temporo-pariétales, elles ne concernent pas le lobe occipital (ou la région occipito-pariétale) au niveau duquel se situeraient les générateurs des composantes sensorielles du potentiel évoqué visuel (dont ceux de la composante N160 que nous avons étudiée). Si des modifications de cette composante sont présentes chez les patients (quel que soit le côté de présentation des stimuli visuels), elles proviendraient d'un effet des lésions sur la propagation des ondes et non d'une atteinte directe des générateurs.
Les processus attentionnels visuels dans l'héminégligence
Nous rappelons que deux types de processus attentionnels peuvent être étudiés à l'aide des potentiels évoqués: les processus attentionnels automatiques (composantes MMN et P3a) et les processus attentionnels contrôlés (composantes N2b et P3b notamment; Näätänen, 1992 pour une revue). La composante MMN est généralement considérée comme reflétant une détection automatique d'un changement dans l'environnement. La présence de cette composante dans la modalité visuelle a fait l'objet d'une étude que nous avons présentée dans le chapitre 6 de ce travail. La composante MMN auditive a été largement étudiée dans la modalité auditive, son existence dans la modalité visuelle n'était pas encore clairement démontrée. Notre étude a permis de montrer l'existence de cette composante dans la modalité visuelle. Nous avons suggéré que cette composante soit composée de deux sources: une source située dans le cortex visuel controlatéral au champ visuel stimulé et une source frontale dans la région frontale droite. Cette dernière source serait similaire, ou située dans la même zone, que celle observée pour la composante MMN auditive (Giard et al., 1991). En revanche, la source occipito-pariétale de cette composante serait propre à la modalité visuelle, tout comme les sources temporales pour la modalité auditive. Nous précisons à nouveau que Giard et al. (1991) considèrent que les sources temporales seraient sous-jacentes à un processus de comparaison entre la trace sensorielle provenant de la présentation de plusieurs stimuli similaires et la trace du nouveau stimulus différent des stimuli précédents. Si les deux traces ne coïncident pas (stimuli physiquement différents), un processus d'orientation automatique de l'attention serait mis en jeu par la source située dans le cortex frontal droit.
Après avoir montré l'existence de la composante MMN dans la modalité visuelle, il était donc possible de l'étudier chez des patients héminégligents. Actuellement, aucun travail à notre connaissance n'a porté sur l'étude des potentiels évoqués reflétant des processus attentionnels automatiques visuels dans l'héminégligence (ondes MMN ou P3a). Deouell et al. (2000) ont mis en évidence une modification de la composante MMN auditive, dans certaines conditions, chez des patients héminégligents affectés de lésions unilatérales droites. Ces processus ont donc été analysés à partir de cette onde et de la composante P3a qui témoignerait d'une orientation automatique de l'attention lors de la présentation d'un stimulus nouveau et inattendu.
Les processus attentionnels contrôlés dans l'héminégligence ont fait l'objet de deux études portant sur les composantes P300 (P3 ou P3b) et Nd (Lhermitte et al., 1985; Verleger et al., 1996). Dans la modalité visuelle, Lhermitte et al. (1985) ont mis en évidence une diminution de l'amplitude et une augmentation de la latence de la composante P300 lorsque les stimuli visuels se situaient du côté controlatéral à la lésion (un tel effet n'était pas observé pour la P3 auditive). Verleger et al. (1996) ont confirmé une diminution de l'amplitude de cette composante visuelle pour les patients héminégligents, mais ils ont observé cet effet lorsque les stimuli visuels étaient présentés du côté controlatéral comme quand ils se situaient du côté ipsilatéral à la lésion. En revanche, la composante Nd visuelle (négativité de différence) du potentiel évoqué était moins ample uniquement lorsque les stimuli étaient controlatéraux à la lésion (Verleger et al., 1996). Ces deux études suggèrent donc un déficit au niveau des processus attentionnels contrôlés chez des patients héminégligents.
Chez un groupe de patients héminégligents, nous avons analysé, dans la modalité visuelle, les processus sensoriels (composantes P100 et N160), les processus attentionnels automatiques (composantes MMN et P3a) ainsi que les processus attentionnels volontaires (composantes N2b et P3b). L'étude de ces trois types de processus chez un même groupe de patients avait pour objectif de préciser le type de processus déficitaire sous-jacent à l'héminégligence. De plus, l'étude de ces patients avaient pour but de spécifier le rôle des régions temporo-pariétales droites (lésées chez nos patients) dans les processus attentionnels. Plusieurs études ont mis en évidence une asymétrie au niveau de l'organisation des processus attentionnels en faveur de l'hémisphère droit (Mesulam, 1981 notamment). Nous avions donc pour objectif de préciser si une telle asymétrie concerne plusieurs processus attentionnels (automatiques et contrôlés). Dans ce but nous avons analysé les différences entre les modalités auditive et visuelle en comparant (chapitre 10) les résultats de cette présente étude à ceux observés pour la modalité auditive.
Le groupe de patients héminégligents était composé des 10 patients que nous avons décrits dans le chapitre 5.1.1. Ces patients présentaient tous des difficultés témoignant, au minimum, d'une héminégligence visuelle comme nous l'avons détaillé dans le chapitre 7. Ces 10 patients correspondent aux patients étudiés dans les chapitres 7 et 8.
Le groupe de sujets témoins a été présenté dans le chapitre 5.1.2. Il s'agit du même groupe de sujets que celui étudié dans les chapitres 7 et 8, comme pour le groupe de patients. Nous rappelons que les 10 sujets témoins étaient appariés en âge et en sexe aux patients héminégligents et qu'ils ne présentaient aucun historique neurologique connu.
La plupart des caractéristiques générales des mesures et des analyses statistiques effectuées sur les potentiels évoqués visuels ont été décrits dans le chapitre 5.5.2. Cependant, nous précisons à nouveau certaines de ces caractéristiques et nous présentons les analyses propres à chaque composante. Dans les résultats, nous avons présenté plusieurs analyses qui ont été décrites dans le chapitre 5.5.2. uniquement. Il s'agit des analyses portant sur l'amplitude moyenne de 9 fenêtres de 50 ms chacune, allant de 50 à 500 ms pour les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares, cibles et fréquents. Ces analyses avaient pour but de rechercher les composantes MMN, N2b et P3b chez les patients. Elles ont été étudiées plus spécifiquement ensuite sur les ondes de différences. De plus, nous rappelons également que le bruit contenu dans chaque courbe des potentiels évoqués par les stimuli rares, cibles ou fréquents a été évalué (au niveau de l'électrode présentant l'amplitude la plus élevée sur toute la durée du potentiel, pour la majorité des sujets). Seules les composantes 'sortant' du bruit ont été prises en considération. Dans toutes les analyses de variance présentées ci-dessous, lorsque l'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' étaient significative, des tests t de Student ont été effectués pour chaque condition expérimentale séparément (comparant donc les deux groupes de sujets entre eux).
Une grande partie des analyses statistiques ont été effectuées à l'aide des 'analyses de variance habituelles'. Nous précisons que ces analyses ont pris en compte les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' pour chaque groupe séparément, une troisième ANOVA était effectuée sur les mesures des deux groupes à la fois (facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'groupe'). Certaines composantes visuelles ont toutefois donné lieu à des analyses spécifiques que nous présentons ci-dessous.
Traitement de la composantes N160 visuelle
Pour les deux groupes, des mesures d'amplitude instantanée ont été effectuées sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents dans les situations 'visuelle passive' et 'visuelle attentive'. Dans certaines conditions expérimentales, la composante N160 visuelle observée pour le groupe de patients présente des caractéristiques atypiques (latence et topographie essentiellement) qui ont conduit d'une part à étudier la densité de courant de cette composante et d'autre part à ajuster, pour les patients, les latences et les zones de ces prises de mesures. Pour les deux groupes, les caractéristiques (électrodes et latences) de ces mesures sont différentes en potentiel et en densité de courant.
En potentiel, ces mesures ont été effectuées au niveau de l'électrode controlatérale au côté de présentation des diodes (correspondant à la zone présentant l'amplitude la plus élevée sur l'ensemble des sujets). Pour les sujets témoins, ces mesures ont été recueillies, pour toutes les conditions expérimentales, au niveau de l'électrode P5 lorsque les diodes se situent à droite et de l'électrode P6 lorsqu'elles se situent à gauche, entre 130 et 210 ms après la présentation des stimuli. Pour les patients, les mesures ont été effectuées de la même façon pour les conditions contenant des diodes à droite (électrode P5 entre 130 et 210 ms) mais lorsque les diodes se situent à gauche, les mesures ont été ajustées en latence et en topographie. Pour ces conditions, les mesures ont été effectuées au niveau de l'électrode PO4 entre 230 et 300 ms après la présentation des diodes. Pour la condition '20° gauche' de la situation 'visuelle attentive', les mesures ont été prises au niveau de l'électrode CP6 entre 230 et 300 ms. Ces mesures ont donné lieu aux analyses de variance habituelles.
Les données en densité de courant ont fait l'objet de mesures et d'analyses légèrement différentes. Contrairement aux données en potentiel, celles en densité de courant, pour la composante N160, sont assez similaires entre le groupe de patients et celui de sujets témoins. Des mesures d'amplitudes instantanées, entre 120 et 200 ms, ont été effectuées au niveau des électrodes POZ (correspondant à une source de courant), PO7 et PO8 (correspondant toutes deux à des puits de courant). Les données pour la source de courant ont fait l'objet des analyses de variance habituelles. Celles concernant les puits de courant ont été analysées à l'aide d'ANOVAs prenant en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère'. Une ANOVA supplémentaire portant sur ces trois facteurs et sur le facteur 'groupe' a été également effectuée pour comparer les patients et les sujets témoins.
Des analyses supplémentaires portant sur des mesures d'amplitude en potentiel ont été effectuées au niveau des électrodes PO3, P5, PO4 et P6 dans le but d'étudier plus précisément la latéralisation hémisphérique de cette composante en potentiel. Ces mesures ont donné lieu à des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' (correspondant aux valeurs moyennes des mesures sur chaque hémisphère).
Finalement, les mesures de latences de la composante N160 visuelle en potentiel et en densité de courant ont été effectuées selon les mêmes caractéristiques que celles utilisées pour l'amplitude en potentiel. Elles ont également donné lieu à des analyses de variance habituelles (en considérant donc uniquement les données recueillies sur l'électrode controlatérale au côté de présentation des sons).
Traitement de la composante MMN visuelle
La composante MMN visuelle a été étudiée uniquement dans la situation 'visuelle passive', sur l'onde provenant de la soustraction du potentiel évoqué par les stimuli fréquents au potentiel évoqué par les stimuli rares. Pour chacune des 4 conditions expérimentales ('60° gauche', '20° gauche', '20° droite' et '60° droite'), nous rappelons que nous avons effectué cette soustraction en utilisant les potentiels évoqués par des stimuli rares et par des stimuli fréquents physiquement identiques (les deux types de potentiels évoqués se différenciaient uniquement en fonction de leur probabilité d'apparition: 20% ou 80%). Les mesures de cette composante ont porté sur l'amplitude moyenne et la latence des ondes de différence.
Comme pour la composante N160, la composante MMN visuelle ne culminait pas aux même latences entre le groupe de patients et celui des sujets témoins. Nous avons donc ajusté les latences des prises de mesures pour ce premier groupe. Pour les sujets témoins, l'amplitude moyenne a été calculée sur une fenêtre allant de 160 à 200 ms après la présentation des stimuli dans toutes les conditions expérimentales. Pour le groupe de patients, lorsque les diodes sont situées à droite, la fenêtre des prises de mesures est similaire à celle des sujets témoins (de 160 à 200 ms) et lorsque les diodes sont situées sur la gauche, l'amplitude moyenne a été calculée de 250 à 310 ms après la présentation des stimuli (correspondant à la fenêtre de temps durant laquelle la composante MMN culminait pour l'ensemble des patients). Ces mesures ont été effectuées sur 4 électrodes au niveau de l'hémisphère gauche (C1, C3, CP1 et CP3) et sur 4 électrodes au niveau de l'hémisphère droit (C2, C4, CP2 et CP4). Les analyses statistiques ont porté sur la moyenne des 4 électrodes sur chaque hémisphère séparément. Pour chaque groupe de sujets, une analyse de variance a été effectuée prenant en compte les facteurs 'angle', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère'. Une ANOVA supplémentaire comprenant ces trois facteurs et le facteur 'groupe' a également été effectuée.
L'étude de la latence de la composante MMN visuelle a été effectuée uniquement au niveau de l'électrode controlatérale au côté de présentation des stimuli présentant les amplitudes les plus élevées sur l'ensemble des conditions: électrode CP1 lorsque les diodes se situent à droite et électrode CP2 lorsqu'elles se situent à gauche. Les analyses statistiques de ces mesures ont été effectuées à l'aide des analyses de variance habituelles.
Traitement de la composante N2b visuelle
La composante N2b visuelle a été étudiée dans la situation 'visuelle attentive', au niveau de l'onde de différence (potentiels évoqués par les stimuli cibles - potentiels évoqués par les stimuli fréquents, stimuli physiquement identiques). Les analyses statistiques ont porté sur les amplitudes moyennes au niveau de l'électrode CZ. Les latences ont été ajustées pour chaque groupe de manière à correspondre au moment où cette composante culmine. Pour les sujets témoins, les mesures ont été effectuées entre 220 et 300 ms après la présentation des stimuli dans toutes les conditions expérimentales. Pour les patients, lorsque les diodes se situent à droite, les mesures ont été calculées entre 260 et 340 ms et lorsqu'elles se situent à gauche, entre 280 et 360 ms. Ces mesures ont été analysées à l'aide des ANOVAs habituelles.
La latence de la composante N2b visuelle a été mesurée au niveau de l'électrode CZ aux même latences que celles utilisées pour les calculs d'amplitude moyenne. Les analyses statistiques ont été également effectuées avec les analyses de variance habituelles.
Traitement de la composante P3b visuelle
La composante P3b, analysée comme la composante N2b au niveau de l'onde de différence, a donné lieu à des mesures d'amplitude instantanée au niveau de l'électrode PZ, entre 300 et 600 ms après la présentation des stimuli. Ces mesures ont été faites de la même façon pour les deux groupes de sujets. Les analyses de variance habituelles ont été effectuées. La latence de cette composante a été mesurée sur la même électrode et sur la même fenêtre que celles utilisées pour les mesures d'amplitude. Les données portant sur la latence ont également été analysées à l'aide des ANOVAs habituelles.
Le décours temporel des potentiels évoqués par les diodes fréquentes pour la moyenne des 10 sujets témoins et la moyenne des 10 patients est présenté dans la figure 39. Pour les sujets témoins, on peut observer trois ondes successives sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes: les composantes P100 (de faible amplitude), N160 et P200. Pour chaque courbe, le niveau de bruit présent dans le signal est indiqué par les zones grises. Alors que la composante P100 ne sort pas du bruit dans toutes les conditions, les composantes N160 et P200 sont toujours d'amplitude supérieure au bruit. Bien que d'une manière générale, le niveau de bruit soit plus élevé pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins, on observe tout de même certaines composantes sur les potentiels évoqués pour le groupe de patients. Les ondes P100 et N160 sont effectivement identifiables dans les situations passives et attentives lorsque les diodes se situent sur la droite comme lorsqu'elles se situent sur la gauche. Cependant, lorsqu'elles se situent sur la gauche, ces composantes présentent des latences beaucoup plus tardives que celles observées lorsque les diodes se situent à droite.
Bien que toutes ces composantes soient identifiables sur les moyennes de chaque groupe dans la plupart des conditions expérimentales, les composantes P100 et P200 ne sont pas présentes chez tous les sujets, ou ne sortent pas du bruit dans chaque condition. Elles n'ont donc pas été analysées dans cette étude. En ce qui concerne les potentiels évoqués par les diodes fréquentes, seuls les résultats de la composante N160 sont donc présentés dans ce travail.
*Décours temporel des potentiels évoqués au niveau de l'électrode controlatérale au côté de présentation des diodes présentant l'amplitude maximale entre 100 et 300 ms après la présentation des stimuli. Le niveau de bruit présent dans chaque courbe est indiqué par les zones grises. Les cartes de potentiels correspondent aux composantes visuelles P100 et N160 à l'instant des pics.
Un pic négatif culminant environ 150 à 160 ms après la présentation des diodes peut être observé pour la moyenne des sujets témoins sur les potentiels évoqués par les diodes fréquentes dans les situations passive et attentive (Fig. 45). Ce pic est également présent pour le groupe de patients environ 160 ms après la présentation des diodes lorsqu'elles se situent du côté droit, et à une latence plus tardive (environ 250-280 ms) lorsqu'elles se situent du côté gauche. Pour les deux groupes de sujets, la topographie de cette onde semble varier en fonction du côté de présentation des stimuli visuels: lorsque les diodes se situent du côté gauche, l'amplitude de cette composante culmine au niveau de l'hémisphère droit alors que lorsque les diodes se situent du côté droit, la composante N160 atteint une amplitude maximale sur l'hémisphère gauche (Fig. 45).
Pour la moyenne des patients, la composante N160 culmine sur l'hémisphère gauche environ 180 ms après la présentation des stimuli lorsque les diodes se situent à droite. Lorsque les diodes se situent à gauche, à la latence à laquelle on devrait observer une négativité correspondant à la composante N160 sur l'hémisphère droit, on observe une importante positivité sur cet hémisphère. La topographie et la polarité de ce pic positif correspondent à ce qui est observé chez les sujets témoins pour la composante P100 (Fig. 45). Par contre, environ 280 ms après la présentation des diodes situées sur la gauche, un pic négatif est présent sur l'hémisphère droit. Ce pic correspond à ce qui est habituellement observé chez les sujets témoins pour la composante N160. Lorsque les diodes se situent à gauche, il semble donc que la composante soit présente mais très tardive pour les patients.
Du fait que la composante N160 visuelle est très atypique en potentiel lorsqu'elle est évoquée par des diodes situées à gauche, elle a fait l'objet d'analyses particulières en densité de courant. Les cartes de densité de courant de la composante N160 montrent, pour les deux groupes, une source de courant (positive) culminant dans la région occipitale (électrode POZ). Pour les sujets témoins, la contrepartie négative de la source de courant est présente au niveau de zones plus pariétales. Des puits de courant (négatifs) sont en effet présents dans les régions proches des électrodes PO7 et PO8. Le puits de courant situé sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes présente une amplitude plus élevée que le puits de courant situé sur l'hémisphère ipsilatéral. Le décours temporel des puits de courant (électrodes PO7 et PO8) semble confirmer cet effet (Fig. 46). De plus, un effet de latéralisation hémisphérique de la composante N160 similaire à celui observé pour les sujets témoins semble être présent pour les patients, en tout cas lorsque les diodes ont un angle de 20°. Contrairement à ce qui est observé en potentiel, les pics de courant pour la composante N160 ne sont pas plus tardifs que ceux observés pour les sujets témoins, quel que soit le côté de présentation des diodes. La composante N160 en densité de courant semble donc assez semblable entre les sujets témoins et les patients.
*Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas).
*Présentation des vues postérieures gauches et postérieures droites pour chaque condition et pour chaque groupe. Indication des échelles d'amplitude pour chaque carte.
En potentiel, les analyses ont porté sur les amplitudes instantanées des pics au niveau de l'électrode présentant l'amplitude maximum, dans les régions pariéto-occipitales. Nous rappelons brièvement les caractéristiques de ces prises de mesures. Pour les sujets témoins, ces mesures ont été effectuées, de 130 à 210 ms après la survenue des stimuli, au niveau de l'électrode P5 lorsque les diodes se situent à droite et de l'électrode P6 lorsqu'elles se situent à gauche. Pour les patients, l'amplitude a été recueillie au niveau de l'électrode P5 lorsque les diodes se situent à droite de 130 à 210 ms après la présentation des diodes (même latence que celle utilisée pour les sujets témoins). Par contre, lorsque les diodes se situent à gauche, les mesures ont été effectuées au niveau de l'électrode PO4 pour les patients sauf pour la condition '20° gauche' de la situation attentive. Dans cette condition, les mesures ont été prises au niveau de l'électrode CP6 correspondant à la zone dans laquelle l'amplitude est maximum. De plus, lorsque les diodes se situent à gauche les mesures ont été prises entre 230 et 300 ms après la présentation des diodes lorsqu'elles se situent à gauche. Des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droit) et 'angle' (60° par rapport à 20°) ont été effectuées pour chaque groupe dans les deux situations séparément.
L'amplitude maximum instantanée de cette composante en densité de courant a été mesurée au niveau des électrodes PO7, POZ et PO8 entre 120 et 200 ms après la présentation des diodes. Pour chaque groupe, les analyses statistiques des mesures d'amplitude de la source de courant (électrode POZ) ont pris en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droite) et 'angle' (60° par rapport à 20°); celles portant sur les mesures des puits de courant (électrodes PO7 et PO8) ont pris en compte ces deux facteurs ('côté de présentation des stimuli' et 'angle') ainsi que le facteur 'hémisphère' (hémisphère gauche (électrode PO7) par rapport à hémisphère droit (électrode PO8)).
Sujets témoins:
L'ANOVA effectuée sur les mesures en potentiel met en évidence un effet principal significatif du facteur 'angle' dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 24,99; p < .001 et situation attentive: F (1,9) = 25,10; p < .001). Cet effet va dans le sens d'une amplitude de la composante N160 plus élevée lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60° (Fig. 48). Aucun autre résultat n'est significatif.
Pour la source de courant occipitale (électrode POZ), l'analyse de variance montre un effet significatif du facteur 'angle' dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 17,88; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 10,44; p < .01). Cet effet va dans le sens d'une amplitude plus élevée lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60° (Fig. 49). Aucune variation d'amplitude de cette source de courant en fonction du côté de présentation des diodes n'est observée. L'interaction entre les facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli' n'est pas significative.
Pour les puits de courant pariéto-occipitaux (électrodes PO7 et PO8, Fig. 50), un effet similaire du facteur 'angle' est observé dans la situation attentive uniquement (F (1,9) = 7,32; p < .05). Les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' ne présentent aucun effet principal significatif. La seule interaction significative est celle prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' (situation passive: F (1,9) = 13,12; p < .01 et situation attentive F (1,9) = 5,36; p < .05). Selon cette interaction, le puits de courant situé sur l'hémisphère gauche présente une amplitude plus élevée que celui situé sur l'hémisphère droit lorsque les diodes se situent du côté droit. En revanche, lorsqu'elles se situent du côté gauche, l'amplitude du puits de courant situé sur l'hémisphère droit est plus élevée que celle du puits de courant situé sur l'hémisphère gauche (Fig. 47 et 50). Le puits de courant situé sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes présente donc une amplitude plus élevée que le puits de courant situé sur l'hémisphère ipsilatéral.
*(voir texte pour des précisions sur les zones et les latences des mesures). Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
Ces analyses concernant les sujets témoins mettent en évidence principalement deux résultats importants en potentiel et en densité de courant:
Patients:
L'analyse de variance portant sur les mesures en potentiel de la composante N160 met en évidence un effet principal significatif du facteur 'angle' dans la situation attentive (F (1,9) = 6,43; p < .05). Cet effet atteint une tendance dans la situation passive (F (1,9) = 4,56; p < .10). Dans les deux situations cet effet va dans le même sens: la composante N160 est plus ample lorsqu'elle est consécutive à des diodes situées à 20° qu'à 60° (Fig. 48). Le facteur 'côté de présentation des stimuli' ainsi que l'interaction entre les deux facteurs étudiés ne présentent pas de résultat significatif.
L'ANOVA portant sur les mesures d'amplitude de la source de courant a mis en évidence un effet principal du facteur 'angle' dans la situation passive (F (1,9) = 11,88; p < .01). Ce facteur présente une tendance dans la situation attentive (F (1,9) = 4,64; p < .10). Dans les deux situations, l'amplitude de la source de courant est plus élevée lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60° (Fig. 46 et 49). L'analyse de l'amplitude des puits de courant confirme l'effet du facteur 'angle' (Fig. 46 et 50) dans les deux situations (situation passive: F(1,9) = 6,77; p < .05 et situation attentive: F (1,9) = 5,06; p < .05). Aucun autre effet n'atteint le seuil de significativité dans ces analyses.
Pour les patients, les résultats observés en potentiel et en densité de courant révèlent uniquement un effet du facteur 'angle': l'amplitude de la composante N160 en potentiel et en densité de courant est plus ample lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60°.
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Nous précisons à nouveau que les comparaisons entre les deux groupes, pour les données en potentiel, ont été effectuées dans chaque situation séparément à l'aide d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'groupe', 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'. Dans la situation passive comme dans la situation attentive, un effet du facteur 'angle' est présent (situation passive (F (1,9) = 20,80; p < .01 et situation attentive (F (1,9) = 24,54; p < .001). Dans les deux situations, cet effet va dans le sens d'une composante N160 plus ample lorsque les diodes se situent à 20° que lorsqu'elles se situent à 60°. Une telle différence a été observée ci-dessus dans les analyses de cette composante prenant en compte le groupe de sujets témoins ou le groupe de patients séparément. Aucune différence entre les deux groupes n'est présente, les interactions sont également non significatives.
L'ANOVA effectuée sur les mesures d'amplitude de la source occipitale de courant (facteurs 'angle' et 'côté de présentation des stimuli') a mis en évidence un effet principal du facteur 'angle' dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 18,39; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 34,53; p < .001). Comme dans les analyses présentées ci-dessus, les diodes situées à 20° évoquent une source de courant plus ample que celle consécutive à des diodes situées à 60° (Fig. 46 et 49). Les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' ainsi que les interactions entre ces facteurs ne présentent pas d'effet significatif.
Pour les puits de courant pariéto-occipitaux, l'analyse de variance prenant en compte les facteurs 'groupe', 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère' (Fig. 49) confirme à nouveau l'effet du facteur 'angle' (situation passive F (1,9) = 18,46; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 10,60; p < .01). Cette analyse révèle également une interaction significative entre les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' pour la situation attentive (F (1,9) = 5,48; p < .05). Cette interaction atteint une tendance dans la situation passive (F (1,9) = 4,20; p < .10). Comme ce qui a été observé ci-dessus pour le groupe de sujets témoins, le puits de courant situé sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes présente une amplitude plus élevée que le puits de courant situé sur l'hémisphère ipsilatéral (Fig. 46, 47 et 50). Bien que cette interaction soit significative lorsque les deux groupes sont pris en compte, elle n'est pas observée lorsque le groupe de patients est étudié seul. Cette interaction est donc principalement due aux sujets témoins. Aucun autre facteur ni aucune autre interaction ne présentent d'effet significatif.
L'ensemble de ces analyses met principalement en évidence un effet du facteur 'angle'. Cet effet est observé en potentiel et en densité de courant pour chaque groupe séparément et pour les deux groupes ensemble. La composante N160 a donc une amplitude plus élevée lorsqu'elle est évoquée par des diodes situées à 20° qu'à 60°, quel que soit le côté de présentation de ces diodes. Les analyses en densité de courant révèlent une latéralisation du puits de courant en faveur de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes pour les sujets témoins. Cet effet n'est pas mis en évidence dans les analyses statistiques chez les patients bien que les cartes de densité de courant suggèrent un tel effet dans la majorité des conditions (Fig. 47). Cependant, les cartes de potentiel (Fig. 45) montrent également une latéralisation de la composante N160 sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes pour les patients comme pour les sujets témoins.
Afin de déterminer si cette latéralisation hémisphérique est présente, mais ne s'observerait qu'en potentiel pour les patients, des mesures d'amplitude prenant en compte les deux hémisphères ont été prises. Ces mesures ont été effectuées au niveau des électrodes présentant les amplitudes maximales en considérant l'ensemble des conditions: électrodes PO3, PO4, P5 et P6. Elles ont été effectuées aux même latences que celles utilisées ci-dessus pour les données en potentiel. L'analyse de variance, effectuée pour le groupe de patients uniquement, a pris en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère' (hémisphère gauche (électrodes P5-PO3) par rapport hémisphère droit (électrodes PO4-P6)).
Cette ANOVA a mis en évidence une interaction significative entre les facteurs 'côté de présentation des diodes' et 'hémisphère' dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 14,33; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 16,15, p < .01). Dans les deux situations, on observe une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 45). Il semble donc qu'il existe effectivement une latéralisation hémisphérique de la composante N160 en fonction du côté de présentation des diodes pour les patients. Cependant, cette latéralisation n'est significative dans nos analyses statistiques qu'en potentiel.
L'étude de la latence de la composante N160 en potentiel et en densité de courant a été effectuée sur les mêmes électrodes et aux même latences que celles utilisées pour les premières mesures d'amplitude ci-dessus. Ces mesures ont fait l'objet, pour chacune des situations séparément, d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'. Aucun résultat significatif n'est observé pour les mesures de la latence en densité de courant. Par contre, les mesures de la composante N160 en potentiel présentent des effets significatifs.
Sujets témoins:
Les ANOVAs effectuées sur les latences de la composante N160 en potentiel n'ont mis en évidence aucun effet principal significatif ni aucune interaction significative dans les deux situations.
Patients:
L'analyse de la latence de la composante N160 en potentiel a mis en évidence, dans les deux situations, un effet principal du facteur 'côté de présentation des stimuli' (situation passive: F (1,9) = 20,56; p < .001 et situation attentive: F (1,9) = 21,34; p < .001). Dans les deux situations cet effet va dans le sens d'une latence plus élevée lorsque les stimuli se situent à gauche que lorsqu'ils se situent à droite (Fig. 51). Cet effet peut également être observé directement sur le décours des potentiels évoqués (Fig. 45).
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Les analyses de variance comparant les patients et les sujets témoins (facteurs 'groupe', 'côté' de présentation des stimuli' et 'angle') ont mis en évidence un effet principal du facteur 'groupe' dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 63, 00; p < .001 et situation attentive: F (1,9) = 32,16; p < .001). Cet effet va dans le sens d'une latence globalement plus élevée pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 51). Un effet principal du facteur 'côté de présentation des stimuli' est également observé dans les deux situations (situation passive: F (1,9) = 22,75; p < .001 et situation attentive: F (1,9) = 22,72; p < .001). Cet effet est similaire à celui observé ci-dessus chez les patients uniquement: la latence est plus précoce lorsque les diodes se situent à droite que lorsqu'elles se situent à gauche. Un tel effet n'est pas présent dans les analyses portant uniquement sur le groupe de sujets témoins.
Finalement, l'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' est significative dans la situation passive comme dans la situation attentive (situation passive: F (1,9) = 16,67; p < .01 et situation attentive: F (1,9) = 14,93; p < .01). La différence entre les deux groupes de sujets est plus importante lorsque les diodes se situent à gauche que lorsqu'elles se situent à droite (Fig. 51). Afin de déterminer précisément dans quelles conditions expérimentales les patients se différencient des sujets témoins, des tests t de Student ont été effectués comparant uniquement les deux groupes de sujets, pour chaque conditions expérimentales séparément. Les résultats de ces analyses mettent en évidence une différence significative entre les deux groupes lorsque les diodes se situent à gauche (à 60° et à 20°) et lorsqu'elles se situent à droite avec un angle de 20° (Tabl. 14).
*Indication des valeurs des p, les résultats significatifs sont indiqués en gras.
En résumé
L'étude de la latence de la composante N160 visuelle a mis en évidence un effet du côté de présentation des diodes chez les patients uniquement, sur les données provenant des courbes en potentiel. Les diodes situées à gauche évoquent une composante N160 plus tardive que celle consécutive à la présentation de diodes situées à droite. Cette différence entre les deux groupes est en fait significative lorsque les diodes se situent du côté gauche avec un angle de 60° et de 20° mais également lorsqu'elles se situent à droite avec un angle de 20°. Aucune différence de latence en fonction du côté, de l'angle ou entre les groupes n'est observée pour les données en densité de courant.
La différence entre les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et fréquents a été évaluée sur une période allant de 50 à 500 ms après la présentation des diodes. Des mesures d'amplitude moyenne sur 9 fenêtres successives de 50 ms chacune ont été effectuées pour toutes les conditions expérimentales de la situation 'visuelle passive', pour les deux groupes de sujets. Ces mesures ont été recueillies au niveau de l'électrode CP5 lorsque les diodes se situent à droite et de l'électrode CP6 lorsqu'elles se situent à gauche. Ces électrodes ont été choisies du fait qu'elles correspondent à la zone dans laquelle les potentiels évoqués par les stimuli rares et fréquents se différencient le plus sur toutes les fenêtres de temps considérées. Ces mesures ont donné lieu à des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'fenêtre' (les 9 fenêtres temporelles) et 'déviance' (stimuli rares par rapport à stimuli fréquents) pour chaque condition.
Sujets témoins:
L'ANOVA portant sur les 9 fenêtres temporelles a mis en évidence un effet principal du facteur 'fenêtre' dans les 4 conditions expérimentales (60° gauche: F (8,72) = 23,39; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 17,18; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 7,38; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 7,93; p < .001). L'amplitude des potentiels évoqués rares et fréquents varie en fonction de la fenêtre de temps considérée. Cet effet témoigne de la présence de pics d'amplitude sur les potentiels (Fig. 52). Le facteur 'déviance' n'atteint pas un seuil de significativité.
Ces résultats mettent en évidence deux périodes pendant lesquelles le facteur 'déviance' présente des effets: environ entre 150 et 250 ms et entre 300 et 400 ms après la présentation des stimuli, avec toutefois certaines différences selon les conditions expérimentales. Lors de la première période, les potentiels évoqués par les stimuli rares présentent une négativité plus ample que celle des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Dans la deuxième période, on observe une positivité plus importante sur les potentiels évoqués par les stimuli rares par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Comme ce qui a été observé ci-dessus lors des analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles dans la situation 'auditive passive' (chapitre 7.3.2.2.), la latence et la situation dans lesquelles les effets du facteur 'déviance' sont observés suggèrent la présence de certaines composantes sur les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares. La négativité témoignerait de la présence d'une composante MMN visuelle sur les potentiels évoqués par les stimuli rares. La positivité observée plus tardivement refléterait la présence de la composante P3a visuelle. La composante MMN visuelle a été étudiée en détail (chapitre 7.3.3.3.). La composante P3a visuelle n'étant pas identifiable chez tous les sujets, elle n'a pas pu faire l'objet d'analyses spécifiques dans ce travail.
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
Patients:
Les analyses de variance prenant en compte les 9 fenêtres temporelles pour chaque condition expérimentale (facteurs 'fenêtre' et 'déviance') mettent en évidence, pour le groupe de patients, un effet principal significatif (ou atteignant une tendance) du facteur 'fenêtre' dans les 4 conditions expérimentales (60° gauche: F (8,72) = 2,21; p < .05; 20° gauche: F (8,72) = 2,26; p < .05; 60° droite: F (8,72) = 1,86; p < .10 et 20° droite: F (8,72) = 3,68; p < .001). Comme pour les sujets témoins, cet effet reflète la présence de composantes (pics d'amplitude) sur les potentiels évoqués (Fig. 52). Le facteur 'déviance' ainsi que les interactions entre les facteurs 'déviance' et 'fenêtre' n'atteignent pas le seuil de significativité.
Bien que ces interactions soient non significatives, l'effet du facteur 'déviance' semble plus important dans certaines fenêtres (Fig. 52). Il est possible que la latence de chaque fenêtre ne corresponde pas précisément à la fenêtre de temps durant laquelle les potentiels évoqués par les stimuli rares se différencient des potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Malgré l'absence d'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance', nous avons donc étudié ces deux types de potentiels évoqués plus spécifiquement aux latences auxquelles un effet du facteur déviance est observé chez les sujets témoins (chapitres 7.3.3.3., analyses de la composante MMN visuelle).
*lorsque les diodes se situent à droite et de l'électrode CP6 lorsque les diodes se situent à gauche, pour la moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et pour la moyenne des 10 patients (en bas). Indication des 9 fenêtres temporelles de 50 ms en haut à droite. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées également en haut à droite de la figure.
Dans la situation passive, la différence d'amplitude, pour les sujets témoins, entre les potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et fréquents entre environ 160 et 220 ms après la survenue du stimulus visuel correspond à la composante MMN visuelle (Fig. 52). Cette différence est également présente pour les patients à cette latence lorsque les diodes se situent à droite. Lorsqu'elles se situent à gauche cette différence apparaît beaucoup plus tardivement (à environ 300 ms). Pour les deux groupes de sujets, cette composante peut aussi être observée sur les courbes résultant de la soustraction du potentiel évoqué par les stimuli visuels fréquents à celui consécutif aux stimuli visuels rares (Fig. 53). La topographie de cette composante sur les ondes de différence montre un pic négatif culminant sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes pour les deux groupes de sujets (Fig. 54). De plus, ce pic est situé dans les régions centro-pariétales pour les sujets témoins et pour les patients lorsque les diodes se situent à droite. Par contre, lorsqu'elles se situent à gauche, l'amplitude de cette composante est nettement plus frontale et centrale.
*lorsque les diodes se situent à gauche et de l'électrode CP3 (ou P5) lorsqu'elles se situent à droite, pour toutes les conditions expérimentales de la situation visuelle passive. Indication de la quantité de bruit par les zones grises sur chaque courbe. Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas).
Les caractéristiques de cette composante ont été étudiées à partir des courbes de différences. Comme la topographie de cette composante est assez diffuse et change légèrement en fonction des conditions et des groupes, nous avons pris en compte quatre électrodes contenant au moins l'électrode sur laquelle l'amplitude est maximale dans chaque condition, pour les deux groupes. Les mesures ont été recueillies au niveau de 4 électrodes sur l'hémisphère gauche (C1, C3, CP1 et CP3) et de 4 électrodes sur l'hémisphère droit (C2, C4, CP2 et CP4). Sur chaque électrode, l'amplitude moyenne des ondes de différence a été calculée de 160 à 200 ms après la présentation des stimuli pour les patients lorsque les diodes sont à droite et pour les sujets témoins quel que soit le côté de présentation des diodes. Pour les patients, lorsque les diodes se situent à gauche, les latences des composantes visuelles sont généralement beaucoup plus tardives. L'amplitude moyenne a été calculée, pour les patients, entre 250 et 310 ms après la présentation des stimuli dans les conditions '20° gauche' et '60° gauche'. Cette latence correspond à la fenêtre de temps durant laquelle cette composante est la plus ample. Pour chaque groupe, des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère' (moyenne des 4 électrodes sur l'hémisphère droit par rapport à la moyenne des 4 électrodes sur l'hémisphère gauche) ont été effectuées sur ces mesures d'amplitude moyenne.
Sujets témoins:
L'analyse de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli', 'angle' et 'hémisphère' met en évidence uniquement une interaction significative entre les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère'. Cette interaction va dans le sens d'une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (hémisphère gauche lorsque les diodes se situent à droite et hémisphère droit lorsqu'elles se situent à gauche - figure 55).
*Moyenne des 10 sujets témoins (en haut) et moyenne des 10 patients (en bas). Les échelles d'amplitude sont indiquées pour chaque carte de potentiel.
Patients:
Pour les patients, cette ANOVA montre un effet significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 49,48; p < .001). L'amplitude de la composante MMN visuelle est plus élevée lorsque les diodes se situent à droite que lorsqu'elles se situent à gauche (Fig. 55). Les autres facteurs et les interactions ne présentent aucun résultat significatif.
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
A partir de l'analyse de variance prenant en compte les données des deux groupes (facteurs: 'groupe', 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'), on observe une différence significative entre les patients et les sujets témoins (F (1,9) = 10,53; p < .01): la composante MMN est plus ample pour les sujets témoins que pour les patients (Fig. 55). Les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle' ne présentent pas d'effet principal significatif. L'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté' est significative (F (1,9) = 28,03; p < .001). Selon cette interaction, la différence entre les deux groupes est plus importante lorsque les diodes se situent du côté gauche que lorsqu'elles se situent du côté droit (Fig. 55).
De plus, l'interaction triple entre les facteurs 'groupe', 'côté de présentation des stimuli' et 'hémisphère' est significative (F(1,9) = 5,21; p < .05). Lorsque diodes sont à gauche, la différence entre les sujets témoins et les patients est plus importante sur l'hémisphère droit que sur l'hémisphère gauche. Par contre, lorsque les diodes sont à droite, la différence entre les deux groupes est plus importante sur l'hémisphère gauche que sur l'hémisphère droit (Fig. 56). Cette interaction triple est due essentiellement à deux effets: pour les sujets témoins, l'amplitude de la composante MMN est plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes alors que pour le groupe de patients, l'amplitude (tous angles confondus), est plus élevée sur l'hémisphère gauche quel que soit le côté de présentation des diodes.
*(voir le texte et la légende de la figure 55 pour des précisions sur les sites de mesures).
Du fait que la différence entre les deux groupes varie en fonction du côté de présentation des diodes et de l'hémisphère considéré, des tests t de Student ont été effectués pour chaque condition expérimentale et pour chaque hémisphère. Ces tests ont comparé les mesures des patients à celles des sujets témoins. Les résultats de ces tests (Tabl. 16) montrent que la différence entre les patients et les sujets témoins est significative au niveau de l'hémisphère gauche, uniquement lorsque les diodes se situent à gauche avec un angle de 60°. En revanche, au niveau de l'hémisphère droit, la différence entre les deux groupes est significative quel que soit l'angle des stimuli présentés à gauche. Lorsque les diodes se situent à droite, les différences entre les deux groupes sont toujours non significatives, tant au niveau de l'hémisphère droit que de l'hémisphère gauche.
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
L'ensemble de ces analyses montrent que la composante MMN visuelle est moins ample pour le groupe de patients que pour celui des sujets témoins lorsque les diodes se situent à gauche. Cette différence entre les deux groupes provient d'une amplitude significativement plus faible pour les patients au niveau de l'hémisphère droit lorsque les diodes sont à gauche (quel que soit leur angle). On observe également une différence entre les deux groupes au niveau de l'hémisphère gauche lorsque les diodes ont un angle de 60° sur la gauche.
La latence de la composante MMN visuelle a été mesurée sur l'onde de différence au niveau de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (électrode CP2 lorsque les diodes sont à gauche et électrode CP1 lorsqu'elles sont à droite). Ces mesures ont donné lieu à des analyses de variance, pour chaque groupe, prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'.
Sujets témoins:
L'analyse de variance ne met en évidence aucun effet des deux facteurs étudiés. L'interaction entre eux est également non significative.
Patients:
L'ANOVA effectuée sur les mesures de la latence de la composante MMN visuelle montre un effet principal significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 169,91; p < .001). Cet effet va dans le sens d'une composante MMN visuelle plus tardive lorsque les diodes sont à gauche que lorsqu'elles sont à droite (Fig. 57).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
L'analyse de variance comparant les patients et les sujets témoins met en évidence une différence significative entre les deux groupes (F (1,9) = 39,63; p < .001). La composante MMN visuelle est globalement plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 57). Cette analyse montre également un effet principal du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 142,34; p < .001). Cet effet est similaire à celui observé chez le groupe de patients uniquement: la latence est plus tardive lorsque les diodes sont à gauche (Fig. 57). Cet effet n'est pas présent dans les analyses portant sur le groupe de sujets témoins uniquement. L'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' est significative (F (1,9) = 94,20; p < .001). La différence entre les sujets témoins et les patients est importante lorsque les diodes se situent à gauche que lorsqu'elles sont à droite (Fig. 57).
*(électrode CP2 lorsque les diodes sont à gauche et électrode CP1 lorsqu'elles sont à droite), pour la moyenne des 10 patients (en bleu) et la moyenne des 10 sujets témoins (en rouge).
Afin de déterminer précisément dans quelles conditions les patients se différencient significativement des sujets témoins, nous avons effectué des tests t de Student comparant uniquement les deux groupes pour chaque condition expérimentale séparément. Ces tests ont révélé des effets significatifs uniquement lorsque les diodes sont à gauche (Tabl. 17).
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
Les analyses de la latence de la composante MMN visuelle révèlent deux résultats importants:
Dans le but de déterminer si les potentiels évoqués par les stimuli visuels cibles et par les stimuli visuels fréquents se différencient, nous avons analysé les courbes de ces deux types de potentiels évoqués de 50 à 500 ms après la présentation des diodes. L'amplitude moyenne a été calculée pour 9 fenêtres temporelles successives de 50 ms chacune. Ces mesures ont été recueillies au niveau de l'électrode CZ pour les deux groupes de sujets. Cette électrode a été choisie du fait qu'elle correspond globalement à la zone dans laquelle les deux types de potentiels évoqués présentent le plus de différence compte tenu de chacune des fenêtres temporelles pour le groupe de sujets témoins dans la situation 'visuelle attentive'. Les mesures d'amplitude moyenne ont donné lieu a des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'fenêtres' (les 9 fenêtres) et 'déviance' (stimuli cibles par rapport à stimuli fréquents) pour chaque condition expérimentale de la situation 'visuelle attentive', pour les patients et pour les sujets témoins séparément.
Sujets témoins:
Ces analyses de variance mettent en évidence un effet principal significatif du facteur 'fenêtre' dans les 4 conditions expérimentales (60° gauche: F (8,72) = 9,33; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 9,05; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 6,26; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 7,93; p < .001). L'amplitude des potentiels évoqués visuels varie globalement en fonction des fenêtres de temps considérées (Fig. 58). Cet effet est lié aux pics d'amplitude reflétant la présence de composantes sur les potentiels évoqués (P100, N160, N2b, P3b). De plus, pour chaque condition expérimentale, l'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' est significative (60° gauche: F (8,72) = 11,95; p < .001; 20° gauche: F (8,72) = 7,95; p < .001; 60° droite: F (8,72) = 6,61; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 6,99; p < .001). L'effet du facteur 'déviance' varie donc selon la fenêtre de temps. Il semble effectivement plus important dans les fenêtres 4 à 8 que dans les autres fenêtres (Fig. 58).
Dans le but de déterminer plus précisément sur quelles fenêtres le facteur 'déviance' présente un effet significatif, nous avons effectué des tests t de Student comparant les amplitudes moyennes des potentiels évoqués par les stimuli cibles et par les stimuli fréquents pour chaque fenêtre séparément. Les résultats de ces analyses sont présentés dans le Tabl. 18.
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
Les tests t de Student mettent en évidence plusieurs différences significatives entre les deux types de potentiels. D'une manière générale, les effets observés dans les fenêtres 3 à 5 vont dans le sens d'une négativité plus ample pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles. La latence (de 180 à 280 ms environ) et la situation dans laquelle cette négativité est observée suggèrent la présence de la composante N2b sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles (chapitre 1.1.3.2.). Nous avons étudié ci-dessous plus précisément cette négativité (chapitre 7.3.3.6.).
La différence entre les deux types de potentiels observée dans les fenêtres 6 à 8 provient d'une augmentation de la positivité pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles. Les caractéristiques de cette positivité (latence, situation,...) sont similaires à celles habituellement observées pour la composante P3b (chapitre 1.1.3.2.). Cette composante a fait l'objet d'analyses plus détaillées ci-dessous (chapitre 7.3.3.7.).
*Indication des 9 fenêtres temporelles de 50 ms en haut à droite. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées également en haut à droite de la figure.
Patients:
Les analyses portant sur l'amplitude moyenne au niveau de l'électrode CZ pour les 9 fenêtres temporelles, n'ont mis en évidence aucun résultat significatif pour les 4 conditions expérimentales. Cet absence d'effet significatif peut être lié à la différence de topographie des potentiels évoqués visuels entre les patients et les sujets témoins. En effet, les cartographies des potentiels évoqués par les stimuli visuels fréquents (Fig. 47) ainsi que celles des ondes de différences (Fig. 30 et 64) ne présentent pas la même topographie pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins Il est donc possible que l'absence d'effet observée dans les analyses des 9 fenêtres temporelles pour les patients provienne de cette différence de topographie puisque l'endroit des prises de mesures a été choisi en fonction des sujets témoins (correspondant également à ce qui est habituellement observé dans la littérature chez le sujet sain).
Nous avons donc effectué, pour les deux groupes, des analyses de l'amplitude moyenne des potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents, sur les 9 fenêtres temporelles au niveau de l'électrode P3 lorsque les diodes sont à droite et de l'électrode P4 lorsqu'elles sont à gauche. Ces électrodes ont été choisies parce qu'elles correspondent aux zones dans lesquelles l'amplitude de ces potentiels évoqués est globalement la plus élevée pour les patients. Ces mesures ont donné lieu à des analyses de variance similaires à celles effectuées ci-dessus pour les mesures recueillies au niveau de l'électrode CZ.
Pour le groupe de sujets témoins, les effets observés correspondent à ceux constatés ci-dessus dans les analyses portant sur l'électrode CZ. Dans les 4 conditions expérimentales, on observe un effet significatif du facteur 'fenêtre' et une interaction significative entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance'. Par conséquent, nous ne présentons pas les valeurs de ces nouvelles analyses. En revanche, pour les patients, ces ANOVAs ont révélé un effet significatif du facteur 'fenêtre' lorsque les diodes sont à droite avec un angle de 20° et de 60° (60° droite: F (8,72) = 3,75; p < .001 et 20° droite: F (8,72) = 2,20; p < .05). Un effet similaire est observé lorsque les diodes sont à gauche uniquement lorsqu'elles ont un angle de 60° (60° gauche: F (8,72) = 2,14; p < .05). Dans ces trois conditions ('20° droite', '60° droite' et '60° gauche'), l'amplitude des potentiels évoqués visuels varie en fonction de la fenêtre de temps considérée. Comme pour les sujets témoins, cet effet témoigne de la présence de pics sur les potentiels évoqués (Fig. 59).
De plus, lorsque les diodes se situent à droite, l'interaction entre les facteurs 'fenêtre' et 'déviance' atteint une tendance (60° droite: F (8,72) = 1,85; p < .10 et 20° droite: F (8,72) = 1,80; p < .10). Cette interaction met en évidence que l'effet du facteur 'déviance' varie selon la fenêtre considérée. Lorsque les stimuli visuels sont à gauche, aucune interaction significative n'est observée.
*Indication des 9 fenêtres temporelles de 50 ms pour chaque courbe. Les échelles d'amplitude et de temps sont indiquées également en haut à droite de la figure.
Dans le but de spécifier la latence à laquelle les potentiels évoqués par les stimuli cibles se différenciaient des potentiels évoqués par les stimuli fréquents lorsque les diodes sont à droite, nous avons effectué pour les patients, des tests t de Student sur les mesures recueillies au niveau de l'électrode P3, pour chaque fenêtre séparément. L'interaction entre les deux facteurs étudiés n'étant pas significative lorsque les diodes sont à gauche, les tests de Student n'ont pas été effectués dans les conditions '20° gauche' et '60° gauche'.
Les tests de Student, effectués pour les conditions '20° droite' et '60° droite', mettent en évidence des différences significatives entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et les potentiels évoqués par les stimuli fréquents dans les fenêtres 3 et 4 d'une part et dans la fenêtre 9 d'autre part. La première différence va dans le sens d'une négativité plus importante pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles (témoignant de la présence d'une composante N2b comme nous l'avons vu ci-dessus pour les sujets témoins). La différence observée dans la fenêtre 9 allant de 450 à 500 ms correspond à augmentation de la positivité pour ces potentiels évoqués. Comme pour les sujets témoins, cette positivité révèle la présence d'une composante P3b. Ces composantes ne semblent donc pas présentes lorsque les stimuli visuels cibles se situent à gauche pour le groupe de patients. Des analyses plus approfondies sur les composantes visuelles N2b et P3b sont présentées ci-dessous.
*Indication des valeurs des p, les effets significatifs (ou atteignant une tendance) sont indiqués en gras.
En résumé
L'ensemble des analyses effectuées sur ces fenêtres temporelles révèlent plusieurs résultats:
La composante N2b correspond à la différence d'amplitude que l'on peut observer, pour les sujets témoins, environ 200 à 250 ms après la survenue des stimuli visuels, entre les potentiels évoqués par les stimuli cibles et ceux consécutifs aux stimuli fréquents dans les analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles (Fig. 58). Cette composante peut être étudiée au niveau de l'onde de différence résultant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents à ceux évoqués par les stimuli cibles (Fig. 58 et 59). Sur les courbes de l'onde de différence au niveau de l'électrode CZ (Fig. 60), on observe un pic négatif environ entre 200 et 300 ms après la présentation des stimuli? chez les sujets témoins. Ce pic est également présent pour la moyenne des patients mais plus tardivement lorsque les diodes sont à droite, et encore plus tardivement lorsqu'elles sont à gauche. Bien que les analyses effectuées ci-dessus sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents (analyses des 9 fenêtres temporelles) n'ont pas mis en évidence la présence d'une composante N2b dans les conditions contenant des diodes sont à gauche, on observe tout de même une négativité sur les courbes de différence dans ces conditions. De plus, pour les deux groupes de sujets, la négativité (culminant entre 230 ms ou 300 ms selon le groupe et la condition) est plus ample que le bruit (indiqué par les zones grises sur chaque courbe de la figure 60). Sur les cartes de potentiel (Fig. 62), ce pic culmine dans les régions centrales, proche de l'électrode CZ.
Des mesures d'amplitude moyenne de l'onde de différence ont été calculées au niveau de l'électrode CZ (Fig. 60 et 62) pour les deux groupes de sujets. Pour les sujets témoins, toutes les mesures ont été faites entre 220 et 300 ms après la survenue des stimuli visuels. La composante N2b culminant plus tardivement pour les patients, les latences des mesures ont été ajustées. Lorsque les diodes se situent à droite, l'amplitude moyenne a été calculée de 260 à 340 ms, et lorsqu'elles sont à gauche, les mesures ont été prises de 280 à 360 ms. Des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droit) et 'angle' (60° par rapport à 20°) ont été effectuées pour les patients et les sujets témoins. Pour les sujets témoins comme pour les patients, aucun résultat significatif n'est présent dans ces analyses.
*et la moyenne des 10 patients (en bas), dans toutes les conditions de la situation 'visuelle attentive'. Présentation de l'échelle d'amplitude pour chaque courbe et de l'échelle de temps sur la courbe en haut à droite.
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge) dans les 4 conditions expérimentales de la situation 'visuelle attentive'.
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
Ces comparaisons ont révélé une différence significative entre les deux groupes de sujets (F (1,9) = 5,60; p < .05) qui va dans le sens d'une amplitude globalement plus élevée pour les sujets témoins que pour les patients (Fig. 61). Les facteurs 'coté' et 'angle' ainsi que toutes les interactions ne présentent pas d'effet significatif.
*Indication des échelles d'amplitude pour chaque carte de potentiel.
Les mesures concernant la latence du pic de la composante N2b visuelle ont été effectuées sur l'électrode CZ avec les mêmes caractéristiques que celles utilisées lors des mesures d'amplitude moyenne (latences différentes selon le groupe et la condition étudiée). Ces mesures ont fait l'objet d'analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle' pour les deux groupes de sujets.
Sujets témoins:
L'analyse de variance de la latence de la composante N2b visuelle ne met en évidence aucun effet principal des facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'. L'interaction entre ces deux facteurs est également non significative.
Patients:
L'ANOVA prenant en compte ces deux facteurs a révélé uniquement une tendance pour le facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 4,10; p < .10). Cet effet va dans le sens d'une composante N2b visuelle plus tardive lorsque les diodes sont à gauche que lorsqu'elles sont à droite (Fig. 63).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
La comparaison des deux groupes montre uniquement une différence significative entre les patients et les sujets témoins (F (1,9) = 30,37; p < .001). Cette différence va dans le sens d'une latence globalement plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins (Fig. 63).
*Moyenne des 10 patients (en bleu) et moyenne des 10 sujets témoins (en rouge) dans les 4 conditions expérimentales de la situation 'visuelle attentive'.
En résumé
L'analyse de la composante N2b visuelle a mis ainsi en évidence trois résultats:
Les analyses effectuées ci-dessus (chapitre 7.3.3.5.) sur les 9 fenêtres temporelles des potentiels évoqués par les stimuli visuels cibles et fréquents au niveau de l'électrode CZ, ont mis en évidence une différence entre les deux types de potentiels dans les fenêtres 6 à 8 pour les sujets témoins. Cette différence, qui provient d'une augmentation de la positivité pour les potentiels évoqués par les stimuli cibles, correspond à la composante P3b visuelle. Pour le groupe de patients, cette composante semble également présente lorsque les diodes sont à droite mais plus tardivement que pour les sujets témoins (Fig. 59). Par contre, lorsque les diodes sont à gauche, la présence d'une telle composante dans les analyses portant sur les 9 fenêtres temporelles n'a pas pu être mise en évidence. Cependant, sur les ondes de différence résultant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli fréquents aux potentiels évoqués par les stimuli cibles, on observe dans ces conditions une positivité culminant dans la région pariéto-occipitale de l'hémisphère gauche (Fig. 64). Le décours temporel des ondes de différence au niveau de l'électrode PZ révèle effectivement la présence d'une composante P3b qui culmine environ 450 ms après la présentation des diodes lorsqu'elles sont à droite (Fig. 64). Lorsqu'elles sont à gauche, cette composante culmine plus tardivement (environ à 500 ms). Les analyses effectuées sur les 9 fenêtres temporelles allant de 50 à 500 ms n'ont pas pu mettre en évidence une composante P3b lorsque les diodes sont gauche puisque cette composante semble atteindre son amplitude maximum vers 500 ms.
Nous avons donc analysé cette composante dans toutes les conditions expérimentales pour les deux groupes de sujets au niveau des ondes de différence. Les cartographies de ces ondes (Fig. 64) mettent en évidence un pic culminant dans la région centro-pariétale dans la majorité des conditions. Les mesures d'amplitude instantanée et de latence du pic de cette composante ont été effectuées au niveau de l'électrode PZ entre 300 et 600 ms après la présentation des stimuli visuels dans toutes les conditions expérimentales. Des analyses de variance prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' (gauche par rapport à droite) et 'angle' (60° par rapport à 20°) ont été effectuées pour chaque groupe sur les mesures d'amplitude d'une part et de latence d'autre part.
*Cartes de potentiel vues de derrière pour les sujets témoins et les patients. Indication de l'échelle d'amplitude pour chaque carte de potentiel. Les courbes de potentiel proviennent de l'électrode PZ.
Sujets témoins:
L'ANOVA prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle' n'a mis en évidence aucun effet des facteurs étudiés. L'interaction entre eux est également non significative.
Patients:
Cette analyse de variance montre, pour le groupe de patients, un effet du facteur 'côté de présentation des stimuli' qui atteint une tendance (F (1,9) = 4,54; p < .10). Cet effet va dans le sens d'une amplitude plus élevée lorsque les diodes se situent à droite que lorsqu'elles se situent à gauche (Fig. 65).
Comparaisons Patients - Sujets témoins
La comparaison entre les deux groupes met en évidence une tendance pour le facteur 'groupe' (F (1,9) = 3,63; p < .10). L'amplitude de la composante P3b présente une amplitude globalement moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins. De plus, l'interaction entre les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'groupe' est significative (F (1,9) = 9,36; p < .05). Selon, cette interaction, la différence entre les deux groupes varie en fonction du côté de présentation des diodes: elle est plus importante lorsque les stimuli sont à gauche que lorsqu'ils sont à droite (Fig. 65). Cette analyse n'a révélé aucun autre résultat significatif.
La différence entre les deux groupes n'étant pas similaire selon le côté de présentation des diodes, des tests t de Student ont été effectués pour chaque condition expérimentale séparément. Ces tests ont permis d'évaluer directement la différence entre les deux groupes pour chaque angle et chaque côté de stimulation (Tabl. 20). Ils mettent en évidence une différence significative entre les deux groupes uniquement dans les conditions expérimentales '60° gauche' et '20° gauche'. Lorsque les diodes se situent à droite, aucune différence entre les deux n'est significative.
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
L'ensemble des analyses de l'amplitude de la composante P3b met en évidence une amplitude moins élevée pour les patients que pour les sujets témoins lorsque les stimuli cibles sont à gauche. Cependant, la différence d'amplitude peut provenir de la différence de topographie que l'on observe entre les cartes de potentiels des patients et celles des sujets témoins lorsque les diodes sont à gauche (Fig. 65). Dans ces conditions, la composante P3b culmine dans la région pariétale (électrode PZ) pour la moyenne des sujets témoins, alors que pour les patients, cette composante atteint son maximum au niveau de l'hémisphère gauche, dans la région proche des électrode CP5 -P5.
Il est donc nécessaire de s'assurer que la différence entre les deux groupes est également présente lorsque les mesures sont recueillies précisément au niveau de l'électrode présentant l'amplitude la plus élevée pour chaque groupe. Dans ce but, des tests t de Student ont été effectués dans les conditions '60° gauche' et '20° gauche', sur les mesures recueillies au niveau de l'électrode P5 pour les patients et de l'électrode PZ pour les sujets témoins. Ces résultats confirment ce qui a été observé au niveau de l'électrode PZ: la différence entre les deux groupes est significative pour chacune des deux conditions (valeurs des p des tests t de Student: 60° gauche: p < .001 et 20° gauche: p < .035).
Les mesures de latence de cette composante ont été recueillies au niveau de l'électrode PZ, entre 300 et 600 ms après la présentation des diodes, sur les ondes de différence. Les latences ont été analysées pour chaque groupe, avec une ANOVA prenant en compte les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle'.
Sujets témoins:
Cette analyse de variance n'a mis en évidence aucun effet significatif ni aucune interaction significative.
Patients:
L'ANOVA effectuée sur les latences a révélé un effet principal significatif du facteur 'côté de présentation des stimuli' (F (1,9) = 14,00; p < .01). La composante P3b présente une latence plus tardive lorsqu'elle est évoquée par des diodes situées à gauche que lorsqu'elle est consécutive à des diodes situées à droite (Fig. 66). Cette analyse a mis également en évidence une interaction significative entre les facteurs 'côté de présentation des stimuli' et 'angle' (F (1,9) = 8,36; p < .05). La différence de latence en fonction du côté est plus importante lorsque les diodes ont un angle de 60° que lorsqu'elles ont un angle de 20° (Fig. 66).
Comparaisons Patients - Sujets témoins:
La comparaison des patients et des sujets témoins a mis en évidence un effet principal du facteur 'groupe' (F (1,9) = 118,87; p < .001). La latence de la composante P3b est globalement plus tardive chez les patients que chez les sujets témoins (Fig. 66). Cependant, l'interaction entre les facteurs 'groupe' et 'côté de présentation des stimuli' est significative (F (1,9) = 10,23; p < .011). La différence entre les deux groupes est plus élevée lorsque les diodes se situent à gauche que lorsqu'elles sont à droite (Fig. 66). Des tests t de Student ont été effectués pour chaque condition expérimentale dans le but de déterminer précisément les conditions dans lesquelles les deux groupes se différenciaient significativement. Cette différence est significative dans toutes les conditions, sauf dans la condition '60° droite' (Tabl. 21).
*Les résultats significatifs sont indiqués en gras.
En résumé, les analyses de la latence de la composante P3b visuelle révèlent donc une différence significative entre les patients et les sujets témoins lorsque les diodes se situent à '60° gauche', '20° gauche' ou encore '20° droite'. Dans ces trois conditions, la latence est significativement plus tardive pour le groupe de patients que pour le groupe de sujets témoins (Fig. 66).
A l'aide d'indices électrophysiologiques, le but de cette étude était de préciser les déficits visuels de patients héminégligents, de déterminer l'origine de ces déficits (atteinte des processus sensoriels, attentionnels automatiques ou attentionnels contrôlés) et d'analyser l'implication des zones temporo-pariétales droites dans les processus attentionnels. La composante N160 du potentiel évoqué visuel a été étudiée dans le but de déterminer l'intégrité des mécanismes perceptifs visuels chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales de l'hémisphère droit. L'objectif principal de cette étude a porté sur les mécanismes attentionnels visuels automatiques et contrôlés chez ces patients. Dans ce but, nous avons étudié la composante MMN, qui refléterait un mécanisme attentionnel automatique, la composante N2b qui témoignerait d'un mécanisme d'orientation volontaire de l'attention. La composante P3b a été également analysée dans le but d'analyser les processus d'identification des cibles.
D'une manière générale, les composantes des potentiels évoqués dans la modalité visuelle culminent à des latences plus tardives pour les patients que pour les sujets témoins. Cet effet nous a obligé à ajuster, dans certains cas, les prises de mesures de ces composantes afin d'être certain de comparer les mêmes composantes entre les deux groupes. Ces latences plus tardives étaient essentiellement présentes lorsque les stimuli visuels se situaient sur la gauche des patients. Plusieurs études (présentées dans l'introduction de ce chapitre) ont porté sur l'analyse de telles composantes chez des patients sans ajuster les fenêtres des prises de mesure. La majorité des conclusions de ces études ont porté sur l'absence ou sur l'amplitude faible d'une composante donnée (des travaux ont cependant également observé des latences plus tardives pour les patients). Les conclusions de ces études ont suggéré que telle composante (par exemple P100 visuelle) ne soit pas similaire chez les patients et chez les sujets. Néanmoins, elle peut être présente avec une amplitude normale chez les patients mais la latence de son pic d'amplitude serait plus tardif. Nous avons choisi de prendre en compte (en ajustant les fenêtres des prises de mesure) les différences de latence entre les deux groupes dans les conditions où ces différences se sont avérées nettement présentes, afin de ne pas conclure à une différence d'amplitude, ou à une absence de telle composante, alors qu'il s'agit simplement d'une différence de latences. Cependant, la différence de latence elle-même est un résultat important discuté ci-dessous dans les conditions correspondantes.
La composante N160, en potentiel, est présente dans toutes les conditions expérimentales pour le groupe des sujets témoins. Elle culmine environ 160 ms après la présentation des stimuli visuels, dans les régions pariéto-occipitales sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes (Fig. 58). Pour les patients, cette composante est similaire lorsque les diodes se situent à droite. Cependant, lorsqu'elles se situent à gauche, cette composante culmine environ 260 ms après la présentation des diodes. A la latence habituelle de la composante N160, on observe pour le groupe de patients dans ces conditions, un pic dont la topographie et la polarité (positive) correspondent à la composante P100 du potentiel évoqué visuel (Fig. 58). L'étude de cette composante a donc pris en compte ces différences de latence et les fenêtres des prises de mesures ont été ajustées de manière à correspondre au moment où l'amplitude de la composante N160 atteint son maximum. De plus, les cartes de potentiels ont mis en évidence que la topographie de cette composante varie légèrement entre les deux groupes et entre les conditions expérimentales.
La présence d'une composante N160 très tardive pour les patients nous a incité à étudier cette composante en densité de courant également. La densité de courant présente des propriétés différentes de celles du potentiel, elle fournit souvent des résultats intéressants et complémentaires à ceux observés en potentiel (voir chapitre 3.1.3.2.). Conformément aux caractéristiques des potentiels et des densités de courant, le complexe 'puit-source' de la composante N160 en densité de courant présente une topographie beaucoup moins étalée que celle observée sur le potentiel de cette composante pour les deux groupes de sujets, dans toutes les conditions expérimentales (Fig. 47 et 58). L'étude de cette composante, analysée sur les courbes évoquées par les stimuli fréquents dans les situations 'visuelle passive' et 'visuelle attentive', a mis en évidence trois résultats principaux, en potentiel ou en densité de courant. Les deux premiers résultats portent sur l'amplitude de la composante N160, le dernier concerne sa latence.
Variations d'amplitude de la composante N160 en fonction de l'angle des diodes
Pour les patients comme pour les sujets témoins, l'amplitude de la composante N160 est plus élevée lorsque les stimuli visuels se situent à 20° que lorsqu'ils se situent à 60° (Fig. 45 et 50). Ce résultat est observé, dans la situation 'visuelle passive' et dans la situation 'visuelle attentive', sur les données en potentiel (Fig. 48), mais également sur celles de la source de courant occipitale (Fig. 49) et des puits de courant pariéto-occipitaux (Fig. 50). La composante N160 visuelle présente généralement des variations topographiques en fonction de l'angle des stimuli visuels (voir notamment Lesèvre et Rémond, 1972). Dans notre étude, nous avons analysé cette composante en prenant en compte plusieurs régions du scalp afin de rechercher la présence de telles variations, mais aucune modification de la topographie en fonction de l'angle des diodes n'a pu être mise en évidence dans les analyses. Nous avons donc choisi de ne présenter que les mesures effectuées sur la zone présentant l'amplitude la plus élevée sur l'ensemble des conditions expérimentales. Ces mesures ont mis en évidence des variations d'amplitude en fonction de l'angle des stimuli visuels. Ce résultat est très consistant puisqu'il apparaît sur les données en potentiel et en densité de courant (source et puits).
Un résultat similaire a été observé dans l'étude de Viggiano et al. (1995) utilisant des stimuli visuels 'steady-state' situés soit presque en face du sujet, soit sur le côté (de 12 à 72 minutes d'arc). Pour leur groupe de sujets normaux, l'amplitude des potentiels 'steady-state' consécutifs à des stimuli visuels centraux était plus élevée que celle des potentiels consécutifs à des stimuli visuels périphériques. Cette augmentation de l'amplitude lorsque les stimuli sont centraux, alors que la stimulation elle-même est identique, serait due, selon les auteurs, à une implication plus importante de la région fovéale lorsque les stimuli sont centraux (Fukui et al., 1986; Mecacci et al., 1990; Blumhardt et Hallyday, 1979). Dans leurs études, une telle différence d'amplitude était atténuée, voire nulle, chez les patients héminégligents contrairement à nos résultats.
Topographie controlatérale de la composante N160 pour les patients et les sujets témoins
L'étude des puits de courant pariéto-occipitaux a mis en évidence, chez les sujets témoins, une amplitude plus élevée sur l'hémisphère controlatéral que sur l'hémisphère ipsilatéral au côté de présentation des diodes. Pour les patients, la comparaison des amplitudes sur chaque hémisphère des puits de courant n'a pas mis en évidence un tel résultat pour ce groupe. En revanche, la présence d'une latéralisation en faveur de l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes est observée pour les patients (et pour les sujets témoins) au niveau des données en potentiel. La présence d'un résultat sur les données en potentiel et non sur celles en densité de courant (ou vice-versa), peut provenir des propriétés différentes entre ces deux types de données. En effet, comme nous l'avons présenté dans le chapitre 3, la densité de courant reflète principalement l'activité de générateurs proches de la surface, son amplitude diminue très vite en fonction de la profondeur des générateurs, contrairement à ce qui est observé pour le potentiel. Pour les patients, la présence d'une asymétrie au niveau de la topographie de la composante N160 (en faveur de l'hémisphère controlatéral) n'est observée que sur les données en potentiel, elle proviendrait principalement de générateurs situés plutôt en profondeur, dans l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes.
Contrairement à la modalité auditive, les projections corticales des voies visuelles ne sont pas bilatérales (chapitre 1.1.4.1.). Le cortex visuel primaire de l'hémisphère droit reçoit des fibres contenant les informations visuelles de l'espace gauche (ou hémichamp visuel gauche) et le cortex visuel primaire de l'hémisphère gauche reçoit des fibres contenant les informations visuelles de l'espace droit.
Augmentation de la latence de la composante N160 en potentiel lorsque les diodes se situent à gauche pour les patients
Finalement, le troisième résultat portant sur la composante N160 visuelle concerne la latence de cette composante en potentiel uniquement (Fig. 51). En effet, la latence de cette composante est plus tardive, pour les patients par rapport aux sujets témoins, dans les conditions contenant des diodes à gauche (tous les angles) ou des diodes à droite avec un angle de 20°. Lorsque les diodes sont situées plus en périphérie sur la droite (60°), les deux groupes ne se différencient plus. Pour le groupe de patients uniquement, on observe d'ailleurs une composante N160 (en potentiel) plus tardive lorsqu'elle est consécutive à des diodes situées à gauche que lorsqu'elle est évoquée par des diodes se situant à droite.
Des études utilisant des stimulations visuelles 'steady-state' ont mis en évidence des résultats similaires. Chez des patients héminégligents affectés de lésions dans l'hémisphère droit, Spinelli et al. (1994), Spinelli et Di Russo (1996) et Angelelli et al. (1996) ont en effet montré une augmentation des latences des potentiels évoqués par des stimuli visuels situés du côté gauche, par rapport aux latences observées lorsque les stimuli étaient présentés du côté droit et aux latences observées des deux côtés pour des patients ne présentant pas d'héminégligence. Les résultats observés pour notre groupe de patients vont dans le même sens que ceux observés ces études. De plus, dans certains travaux (Verleger et al., 1996; Spinelli et al., 1994; et Spinelli et Di Russo, 1996), l'amplitude des composantes précoces du potentiel évoqué visuel (ou 'steady-state') ont présenté des diminutions d'amplitude pour des patients héminégligents. A partir de ces études concernant la latence et l'amplitude des composantes précoces visuelles, il serait tentant de conclure que, chez des patients présentant des lésions temporo-pariétales de l'hémisphère droit, les processus perceptifs visuels seraient déficitaires lorsque les stimuli visuels se situent à gauche, ou du moins qu'ils seraient plus lents que ceux opérant sur des stimuli situés à droite.
Cependant, l'étude de la densité de courant ne montre pas de différences de latence entre les deux groupes, quel que soit le côté de présentation des diodes. La composante N160 en densité de courant, contrairement à celle en potentiel, suggère donc une préservation de ses générateurs. Les résultats que nous avons observés en potentiel, ainsi que ceux des études allant dans le même sens, ne proviendraient donc pas d'une atteinte des générateurs de cette composante mais d'une modification de la propagation des ondes à travers le cerveau qui devraient traverser des zones dans lesquelles les tissus seraient lésés (Abboud et al., 1996). Il semble donc plus probable que les générateurs de la composante N160 visuelle seraient intacts mais que des lésions distantes des électrodes déforment complètement l'aspect du potentiel, en modifiant la propagation du signal. En revanche, la densité de courant ne serait modifiée que si la lésion touchait les générateurs placés immédiatement sous les électrodes. La déformation de la composante N160 étant observée essentiellement en potentiel, assez loin des électrodes occipito-pariétales, les lésions modifieraient la latence de cette composante mais les générateurs eux-mêmes seraient indemnes.
En résumé
L'étude de la composante N160 a mis en évidence trois résultats différents. En ce qui concerne l'amplitude de cette composante, elle est plus élevée lorsque les diodes ont un angle de 20° que de 60° d'une part, et l'hémisphère controlatéral présente une composante plus ample que l'hémisphère ipsilatéral au côté de présentation des diodes d'autre part. L'effet de l'angle des stimuli visuels est très robuste, il est présent pour les données en potentiel comme pour les données en densité de courant, pour les deux groupes, dans les situations passive et attentive. En revanche, les différences concernant la latéralisation topographique de cette onde est présente en potentiel, pour les deux groupes, et densité de courant pour les sujets témoins uniquement.
L'analyse de la latence de cette composante a montré, pour le groupe de patients, un effet du côté de présentation des diodes sur les données en potentiel uniquement qui va dans le sens d'une composante plus tardive pour les patients lorsque les diodes se situent à gauche, quel que soit leur angle, et lorsqu'elles ont un angle de 20° sur la droite. Un tel effet n'est pas observé sur les données en densité de courant. Lorsque les stimuli visuels se situent du côté gauche, il semble donc qu'un effet des lésions, situées dans l'hémisphère droit, soit présent mais sur les données en potentiel seulement. Les analyses effectuées sur le potentiel et la densité de courant de cette composante apportent des informations complémentaires qui permettent de préciser que les modifications de la composante N160 visuelle observées en potentiel chez les patients semblent être la conséquence d'une altération des tissus situés entre les générateurs de cette composante et l'électrode sur laquelle le potentiel est recueilli à la surface du scalp (Abboud, 1996). Nous suggérons donc que les aires visuelles primaires, sous-jacentes à la composante N160, ne soient pas déficitaires chez ces patients.
La présence d'une composante MMN visuelle chez les patients et les sujets témoins a été recherchée à partir des potentiels évoqués par les stimuli visuels rares et fréquents. Nous avons étudié les variations d'amplitude de ces deux types de potentiels pour chaque condition séparément. Pour les sujets témoins, les potentiels évoqués par les stimuli rares présentent une négativité plus ample que celle observée sur les potentiels évoqués par les stimuli fréquents, environ 160 ms après la présentation des stimuli dans toutes les conditions expérimentales (Tabl. 15 et Fig. 52). Pour le groupe de patients, bien que les potentiels évoqués par les stimuli rares présentent une amplitude plus élevée que les potentiels évoqués par les stimuli fréquents (Fig. 52), les analyses statistiques n'ont pas mis en évidence de différences significatives. Nous avons suggéré que les différences d'amplitude entre les deux types de potentiels évoqués ne parviennent pas à être présentes dans les analyses statistiques du fait que les fenêtres prises en compte dans les analyses statistiques ne correspondraient pas systématiquement aux zones dans lesquelles les deux types de potentiels évoqués se différencient le plus. En dépit de ces résultats, nous avons donc étudié la composante MMN visuelle chez les patients en ajustant les prises de mesures de manière à ce qu'elles correspondent aux zones dans lesquelles les amplitudes des ondes de différence sont maximales. Nous rappelons que la composante MMN visuelle a permis d'étudier les mécanismes attentionnels automatiques dans la modalité visuelle. A notre connaissance, aucune recherche jusqu'à présent n'avait étudié cette composante dans la modalité visuelle chez des patients héminégligents. La présence d'une telle composante en vision n'a d'ailleurs été mise en évidence que très récemment (voir chapitre 6 de ce travail, et Tales et al., 1999).
Comme pour l'onde N160 visuelle, la composante MMN culmine plus tardivement pour les patients que pour les sujets témoins dans certaines conditions expérimentales (lorsque les stimuli se situent à gauche). Dans ces conditions, nous avons ajusté les latences des prises de mesures de manière étudier 'réellement' la composante MMN chez les patients. Les analyses de l'amplitude, de la topographie et de la latence de la composante MMN visuelle ont mis en évidence trois résultats principaux.
Différence de latéralisation hémisphérique de la composante MMN visuelle entre les patients et les sujets témoins
La comparaison des amplitudes de cette composante entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche a mis en évidence des effets différents entre les deux groupes de sujets (interaction triple). La comparaison entre ces groupes a mis en évidence que la différence entre les patients et les sujets témoins au niveau des amplitudes recueillies sur chaque hémisphère dépend du côté de présentation des diodes. En effet, lorsque les diodes se situent à droite, la différence entre les deux groupes est plus importante sur l'hémisphère gauche que sur l'hémisphère droit, alors qu'on observe le contraire lorsque les diodes se situent à gauche (Fig. 54). Cette différence de topographie provient d'une diminution générale de l'amplitude de cette composante au niveau de l'hémisphère droit pour le groupe de patients.
Les analyses effectuées séparément pour chaque condition expérimentale (tests t de Student, Tabl. 17) n'ont révélé aucune différence. En revanche, ces tests ont permis de préciser que la différence entre les deux groupes est présente sur l'hémisphère droit lorsque les diodes se situent à gauche (à 20° comme à 60°). Une différence entre les patients et les sujets témoins a été également observée au niveau de l'hémisphère gauche, lorsque les diodes situées à gauche avaient un angle de 60°. L'amplitude de la composante MMN pour les patients (par rapport aux sujets témoins) est donc plus faible sur l'hémisphère droit lorsque les diodes sur la gauche ont un angle de 20° et de 60°, et sur l'hémisphère gauche lorsqu'elles ont un angle de 60°.
Comme nous l'avons déjà abordé lors de la présentation des résultats, ces effets proviennent essentiellement d'une différence de topographie entre les deux groupes lorsque les stimuli visuels se situent à gauche. Pour les sujets témoins, l'amplitude est plus élevée sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes pour toutes les conditions expérimentales, alors que pour les patients, l'amplitude est globalement plus élevée sur l'hémisphère gauche, quels que soient le côté et l'angle de présentation des diodes.
Diminution de l'amplitude et augmentation de la latence de la composante MMN visuelle pour les patients lorsque les diodes se situent à gauche
Un des résultats concernant cette composante porte sur une diminution de l'amplitude de la composante MMN visuelle lorsque les diodes sont présentées du côté gauche que lorsqu'elles sont présentées du côté droit pour le groupe de patients uniquement. Les comparaisons entre les patients et les sujets témoins ont montré que la différence entre les deux groupes est plus importante lorsque les diodes se situent du côté gauche que lorsqu'elles sont du côté droit (Fig. 53 et 55). Les analyses partielles (tests de Student) ont confirmé ce résultat en mettant en évidence que cette différence entre les deux groupes n'est pas présente lorsque les diodes se situent sur la droite, et qu'elle est observée lorsqu'elles se situent à gauche (Tabl. 17).
Pour les patients héminégligents, l'amplitude de la composante MMN visuelle varie donc en fonction du côté de présentation des diodes. Cette diminution refléterait un déficit des mécanismes attentionnels automatiques visuels spécifique au côté négligé. Un effet similaire est également observé pour la latence de cette composante. La composante MMN présente des différences de latence entre les deux groupes allant dans le sens d'une composante MMN plus tardive pour les patients. Ces différences sont plus importantes lorsque les diodes se situent à gauche que lorsqu'elles se situent à droite. Ces résultats proviennent d'une augmentation importante de la latence, pour les patients, lorsque les diodes se situent à gauche, à 20° comme à 60° (Fig. 57 et Tabl. 17). Cette différence en fonction du côté de présentation n'est présente que chez le groupe de patients.
En résumé
Ces résultats ont mis en évidence une différence de topographie de la composante MMN visuelle entre les deux groupes d'une part; et une diminution d'amplitude et une augmentation de la latence de cette composante, pour les patients, lorsque les stimuli visuels se situent à gauche, d'autre part. Nous rappelons que la composante MMN visuelle reflèterait des processus automatiques de détection d'un changement dans l'environnement. Les différences, concernant les patients lorsque les diodes se situent à gauche, témoigneraient d'un déficit des processus attentionnels automatiques spécifiques aux stimuli visuels situés sur la gauche.
Les générateurs de la composante MMN visuelle n'ont pas encore été spécifiés en détail dans la littérature. Cependant, d'après les résultats observés chez des sujets normaux (chapitre 6), les activités sous-jacentes à cette composante proviendraient de deux zones différentes: une zone occipito-pariétale dans la région du cortex visuel (controlatérale à l'hémichamp visuel stimulé) et une zone dans la région frontale droite. Les générateurs de la composante MMN auditive semblent être localisés dans les aires temporales (cortex auditif) et dans la région frontale droite (Giard et al., 1990). Pour les composantes MMN auditive et visuelle, nous avons suggéré que les zones sous-jacentes à ces composantes contiennent d'une part des zones propres à chaque modalité (zone occipito-pariétale en visuel et zone temporale en auditif), et d'autre part une zone commune aux deux modalités (ou deux zones très proches), située dans la région frontale droite.
Nos résultats montrent donc que des lésions situées dans les régions temporo-pariétales de l'hémisphère droit (Fig. 17) entraînent des déficits concernant les processus attentionnels automatiques principalement lorsque les stimuli visuels se situent du côté gauche. Lorsque les stimuli visuels se situent à droite, la composante MMN refléterait l'activité d'un générateur occipito-pariétal dans l'hémisphère gauche (hémisphère indemne) et d'un générateur frontal droit (zone indemne). En revanche, des stimuli visuels présentés à gauche entraîneraient une composante MMN ayant une source occipito-pariétale droite et frontale droite. Les lésions de ces patients laissant indemnes les zones frontales droites, les modifications d'amplitude (diminutions), observées lorsque les diodes se situent à gauche, seraient liées à la présence d'un générateur lésé dans la région pariétale de l'hémisphère droit.
Les potentiels évoqués par les stimuli cibles et par les stimuli fréquents ont fait l'objet d'analyses préliminaires qui ont permis de déterminer dans quelles conditions les composantes N2b et P3b étaient présentes chez les sujets témoins et chez les patients. La présence de ces composantes devait se traduire par une augmentation de la négativité (composante N2b) et de la positivité (composante P3b) sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles par rapport aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents. Pour les sujets témoins, ces deux composantes ont été observées dans toutes les conditions sur les potentiels évoqués par les stimuli cibles et sur les ondes de différences résultant de la soustraction des potentiels évoqués par les stimuli cibles aux potentiels évoqués par les stimuli fréquents (Fig. 60 et 64). En revanche, pour les patients, les analyses portant sur ces deux types de potentiels évoqués ont mis en évidence essentiellement des différences lorsque les diodes se situent à droite (Tabl. 19). Comme pour la composante MMN présentée ci-dessus, il est possible que les fenêtres découpent les pics lors de ces analyses préliminaires ne couvrent pas précisément, par conséquent, les zones dans lesquelles les potentiels évoqués par les stimuli cibles et fréquents se différencient le plus. De ce fait, bien que les analyses ne mettent pas en évidence de différences significatives entre les deux types de potentiels lorsque les stimuli visuels se situent à gauche, nous avons analysé ces deux composante sur les ondes de différences chez les patients, dans toutes les conditions expérimentales.
Sur les courbes des ondes de différence (Fig. 60) ainsi que sur les cartes de potentiels (Fig. 62), on observe un pic négatif culminant environ 240 ms après la survenue des stimuli visuels. Pour les sujets témoins, la topographie et la latence de ce pic au niveau des ondes de différence correspondent à ce qui est habituellement observé pour la composante N2b visuelle (Näätänen et Gaillard, 1983). Pour les patients, les caractéristiques des prises de mesures pour les composantes N2b et P3b ont été ajustées en latence et en topographie pour le groupe de patients, pour les conditions dans lesquelles les courbes n'étaient pas similaires à celles du groupe de sujets témoins. Nous rappelons que l'onde N2b a été étudiée dans le but d'évaluer les mécanismes d'orientation volontaire de l'attention vers une cible visuelle. Les analyses de cette composante ont mis en évidence deux résultats principaux.
Diminution de l'amplitude et augmentation de la latence de la composante N2b visuelle pour les patients
La comparaison de l'amplitude entre les deux groupes a mis en évidence une composante N2b moins ample pour les patients que pour les sujets témoins. Cette diminution semble être indépendante du côté et de l'angle de présentation des diodes (Fig. 60 et 61). La composante N2b visuelle présente également des résultats intéressants concernant sa latence: elle est plus tardive pour les patients que pour les sujets témoins d'une part, et pour les patients, elle est plus tardive lorsqu'elle est évoquée par des diodes situées à gauche d'autre part (Fig. 63). Nous avons déjà observé ci-dessus que les composantes des potentiels évoqués visuels culminaient plus tardivement pour le groupe de patients, essentiellement lorsque les diodes se situaient sur la gauche. Ces résultat témoigneraient globalement d'un déficit concernant les mécanismes d'orientation volontaire de l'attention chez des patients affectés de lésions temporo-pariétales droites.
Une autre composante assez proche de l'onde N2b été étudiée par Verleger et al. (1996) chez des patients héminégligents. Il s'agit de la composante Nd qui présente une réduction de l'amplitude de cette composante pour les stimuli controlatéraux à l'hémisphère lésé. Nos résultats confirment cet effet mais suggèrent également une atteinte des processus sous-jacents à la composante N2b pour les stimuli présentés du côté droit également (effets sur l'amplitude).
Diminution de l'amplitude et augmentation de la latence de la composante P3b pour les patients lorsque les diodes se situent à gauche
L'étude de l'amplitude de la composante P3b visuelle met en évidence une amplitude moins élevée lorsque les diodes se situent à 20° et à 60° sur la gauche, pour les patients par rapport aux sujets témoins. Cette différence entre les deux groupes est liée à une diminution importante de l'amplitude de cette composante lorsque les stimuli se situent à gauche pour ces patients. De plus, la latence de cette composante est plus tardive pour les patients dans ces conditions (20° gauche et 60° gauche) mais également lorsque les diodes se situent à droite avec un angle de 20° (Tabl. 21). Cette différence en fonction de la position des diodes est similaire à ce que nous avons observé au niveau des réponses comportementales (chapitre 7, Tabl. 9): les patients se différencient des sujets témoins lorsque les cibles visuelles à détecter se situent sur la gauche mais également lorsqu'elles se situent sur la droite, proche du centre (20°).
Verleger et al. (1996) ainsi que Lhermitte et al. (1985) ont également étudié cette composante chez des patients héminégligents. Leurs résultats ont mis en évidence une diminution de l'amplitude et une augmentation de la latence de la composante P300 lorsque les stimuli visuels se situaient du côté controlatéral à la lésion (Lhermitte et al., 1985; Verleger et al., 1996). Les résultats observés dans notre étude confirment donc ceux constatés dans ces études mais indiquent qu'il existe également des déficits lorsque les stimuli visuels se situent sur la droite, proche du centre. Ces déficits s'observeraient dans notre étude par une augmentation de la latence de la composante P3b visuelle, notamment.
En résumé
Les résultats principaux concernant la composante N2b diffèrent donc légèrement de ceux constatés pour la composante P3b. Pour les patients, les modifications de la première composante sont observées lorsqu'elle est évoquée par des stimuli visuels se situant à gauche mais également quand ils se situent à droite. En revanche, la composante P3b présente des modifications principalement lorsque les diodes se situent à gauche et lorsqu'elles se situent à droite avec un angle de 20°. En considérant ces résultats d'un point de vue global, ils suggèrent que l'atteinte des zones temporo-pariétales droites entraîne des difficultés au niveau de l'attention volontaire lorsqu'elle porte sur des cibles visuelles situées à gauche mais également lorsqu'elles se situent à droite.
L'étude des zones sous-jacentes aux composantes N2b et P3b chez le sujet sain a suggéré des sources multiples situées dans l'hémisphère droit. Certaines sources seraient localisées au niveau des zones pariétales (pour une revue voir Halgren et al., 1998 et chapitre 1.1.3.2.). Cette localisation correspond avec la présence d'activités observées au niveau de ces zones dans des tâches impliquant une attention soutenue en imagerie fonctionnelle (Corbetta et al, 1993, 2000 notamment). Ces zones seraient activées lorsque l'attention porte sur la droite comme lorsqu'elle porte sur la gauche. Les lésions observées chez le groupe de patients étant localisées principalement au niveau des aires temporo-pariétales de l'hémisphère droit, elles correspondent aux régions actives dans les études portant sur l'attention sélective visuelle. Les modifications des composantes N2b et P3b observées pour le groupe de patients proviendraient donc des lésions qui engloberaient certains générateurs de ces composantes. Ces résultats suggèrent donc que dans la région pariétale droite, certaines zones soient responsables des processus d'orientation volontaire de l'attention pour le côté gauche et pour le côté droit.
D'une manière générale, on observe pour le groupe de patients des latences plus longues pour les potentiels évoqués par des stimuli visuels situés sur la gauche par rapport aux latences observées lorsque les stimuli se situent sur la droite, et par rapport aux latences constatées chez les sujets témoins, quel que soit le côté de présentation des stimuli. Cette augmentation de latence peut provenir de deux effets différents: soit les générateurs sont déficitaires et leur activité est plus lente, soit les générateurs sont indemnes mais les zones lésées se situeraient entre ces générateurs et les électrodes sur le scalp, elles déformeraient et retarderaient la propagation du signal. Les résultats que nous avons observés pour la composante N160 suggèrent un tel effet. Lorsque cette composante est évoquée par des stimuli visuels se situant dans l'espace gauche, sa latence est retardée et son amplitude est diminuée sur les données en potentiel et non en densité de courant. Ces dernières présentent des caractéristiques similaires pour les patients et les sujets témoins.
Nous avons donc suggéré que les modifications de la composante N160 ne proviennent pas d'une atteinte des générateurs puisque cette composante est 'normale' sur les données en densité de courant. En revanche, les tissus lésés situés entre le générateur de cette composante (dans l'hémisphère droit) et les électrodes sur le scalp modifieraient l'apparence de cette composante en potentiel. La présence de modifications qui ne concernent que les données en potentiel suggèrent que les générateurs de cette composante en densité de courant, qui se situent à la surface du cortex, sont indemnes. La densité de courant reflète en effet principalement l'activité de générateurs situés en surface. Ces résultats ont mis en évidence l'importance d'analyser d'une façon détaillée les effets observés. Si nous n'avions pas étudié les données en densité de courant, nous aurions conclu à l'absence de la composante N160 pour les patients lorsque les stimuli visuels se situent à gauche. Cependant, il aurait été difficile d'expliquer ce résultat puisque les lésions ne concernent pas, dans la majorité des cas, les zones des générateurs de cette composante (zones occipitales principalement).
Pour la composante N160 visuelle, on observe un effet de l'angle des diodes sur l'amplitude de cette composante en potentiel comme en densité de courant pour les deux groupes de sujets. Ce résultat va dans le même sens que ce qui a été observé lors de l'étude des réponses comportementales dans ce travail (chapitre 7): cette composante est plus ample lorsque les diodes sont plus centrales (20° au lieu de 60°) et les sujets détectent plus de diodes 'centrales' (20°) que périphériques (60°). D'une manière générale, les performances sont meilleures et plus précises pour les événements visuels situés en face que pour ceux situés dans notre champ visuel périphérique. Bien que les diodes situées à 20° ne correspondent pas à la région fovéale du champ visuel, elles se situent tout de même nettement moins en périphérie que les diodes situées à 60°.
En ce qui concerne les processus attentionnels automatiques dans la modalité visuelle, les résultats des analyses de la composante MMN visuelle ont mis en évidence, pour le groupe de patients, la présence de déficits principalement lorsque les stimuli se situent du côté gauche. Nous rappelons que cette onde serait composée d'un générateur frontal droit et d'un générateur occipito-pariétal droit ou gauche selon le côté de présentation des stimuli visuels. Les voies visuelles se projetant dans l'hémisphère controlatéral à l'hémichamp visuel stimulé, seul le générateur situé dans cet hémisphère serait activé. Chez le sujet sain, cette activité s'accompagne d'une autre activité dans la zone frontale droite et produit une composante MMN, au niveau du scalp, plus ample sur l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes. Nous avons conclu que les modifications de la composante MMN chez les patients, lorsque les diodes se situent à gauche, seraient liées à une atteinte spécifique du générateur occipito-pariétal droit de cette composante. Ce générateur se situeraient donc dans les zones lésées chez ce groupe de patients. La présence d'une composante MMN visuelle normale lorsque les diodes se situent à droite provient d'une préservation des générateurs occipito-pariétal gauche et frontal droit.
L'étude des processus attentionnels contrôlés visuels a mis en évidence principalement des déficits concernant l'espace gauche et l'espace droit pour le groupe de patients. Les résultats concernant la composante P3b suggèrent toutefois des déficits plus importants pour l'espace gauche que pour l'espace droit. Nos études confirment l'implication des zones temporo-pariétales droites dans les processus attentionnels contrôlés et suggèrent que ces processus soient globalement déficitaires dans le groupe de patients héminégligents étudiés.
En conclusion, cette étude montre:
L'attention est une fonction cognitive complexe et nécessaire à un grand nombre de nos comportements dans la vie quotidienne. Les caractéristiques et le fonctionnement de cette fonction ne sont pas encore bien connus et compris. Une des questions majeures concernant l'attention porte sur les bases cérébrales de cette fonction et sur son aspect multimodalitaire. Les études présentées dans cette thèse avaient pour objectif d'apporter de nouvelles réponses à ces questions. Nous rappelons ci-dessous les principaux résultats observés dans les 4 études exposées dans le présent travail.
La première étude, effectuée sur un groupe de sujets sains (chapitre 6), avait pour objectif de rechercher, dans la modalité visuelle, la présence d'une composante visuelle similaire à la composante MMN observée dans la modalité auditive. Nous rappelons que cette composante refléterait un processus de détection automatique d'un changement dans l'environnement. Elle est observée lors de la survenue d'un stimulus nouveau parmi un train de stimuli tous similaires. Cette étude a mis en évidence une composante dans la modalité visuelle dont les stimuli qui l'évoquent, la latence de son apparition et la situation dans laquelle elle est observée indiquent qu'elle est apparentée à une composante MMN. De plus, la topographie de cette composante visuelle suggère qu'elle soit composée d'une source dans la région occipito-pariétale de l'hémisphère controlatéral à l'hémichamp visuel stimulé (hémisphère droit ou gauche selon le côté de présentation des stimuli visuels) et d'une source frontale droite. Nous avons suggéré que cette dernière soit similaire à celle observée pour cette composante dans la modalité auditive. Cette étude a donc révélé la présence d'un processus attentionnel automatique similaire dans les deux modalités, dont une partie des bases neurales (la région frontale droite) serait supramodalitaire (ou du moins concernerait les modalités auditive et visuelle).
La composante MMN visuelle, mise en évidence chez des sujets sains, a été utilisée dans les études 3 et 4 portant sur les patients héminégligents qui étaient tous affectés de lésions cérébrales dans l'hémisphère droit. Ces patients présentaient des difficultés à s'orienter, à décrire et à réagir aux événements se situant dans l'espace gauche. Selon beaucoup d'auteurs, ces difficultés seraient liées à un déficit de l'attention pour le côté gauche. Cependant, le processus déficitaire sous-jacent à ces troubles n'est pas encore clairement identifié. L'étude de ces patients avait deux buts: déterminer le type de mécanisme attentionnel qui serait préservé ou déficitaire dans ce syndrome, et préciser le rôle des zones lésées dans les processus attentionnels. Ce syndrome permet en effet d'étudier le système attentionnel puisque ces patients présentent des déficits attentionnels concernant spécifiquement l'espace gauche. Les trois études effectuées sur ces patients ont permis d'une part d'évaluer les capacités de détection de cibles auditives ou visuelles situées à droite ou à gauche des patients (étude 2, chapitre 7), et d'autre part d'analyser les processus attentionnels automatiques (étude 3, chapitre 8) et contrôlés (étude 4, chapitre 9) dans les deux modalités.
Ces études effectuées chez un même groupe de patients permettent donc de comparer les processus attentionnels dans la modalité auditive et dans la modalité visuelle mais aussi d'analyser les processus attentionnels automatiques par rapport aux processus attentionnels contrôlés. Nos analyses ont porté principalement sur les variations de l'amplitude et la latence de composantes du potentiel évoqué auditif et visuel en fonction de l'angle ou du côté de présentation des stimuli. Les variations d'amplitude recueillie sur l'hémisphère lésé et sur l'hémisphère sain ont également été étudiées dans certains cas (pour certaines composantes). Ces variations portaient essentiellement sur une diminution de l'amplitude. Cette diminution ne peut pas provenir directement de la diminution du nombre de neurones actifs due aux lésions puisque la plupart des composantes étudiées provenaient d'une soustraction entre deux potentiels évoqués. Nous présentons ci-dessous brièvement les résultats observés pour chaque composqnte, dans les deux modalités.
En résumé, et d'une manière générale, les patients présentent des déficits plus importants pour les processus attentionnels contrôlés que pour les processus automatiques avec toutefois certaines différences entre les deux modalités. En effet, les processus automatiques seraient moins déficitaires dans la modalité auditive que dans la modalité visuelle. Les zones cérébrales sous-jacentes à la composante MMN auditive (reflétant un processus attentionnel automatique) seraient présentes dans chaque hémisphère alors que la composante MMN visuelle serait composée d'une source dans un seul hémisphère, l'hémisphère droit ou gauche selon le côté de présentation des diodes, avec une source frontale droite pour les deux composantes quel que soit le côté de présentation des stimuli.
Pour la modalité auditive, nous avons suggéré que quand une des sources est atteinte consécutivement à des lésions cérébrales, les structures cérébrales correspondant à la source située dans l'hémisphère sain pourrait 'prendre en charge' l'information devait être traitée dans l'autre hémisphère (lésé), en présentant toutefois une activité asymétrique entre les deux hémisphères. La représentation bilatérale des sources (temporales) de la composante MMN auditive pourrait permettre de compenser la perte d'un des générateurs temporaux. Les processus attentionnels automatiques dans la modalité auditive, dont témoignerait la composante MMN, ne seraient donc pas déficitaires chez des patients affectés de lésions unilatérales droites. En revanche, une telle organisation bilatérale n'est apparemment pas présente dans la modalité visuelle: seul l'hémisphère controlatéral au côté de présentation des diodes serait activé (en plus de la zone frontale droite). En cas de lésion d'une des sources occipito-pariétales de cette composante, la représentation unilatérale de ces sources ne pourrait pas compenser cette perte. Pour les patients présentant des lésions dans l'hémisphère droit, le traitement automatique des stimuli visuels situés dans l'espace gauche, reflété par la composante MMN visuelle, serait donc déficitaire. En revanche, ce traitement serait normal lorsque les stimuli visuels se situent à droite (traitement effectué dans l'hémisphère gauche). Les processus attentionnels automatiques auditifs et visuels auraient donc certaines zones cérébrales en commun (la zone frontale droite) mais leur organisation globale, et plus précisément leur latéralisation hémisphérique, serait différente.
En ce qui concerne les processus attentionnels contrôlés, les résultats sont plus simples et plus similaires dans les deux modalités. Le résultat concernant les composantes N2b et P3b a mis en évidence principalement des déficits concernant l'espace gauche mais également l'espace droit. L'existence d'un trouble attentionnel non latéralisé a été également suggérée par Robertson notamment (1989). Nous avons cependant précisé que les difficultés de détection de cibles visuelles pouvaient être présentes dans l'espace droit mais uniquement lorsque les cibles se trouvent proches du centre (20° sur la droite par exemple). En revanche, les difficultés sont observées pour toutes les cibles se situant sur la gauche, quel que soit leur angle. Ces résultats suggèrent que des lésions pariétales droites affectent globalement les processus attentionnels contrôlés pour l'espace gauche et l'espace droit.
Ces résultats ne sont pas en accord avec tous les modèles explicatifs de l'héminégligence que nous avons présentés dans le chapitre 2. En effet, le modèle de Kinsbourne (1972; 1987) postule que des lésions situées dans l'hémisphère droit entraîneraient une asymétrie de la répartition de l'attention entre les deux hémisphères: l'espace droit bénéficierait de toutes les ressources attentionnelles provenant de l'hémisphère gauche, indemne. En revanche l'espace gauche n'aurait plus de ressources attentionnelles puisqu'elles devraient provenir de l'hémisphère droit affecté de lésions. Le second modèle que nous avons décrit est celui de Heilman (Heilman et al., 1978; 1983; 1994). Selon cet auteur, les difficultés observées chez des patients héminégligents seraient consécutives à un déficit d'activation provenant de lésions touchant le lobe pariétal inférieur.
Pour notre groupe de patients héminégligents, les déficits (diminution du nombre de cibles détectées, diminution de l'amplitude et augmentation de la latence des composantes N2b et P3b dans la plupart des conditions expérimentales) observés dans l'espace gauche peuvent être expliqués par ces modèles mais la présence de déficits similaires dans l'espace droit n'est pas compatible avec ces modèles. De plus, nous rappelons que les observations dans la littérature mettent en évidence des déficits plus sévères et plus persistants lorsque les lésions se situent dans l'hémisphère droit que lorsqu'elles concernent l'hémisphère gauche. Il semble donc que les ressources attentionnelles gérées au niveau de l'hémisphère droit soient plus importantes que celles gérées dans l'hémisphère gauche, contrairement à ce que Kinsbourne et Heilman postulent.
D'après le modèle de Posner (1984; 1987), les déficits proviendraient d'une 'aimantation' vers l'espace droit empêchant les patients de prendre en compte les événements ou les objets situés sur leur gauche. Les patients seraient donc 'sous-attentifs' pour l'espace gauche, ce qui va dans le sens des résultats que nous observons, mais ils seraient 'super-attentifs' pour les stimuli situés à droite, ce qui ne correspond pas à nos résultats. En effet, les patients présentent également des déficits pour l'espace droit, tant au niveau des réponses comportementales et des potentiels évoqués. Il semble donc difficile de considérer que les patients seraient 'super-attentifs' pour l'espace droit. Selon Gainotti (notamment Gainotti et al., 1986), les déficits lors de lésions unilatérales droites concerneraient spécifiquement l'orientation automatique de l'attention pour les objets et les événements situés sur la gauche. Nos résultats suggèrent effectivement une atteinte de ces processus (concernant principalement la composante MMN visuelle), mais ils seraient moins déficitaires que les processus attentionnels volontaires, que Gainotti n'incrimine pas dans son modèle. Ces deux modèles ne permettent donc pas de rendre compte des résultats que nous avons observé.
Les résultats que nous avons obtenus seraient plutôt en faveur de l'hypothèse de Mesulam (1981, chapitres 1.3.5. et 2.4.3.) postulant une gestion asymétrique de l'attention entre les deux hémisphères. Les ressources attentionnelles de l'hémisphère gauche seraient dévolues à l'espace droit uniquement alors que celles de l'hémisphère droit seraient dévolues à l'espace gauche mais également à l'espace droit. Lors d'une lésion cérébrale dans l'hémisphère droit, les ressources attentionnelles deviendraient 'nulles' pour l'espace gauche mais elles diminueraient également pour l'espace droit puisqu'elles ne bénéficient plus de la contribution de l'hémisphère droit. En effet, les patients étudiés présentaient des déficits dans l'espace gauche mais également dans l'espace droit. Chez les sujets témoins, nous avons également observé un résultat qui irait dans le sens de ce modèle: ces sujets (ainsi que les patients) ont détecté moins de cibles visuelles du côté gauche que du côté droit. Il semblerait donc que le côté droit bénéficierait, même chez le sujet sain, de ressources attentionnelles plus importantes, ou plus efficaces, que le côté gauche. Parmi les modèles de l'attention, et parmi les modèles explicatifs de l'héminégligence, nos résultats mettent en évidence une asymétrie hémisphérique des processus attentionnels (contrôlés) en faveur de l'hémisphère droit, ils confirmeraient ainsi ce que Mesulam suggère dans son modèle.
En conclusion, notre travail montre qu'il existe une organisation cérébrale différente entre les processus attentionnels automatiques et contrôlés, dans les modalités auditive et visuelle. Dans la modalité auditive, la présence de sources dans les deux hémisphères pour les processus attentionnels automatiques permettrait de préserver ces mécanismes en cas de lésions temporo-pariétales unilatérales. Une telle organisation bilatérale n'est pas présente pour les processus automatiques visuels qui seraient donc déficitaires lorsque les stimuli se situent sur la gauche, en cas de lésions droites. En revanche, les mécanismes attentionnels contrôlés, auditifs et visuels, seraient principalement assurés au niveau de l'hémisphère droit. En cas de lésion touchant les bases neurales de l'attention dans cet hémisphère, l'orientation volontaire de l'attention serait donc déficitaire pour l'espace gauche mais également pour l'espace droit. L'étude des potentiels évoqués reflétant des processus attentionnels automatiques ou contrôlés a donc permis de mettre en évidence une organisation hémisphérique différente de ces deux types de processus. Elle a également révélé des bases neurales communes aux modalités auditive et visuelle, au niveau de la région frontale droite, pour les processus attentionnels involontaires et non conscients. Finalement, l'étude de ces deux types de processus, chez des patients héminégligents, conforte l'hypothèse de Mesulam suggérant une implication plus importante de l'hémisphère droit dans l'attention.